DOSSIER THÉMATIQUE XXIIe Journée scientifique FFCD-PRODIGE Cancer du côlon : quoi de neuf ? Colon cancer: what’s new? T. Aparicio* L’ année 2010 n’a pas vu se produire d’avancée majeure dans le traitement des cancers colorectaux. La déception concernant les thérapies ciblées en adjuvant se poursuit. En cas de cancer métastatique, le nombre d’associations possibles augmente, et des études stratégiques sont nécessaires pour préciser le positionnement des différentes thérapies en fonction de facteurs prédictifs biologiques ou pharmacogénétiques. Cancer du côlon non métastatique * Service de gastroentérologie, hôpital Avicenne, Bobigny. À l’ASCO, en 2010, les résultats de l’essai N0147 du NCCTG testant un traitement adjuvant par FOLFOX-4 simplifié avec ou sans cétuximab après résection d’un cancer du côlon de stade III sur 1 760 patients dont la tumeur ne présentait pas de mutation KRAS ont été présentés. Il n’y avait pas d’amélioration de la survie sans récidive à 3 ans (75,8 % dans le bras FOLFOX seul et 72,3 % dans le bras FOLFOX + cétuximab [NS]). Une augmentation significative des toxicités de grade 3-4 était observée dans le bras cétuximab (71 % versus 51 % ; p < 0,001). Le pourcentage de patients ayant pu recevoir les 12 cycles était plus faible dans le bras cétuximab (65 % versus 77 % ; p < 0,001). Les sujets de plus de 70 ans avaient plus de diarrhées sévères et de neutropénies de grade 4 dans les 2 groupes. La proportion de patients de plus de 70 ans ayant reçu les 12 cycles de l’association FOLFOX-4 + cétuximab n’était que de 49,6 % (1). Les résultats de l’essai PETACC 8 devraient être disponibles en 2012 pour confirmer ou infirmer ces observations. Dans un tout autre registre, les résultats de l’étude VICTOR ont été publiés. Cette étude de phase III, portant sur 2 434 patients, a comparé l’intérêt d’un 74 | La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 traitement par rofécoxib à celui d’un placebo après résection d’une tumeur du côlon de stade II ou III et traitement par chimiothérapie adjuvante. L’essai a été arrêté prématurément à la suite du retrait du rofécoxib. Le traitement par rofécoxib n’a pas permis de diminuer significativement le risque de récidive (RR = 0,89 ; IC95 : 0,76-1,04 ; p = 0,15) ni le risque de décès (RR = 0,97 ; IC95 : 0,81-1,16 ; p = 0,75). Cependant, la puissance de l’essai est insuffisante en raison de son arrêt prématuré, alors que l’inclusion de 7 000 patients avait été initialement prévue ; d’autre part, la durée du traitement par rofécoxib, de 8 mois en moyenne, était trop courte. Notons que le nombre de récidives à 1 an était significativement diminué dans le groupe traité par rofécoxib (110 versus 141 récidives ; p = 0,044). Le niveau d’expression de COX-2 dans la tumeur n’avait pas de valeur pronostique ; cependant, le risque relatif de récidive dans le sous-groupe des patients avec une expression de COX-2 élevée était de 0,75 en faveur des patients traités. Cette différence n’est pas significative (p = 0,42), probablement du fait d’un manque de puissance (2). Un essai américain testant l’intérêt du célécoxib en adjuvant, toujours en cours, est donc à suivre. Cancer du côlon métastatique Une étude de phase III australienne MAX a comparé, chez 471 patients, un traitement par capécitabine (C), capécitabine + bévacizumab (CB) et capécitabine + bévacizumab + mitomycine (CBM). La survie sans progression (critère de jugement principal) était significativement plus longue dans les bras CB (8,5 mois) et CBM (8,4 mois) que dans le bras C (5,7 mois) [p < 0,001]. En revanche, la survie globale n’était pas améliorée par l’ajout de bévacizumab ou de ­m itomycine Résumé L’année 2010 a été marquée par les résultats négatifs du cétuximab en traitement adjuvant. Concernant les cancers du côlon métastatiques, il apparaît que le bénéfice du cétuximab est variable selon les drogues de chimiothérapie auquel il est associé et que le bévacizumab pourrait avoir un intérêt en monothérapie en traitement d’entretien. Le traitement par panitumumab permet d’améliorer la survie sans progression des patients traités en première et deuxième lignes. L’étude des polymorphismes génétiques pourra peut-être permettre de mieux adapter les traitements au patient à l’avenir. (18,9 mois dans le bras C ainsi que dans le bras CB et 16,4 mois dans le bras CBM, différence non significative). La plupart des patients ont reçu une deuxième ligne de chimiothérapie, ce qui peut expliquer l’absence de bénéfice de survie globale (3). Une étude grecque monocentrique randomisée a comparé une chimiothérapie par FOLFIRI à la même chimiothérapie associée au bévacizumab chez 222 patients, en première ligne. Il n’a pas été mis en évidence de bénéfice à l’ajout du bévacizumab pour la survie globale (22 mois dans le bras FOLFIRI + bévacizumab et 25 mois dans le bras FOLFIRI seul ; p = 0,139). Cependant, dans cette étude, le traitement par bévacizumab était arrêté après 6 mois et n’était pas repris en cas de progression. L’absence d’amélioration de la survie globale était donc prévisible et ces résultats plaident indirectement plutôt pour un traitement prolongé par bévacizumab (4). Une étude espagnole présentée à l’ASCO en 2010 a randomisé 480 patients entre 6 cycles de XELOX + bévacizumab et soit la poursuite de la même chimiothérapie, soit un traitement d’entretien par bévacizumab seul. La toxicité neurologique et les cas de syndrome mains-pieds étaient moins importants dans le bras traitement d’entretien par bévacizumab. La survie sans progression depuis le début de la chimiothérapie était de 10,4 mois dans le bras poursuite de la chimiothérapie et de 9,7 mois dans le bras poursuite du bévacizumab seul. La survie globale était de 23,4 mois dans le bras poursuite de la chimiothérapie et de 21,7 mois dans le bras poursuite du bévacizumab seul. Ces résultats n’étaient pas significativement différents, mais l’étude manque de puissance pour affirmer l’équivalence. Dans cette étude, il n’y avait aucun bras comportant une pause sans chimiothérapie (5). L’étude PRODIGE 9, en cours, devrait répondre à la question de l’intérêt du maintien du bévacizumab pendant l’intervalle libre de chimiothérapie. Concernant les anticorps anti-EGFR, l’étude PRIME a comparé une chimiothérapie par FOLFOX au FOLFOX + panitumumab chez 1 183 patients. Dans le sous-groupe des patients ne présentant pas de mutation KRAS tumorale, la survie sans progression était de 9,6 mois versus 8 mois (p = 0,02) en faveur du bras avec panitumumab, et la survie globale était de 23,9 mois versus 19,7 mois (p = 0,07). Dans le sous-groupe des patients avec mutation KRAS, la survie sans progression était significativement diminuée dans le bras traité par panitumumab. Ce résultat confirme l’effet délétère de l’association d’oxaliplatine et d’anticorps anti-EGFR en cas de mutation KRAS (6). Une autre étude de phase III a comparé, en deuxième ligne, une chimiothérapie par FOLFIRI à l’association FOLFIRI + panitumumab chez 1 186 patients. Chez les patients ne présentant pas de mutation tumorale KRAS, l’association a permis d’améliorer significativement la survie sans progression (5,9 mois versus 3,9 mois ; p = 0,004). La survie globale n’était pas significativement améliorée (14,5 mois versus 12,5 mois ; p = 0,12). Dans le sousgroupe avec mutation KRAS, il n’y avait pas de différence d’efficacité selon le bras de traitement (7). À l’ASCO, en 2010, les résultats de l’étude COIN, qui a comparé une chimiothérapie par FOLFOX ou XELOX avec ou sans cétuximab, ont révélé, chez 729 patients sans mutation KRAS, l’absence de bénéfice de l’addition de cétuximab, en termes de survie globale (17,9 mois sans versus 17,0 avec) ou de survie sans progression (8,6 mois dans les 2 bras). Il faut noter que les patients traités par l’association FOLFOX-cétuximab avaient une meilleure survie sans progression que ceux traités par l’association CAPOX-cétuximab. L’association du cétuximab à la capécitabine a provoqué plus de 30 % de cas de diarrhée de grade 3-4, ce qui a conduit à diminuer la posologie de capécitabine. Cette association est donc à déconseiller (8). Les résultats d’une analyse groupée des études CRYSTAL (phase III comparant, en première ligne, FOLFIRI à FOLFIRI + cétuximab) et OPUS (phase II randomisée comparant FOLFOX à FOLFOX + cétuximab) ont été rapportés à l’ASCO en 2010. Chez les patients sans mutation KRAS, l’adjonction de cétuximab améliore significativement la survie globale (23,5 mois versus 19,5 mois ; p = 0,006), la survie sans progression (9,6 mois versus 7,6 mois ; p < 0,0001) et le taux de réponse (57,3 % versus 38,5 % ; p < 0,0001). Pour les patients avec une mutation tumorale pour BRAF, le pronostic est beaucoup plus mauvais ; cependant, il persiste un bénéfice pour les patients traités par cétuximab. Contrairement à ce qui avait été suggéré dans d’autres études, la présence d’une mutation BRAF ne paraît pas être une raison de ne pas traiter par cétuximab (9). Mots-clés Cancer du côlon Chimiothérapie adjuvante Chimiothérapie palliative Abstract In 2010, negative results of cetuximab in adjuvant setting were reported. For advanced colorectal cancer treatment it appears that the benefit of cetuximab is variable according to the chemotherapy drugs used in association. Bevacizumab may be useful in maintenance therapy and panitumumab prolonged progression-free survival in first and second lines. In the future, polymorphism screening should allow tailored treatment. Keywords Colon cancer Adjuvant chemotherapy Palliative chemotherapy La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue • Vol. XIV - n° 2 - mars-avril 2011 | 75 DOSSIER THÉMATIQUE XXIIe Journée scientifique FFCD-PRODIGE Cancer du côlon : quoi de neuf ? La première étude de pharmacogénétique issue d’un essai FFCD a été publiée. Vingt polymorphismes des gènes de DPD, TS, MTHFR, ERCC1, ERCC2, GSTP1, GSTM1, GSTT1 et UGT1A1 ont été génotypés à partir d’un prélèvement sanguin obtenu chez 349 patients inclus dans l’essai FFCD 2000-05. Des polymorphismes de la TS et de GSTT1 étaient associés à la réponse au LV5FU2 et au FOLFOX. L’allèle MTHFR-1298C était associé à la réponse à l’oxaliplatine. Le bénéfice de l’oxaliplatine pour la survie sans progression était associé aux allèles TS-5’UTR 2R/2R et 2R/3R. Ces données doivent être confirmées par d’autres études, mais elles encouragent à poursuivre la recherche dans les essais FFCD en cours (10). ■ Conflit d’intérêts. L’auteur déclare avoir un conflit d’intérêts avec Roche. Références bibliographiques 1. Alberts SR, Sargent DJ, Smyrk TC et al. Adjuvant mFOLFOX6 with or without cetuximab (Cmab) in KRAS wild-type (WT) patients (pts) with resected stage III colon cancer (CC): Results from NCCTG Intergroup Phase III Trial N0147. J Clin Oncol 2010;28(Suppl. 18):abstract CRA3507. 2. Midgley RS, McConkey CC, Johnstone EC et al. Phase III randomized trial assessing rofecoxib in the adjuvant setting of colorectal cancer: final results of the VICTOR trial. J Clin Oncol 2010;28:4575-80. 3. Tebbutt NC, Wilson K, Gebski VJ et al. Capecitabine, bevacizumab, and mitomycin in first-line treatment of metastatic colorectal cancer: results of the Australasian Gastrointestinal Trials Group Randomized Phase III MAX Study. J Clin Oncol 2010;28:3191-8. 4. Stathopoulos GP, Batziou C, Trafalis D et al. Treatment of colorectal cancer with and without bevacizumab: a phase III study. Oncology 2010;78:376-81. 5. Tabernero J, Aranda E, Gomez A et al. Phase III study of first-line XELOX plus bevacizumab (BEV) for 6 cycles followed by XELOX plus BEV or single-agent (s/a) BEV as maintenance therapy in patients with metastatic colorectal cancer: The MACRO Trial (Spanish Cooperative Group for the Treatment of Digestive Tumors [TTD]). J Clin Oncol 2010;28(Suppl. 15):abstract 3501. s econd-line treatment in patients with metastatic colorectal cancer. J Clin Oncol 2010;28:4706-13. 8. Maughan TS, Adams R, Smith CG et al. Identification of potentially responsive subsets when cetuximab is added to oxaliplatin-fluoropyrimidine chemotherapy (CT) in first-line advanced colorectal cancer (aCRC): Mature results of the MRC COIN trial. J Clin Oncol 2010;28(Suppl. 15):abstract 3502. 6. Douillard JY, Siena S, Cassidy J et al. Randomized, phase III 9. Bokemeyer C, Kohne CH, Rougier P et al. Cetuximab with trial of panitumumab with infusional fluorouracil, leucochemotherapy (CT) as first-line treatment for metastatic vorin, and oxaliplatin (FOLFOX4) versus FOLFOX4 alone colorectal cancer (mCRC): Analysis of the CRYSTAL and as first-line treatment in patients with previously untreated OPUS studies according to KRAS and BRAF mutation status. metastatic colorectal cancer: the PRIME study. J Clin OncolUn autre regard sur v otre spécialité J Clin Oncol 2010;28(Suppl. 15):abstract 3506. 2010;28:4697-705. 10. Boige V, Mendiboure J, Pignon JP et al. Pharmacogenetic 7. Peeters M, Price TJ, Cervantes A et al. Randomized phase III assessment of toxicity and outcome in patients with meta­ study of panitumumab with fluorouracil, leucovorin, and static colorectal cancer treated with LV5FU2, FOLFOX, and irinotecan (FOLFIRI) compared with FOLFIRI alone as FOLFIRI: FFCD 2000-05. J Clin Oncol 2010;28:2556-64. edimark edimark LK_LHGE-EDTV-bandeau-0112.indd 1 08/02/11 17:07