Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) Investissements étrangers en France : la France réagit le 19 mai 2014 ADMINISTRATIF | Droit économique AFFAIRES | Société et marché financier EUROPÉEN ET INTERNATIONAL | Droit économique | Marché intérieur - Politique communautaire Le décret n° 2014-479 du 14 mai 2014 actualise le champ des secteurs qui relèvent de la procédure d’autorisation pour prendre en compte les activités essentielles à la garantie des intérêts du pays en matière d’ordre public ou de sécurité publique ou de défense nationale. Décr. n° 2014-479, 14 mai 2014, JO 15 mai Officiellement, les investissements étrangers sont les bienvenus en France. Mais notre droit peut parfois venir les contrarier. Certes, la réglementation des investissements réalisés en France par des étrangers, qui est aujourd’hui fondée sur les articles L. 151-1 et suivants et R. 153-1 et suivants du code monétaire et financier, issus respectivement de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 et du décret n° 2005-1739 du 30 décembre 2005 (E. Chvika, Aménagement du contrôle des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques en France, D. 2006. Chron. 218 ), pose comme règle de principe que « les relations financières entre la France et l’étranger sont libres ». De fait, est aujourd’hui abandonnée toute procédure d’autorisation préalable du ministre de l’économie ; toutefois, cette autorisation subsiste pour les investissements étrangers dans les secteurs dits sensibles. Sont donc soumis à autorisation préalable les investissements étrangers émanant des pays tiers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l’exercice de l’autorité publique ou relève de l’un des domaines suivants : les activités de nature à porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale, ainsi que celles de recherche, de production ou de commercialisation d’armes, de munitions, de poudres et substances explosives. Il revient à un décret le soin de définir la nature desdites activités (C. mon. fin., art. L. 151-3, I ; V. égal. Rép. com., v° Circulation des capitaux [Paiements internationaux et investissements], par Berr, spéc. nos 69 s.). Ce que fait l’article R. 153-2 du code monétaire et financier, qui vise, entre autres, les activités dans les secteurs des jeux d’argent ou celles exercées par les entreprises dépositaires de secrets de la défense nationale. Le décret du 14 mars 2014, que d’aucuns dénommera « décret Alstom » (dit encore décret « Montebourg »), vient compléter cette énumération. Les activités couvertes par le décret peuvent désormais porter sur des produits, matériels ou prestations de services. Elles sont définies par leur caractère essentiel à la préservation des intérêts du pays dans six secteurs économiques : l’approvisionnement en énergie et en eau, les réseaux et services de transport et de communications électroniques, les établissements, installations et ouvrages d’importance vitale au sens du code de la défense, et le secteur de la santé (C. mon. fin., art. R. 153-2 compl.). Il est toutefois permis de s’interroger – et la Commission de Bruxelles le fera prochainement – sur le caractère « euro-compatible » de ce texte tant les domaines concernés sont vastes. En tout état de cause, comme l’indique le communiqué de presse du ministère de l’économie du 15 mai 2014, « il s’agit pour le gouvernement de s’assurer que ces objectifs légitimes seront pleinement pris en compte par les investisseurs étrangers, qu’ils soient issus de pays de l’Union européenne ou de pays tiers. Au besoin, le gouvernement pourra demander des engagements spécifiques ou imposer des conditions à la réalisation des investissements concernés, afin de garantir la préservation des intérêts du pays ». Pour cela, le ministre de l’économie peut, dans le cadre de la procédure d’autorisation préalable, subordonner son autorisation à la cession de certains actifs de l’entreprise française visée à une entreprise indépendante de l’investisseur étranger (C. mon. fin., art. R. 153-9, al. 3 mod.). Ces modifications permettent ainsi d’aligner la réglementation française à celles d’autres États, européens ou non, dotés d’un système économique de type libéral (V. « Patriotisme économique » : Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017 Publié sur Dalloz Actualité (http://www.dalloz-actualite.fr) comment les autres pays mettent leur industrie à l’abri, 15 mai 2014, disponible sur www.lemonde.fr). Les États-Unis disposent ainsi d’un dispositif juridique permettant de protéger les intérêts touchant à la « sécurité nationale » et aux « infrastructures cruciales » – ce qui n’est guère plus précis en termes de périmètre que l’élargissement réalisé par le dernier décret français. En cas de proposition de rachat, les offres sont examinées dans un délai de soixante-quinze jours par le Committee on Foreign Investment in the United States (Comité sur l’investissement étranger aux États-Unis, CFIUS) qui peut demander des aménagements voire, dans certains cas, recommander au président américain de s’opposer au rachat. Seules les législations britanniques et allemandes semblent être plus restreintes dans les secteurs visés par un tel contrôle public : le Royaume-Uni le limite ainsi à trois domaines qui sont la sécurité nationale, les marchés financiers et les médias, tandis que l’Allemagne a opté pour un mécanisme protégeant des investissements étrangers présentant « un danger effectif et suffisamment important » qui « menace l’intérêt fondamental de la société » (essentiellement la défense et les télécommunications). par Xavier Delpech et Erwan Royer Dalloz actualité © Éditions Dalloz 2017