Foncteurs d´eriv´es `a la Dold-Puppe
Serge Bouc
1. Foncteurs d´eriv´es des foncteurs additifs
1.1. Soient Aet Bdes cat´egories ab´eliennes. La construction des foncteurs
d´eriv´es (gauches) d’un foncteur additif F:A → B est classique, dans le cas
o`u Aa suffisamment d’objets projectifs, i.e. si tout objet de Aest quotient
d’un objet projectif.
1.2. Pour un objet Mest de A, on choisit 1une r´esolution projective de M,
c’est-`a-dire un complexe exact
(1.3). . . dn+1 //Pn
dn//Pn1
dn1//... d2//P1
d1//P0
d0//M//0
o`u les Pi, pour iN, sont des objets projectifs de A. Une telle r´esolution
existe car Aa suffisamment d’objets projectifs.
Si `a pr´esent f:MNest un morphisme dans A, et si
. . . n+1 //Qn
n//Qn1
n1//. . . 2//Q1
1//Q0
0//N//0
est la r´esolution projective choisie de Ndans A, le morphisme fse rel`eve en
un morphisme de complexes
(1.4)
. . . dn+1 //Pn
fn
dn//Pn1
fn1
dn1//. . . d2//P1
f1
d1//P0
f0
d0//M
f
//0
. . . n+1 //Qn
n//Qn1
n1//. . . 2//Q1
1//Q0
0//N//0
,
et un tel rel`evement est unique `a homotopie pr`es.
1.5. Si F:A→Best un foncteur additif, on applique alors le foncteur F
au complexe (1.3) priv´e de M, pour obtenir le complexe suivant dans B:
. . . F(dn+1)//F(Pn)F(dn)//F(Pn1)F(dn1)//. . . F(d2)//F(P1)F(d1)//F(P0).
Le i-`eme objet d’homologie de ce complexe est not´e Fi(M), ou Li(F)(M).
C’est un objet de B.
1. J’ignorerai dans tout cet expos´e les questions axiomatiques li´ees `a un tel choix,
lorsque An’est pas suppos´ee (essentiellement) petite. . .
1
Si f:MNest un morphisme dans A, on a un morphisme de complexes
. . .F(dn+1)
//F(Pn)
F(fn)
F(dn)//F(Pn1)
F(fn1)
F(dn1)
//. . . F(d2)//F(P1)
F(f1)
F(d1)//F(P0)
F(f0)
. . .F(n+1)
//F(Qn)F(n)//F(Qn1)F(n1)
//. . . F(2)//F(Q1)F(1)//F(Q0)
,
qui induit, pour tout iN, un morphisme correspondant
Fi(f) : Fi(M)Fi(N)
entre les objets d’homologie. Ce morphisme ne d´epend pas du rel`evement
de fchoisi en 1.2, puisque deux tels rel`evements sont homotopes, et puisque
deux morphismes de complexes homotopes sont envoy´es par Fsur deux mor-
phismes de complexes homotopes, lorsque le foncteur Fest additif.
1.6. Pour tout iN, la correspondance qui `a l’objet Mde Aassocie Fi(M)
et au morphisme f:MNassocie Fi(f) : Fi(M)Fi(N) est alors un
foncteur (additif) de Adans B, appel´e le i-`eme foncteur d´eriv´e gauche du
foncteur F. Pour i < 0, on posera Fi= 0.
1.7. Remarque : L’unicit´e `a homotopie pr`es du rel`evement de fen 1.4 per-
met de montrer ´egalement qu’un choix de r´esolutions projectives diff´erentes
en 1.3 pour les objets de Aconduit `a des foncteurs d´eriv´es F0
iisomorphes `a
Fi, pour tout iN.
1.8. Remarque : Pour construire les foncteurs d´eriv´es gauches d’un foncteur
additif F:A→B, il suffit de connaˆıtre la restriction de F`a une sous-
cat´egorie pleine Pde Aayant les deux propri´et´es suivantes :
1. Les objets de Psont projectifs dans A.
2. Tout objet de Aest quotient d’un objet de P.
1.9. Remarque : Il r´esulte de la construction des foncteurs d´eriv´es gauches
du foncteur additif F:A→Bque pour tout objet Mde A, on a un
morphisme
F0(M) = F(P0)/ImF(d1)F(M).
Il est facile de voir qu’il s’agit en fait d’une transformation naturelle F0F,
qui est un isomorphisme si et seulement si le foncteur Fest exact `a droite,
i.e. si pour toute suite exacte M1
d1//M0
d0//M//0, la suite
F(M1)F(d1)//F(M0)F(d0)//F(M)//0
2
est exacte (un argument classique d’alg`ebre homologique montre en effet que
pour v´erifier la condition pr´ec´edente, on peut se contenter du cas o`u M0et
M1sont projectifs dans A).
On peut noter ´egalement que la propri´et´e d’ˆetre exact `a droite, telle
que d´efinie ci-dessus pour un foncteur F, a un sens pour un foncteur non-
n´ecessairement additif. On peut montrer qu’elle entraˆıne en fait l’additivit´e
du foncteur F(cf. [1] Lemma 2.1).
1.10. Foncteurs d´eriv´es droits : le passage aux cat´egories oppos´ees per-
met de d´efinir de mani`ere analogue les foncteurs d´eriv´es droits d’un foncteur
additif F:A→Bentre cat´egories ab´eliennes, lorsque Aa suffisamment
d’objets injectifs (cf. [3]). On obtient dans ce cadre la notion de foncteur
additif exact `a gauche.
2. La correspondance de Dold-Kan
2.1. Soit Aune cat´egorie ab´elienne. La correspondance de Dold-Kan ´etablit
une ´equivalence de cat´egories entre la cat´egorie Ch0(A) des complexes de
chaˆınes (nuls en degr´e n´egatif) dans Aet la cat´egorie S(A) des objets simpli-
ciaux dans A, qui envoie les classes l’homologie de degr´e ndes complexes sur
les classes d’homotopie de n-simplexes des ensembles simpliciaux correspon-
dants, et morphismes homotopes sur morphismes simpliciaux homotopes.
2.2. Soit Xun objet simplicial dans A. On lui associe classiquement un
complexe de chaˆınes C(X) dans A: pour nN, on pose Cn(X) = Xn, et on
d´efinit la diff´erentielle dn:Cn(X)Cn1(X) par
dn=
n
X
i=0
(1)ii,
o`u i:XnXn1est le i-`eme op´erateur de face de X. Il est facile de v´erifier
que l’on obtient ainsi un foncteur C:S(A)Ch0(A).
On d´efinit ´egalement le complexe de chaˆınes normalis´e (ou de Moore)
N(X) de Xen posant, pour nN
(2.3)Nn(X) =
n1
\
i=0
Ker(i:XnXn1).
La diff´erentielle d:Nn(X)Nn1(X) est d´efinie comme la restriction de
(1)nn`a Nn(X).
On a de mˆeme obtenu ainsi un foncteur N:S(A)Ch0(A).
2.4. Remarque : la d´efinition 2.3 est celle adopt´ee par Weibel, par exemple
(cf. [5] Definition 8.3.6). Ce n’est pas la d´efinition originelle de Dold-Puppe
3
(cf. [2] 3.1), qui posent plutˆot
Nn(X) =
n
\
i=1
Ker(i:XnXn1),
en d´efinissant la diff´erentielle d:Nn(X)Nn1(X) comme la restriction
de 0. Ces deux d´efinitions conduisent `a des foncteurs naturellement isomor-
phes de S(A) dans Ch0(A) (cf. [2] Satz 3.29, ou [5] Exercise 8.3.4).
2.5. Soit
(2.6)C:. . . dn+1 //Cn
dn//Cn1
dn1//. . . d2//C1
d1//C0//0
un complexe de chaˆınes dans A. Pour nN, on pose
K(C)n=
pn
η:[n][p]Cp[η],
o`u la somme int´erieure porte sur les surjections monotones η: [n][p], le
symbole [n] d´esignant l’ensemble totalement ordonn´e {0,1, . . . , n}, et Cp[η]
une copie de Cp.
Si m, n N, et si α: [m][n] est une application croissante, alors
on d´efinit un morphisme K(α) : K(C)nK(C)mde la fa¸con suivante : si
η: [n][p] est une application croissante, alors la restriction de K(α) `a la
composante Cp[η] de K(C)nest d´etermin´ee par η0=ηα. Elle est ´egale
`a l’isomorphisme canonique Cp[η]Cp[η0], si η0est surjective,
`a la diff´erentielle d:CpCp1=Cp1[η0] si l’image de η0est ´egale `a
[p1] [p],
au morphisme nul sinon.
On montre qu’on obtient ainsi un foncteur K:Ch0(A)S(A), et de plus :
2.7. Th´eor`eme [Dold-Kan] : Soit Aune cat´egorie ab´elienne. Alors :
1. les foncteurs Ket N
S(A)
N//Ch0(A)
K
oo
sont des ´equivalences de cat´egories quasi-inverses l’une de l’autre.
2. pour tout objet Xde S(A), l’homotopie πn(X)est naturellement iso-
morphe `a HnC(X)et `a HnN(X).
3. deux morphismes f, g :XYdans S(A)sont (simplicialement) ho-
motopes si et seulement si les morphismes (de complexes) N(f)et N(g)
sont homotopes.
D´emonstration : cf. [2] Section 3, ou [5] Section 8.3.
4
3. Foncteurs d´eriv´es des foncteurs non-additifs
3.1. Soit F:A B un foncteur (non n´ecessairement additif) entre
cat´egories ab´eliennes. On suppose que Aa suffisamment d’objets projec-
tifs. Dans ces conditions, pour chaque couple d’entiers naturels (n, q), Dold
et Puppe ont d´efini un foncteur LqF(, n) de la fa¸con suivante :
Pour un objet Mde A, on choisit une r´esolution projective de M
(3.2). . . dj+1 //Pj
dj//Pj1
dj1//. . . dn+2 //Pn+1
dn+1 //Pn
dn//M//0,
que l’on prolonge en posant Pn1=Pn2=... =P0= 0. Le complexe P
form´e des Pi, pour iN, s’appelle une r´esolution projective de (M, n). Son
homologie est non-nulle seulement en degr´e n, o`u elle est isomorphe `a M.
On applique `a Ple foncteur Kd´efini en 2.5, pour obtenir un objet simplicial
K(P) de A. En composant K(P) avec le foncteur F:A → B, on a un objet
simplicial FK(P) dans la cat´egorie ab´elienne B, dont on peut prendre le com-
plexe de chaˆınes CFK(P), ou le complexe de chaˆınes normalis´e NFK(P). On
d´efinit alors LqF(M, n) comme l’homologie de degr´e qdu complexe NFK(P)
(ou du complexe CFK(P), qui lui est isomorphe) :
LqF(M, n) = HqNFK(P).
Si Nest un objet de A, on choisit ´egalement une r´esolution projective Q
de (N, n). Lorsque f:MNest un morphisme dans A, on peut relever f
en un morphisme de complexes e
f:PQ, unique `a homotopie pr`es. On en
d´eduit un morphisme NFK(e
f) : NFK(P)NFK(Q), unique `a homotopie
pr`es, donc, pour tout qN, un morphisme bien d´efini
LqF(f, n) : LqF(M, n)LqF(N, n).
On v´erifie facilement qu’on a ainsi obtenu un foncteur LqF(, n) : A → B,
appel´e le q-i`eme foncteur d´eriv´e (gauche) de niveau nde F.
3.3. Remarque : Comme en 1.7, un choix de r´esolutions projectives diff´e-
rentes pour les (M, n) conduit `a des foncteurs L0
qF(, n) naturellement iso-
morphes `a LqF(, n), pour tout couple (n, q)N×N.
3.4. Remarque : Comme dans le cas des foncteurs additifs, un passage
aux cat´egories oppos´ees permet de d´efinir les foncteurs d´eriv´es droits d’un
foncteur F:A→Bentre cat´egories ab´eliennes, lorsque Aa suffisamment
d’objets injectifs.
3.5. La proposition suivante permet de comparer, pour un foncteur additif,
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