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Publicités par mots-clefs : un annonceur peut utiliser la
marque d’un tiers à certaines conditions
le 23 février 2011
AFFAIRES | Commerce électronique | Propriété intellectuelle
Déclencher l’affichage d’un lien promotionnel vers un site sur lequel sont proposés à la vente des
produits et des services identiques à ceux pour lesquels une marque est saisie sur un moteur par
un internaute à des fins de recherche, constitue un usage de cette marque par l’annonceur. Un tel
usage, en l’absence de toute référence explicite ou implicite à la marque, ne porte pas atteinte à la
fonction essentielle d’indication d’origine de ces produits et services.
Paris, 2 févr. 2011, RG n° 08/02354
Sept ans pour rien ? On ne peut s’empêcher de se poser la question en découvrant cet arrêt. En
2003 la société Google fut, pour la première fois, sanctionnée pour le fonctionnement de son
système publicitaire AdWords (TGI Nanterre, 13 oct. 2003, D. 2003. AJ 2885, obs. C. Manara ; PIBD
2003, n° 776, III, 604 ; Propr. intell. 2004, n° 12, p. 811, obs. Logeais ; RLDA 2003/12, n° 4219, obs.
Costes ; Juriscom, 28 oct. 2003, obs. C. Manara). Ce système, et la jurisprudence, ont évolué par la
suite : dans les affaires postérieures, les juges ont pareillement condamné la régie publicitaire pour
contrefaçon ou ont jugé qu’il y avait concurrence déloyale, parfois ont exonéré la défenderesse de
toute responsabilité, cependant qu’ils sanctionnaient aussi, ou non, les annonceurs ayant choisi de
déclencher des publicités associées à des requêtes comportant les marques de tiers (pour une
synthèse de la jurisprudence des premières années : J. Canlorbe, L’usage de la marque d’autrui,
coll. « IRPI », Litec, 2007, n° 129 à 131, et les références citées)… Cette hétérogénéité des
fondements et des solutions était révélatrice de l’embarras des juges à appréhender ce phénomène
d’usage électronique de signes distinctifs, au point qu’était impatiemment attendue l’intervention
de la Cour de justice de l’Union européenne. Celle-ci indiqua que les juges du fond doivent, pour
apprécier l’atteinte à la marque, analyser si la publicité ne permet pas, ou permet seulement
difficilement, à l’internaute moyen de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce
proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou, au
contraire, d’un tiers (23 mars 2010, aff. C-236/08, D. 2010. 885, obs. C. Manara ; ibid. 1966, obs. J.
Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny-Goy ; CCC. 2010, comm. n° 132 par C. Caron ; RLDI 2010/2029,
note E. Tardieu-Guigues).
Orientée par le vent soufflant du Luxembourg, une première cour d’appel a exclu toute contrefaçon
ou faute civile de la part de Google (Paris, 19 nov. 2010, n° 08/00620). Voici que la même
juridiction, en plus de confirmer la mise hors de cause de la régie publicitaire, considère que les
annonceurs eux-mêmes n’ont pas fait un emploi illicite de la marque d’un concurrent en y associant
leurs annonces commerciales. Elle le fait de façon plutôt convaincante.
C’est en effet à une analyse détaillée de la page de résultats du moteur Google, qui combine
résultats donnés aux recherches des utilisateurs et publicités, que la cour se livre afin de
caractériser l’absence de risque de confusion. Si la demande était fondée sur l’article L. 713-2 du
code de la propriété intellectuelle relatif aux usages de marque à l’identique, les juges ont, en
réalité, examiné ce risque - ce qui revient à envisager l’application éventuelle de l’article L. 713-3
qui contient cette prévision -, concluant à l’impossibilité que l’internaute soit induit en erreur.
Position et mise en évidence des termes de la recherche dans les résultats naturels contre absence
de mention de ceux-ci dans les libellés publicitaires ; séparation nette de ces résultats et des
annonces ; présence de la mention « liens commerciaux »* en tête de ces dernières et au pied
d’une réclame de Google pour ses services ; composition des annonces se terminant toutes par un
nom de domaine corroborant la nature promotionnelle des messages qu’ils terminent… tous ces
éléments empêchent de concourir à ce que soit suggérée l’existence d’un lien économique entre
l’annonceur et le titulaire d’une marque chez « l’internaute normalement informé et
raisonnablement attentif effectuant une recherche au sujet des marques évoquées » (on observera,
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au passage, que les juges français s’en réfèrent, comme la juridiction communautaire, à la figure de
« l’internaute » plutôt qu’à celle habituelle du « consommateur »). Dans ces conditions, les juges
estiment pareillement que l’emploi par les annonceurs de signes distinctifs autres que des marques
- en l’espèce dénomination sociale et nom commercial - n’est pas non plus susceptible d’engendrer
un risque de confusion.
Il est à observer que les juges ont souligné que les annonces « se limit[ai]ent à désigner le produit
promu en des termes génériques (…), et à promettre des remises à l’achat de ce produit ». L’arrêt
ne constitue donc pas un sauf-conduit pour l’annonceur qui croirait être autorisé à utiliser la
marque d’un concurrent de quelque manière que ce soit : il aurait à répondre à justice de toute
référence, même implicite, au signe d’un compétiteur (que cette référence se trouve dans le texte
de son annonce, ou dans l’URL qui la termine). Reste en suspens la question de l’emploi d’une
marque notoire et l’application du mécanisme spécial de l’article L. 713-5.
Cet arrêt résout aussi une difficulté qui avait été soulevée par deux fois (Paris, 28 juin 2006, PIBD
2006, n° 838, III, p. 671 ; TGI Paris, 7 janv. 09) : celle de la conformité des « liens sponsorisés » à
l’article 20 de la loi pour la confiance dans l’économie numérique qui contraint l’annonceur à
s’identifier clairement. Les entreprises ayant recours aux AdWords utilisent les quelques dizaines de
caractères alloués par la régie publicitaire pour composer leur message plutôt que pour décliner
leur identité. Dès lors qu’un clic sur l’adresse électronique ponctuant cette publicité permet
d’arriver à un site dont l’éditeur s’identifie au moyen des mentions légales, la lettre du texte est
respectée estiment les juges. On peut observer qu’est pareillement respecté l’esprit de la directive
« commerce électronique » du 8 juin 2000 prévoyant la nécessité d’un « accès facile, direct et
permanent » à ces mentions « pour les destinataires du service » (art. 5).
* La présentation des publicités a évolué depuis la naissance de ce contentieux : au dernier
trimestre 2010, la mention « annonces » a remplacé celle de « liens commerciaux » dont il était
question dans la présente espèce. Il est vraisemblable que les juges considèreraient que ce libellé,
dénué d’ambiguïté, n’est pas non plus de nature à susciter la confusion.
par C. Manara
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