119160-PAO - Folio : -09-03-02 09:29:48 - Type : -L : 219.992 - H : 306.994 - Couleur : Yellow Cyan Magenta Black ÉDITORIAL Et si l'éducation thérapeutique des patients n'était pas à sa place ? éditorial Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Éric Drahi Médecin généraliste, SFDRMG Membre du réseau de diabétologie « Diabolo » Mots clés : éducation du patient, maladie chronique, relation médecin-patient La HAS, l'INPES, des sociétés savantes, des associations de patients, l'IGAS, bien d'autres encore, parlent de l'éducation thérapeutique des patients 10.1684/med.2009.0376 La future loi Hôpitaux, Patients, Santé et Territoires lui consacre une large place. Un rapport récent [1] vise à promouvoir une politique nationale d’éducation thérapeutique des patients atteints de maladies chroniques. Les maladies chroniques représentent en effet une part croissante des pathologies prises en charge par les médecins de premier et de second recours, et augmentent d’autant les dépenses de santé. Mais le système de santé est surtout organisé pour faciliter l’accès aux soins et en valoriser les aspects biomédicaux et techniques aux dépens de ce qui représente pourtant pour les patients une part essentielle de leurs préoccupations : les aspects psychosociaux. De nombreux auteurs ont insisté sur la nécessité de construire avec les patients une décision partagée, une alliance thérapeutique, une coopération stratégique visant à améliorer l’observance ou la prise en charge de la maladie [2]. L’éducation thérapeutique pour les patients atteints de maladie chronique apparaît comme une panacée, qui pourrait sauver le système de santé de sa perte annoncée. Mais de quoi parle-t-on ? L’éducation thérapeutique du patient, telle que la définit l’OMS « vise à aider les patients à acquérir ou maintenir les compétences dont ils ont besoin pour 52 MÉDECINE février 2009 gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Elle fait partie intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient. Elle comprend des activités organisées, y compris un soutien psychosocial, conçues pour rendre les patients conscients et informés de leur maladie, des soins, de l’organisation et des procédures hospitalières, et des comportements liés à la santé et à la maladie. Ceci a pour but de les aider (ainsi que leurs familles) à comprendre leur maladie et leur traitement, collaborer ensemble et assumer leurs responsabilités dans leur propre prise en charge dans le but de les aider à maintenir et améliorer leur qualité de vie. Une information orale ou écrite, un conseil de prévention peuvent être délivrés par un professionnel de santé à diverses occasions, mais ils n’équivalent pas à une éducation thérapeutique du patient » [3]. Cette définition insiste sur la prise en charge par les patients de leur propre maladie, les professionnels étant facilitateurs dans cette démarche. Pourtant, pour beaucoup de médecins, l’éducation thérapeutique se résume à la transmission de connaissances [4]. S’il s’agit bien de permettre au patient de devenir acteur de sa maladie, cette transmission de connaissance ne suffit pas : il s’agit bien ici de compétences, de savoir-faire, et de savoir être. Les développer suppose une pédagogie appropriée. Nos patients ont un « savoir » et des « représentations » sur leur maladie La démarche n’est pas d’apporter des données à des personnes vierges de toute connaissance Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. 119160-PAO - Folio : -09-03-02 09:29:48 - Type : -L : 219.992 - H : 306.994 - Couleur : Yellow Cyan Magenta Black ou de toute pratique, mais de tenir compte des comportements et des savoir-faire déjà existants, selon les méthodes bien connues de la pédagogie pour adultes : pédagogie par objectifs, travaux sur les représentations des apprenants, démarches d’appropriation fondées sur la dynamique de groupe. Dans les groupes de formation médicale continue, ces méthodes sont des moteurs essentiels [5]. Un très grand nombre de médecins participent ou ont participé à des formations initiales ou continues utilisant ces techniques pédagogiques visant à améliorer les compétences des apprenants. Il reste aujourd’hui surprenant que des techniques et des méthodes largement répandues dans le monde de la formation professionnelle ne soient pas intégrées à la pratique professionnelle elle-même quand il s’agit de former les patients. Certes, il n’est pas habituel qu’un professionnel libéral regroupe quelques-uns de ses patients souffrant d’une même pathologie pour mettre en place des groupes d’éducation. Certes, les techniques dont nous parlons sont des techniques de groupe, et l’essentiel de la pratique médicale se fait en face à face, dans un entretien singulier. Mais pourquoi les professionnels de santé n’ont-ils pas eux-mêmes développé des compétences pour mettre en œuvre en face à face des techniques de pédagogie actives centrées sur l’acquisition de compétences [5] ? des actions de groupe. Mais des techniques de face à face ont montré leur efficacité [6]. • Il est vrai aussi qu’aujourd’hui, de nombreux services hospitaliers et réseaux pratiquent l’éducation thérapeutique de groupe, alors que très peu d’expériences en ville en face à face sont publiées [6]. • De nombreuses actions de formation médicale continue intègrent des séquences consacrées à l’éducation thérapeutique, mais la transposition à la pratique de soins ne paraît pas évidente. C’est sans doute le manque de durée de ces séquences qui ne permet pas une mise en œuvre facile. L’éducation thérapeutique est avant tout une attitude, une ouverture vers l’écoute, le développement de l’autonomie du patient, la mise en retrait du professionnel pour laisser le patient s’exprimer et l’aider à s’approprier une nouvelle stratégie. Une pratique dont l’objectif affiché est l’autonomie du patient se situe à l’opposé de ce qui est enseigné en formation initiale, où le médecin est celui qui sait, qui interroge, qui « ordonne », qui prend la « bonne » décision « pour » le patient. La déformation initiale dure 10 ans, ce n’est pas en quelques minutes que ces années de conditionnement peuvent être contrebalancées. Du médecin qui sait au médecin qui aide le patient à développer son autonomie... Pourquoi les professionnels de santé sont-ils aussi indifférents, voire réticents, à la pratique de l’éducation thérapeutique ? Plusieurs réponses sont possibles : • L’éducation thérapeutique n’est pas ou peu enseignée en formation initiale, et les stages hospitaliers ne sont le plus souvent que des contre-exemples, témoins du pouvoir médical et de la circulation descendante de l’information. • Les formations à l’éducation thérapeutique en face à face sont peu nombreuses, voire inexistantes. Aujourd’hui, c’est l’éducation thérapeutique de groupe qui est privilégiée dans les différentes formations proposées aux professionnels. Il est vrai que la plupart des évaluations positives de l’éducation thérapeutiques portent sur MÉDECINE février 2009 53 119160-PAO - Folio : -09-03-02 09:29:48 - Type : -L : 219.992 - H : 306.994 - Couleur : Yellow Cyan Magenta Black Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Et si l'éducation thérapeutique des patients n'était pas à sa place ? Les maladies chroniques nécessitent des stratégies qui leur sont adaptées, notamment pour développer les compétences des patients. L’éducation thérapeutique répond bien à cette préoccupation. Mais elle n’est que l’un des éléments de réponse, parmi de nombreux autres qui s’appellent écoute, empathie, disponibilité, soutien psychosocial, compétence du professionnel sur les spécificités de chacune des pathologies et sur ce qu’elles ont en commun, notamment les phases d’acceptation. L’acquisition des compétences du patient n’est que l’un de ces aspects. Vouloir développer une éducation thérapeutique comme seule réponse aux besoins des malades chroniques ne répond qu’à une partie de la question, notamment parce que l’éducation thérapeutique en groupes est forcément discontinue, et qu’elle ne permet pas le suivi nécessaire. Mais encore ? Quels professionnels rencontrent le plus volontiers ces patients ? Ce sont avant tout leurs soignants de premier recours. Le bon sens voudrait que l’éducation thérapeutique soit réalisée là où sont les patients, d’une manière continue, dans un type de relation soignant-soigné qui n’est pas spécifique à l’éducation thérapeutique, mais générique à toute rencontre entre un professionnel et un malade. L’éducation thérapeutique n’est qu’une modalité technique, un ensemble de méthodes et d’outils au service d’un projet, l’autonomie du patient. Les Anglo-Saxons utilisent un terme issu des sciences sociales, l’empowerment (les Québécois traduisent par « empouvoirment »). La Charte d’Ottawa disait bien dès 1986, dans son chapitre « Acquisition d’aptitudes individuelles » : « La promotion de la santé soutient le développement individuel et social en offrant des informations, en assurant l’éducation pour la santé et en perfectionnant les aptitudes indispensables à la vie. Ce faisant, elle permet aux gens d’exercer un plus grand contrôle sur leur propre santé, et de faire des choix favorables à celle-ci ». Elle recommandait d’orienter les services de santé dans ce sens [7]. Les objectifs d’un système de santé devraient bien être ceux-ci. Pour toutes les rencontres entre un soignant et un soigné, cette préoccupation devrait être au premier plan. Il serait temps que les principes de développement de l’autonomie des patients soient utilisés en routine dans toutes nos consultations, et que l’on ne voie pas l’éducation thérapeutique comme le seul lieu de cette mise en œuvre. Références : 1. Saout C, Charbonnel B, Bertrand D. Pour une politique nationale d’éducation thérapeutique du patient. Paris ; Ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative ; 2008 (171 pages). 2. Epstein RM, Communicating evidence for participatory decision making.Alper BS, Quill TE. JAMA. 2004 19;291(19):2359-66. 3. OMS – Europe. Éducation thérapeutique du patient. Copenhague : OMS ; 1998. 4. Bourit O. Drahi E. Éducation thérapeutique du diabétique et médecine générale : une enquête dans les départements de l’Indre et du Loiret. Médecine. 2007; 229-234. 5. Gallois P, ed. La Formation Médicale Continue. Paris : Flammarion Médecine-Sciences ; 1998. 6. Bourit O. L’éducation thérapeutique des patients diabétiques de type 2 en médecine générale [Thèse Médecine]. Tours : UFR Médecine ; 2006. 7. Charte d’Ottawa. Sur http://www.euro.who.int/AboutWHO/Policy/20010827_2 ?language=french Site visité le 19/01/09. 54 MÉDECINE février 2009