Les temps forts de l’ASCO®-GU 2013 dossier thématique Actualités sur les tumeurs urothéliales What’s new in urothelial tumors? D epuis plusieurs années, le carcinome urothélial est le parent pauvre de l’onco-urologie. Et l’ASCO® GU 2013 ne fera pas mentir cette assertion. Quelques présentations méritent néanmoins d’être rapportées. Le staging préopératoire dans le cancer de la vessie est peu fiable, car il sous-évalue le stade dans 42 % des cas. La chimiothérapie néoadjuvante confirme son intérêt clinique et se révèle d’un bon rapport coût/efficacité. Il n’y a pas de schéma standard de chimiothérapie néo-adjuvante, mais les différentes variantes du MVAC (ddMVAC, sMVAC) et le schéma GC semblent d’efficacités comparables. Dans les formes métastatiques, il n’y a pas de nouvelles molécules efficaces à l’horizon. Il ne faut pas sous-traiter les patients âgés. Ils peuvent et doivent recevoir du cisplatine si leur fonction rénale le permet. Formes localisées : chimiothérapie néo-adjuvante/adjuvante Mots-clés : Carcinome urothélial − Vessie − MVAC − Gemcitabine − Cisplatine. Preoperative staging in bladder cancer is not accurate because 42% of cases have their tumour upstaged after pathology report. Neo-adjuvant chemotherapy confirms its clinical benefit and seems cost-effective. There is no standard chemotherapy in neoadjuvant setting, but different variations of MVAC (dose-dense MVAC, simplified MVAC) and GC have a comparable efficacy. In metastatic disease, there is no new effective drugs this year. Older patients with a good performance status and a good renal function can and should receive cisplatin because it gives the same survival benefit as for younger patients. Keywords: Urothelial carcinoma − Bladder − MVAC − Gemcitabine − Cisplatine. dense (ddMVAC) tous les 15 jours, dans une étude de phase II incluant 39 patients souffrant d’un carcinome urothélial, avant une cystectomie (3) ; 95 % des patients ont pu recevoir les 4 cycles de ddMVAC, 49 % ont eu une quasi-pRC (< pT1N0) et 26 % étaient pT0N0. Une toxicité de grade supérieur à 3 a été observée chez 10 % des patients. Les données sur la chimiothérapie néo-adjuvante sont robustes, et les 3 schémas MVAC, ddMVAC et GC montrent des résultats intéressants en termes de pRC, d’autant plus que P.J. Gray a montré, en session orale, que 42 % des patients avaient un stade clinique sous-évalué par rapport au stade pathologique Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2013 *Service de cancérologie médicale, hôpital européen GeorgesPompidou, Paris. 23 summary Une étude japonaise, présentée en session orale, avait pour objectif de prouver la supériorité d’une chimiothérapie néo-adjuvante par 2 cycles de MVAC (méthotrexate + doxorubicine + vinblastine + cisplatine) avant une cystectomie radicale sur une cystectomie radicale seule, chez des patients atteints de carcinomes urothéliaux (1). Malheureusement, comme beaucoup d’essais dans le cancer de la vessie, l’étude s’est terminée précocement, puisque seuls 130 patients ont été randomisés sur les 360 prévus, 64 dans le bras chimiothérapie et 66 dans le bras cystectomie radicale seule. Un bénéfice en survie sans progression (SSP) a été observé dans le bras chimiothérapie (99 versus 78 mois [p = 0,04]), ainsi qu’en survie globale (SG) [102 versus 81 mois (p = 0,07)]. On note le temps court entre la SSP et le décès (3 mois), qui suggère que la majorité des rechutes surviennent sous une forme métastatique à distance, et donc que le gain apporté par la chimiothérapie néo-adjuvante est lié essentiellement à la réponse pathologique (pRC) qu’elle permet d’obtenir (pT0 = 34 versus 9 %). Les auteurs concluent à l’efficacité du schéma MVAC à l’heure où de plus en plus de chimiothérapies GC (gemcitabine + cisplatine) sont réalisées en néo-adjuvant. À juste titre, puisqu’une équipe de Seattle a comparé rétrospectivement le schéma GC au schéma MVAC en néo-adjuvant (2). Quarante-six patients ont reçu du GC, et 32, du MVAC. Les 2 groupes étaient comparables, avec néanmoins plus de patients âgés traités par GC (17 patients sur les 18 âgés de plus de 70 ans). Les taux de pT0 sont comparables (30 versus 25 % [p = 0,15]), mais les taux de quasi-pRC (pT0/Ta/Tis) sont supérieurs dans le bras GC (50 versus 38 % [p = 0,04]). Enfin, l’équipe de T. Choueiri a rapporté les taux de pRC avec le schéma MVAC dose- RÉSUMÉ Y. Vano* Les temps forts de l’ASCO®-GU 2013 dossier thématique après la cystectomie radicale. Il s’est appuyé sur la base de données nationale américaine, qui comptait 16 953 patients ayant eu une cystectomie radicale entre 1998 et 2009 (4). Pour conclure avec le traitement néo-adjuvant, S.M. Stevenson et al. ont rapporté en poster une analyse coût/efficacité (5). Ils ont rétrospectivement repris les données de 186 patients atteints d’un carcinome urothélial, dont 64 % avaient reçu une cystectomie radicale seule et 36 % une chimiothérapie néo-adjuvante. La SG est de 26,6 mois pour le groupe cystectomie radicale et de 38,3 mois pour le groupe chimiothérapie néo-adjuvante (p = 0,056). La survie à 5 ans par Quality Adjusted Life Years (QALY) est de 21,8 versus 39,8 % (p = 0,039), respectivement. En termes de coût, la chimiothérapie néo-adjuvante représente une augmentation absolue de 9 712 dollars et une augmentation par QALY gagné de 10 317 dollars, ce qui est tout à fait favorable comparativement à d’autres thérapeutiques antitumorales, notamment les thérapies ciblées. Il n’y a pas eu de nouveautés dans ce domaine. Citons le poster de A. Necchi et al., qui ont présenté les données rétrospectives concernant l’efficacité d’un schéma de MVAC simplifié (sMVAC) avec soit suppression du J22, soit suppression des J15 et J22, toutes les 3 semaines (6). Ces schémas sont fréquemment utilisés en pratique quotidienne, sans que l’on connaisse réellement leur efficacité. Cent trente-deux patients ont reçu l’un de ces 2 schémas simplifiés. La SSP est de 9,5 mois, et la SG, de 19,5 mois, supérieures aux résultats de l’étude pivot actualisée de H. Von der Maase et al. (8,3 et 15,2 mois respectivement) [J Clin Oncol 2005;23[21]:4602-8]. riorité du bras adjuvant, puisqu’il fallait prouver une supériorité de 15 % en SSP à 3 ans. Cette question de l’inéligibilité au cisplatine est cruciale, car elle est fréquente dans la pratique quotidienne. G. Chen et al. ont rapporté les données démographiques des patients âgés porteurs d’un cancer de la vessie avancé (≥ T3, N1-N3, M1) entre 2004 et 2007, d’après la base de données SEER-Medicare (8). 1 031 patients ont été identifiés, l’âge médian était de 74 ans, 51,6 % ont reçu de la chimiothérapie – du cisplatine pour 40 % d’entre eux, soit seulement 20 % d’une population âgée dont l’extension tumorale justifiait une chimiothérapie. Dans cette population, le cisplatine est-il aussi efficace que chez des patients plus jeunes, et, surtout, n’est-il pas plus toxique ? C’est ce qu’ont étudié A. Bamias et al., en comparant l’efficacité et la tolérance d’une chimiothérapie avec cisplatine chez des patients âgés de plus de 70 ans et chez des patients plus jeunes (9). Ils ont repris les données individuelles de 8 essais de phase II et III, ayant inclus 543 patients, dont 162 (30 %) âgés de plus de 70 ans. Les caractéristiques cliniques étaient identiques dans les 2 groupes, hormis la clairance de la créatinine, qui était inférieure chez les sujets âgés (57 ml/mn versus 73 ml/mn [p < 0,0001]). Les patients âgés ont reçu 1 cycle de moins en médiane (5 versus 6 [p = 0,004]), mais le taux de réponse (50 versus 52 % [p = 0,65]) et la SG (12,1 versus 12,8 mois [p = 0,91]) sont comparables. Il n’y a pas de différence en termes de toxicité rénale de grade 3-4, de neutropénie fébrile ni de décès toxiques. En conclusion, la chimiothérapie avec cisplatine peut être administrée chez des patients âgés de plus de 70 ans en cas de bonne fonction rénale, avec une efficacité comparable à celle obtenue chez des patients plus jeunes. Population unfit Conclusion Une étude de phase III randomisée, présentée en session orale par J. Lehmann, a comparé une chimiothérapie adjuvante par 6 cycles de gemcitabine à cette même chimiothérapie administrée à la progression, chez des patients opérés d’un carcinome urothélial, et non éligibles à une chimiothérapie par sels de platine (7). L’étude s’est terminée précocement en raison d’un faible recrutement, malgré les 29 centres participants, qui n’ont pu inclure que 120 patients en 8 ans. La SSP à 3 ans est de 50 % pour le bras gemcitabine en adjuvant versus 40 % pour le bras gemcitabine à la progression (p = 0,6), infirmant l’hypothèse de supé- • Il est temps que l’on s’intéresse aux populations âgées Formes métastatiques 24 et unfit : plus de 70 ans, PS supérieur ou égal à 2, clairance inférieure à 60 ml/mn ; car ce sont les patients que l’on soigne au quotidien. • Les essais de phase III avec plus de 200 patients, qui mettent plus de 8 ans à inclure, ne sont plus réalisables. C’est une perte de temps et un gâchis en termes de ressources. Il faut retourner à la biologie de la tumeur afin d’émettre des hypothèses biologiques et mécanistiques plus robustes afin de permettre l’élaboration de thérapeutiques réellement efficaces. ■ Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2013 Actualités sur les tumeurs urothéliales Références support in patients muscle-invasive urothelial cancer: safety, pathologic, radiologic, and molecular correlates. J Clin Oncol 2013;(Suppl. 6): abstr. 278. front-line therapy for unresectable or metastatic urothelial cancer. J Clin Oncol 2013;(Suppl. 6): abstr. 284. 4. Gray PJ, Fedewa SA, Shipley WU et al. Clinical-pathologic stage discrepancy in patients with bladder cancer treated with radical cystectomy: associations with clinical variables and survival. J Clin Oncol 2013;(Suppl. 6): abstr. 248. study of adjuvant versus progression-triggered treatment with gemcitabine after radical cystectomy for locally advanced bladder cancer in patients not suitable for cisplatin-based chemotherapy (AUO-trial AB22/00). J Clin Oncol 2013;(Suppl. 6): abstr. 250. between gemcitabine-cisplatin and methotrexate, vinblastine, doxorubicin hydrochloride, and cisplatin neoadjuvant chemotherapy in muscle-invasive urothelial cell carcinoma of the bladder. J Clin Oncol 2013;(Suppl. 6): abstr. 267. 5. Stevenson SM, Deibert CM, McKiernan JM et al. Cost- 8. Chen G, Galsky MD, Latini DM et al. Proportion of elderly effectiveness analysis of neoadjuvant chemotherapy in patients with muscle-invasive bladder cancer. J Clin Oncol 2013;(Suppl. 6): abstr. 258. patients with advanced bladder cancer receiving cisplatinbased chemotherapy: a large Medicare database study. J Clin Oncol 2013;(Suppl. 6): abstr. 276. 3. Choueiri T, Jacobus SJ, Qu AQ et al. A phase II multicenter 6. Necchi A, Mariani L, Giannatempo P et al. Long-term efficacy 9. Bamias A, Krege S, Lin CC et al. Cisplatin-based combination study of neoadjuvant dose-dense methotrexate, vinblastine, doxorubicin, and cisplatin chemotherapy with pegfilgrastim and safety outcomes of the modified (simplified) combination of methotrexate, vinblastine, doxorubicin, and cisplatin as chemotherapy in elderly patients with metastatic urothelial cancer. J Clin Oncol 2013;(Suppl. 6): abstr. 269. 1. Kitamura H, Tsukamoto T, Masumori N et al. Randomized phase III trial of neoadjuvant chemotherapy with methotrexate, doxorubicin, vinblastine, and cisplatin followed by radical cystectomy compared with RC alone for invasive bladder cancer: Japan Clinical Oncology Group Study. J Clin Oncol 2013;(Suppl. 6): abstr. 249. 2. Wright JL, Lee F, Proctor W et al. Pathologic response rates 7. Lehmann J, Kuehn M, Fischer C et al. Randomized phase III Abonnez-vous sur Au sommaire du prochain numéro www.edimark.fr Dossier thématique : Voies excrétrices Éditorial La radiothérapie te du cancer de la prosta Coordonné par Philippe Camparo » Épidémiologie, histoire naturelle et anatomopathologie – T. Gonheim IER SSSIER OSS DOSS DOS DO er cer ancce can ca piee du canc raapi ra théérap otth Radioth isséé caalilisé ocal loca te lo ate tate stat sta oosta rroost pros dee llaa p IE II PART Coordonné par P. Beuzeb oc DOSSIER Les temps forts de l’ASCO®-GU 2013 (rein, testicules, tumeurs urothéliales) Coordonné par S. Oudard et P. Beuzeboc SAS Société éditrice : EDIMARK – ISSN : 2110-087X Trimestriel Prix du numéro : 39 € Vol. III - n° 4 Oct.-Nov.-Déc. 2012 complémentaires après chirurgie radicale – P. Colin » Innovations techniques et nouvelles stratégies rk.fr www.edima CPPAP : 0617 T 90442 » Moyens diagnostiques actuels – G. Bozzini » Prise en charge chirurgicale – M. Rouprêt » Éléments pronostiques et traitements dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique F. Audenet Périodique de formation DPC Société éditrice : EDIMARK SAS CPPAP : 0617 T 90442 – ISSN : 2110-087X Trimestriel Prix du numéro : 39 € Vol. IV - n° 1 Jan.- Fév.- Mars 2013 www.edimark.fr Périodique de formation Correspondances en Onco-Urologie - Vol. IV - n° 1 - janvier-février-mars 2013 » Parution en juin 25