De nombreuses études de phase II avaient montré des taux
de réponse importants au niveau de la tumeur primaire. Scher
(22), en 1990, avait revu 43 essais comprenant plus de
1000 patients ayant reçu une chimiothérapie néoadjuvante. Il
s’agissait d’études non contrôlées, avec des effectifs limités
(entre 9 et 49 patients) sauf pour deux d’entre elles ayant
inclus 71 et 100 patients. Les traitements, les tumeurs, les cri-
tères de réponse étaient hétérogènes. Aucune analyse de
l’impact d’une chimiothérapie première ne pouvait être tirée
de cette revue globale tant en ce qui concernait le pourcentage
de patients présentant une réponse complète ou majeure ayant
permis de rendre opérables des tumeurs inopérables initiale-
ment, qu’à l’égardde la proportion de traitements conserva-
teurs rendus possibles. Geller (7) concluait alors à la nécessité
absolue d’essais randomisés.
Au MSKCC (Memorial Sloan Kettering Cancer Center), les
premiers traitements néoadjuvants avant chirurgie ont débuté
en 1985. Scher, en 1988 (21), a rapporté chez 50 patients un
taux de réponse de 63 % avec le MVAC. Dans une série de
111 cancers de vessie avancés localement T2-4 N0 M0,
publiée ultérieurement, la survie à 5 ans était de 54 % (22). En
analyse uniparamétrique, le stade (T) initial (p = 0,0001),
l’existence d’une hydronéphrose (p = 0,007) et d’une masse
palpable (p = 0,008) avaient une signification pronostique. En
analyse multivariée, seuls le stade pT initial et le stade pT
postchimiothérapie conservaient cette signification pronos-
tique. Une association entre le downstaging postchimiothéra-
pie et la survie n’était retrouvée que pour les formes à exten-
sion extra-vésicale : le taux de survie à 5 ans était de 54 % en
cas de downstaging versus 12 % dans le cas contraire. Avec
une médiane de suivi de 5,3 ans, la survie à 5 ans était de 52 %
(60 % pour les T2, 58 % pour les T3a, 35 % pour les T3b-T4),
similaire aux taux rapportés après cystectomie seule. Cette chi-
miothérapie avait enfin permis de traiter 26 patients sur 111
par cystectomie partielle (9). Il faut cependant noter que douze
patients avaient récidivé entre 5 et 48 mois après la cystecto-
mie partielle (46 %). Ce type de traitement conservateur n’a
été réalisé dans le cadre d’un essai que par l’équipe du
MSKCC. Il ne fait pas partie des pratiques recommandées.
D’autres équipes ont utilisé une chimiothérapie néoadjuvante
avant un traitement locorégional utilisant une radio-chimiothé-
rapie concomitante. Kaufman (11) a rapporté en 1995 dans le
New England Journal of Medicine l’expérience du MGH
(Massachussetts General Hospital) avec un traitement asso-
ciant, après RTU maximale, une chimiothérapie par CMV sui-
vie d’une radio-chimiothérapie concomitante. Les patients en
rémission complète étaient traités par un boost de radiothéra-
pie. Au total, 58 % des patients ont présenté une rémission
complète, mais il faut noter que 21 % n’ont pas eu le protocole
complet. Avec une médiane de 48 mois, 28 patients (53 %)
étaient en vie et seulement 3 avaient rechuté sous une forme
invasive. Rubinov (18), avec le même schéma, mais sans
qu’une cystectomie soit prévue de principe pour les patients
non répondeurs, a publié, chez 56 patients, un taux de rémis-
sion complète de 80 % et une survie actuarielle à 2 ans de
80 %. Dans un autre essai, rapporté par Cervek (4), ayant
inclus 45 patients T2-4 Nx M0 traités par RTU maximale et
trois à quatre cycles de CMV avant radio-chimiothérapie
concomitante, le taux de réponse complète était de 53 % après
chimiothérapie. Avec un suivi médian de deux ans, 68 % des
patients avaient conservé leur vessie, 53 % étaient en rémis-
sion tumorale et le taux de survie actuarielle était de 73 %.
Tester (32) a publié en 1996 les données de l’essai 8802 du
RTOG (Radiation Therapy Oncology Group) ayant inclus
91 patients T2-4 M0, traités par deux cycles de CMV suivis
d’une radiothérapie de 39,6 Gy avec du cisplatine concomitant
(70 mg/m2J1 et J21). Les patients en rémission complète pour-
suivaient leur association radio-chimiothérapie, les autres
étaient traités par cystectomie. Trente-six des 70 patients
(46 %) traités de façon conservatrice ont rechuté au niveau de
la vessie. La survie actuarielle à 4 ans était de 62 % (IC 95 % :
52-72 %). Le taux de survie actuarielle avec vessie intacte était
de 44 % (IC 95 % : 34-54 %).
Enfin, l’équipe de Shipley a présenté à l’ASCO 2001 (12) une
actualisation de la longue expérience de 1986 à 1997 du MGH
dans le traitement conservateur du cancer de vessie. Cent
quatre-vingt-dix patients présentant une tumeur localisée
(90 T2, 100 T3-T4a), 90 ayant bénéficié d’une RTU macrosco-
piquement complète, ont été traités soit par une chimiothérapie
néoadjuvante suivie d’une association radio-chimiothérapie
(n = 98), soit par une association radio-chimiothérapie seule
(n = 92). Avec une médiane de suivi de 6,7 ans, le taux de
rémission complète pour l’ensemble des patients a été de 63 %
(74 % pour les tumeurs classées T2, 53 % pour les tumeurs
T3-T4a). La présence d’une hydronéphrose représentait un
paramètre pronostique péjoratif important pour l’obtention
d’une rémission complète (37 % en présence d’hydronéphrose,
68 % en son absence, p = 0,002) et la nécessité d’une cystecto-
mie (31 % en son absence versus 60 % dans le cas contraire,
p=0,004). Le stade clinique influençait la survenue de méta-
stases à distance (22 % pour les T2 versus 37 % dans les T3-
T4a, p = 0,03) et les pronostics à 5 ans et à 10 ans (respective-
ment de 62 % et 41 % pour les T2 versus 47 % et 31 % pour
les T3-T4a, p = 0,02). La survie spécifique était de 63 % à
5ans (74 % pour les T2, 53 % pour les T3-T4a) et de 60 % à
10 ans. La survie spécifique avec vessie en place était, à 5 ans,
de 57 % pour les T2 et de 35 % pour les T3-T4a et, à 10 ans,
respectivement de 50 % et de 34 %. Chez les 121 patients mis
en rémission complète, 61 % n’ont pas rechuté, 22 % ont pré-
senté une tumeur superficielle et 17 % une tumeur invasive ;
21 % ont dû subir une cystectomie. Une cystectomie a été réa-
lisée chez 66 patients (35 %) dans le cadre des indications pré-
vues par le protocole. Il n’y a, en revanche, pas eu de nécessité
de recours à la cystectomie pour complication. La survie spéci-
fique des patients ayant eu une cystectomie immédiate (n = 41)
était de 50 % à 5 ans ; elle était de 45 % en cas de cystectomie
de sauvetage (n = 25). Shipley a conclu de cette expérience
qu’avec une survie à 5 ans de 55 % et une survie spécifique à
5ans de 64 %, les résultats de ces traitements conservateurs
semblaient comparables à ceux de la cystectomie radicale. Une
cystectomie rapide chez les non-répondeurs ou chez les
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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 1 - janvier-février 2002