19
Bulletin Infirmier du Cancer Vol.7-n°3-juillet-août-septembre 2007
Annonce du diagnostic
et accompagnement
psychologique
Dominique ORJUBIN
AFIC
Christine CHENEAU
Oncologue médical, Institut Claudius-Régaud, Toulouse
Luce DOMIGO
psychologue clinicienne, Institut Claudius-Régaud, Toulouse
La cancérologie aujourd’hui
Les traitements sont en progrès continuels, notam-
ment avec de nouveaux médicaments comme les anti-
angiogéniques et les thérapeutiques ciblées…
On assiste aussi à l’amélioration des soins de support :
augmentation du taux de confort du patient, utilisation
des facteurs de croissance (d’où une diminution de la
sensation de fatigue).
Les mécanismes moléculaires sont démantelés au fur
et à mesure des découvertes scientifiques.
Mais qu’en est-il de la relation avec le patient ?
Relation médecin-patient
Elle ne doit pas être exclusive, l’équipe soignante étant
tout autant concernée que le médecin. C’est une réelle
préoccupation en oncologie. Elle représente 50 % du tra-
vail médical et, paradoxalement, n’est enseignée dans
aucune formation spécifique.
Il est important que cette relation ne se limite pas
aux explications techniques mais aborde d’autres
thèmes.
L’annonce
C’est une des premières étapes de la relation méde-
cin-patient. Elle détermine cette dernière à long terme.
Elle s’intègre dans le dispositif du plan Cancer (mesure
40). Il faut toujours avoir conscience :
- qu’il n’existe pas de bonne façon d’annoncer un
diagnostic ni une annonce standard : chaque personne,
chaque cas est différent ;
- que la perception de la situation par le médecin est
différente de celle du patient (selon la gravité du dia-
gnostic, le parcours de vie du patient, etc.) ;
- qu’il sera toujours difficile d’entendre, d’accepter un
diagnostic, même si l’annonce est « bien » faite.
Une première consultation d’annonce, c’est parler :
- d’un diagnostic (prononcer le mot cancer est impor-
tant, cela permet de s’y familiariser) ;
- d’un plan de traitement (il peut être long) ;
- de demain (le premier traitement, la rechute éven-
tuelle).
L’annonce permet donc de mettre en place une rela-
tion au long cours.
Pourquoi annoncer ?
L’article 35 du Code de déontologie médicale indique
l’obligation au médecin de faire cette annonce pour per-
mettre au patient, en recevant l’information de la bouche
du médecin, de réaliser ce qui lui arrive et de donner un
sens à sa maladie. Le choix des mots employés par le
praticien est primordial. Il permettra d’installer un lien
de confiance au sein de cette nouvelle relation soignant-
soigné.
Pratique infirmière
111360 19-20 6/03/08 7:22 Page 19
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
20
Bulletin Infirmier du Cancer Vol.7-n°3-juillet-août-septembre 2007
Préparation
Une annonce se prépare à l’avance en s’assurant des
résultats des différents examens médicaux et en don-
nant un rendez-vous de consultation au patient, en lui
précisant que le résultat de ses examens lui sera com-
muniqué lors de cet entretien.
Préliminaires
Il ne faut jamais faire d’annonce par téléphone,
employer des mots simples et donner les informations
par étapes : ne pas en dire ni trop, ni trop peu et toujours
vérifier si le patient a bien compris ce qui lui a été dit.
Les étapes
La consultation doit se dérouler en respectant plu-
sieurs critères importants. Le praticien :
- devra se consacrer entièrement au patient, au
contenu de cette consultation ;
- en amont, devra prévoir un endroit calme, sans
appels téléphoniques intempestifs ;
- proposera au patient la présence d’un tiers (famille,
ami(e) proche…) lors de la prise de rendez-vous ;
- être attentif à la portée de ses propres mots, réajus-
ter si nécessaire (écoute du patient, de ses besoins, de ses
questions, ses attentes) ;
- être particulièrement vigilant sur son comportement
« non verbal », à travers lequel des messages contradic-
toires à ses intentions, à son discours, peuvent être cap-
tés par le patient.
Certains mécanismes de défense, qui en sont parfois
l’origine, peuvent amoindrir la qualité de la relation, la
confiance qui s’instaure entre le médecin et le soignant,
lors de cette consultation d’annonce.
Après l’annonce
Résumer brièvement les points clés de l’entretien,
vérifier la bonne compréhension du patient. L’objectif à
court terme est le prochain rendez-vous.
Accompagnement psychologique
Le « psy » est-il incontournable ? L’annonce du dia-
gnostic entraîne le plus souvent une réaction de choc
chez le patient. Il est en état de sidération : ses méca-
nismes psychiques sont bloqués, paralysés, rendant l’in-
tervention d’un psychologue souvent discutable.
Cependant, un temps spécifique de rencontre à court
terme sera prévu. Il permettra au patient de se réappro-
prier le contenu de la consultation d’annonce déjà effec-
tuée, de poser les questions importantes à ses yeux et
d’évoquer son devenir.
Des informations concrètes et pratiques lui seront
données, qui lui permettront de se reconstruire quelques
repères, dans un monde où, désormais, tout a changé
pour lui. A ce niveau, l’accompagnement psychologique
du patient peut relever de la relation d’aide infirmière.
Plusieurs choses sont à retenir :
- ne pas obliger la personne à parler, la laisser expri-
mer ses besoins, ses interrogations ;
- débuter puis construire l’entretien à partir de ses attentes
et de ses demandes suite à la consultation d’annonce ;
- attention au déni : en tenir compte ;
- ambivalence/au savoir ;
- rassurer sans banaliser, rester prudent dans ses pro-
pos et attentif aux dires et comportements du patient.
Cet entretien d’aide, ainsi construit, pourra permettre
au patient de reprendre un peu plus la maîtrise de sa
vie, de redevenir un sujet. Il n’est pas seulement une
maladie, mais un être humain en vie, capable de faire
des choix en toute dignité, de vivre cette situation, d’ex-
primer ses émotions selon sa personnalité propre. C’est
là que se situe l’accompagnement du soignant quel qu’il
soit : médecin, infirmière. L’orientation vers un spécia-
liste (psychologue ou psychiatre) se posera (et se pro-
posera) lorsque le patient adressera des demandes qui
dépassent le cadre des compétences du soignant.
Conclusion
On peut penser que le caractère traumatisant d’une
mauvaise nouvelle, au-delà de la nature de l’informa-
tion, peut être profondément lié à la façon dont l’infor-
mation a été transmise au patient, aux représentations
qu’il s’en fait et à tout ce qu’il peut y associer. En per-
cutant brutalement sa vie de façon inattendue, à un
moment particulier de son existence, l’événement, neutre
à la base, va devenir traumatisant.
Chaque être humain est singulier. Un même événe-
ment (annonce ou diagnostic) sera vécu différemment
par chacun. C’est cette particularité même qui fera de la
consultation d’annonce une rencontre, un travail com-
plexe et riche, au cas par cas et en interdisciplinarité. Ce
travail aura sa limite dans l’accompagnement psycho-
logique du patient : celui-ci ne pourra pas faire l’éco-
nomie du réel auquel il est confronté et de la solitude
profonde qui y est associée.
Pratique infirmière
111360 19-20 6/03/08 7:22 Page 20
Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017.
1 / 2 100%