SCIENTIFIQUES, COMMUNAUTÉS ET ESSAIS CLINIQUES 29
sentées, ou de façon compliquée, en «gros français » comme le dit très
bien une expression d’Afrique de l’Ouest.
Ces informations peuvent aussi, dans un souci de bien faire, être tel-
lement nombreuses que la personne qui les reçoit en est submergée. Dans
des travaux réalisés en milieu urbain autour d’un essai clinique, les fem-
mes interrogées expliquaient à l’anthropologue: «Je ne sais plus si on
me l’a dit, j’ai oublié parce qu’on m’a dit beaucoup de choses » (Coulibaly
Traoré et al., 2003 : 346).
À l’inverse, elles peuvent être simplifiées dans un travail d’explica-
tion de la notice d’information, soit dans une autre langue que celle de sa
rédaction, soit pour que les personnes approchées, d’un faible niveau sco-
laire, puissent comprendre de quoi il s’agit. Elles peuvent également être
simplifiées parce que les enquêteurs/recruteurs sont enthousiastes quant
au projet et à l’intervention proposés («c’est pour leur bien» en quelque
sorte), ou simplement parce qu’ils veulent recruter vite.
Par ailleurs, le consentement peut être donné pour de toutes autres
raisons que celles supposées par les responsables de l’étude: la gratuité
des soins, la compensation offerte, un éventuel prestige social à être
recruté dans une étude, etc.
Comme le soulignent les auteurs de cet article, l’offre de soins par
les institutions de recherche est gratuite et représente une forme de com-
pensation dans un système de santé défaillant. Mais elle a également un
autre objectif, pas toujours explicite mais réel. L’offre de soins est, d’une
part, une compensation pour le temps passé par la population dans
l’étude clinique et, d’autre part, dans de nombreux cas, une façon élé-
gante de garder le contact avec la population étudiée. Comme nous le
savons tous, même si parfois nous l’oublions, dans un système de santé
sans aucune protection sociale et où les personnes sont confrontées à un
dénuement presque total, l’offre de soins est un argument extrêmement
fort et aide à balayer toutes les réticences que l’on peut avoir à participer
à un essai clinique.
Contrairement à ce qui est indiqué dans l’article, il n’est pas certain
du tout que les familles ne s’investissent pas prioritairement dans la santé.
C’est même le secteur, avec l’éducation, où une immense majorité des
familles, où qu’elles soient, sont prêtes à s’investir ; mais il faut avoir
quelque chose, un minimum, pour cela. Aussi, si une institution fait miroi-
ter, même dans un futur incertain, un accès à des soins gratuits, la com-
munauté ne peut y être que sensible. D’où le ressentiment des
communautés non choisies. Si je me réfère à mon expérience, il est arrivé
que des mères d’enfants malades se plaignent de ne pas avoir été choisies
pour participer à une recherche clinique, à l’inverse d’une autre famille
désignée comme «privilégiée ».
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