Espaces fonctionnels Maxwell: Les gentils, les méchants et les singularités M. C OSTABEL & M. D AUGE∗ [email protected] 1. Equations de Maxwell. Ce sont les équations de Maxwell harmonique en temps dans le domaine Ω ⊂ R3 rot E − iω µH = 0 et (0) rot H + iω εE = J dans Ω, pour une fréquence ω = 0 . Supposons la permittivité ε et la perméabilité µ constantes > 0 (milieu homogène et isotrope). Si on suppose E et H dans L2 (Ω)3 et J ∈ L2 (Ω)3 , alors E, H ∈ H(rot). Si on suppose de plus que div J ∈ L2 (Ω) , prenant la divergence des équations (0) on obtient E, H ∈ H(div). Pour E ∈ H(rot) , la trace tangentielle est définie comme élément de H −1/2 (∂Ω)3 par 1 3 E · rot v − rot E · v. ∀v ∈ H (Ω) : E × n, v∂Ω = Ω Pour H ∈ H(div) , la trace normale est définie comme élément de H −1/2 (∂Ω) par 1 div H ϕ + H · grad ϕ. ∀ϕ ∈ H (Ω) : H · n, ϕ∂Ω = Ω Ainsi les différentes conditions aux limites ont un sens • Electrique pour un conducteur parfait : E × n = 0 • Magnétique pour un conducteur parfait : H · n = 0 • Impédance n × (E × n) + λH × n = 0 . 2. Les espaces naturels. • H(rot) , H0 (rot) (trace tangentielle nulle). H(rot, TL2 ) = u ∈ H(rot) ; u×n|∂Ω ∈ L2 (∂Ω)3 (pour condition d’impédance). Pour formulations en rotationnel. ∗ IRMAR, Université de Rennes 1, Campus de Beaulieu, 35042 RENNES Cedex 1 • H(div) , H0 (div) (trace normale nulle). H(div, TL2 ) = u ∈ H(div) ; u · n|∂Ω ∈ L2 (∂Ω) . • XN = H0 (rot) ∩ H(div) et XT = H(rot) ∩ H0 (div) . Pour formulations “régularisées” avec conditions du conducteur parfait. • WN = H(rot, TL2 ) ∩ H(div) et WT = H(rot) ∩ H(div, TL2 ) . Pour formulations “régularisées” avec conditions d’impédance. 3. Les espaces gentils. Ce sont les espaces admettant un sous-espace dense de fonctions C ∞ . Théorème On suppose Ω Lipschitz. • H(rot) : C ∞ (Ω)3 est dense [11]. H0 (rot) : C0∞ (Ω)3 est dense [11] H(rot, TL2 ) : C ∞ (Ω)3 est dense [2]. • H(div) : C ∞ (Ω)3 est dense [11]. H0 (div) : C0∞ (Ω)3 est dense [11] H(div, TL2 ) : C ∞ (Ω)3 est dense. • H0 (rot) ∩ H0 (div) = H01 (Ω)3 . • WN = WT : C ∞ (Ω)3 est dense [5, 9]. 4. Une clé des démonstrations: le retour aux gradients. Pour H(rot, TL2 ) , H(div, TL2 ) , WN et WT on se ramène à faire la démonstration sur le sous-espace de leurs éléments qui sont des gradients. On peut supposer par localisation que Ω est simplement connexe. On se base sur le résultat dans [1]: Lemme Soit v ∈ H(div) tel que div v = 0 . Alors il existe w ∈ H 1 (Ω)3 tel que rot w = v . Pour u ∈ V , avec V égal à H(rot, TL2 ) , WN ou WT , on pose v = rot u , qui est dans H(div) et tel que div v = 0 . Donc il existe w ∈ H 1 (Ω)3 tel que rot w = rot u . Comme H 1 (Ω)3 est un sous-espace de V dans lequel C ∞ (Ω)3 est dense, on est ramené à traiter u − w qui est à rotationnel nul donc un gradient grad ϕ ∈ V . Le potentiel ϕ est dans un sous-espace de H 1 (Ω) . Si V = H(div, TL2 ) , pour u ∈ H(div, TL2 ) , on résout le problème de Neumann 1 ∀ψ ∈ H (Ω), grad ϕ · grad ψ = u · grad ψ. Ω Ω 2 Alors grad ϕ − u est à divergence nulle et à trace normale nulle, donc dans H0 (div) dans lequel C0∞ (Ω)3 est dense. Là encore grad ϕ est dans V . Selon les cas: • Si V = H(rot, TL2 ) , ϕ ∈ VDir avec VDir = ψ ∈ H 1 (Ω) ; ψ|∂Ω ∈ H 1 (∂Ω) , dans lequel C ∞ (Ω) est dense [2]. Neu avec • Si V = H(div, TL2 ) , ϕ ∈ W Neu = ψ ∈ H 1 (Ω) ; ∆ψ ∈ L2 (Ω), W ∂n ψ|∂Ω ∈ L2 (∂Ω) . Dir avec • Si V = WN , ϕ ∈ W Dir = ψ ∈ H 1 (Ω) ; W ψ|∂Ω ∈ H 1 (∂Ω) . ∆ψ ∈ L2 (Ω), Neu . • Si V = WT , ϕ ∈ W Dir et W Neu sont égaux à [12, 13] Les espaces W 3 ψ ∈ H 2 (Ω) ; ∆ψ ∈ L2 (Ω) dans lequel C ∞ (Ω) est dense [9]. 5. Des espaces intermédiaires. Soit CN∞ = C ∞ (Ω)3 ∩ XN et CT∞ = C ∞ (Ω)3 ∩ XT . Alors on a [7, 4] Théorème Soit Ω un polyèdre lipschitzien. L’adhérence de CN∞ dans XN est l’espace HN = H 1 (Ω)3 ∩ XN . L’adhérence de CT∞ dans XT est l’espace HT = H 1 (Ω)3 ∩ XT . Ce résultat se démontre en plusieurs étapes. (i) Pour u ∈ CN∞ ou CT∞ , la norme rot u L2 + div u L2 est équivalente à la norme H 1 (double intégration par parties) [6]: avec un = u · n et u = u − un n 2 2 2 | grad u| = grad (un ) · u − div u (un ) . | rot u| + | div u| + Ω Ω ∂Ω =0 Donc l’adhérence de CN∞ dans XN est contenue dans l’espace HN , et de même pour HT . (ii) Soit Σ l’ensemble des coins et arêtes de Ω . Soit CΣ∞ (Ω) l’espace des fonctions C ∞ (Ω) dont le support ne rencontre pas Σ . Pour tout u ∈ H 1 (Ω) et tout ε > 0 il existe χ ∈ CΣ∞ (Ω) 3 tel que u − χu H 1 < ε . Se montre par simple troncature pour les coins, et par combinaison de troncature et d’aplatissement par des fonctions du type rα , α > 0 , pour les arêtes ( r est la distance aux arêtes) [8]. (iii) Pour u ∈ HN , on applique le (ii) à chaque composante et on régularise χu : pour un paramètre de régularisation assez petit, les fonctions régularisées vn sont dans CΣ∞ (Ω) . (iv) Il reste à relever, face par face indépendamment, les traces tangentielles des vn , qui sont petites puisque vN → χu qui a des traces tangentielles nulles, et à soustraire ces relèvements. 6. Les espaces méchants. Tout se joue encore sur les gradients: on remarque que grad ϕ ∈ XN si et seulement si ϕ ∈ D(∆Dir ) avec D(∆Dir ) = ϕ ∈ H01 (Ω) ; ∆ϕ ∈ L2 (Ω) et grad ϕ ∈ XT si et seulement si ϕ ∈ D(∆Neu ) avec D(∆Neu ) = ϕ ∈ H 1 (Ω) ; ∆ϕ ∈ L2 (Ω), ∂n ϕ|∂Ω = 0 . On a [3]: Théorème Soit Ω un polyèdre lipschitzien. XN = HN + grad D(∆Dir ) et XT = HT + grad D(∆Neu ) . Si Ω est convexe, D(∆Dir ) et D(∆Neu ) sont contenus dans H 2 (Ω) . Donc XN = HN et XT = HT . Par contre, si Ω est un polyèdre non convexe, il existe des espaces non triviaux KDir et KNeu tels que 2 ψ ∈ H 2 ; ∂n ψ|∂Ω = 0 ⊕ KNeu = D(∆Neu ). H ∩ H01 (Ω) ⊕ KDir = D(∆Dir ) et On a alors Théorème Soit Ω un polyèdre lipschitzien non convexe. (1) XN = HN ⊕ grad KDir et XT = HT ⊕ grad KNeu . Les espaces KDir et KNeu sont de dimension infinie. On peut en donner la description suivante, cf [10]. Soit C l’ensemble des coins de Ω et CDir , resp. CNeu , le sous ensemble de C des coins tels que le premier exposant de singularité Dirichlet, resp. Neumann, soit < 12 . Soit E0 le sous ensemble des arêtes e non convexes de Ω . Alors 4 Théorème Les applications suivantes sont des isomorphismes 1−π/ωe KDir −→ (e) c∈CDir R × e∈E0 V−1 ψ −→ (γc , γe ), où γc et γe sont les coefficients de singularités de ψ associés à sa décomposition avec partie régulière dans H 2 (Ω) . Le résultat pour KNeu est similaire ( CDir est remplacé par CNeu ). s 0 L’espace V−1 (e) est un espace à poids intermédiaire entre V−1 (e) qui l’espace des fonctions −1 2 γ telles que de γ ∈ L (e) , avec de la distance aux extrémités de e , et 1 2 V−1 (e) = γ | d−1 e γ, γ ∈ L (e) . Les décompositions (1) ne sont pas orthogonales dans H(rot)∩H(div) . Les éléments u ∈ HN⊥ se caractérisent par rot u · rot v + div u div v = 0. (2) u ∈ XN , ∀v ∈ HN , Ω Ils sont donc les solutions d’un problème de Maxwell (équations aux dérivées partielles) to∗ talement homogène. Cet espace HN⊥ admet une paramétrisation canonique par l’espace KDir des fonctions singulières duales de ∆Dir : ∗ 2 2 1 KDir = ϕ ∈ L (Ω) ; ∀ψ ∈ H ∩ H0 (Ω), ϕ ∆ψ = 0}. Ω Théorème Soit Ω un polyèdre lipschitzien non convexe. Alors l’application (3) ∗ HN⊥ −→ KDir u −→ div u, est bien définie et est un isomorphisme. Prenant dans (2) les fonctions test v = grad ψ avec ψ parcourant H 2 ∩ H01 (Ω) , on obtient que l’application est bien définie. Si div u = 0 , combinant la formulation (2) avec la décomposition (1) , on obtient que u satisfait ∀v ∈ XN , rot u · rot v + div u div v = 0. Ω Donc u = 0 et l’application (3) est injective. Pour montrer qu’elle est surjective, introduisons, basé sur la décomposition (1) l’opérateur borné S S : XN −→ KDir u −→ Su, tel que u − grad Su ∈ HN . 5 ∗ Soit q ∈ KDir . Soit u la solution du problème (4) u ∈ XN , ∀v ∈ XN , rot u · rot v + div u div v = q ∆(Sv). Ω Ω Comme S|HN = 0 , u satisfait (2) donc est dans HN⊥ . Si maintenant on prend dans (4) les fonctions test v = grad ψ avec ψ ∈ H 2 ∩ H01 (Ω) on a 2 1 ∀ψ ∈ H ∩ H0 (Ω), div u ∆ψ = 0. Ω Pour les fonctions test v = grad ψ avec ψ parcourant KDir , on a S(grad ψ) = ψ , donc Dir ∀ψ ∈ D(∆ ), (div u − q) ∆ψ = 0. Ω Donc div u = q . REFERENCES [1] C. A MROUCHE , C. B ERNARDI , M. D AUGE , V. G IRAULT. Vector potentials in three-dimensional nonsmooth domains. Math. Meth. Appl. Sci. 21 (1998) 823–864. [2] F. B EN B ELGACEM , C. B ERNARDI , M. C OSTABEL , M. D AUGE. Un résultat de densité pour les équations de Maxwell. C. R. Acad. Sci. Paris Sér. I Math. 324(6) (1997) 731–736. [3] M. B IRMAN , M. S OLOMYAK. L2 -theory of the Maxwell operator in arbitrary domains. Russ. Math. Surv. 42 (6) (1987) 75–96. [4] A. B ONNET-B EN D HIA , C. H AZARD , S. L OHRENGEL. A singular field method for the solution of Maxwell’s equations in polyhedral domains. Rapport de Recherche 299, ENSTA 1997. To appear in SIAM J. Appl. Math. [5] P. C IARLET, C. H AZARD , S. L OHRENGEL. Les équations de Maxwell dans un polyèdre : un résultat de densité. C. R. Acad. Sc. Paris, Série I (1998). A paraı̂tre. 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