Alg`ebre, nombres complexes, trigonométrie et polynômes

Alg`ebre, nombres complexes, trigonom´etrie et polynˆomes
Rencontres Putnam 2004
Universit´
e de Sherbrooke
Jean-Philippe Morin
1. Th´
eorie
1.1. Alg`ebre. Quelques identit´es alg´ebriques souvent utiles :
a2b2= (ab)(a+b)
(a)
)
)2=a2±2ab +b2
Exemple 1.1. Montrer que n420n2+ 4 est un nombre compos´e lorsque nest entier.
Solution: On veut factoriser cette expression. Une premi`ere id´ee serait de compl´eter les deux
premiers termes en carr´e parfait :
(n420n2+ 100) 96 = (n210)296
mais on se rend compte que ce n’est pas la bonne approche puisque 96 n’est pas un carr´e parfait.
La bonne approche est plutˆot de tenter d’´ecrire l’expression comme diff´erences de carr´es mais
en gardant le terme en n4et le terme constant
n420n2+4 = (n44n2+4)16n2= (n22)2(4n)2= (n224n)(n22+4n).
Reste `a montrer que chacun des facteurs obtenus est diff´erent de ±1. Si on `a n224n= 1, ceci
peut s’´ecrire n24n3 = 0, d’o`u n= 2 ±7, ce qui n’est pas un entier. Donc n224n6= 1.
Les autres cas se montrent de la mˆeme fa¸con.
1.2. Nombres complexes et trigonom´etrie. Les nombres complexes sont obtenus `a partir
des r´eels, en leur adjoignant une racine du polynˆome x2+ 1, qu’on note 1 ou encore i. C’est
donc l’espace vectoriel sur engendr´e par {1, i}. Ainsi, les nombres complexes peuvent ˆetre vus
comme des vecteurs `a deux dimensions : une coordonn´ees r´eelle donn´ee par le coefficient de 1,
et une coordonn´ee imaginaire, donn´ee par le coefficient de i. On peut aussi les voir comme des
points dans le plan complexe : l’axe des xrepr´esente la droite r´eelle et l’axe des yrepr´esente la
droite imaginaire.
Voici quelques fa¸cons de repr´esenter un nombre complexe z:
z=a+bi, avec a, b Reels (forme rectangulaire) ;
z=r(cosθ +isin θ), avec r+et θ[0,2π[, (forme polaire)
z=re, avec r+et θ[0,2π[, (forme exponentielle).
1
2
On d´efinit en effet e= cos θ+isin θ, une d´efinition donn´ee par Euler, qui est coh´erente avec les
d´eveloppement en s´erie de ces fonctions. Les deux derni`ere formes sont tr`es utiles pour multiplier
ou diviser des nombres imaginaires. En effet, si z=reet w=se, alors zw =rsei(θ+ω). On
note souvent a=<(z) et b==(z), tandis que rest appel´e la norme de z, not´ee |z|, et θ, son
argument, not´e arg z.
On a le th´eor`eme suivant, dˆu `a de Moivre, qui est tr`es pratique :
Th´eor`eme 1.1 (de Moivre).Pour tout entier n,
(cos θ+isin θ)n= cos +isin .
Exemple 1.2. Soit n3un entier, et soient α, β, γ des nombres complexes tels que αn=βn=
γn= 1, avec α+β+γ= 0. Montrer qu’alors nest un multiple de 3.
Solution: On peut supposer sans perte de g´en´eralit´e que α= 1 (car sinon, on divise chaque
membre de α+β+γ= 0 par αpour obtenir 1 + β+γ= 0, et on pose α1= 1, β1=β
et γ1=γ).
Maintenant, βet γde norme 1 (car β2=γn= 1), et se trouvent donc sur le cercle unit´e, dans
le plan complexe. Grˆace `a l’´equation β+γ=1 = 1 + 0i, on a que =(β) + =(γ) = =(β+γ) =
=(1) = 0, ce qui donne =(β) = −=(γ). D’autre part, on a <(β) + <(γ) = 1. Comme on a
´etabli que |β|=<(β)2+=(β)2= 1 = <(γ)2+=2(γ), il en d´ecoule que <(β) = 1
2=<(γ). On
peut donc ´ecrire β=e2/3et γ=e4/3. Comme e2πin/3=βn= 1, il faut que ndivise 3.
Exemple 1.3 (Putnam, 1975).Soit n= 2m, o`u mest un entier impair sup´erieur `a 1. Soit
θ=e2πi/n. Exprimer (1 θ)1explicitement comme un polynˆome en θ, de la forme
akθk+ak1θk1+··· +a1θ+a0,
avec les coefficients aientiers.
Solution: Remarquons que θcorrespond `a une racine n-i`eme de l’unit´e, et que θm= (e2πi/2m)m=
eπi =1. Ainsi
1 + θ+θ2+··· +θm1=1θm
1θ=2
1θ.
De plus, comme mest impaire, on a
1θ+θ2+··· +θm1=1(θ)m
1(θ)= 0.
En additionnant ces deux ´equations, on a
2+2θ2+··· + 2θm1=2
1θ,
ce qui revient `a
1
1θ= 1 + θ2+θ4+··· +θm1.
Remarquons que les identit´es trigonom´etriques sont souvent fortement reli´ees aux nombres
complexes, en raison de leur forme polaire (ou exponentielle).
Exemple 1.4. Trouver des constantes a0, a1, . . . , a6telles que
cos6θ=a6cos 6θ+a5cos 5θ+··· +a1cos θ+a0.
3
Solution: On peut ´ecrire
cos θ=e+e
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et appliquer le th´eor`eme du binˆome de Newton pour obtenir
cos6θ=1
26(e)6+ 6(e)5(e) + 15(e)4(e)2
+ 20(e)3(e)3+ 15(e)2(e)4+ 6(e)(e)5+ (e)6
=1
26(e6+e6) + 6(e4+e4) + 15(e2+e2) + 20
=1
26(2 cos 6θ+ (2 ·6) cos 4θ+ (2 ·15) cos 2θ+ 20)
=1
32 (cos 6θ+ 6 cos 4θ+ 15 cos 2θ+ 10)
1.3. Polynˆomes. Un polynˆome de degr´e n(avec nentier non-n´egatif) de variable xest une
expression de la forme
p(x) = anx2+an1xn1+··· +a1x+a0
o`u les coefficients aisont des constantes, et an6= 0. Si tous les coefficients sont nuls, le polynˆome
est nul, de degr´e −∞. On dit que p(x) = q(x) si tous leurs coefficients sont ´egaux. Les polynˆomes
se comportent en plusieurs points comme les entiers : on peut les additionner, les soustraire, les
multiplier. Un polynˆome fdivise ps’il existe un polynˆome qtel que p=fq. De la mˆeme fa¸con
que pour les entiers, on peut d´efinir le plus grand commun diviseur et le plus petit commun
multiple de deux polynˆomes. Nous avons aussi un algorithme de division :
Th´eor`eme 1.2 (division).Si Fet Gsont des polynˆomes sur un corps K(par exemple les
rationnels, les r´eels, les complexes, pavec ppremier), il existe des uniques polynˆomes Qet R
sur Ktels que
F=QG +R
o`u le degr´e de Rest strictement inf´erieur `a celui de G
Comme pour les entiers, on peut utiliser cet algorithme pour g´en´eraliser l’algorithme d’Euclide
qui permet de trouver le pgcd de deux nombres. De cette fa¸con, on a une m´ethode pour calculer
le pgcd de deux polynˆomes. On peut montrer que si F, G sont des polynˆomes sur un corps K,
il existe des polynˆomes S, T tels que
pgcd(F, G) = SF +T G.
Maintenant, on rappelle que Dest un domaine d’int´egrit´e si ab = 0 implique a= 0 ou
b= 0 pour tous a, b D. Par exemple, les entiers forment un domaine d’int´egrit´e. Si Fest un
polynˆome sur un domaine d’int´egrit´e D, et que aDest tel que F(a) = 0, on dit que aest une
racine de F.
Th´eor`eme 1.3. (factorisation) Si Fest un polynˆome sur un domaine d’int´egrit´e D, un ´el´ement
aDest une racine si et seulement si (xa)divise F(x).
[Putnam 1940]
Exemple 1.5. Montrer que si F(x)est un polynˆome `a coefficients entiers, et qu’il existe un
entier kqui ne divise aucun de F(1), F (2), . . . , F (k), alors F(x)n’admet pas de racine enti`ere.
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Solution: On montre la contrapos´ee. Supposons que rest un entier tel que F(r) = 0. Ainsi
F(x) = (xr)G(x) pour un certain polynˆome G(x) (th´eor`eme de factorisation). On peut diviser
rpar k
r=qk +s
o`u 0 < s k. On peut ´ecrire s=rkq et ´evaluer F(s) :
F(s) = (sr)G(s) = qkG(s).
Cette ´equation montre que F(s) est un multiple de k.
[Une approche plus simple : ab( mod k) entraˆıne F(a)F(b)( mod k). Ainsi, un en-
tier aest n´ecessairement congruent `a l’un de 1,2, . . . , k, d’o`u F(a) est congruent `a l’un de
F(1), F (2), . . . , F (k), modulo k. Comme F(i)6= 0 pour i= 1,2, . . . , k, alors kne divise pas F(i)
pour i= 1,2, . . . , k, donc kne divise pas F(a), ce qui montre que F(a)6= 0.]
On a aussi un th´eor`eme de factorisation unique pour les polynˆomes :
Th´eor`eme 1.4. (factorisation unique) Tout polynˆome sur un corps peut s’´ecrire unique comme
un produit de polynˆomes irr´eductibles.
Sur le corps des complexes, les polynˆomes irr´eductibles sont ceux de degr´e 1. Sur le corps
des r´eels, les polynˆomes irr´eductibles sont ceux de degr´e 1 et ceux de degr´e 2 avec discriminant
strictement n´egatif.
Voici deux autres th´eor`emes ineressants :
Th´eor`eme 1.5. Si P(x) = anxn+··· +a1x+a0est un polynˆome `a coefficients entiers, et si
r/s est une racine de P(x), alors rdivise a0et sdivise an.
Th´eor`eme 1.6. Soit P(x)un polynˆome `a coefficients entiers. Si P(x)peut se factoriser en un
produit de deux polynˆomes `a coefficients rationnels, alors il peut aussi se factoriser en produit
de deux polynˆomes `a coefficients entiers.
On va maintenant voir un autre th´eor`eme fondamental concernant les polynˆomes, le th´eor`eme
d’identit´e. Soit P(x) un polynˆome sur un domaine d’int´egrit´e D. On a vu que si aest racine de
P, alors il existe un polynˆome Qde degr´e n1 tel que P(x) = (xa)Q(x). Par r´ecurrence, on
peut donc montrer que Padmet au plus nracines.
Remarque 1.7.Consid´erons le polynˆome ¯
2x3¯
2x`a coefficients dans 4. Alors ¯
0,¯
1,¯
2,¯
3 sont 4
racines distinctes. Mais ici, 4n’est pas un domaine d’inegrit´e, car, par exemple ¯
2·¯
2 = ¯
0.
Th´eor`eme 1.8 (Identit´e).Soient F, G deux polynˆomes sur un domain d’int´egrit´e, tous deux de
degr´e n. Si F(ai) = G(ai)pour des a1, a2, . . . , an+1 distincts, alors F=G.
D´
emonstration: On a alors que le polynˆome H=FGadmet n+ 1 racines, soient
a1, a2, . . . , an, et est de degr´e au plus n. Donc il doit s’agir du polynˆome 0.
Exemple 1.6. Montrer que si m, n sont des entier positifs et que 1kn, alors
k
X
r=0 m
krn
r=m+n
k.
Solution: Le coefficient de xkdans (1 + x)m(1 + x)nest ak=Pk
r=0 m
krn
r, tandis que le
coefficient de xkdans (1 + x)m+nest bk=m+n
k. Or ces deux polynˆome sont ´egaux, et ont donc
les mˆemes coefficients pour chaque xk.
5
On discute maintenant des polynˆomes `a coefficients dans un corps fini. Soit pun nombre
premier et consid´erons
(¯
1 + x)p
n
X
k=0
¯
p
kxk( mod p),
o`u chaque cˆot´e est vue comme un polynˆome sur p. Pour 1 kp1, on a que p
k0( mod p),
puisqu’aucun des facteurs de k!(pk)! ne peut diviser pdans p!. Ainsi, en tant que polynˆome
sur p, on a
(¯
1 + x)p¯
1 + xp( mod p).
De fa¸con plus g´en´erale (par induction), on a que pour tout entier positif n
(¯
1 + x)pn¯
1 + xpn( mod p).
2. Probl`
emes choisis
2.1. Alg`ebre.
2.1.1.
2.2. Nombres complexes et trigonom´etrie.
2.2.1. Trouver toutes les solutions de x4+x3+x2+x+ 1 = 0.
2.2.2. Montrer que
n
1n
3+n
5n
7+··· = 2n/2cos
4,
et n
0n
2+n
4n
6+··· = 2n/2sin
4.
2.2.3. Supposons que Aest un nombre complexe et que nest un entier positif tel que An= 1
et (A+ 1)n= 1. Montrer que nest divisible par 6 et que A3= 1.
2.2.4. Sachant que 13 = 22+ 32et 74 = 52+ 72, exprimer 13 ×74 = 962 comme une somme de
carr´es. [Indication : Poser z= 2 + 3iet w= 5 + 7iet utiliser le th´eor`eme de de Moivre.]
2.3. Polynˆomes.
2.3.1 (Putnam 1952).Soit f(x) = anxn+an1xn1+··· +a1x+a0un polynˆome de degr´e n
`a coefficients entiers. Si a0, anet f(1) sont impairs, montrer que f(x) n’admet pas de racine
rationnelle.
2.3.2 (Putnam 1963).Pour quel entier aest-ce que x2x+adivise x13 + x+ 90.
2.3.3. D´eterminer tous les polynˆomes P(x) tels que P(x2+ 1) = (P(x))2+ 1 et P(0) = 0.
2.3.4. Soient x1, x2les racines de l’´equation
x2(a+d)x+ (ad bc) = 0.
Montrer que x3
1et x3
2sont aussi racines de
y2(a3+d3+ 3abc + 3bcd)y+ (ad bc)3= 0.
2.3.5 (Crux Matematicorum).Soient a, b, c des r´eels tels que a+b+c= 0. Montrer que
a5+b5+c5
5=a3+b3+c3
3a2+b2+c2
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