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Comparer et classer, est-ce promouvoir ?
le 13 décembre 2012
AFFAIRES | Commerce électronique
Le référencement prioritaire d’offres de produits ou de services assure leur promotion de façon
indirecte et constitue donc une activité de prestataire de service commercial et publicitaire. Le
consommateur étant orienté d’abord vers ces offres, sans disposer de critères objectifs de choix, ce
référencement prioritaire est susceptible d’altérer son comportement économique.
Com. 4 déc. 2012, F-P+B, n° 11-27.729
Sur internet, tout est information. Mais laquelle alors est publicitaire ? La question se pose avec une
acuité grandissante alors que les recommandations sur les médias sociaux ont une influence sur les
décisions d’achat. En 2011, plusieurs procédures contentieuses ont été lancées par la DGCCRF à la
suitede la rédaction de faux avis sur le site d’un marchand ou sur des sites tiers (MINEFI, Bilan
d’activité 2011, 14 févr. 2012). En Grande-Bretagne, l’Office of Fair Trading a sanctionné une
société qui avait caché qu’elle payait des blogueurs pour promouvoir ses services (Investigation
into inadequate disclosures in respect of commercial blogging activity, CRE-E-25932, 13 déc. 2010).
Bien avant cela, il fut découvert que des entreprises avaient expurgé Wikipedia des passages les
plus critiques envers elles (J.-M. Manach, Les auteurs d’interventions pirates sur le site Wikipédia
démasqués, Le Monde, 20 août 2007).
Sur les comparateurs de prix aussi, la frontière entre contenus publicitaires et autres contenus peut
être floue. Cela a déjà entraîné sanction de l’un de ces sites (Com. 29 nov. 2011, n° 10-27.402, D.
2011. 2989 ; ibid. 2012. 840, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; ibid. 2760, obs.
Centre de droit de la concurrence Yves Serra ; RTD eur. 2012. 503, obs. S. Adalid ; ibid. 507, obs.
N. Rias ), mais n’a peut-être pas suffi à alerter ses concurrents : un autre outil permettant de
comparer les prix en ligne vient d’être condamné sur le fondement de la loi pour la confiance dans
l’économie numérique (1) et du code de la consommation (2).
1. L’article 20 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 prévoit que « toute publicité, sous quelque
forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être
clairement identifiée comme telle ». Quand un site compare diverses offres commerciales en
favorisant la présentation de ceux qui ont passé avec lui un contrat de référence, se rend-il
coupable de la violation de ce texte ? Condamné en appel, le comparateur cherchait dans son
pourvoi à faire reconnaître à la Cour de cassation que son activité ne relevait pas de la publicité :
celle-ci n’existerait, selon lui, qu’en cas de « démarche active de sollicitation du public » et quand
s’y perçoit un message promotionnel. En d’autres termes, comparer des offres commerciales ne
serait pas de nature publicitaire car les résultats présentés le sont à la demande des utilisateurs du
service et sans présentation flatteuse de l’un ou l’autre.
Àcela, la Cour de cassation répond que la publicité existe même quand elle est indirecte. Tel est le
cas quand existe, comme en l’espèce, un accord commercial entre comparateur et comparés
destiné à présenter ces derniers en tête de classement. Le rejet du pourvoi intervient, étant jugé
que la cour d’appel a correctement estimé qu’il était difficile pour l’internaute d’être informé de la
méthode qui préside à l’organisation des résultats qui lui sont présentés. Par l’emploi du terme «
internaute », les juges peuvent sembler n’avoir en vue que la protection des seuls individus mais le
texte obligeant à identifier clairement une publicité s’applique indifféremment à toute situation,
qu’il s’agisse de s’adresser à des personnes physiques ou morales, à des consommateurs ou des
professionnels.
2. Ne pas expliciter que tout ou partie des informations présentées sur un site sont publicitaires
n’est pas seulement condamnable en soi. Outre la possible application du droit commun (Civ. 2e, 10
déc. 2009, n° 09-11.038 : « la difficulté d’accès à [une information sur un site] était telle qu’elle
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constituait un manquement à l’obligation d’information » de l’exploitant de ce site), cela peut aussi
entraîner sanction si l’omission de l’information est susceptible d’altérer de manière substantielle le
comportement économique d’un consommateur raisonnablement attentif et normalement informé.
Àlire l’arrêt, il suffit que l’internaute ne sache pas que les résultats lui sont fournis dans un ordre
qui dépend des partenariats commerciaux du prestataire du service pour qu’il y ait pratique
commerciale déloyale et trompeuse au sens des articles L. 120-1 et L. 121-1 du code de la
consommation : la présentation systématique en tête des résultats des offres des entreprises
bénéficiant d’un référencement prioritaire empêcherait les internautes de disposer de « critères
objectifs de choix ». Certes, dans un environnement numérique auquel des consommateurs
nouveaux venus ne sont pas toujours habitués, on peut craindre qu’ils adoptent un comportement
économique qu’ils n’auraient pas en d’autres circonstances (J. Rochfeld, Les nouveaux défis du droit
des contrats : l’efficacité de la lutte contre les pratiques commerciales déloyales de l’Internet, in
Les nouveaux défis du commerce électronique, LGDJ, 2010, pp. 7 s.). Mais peut-on déduire de la
seule existence d’un classement – qui, par nature même, consiste en une présentation
discriminatoire des offres – que celui qui y est confronté va mécaniquement s’intéresser aux seules
offres figurant en tête ? Il est permis d’en douter (comp. Paris, 2 févr. 2011, Dalloz actualité, 23
févr. 2011, obs. C. Manara , analysant minutieusement les résultats relevant du référencement
payant et ceux découlant du référencement naturel pour conclure qu’il n’y avait pas de risque de
confusion entre eux).
par Cédric Manara, professeur associé, EDHEC Business School (LegalEDHEC)
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