Réduction d`un endomorphisme en dimension finie

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Agrégation de Mathématiques
Frédéric Boure
MG124 Réduction des endomorphismes en dimension finie.
Applications.
Dans toute cette leçon, K désigne un corps (commutatif), E un K -espace vectoriel de dimension
nie n > 1 et u un endomorphisme de E .
1
Diagonalisation et trigonalisation
1.1
Eléments propres d'un endomorphisme, polynôme caractéristique, polynôme
minimal.
Dénition 1.1.
On dit qu'un scalaire λ ∈ K est une valeur propre de u s'il existe un vecteur x 6= 0
tel que u(x) = λx. Un tel vecteur est appelé vecteur propre de u associé à λ. On appelle spectre
l'ensemble des valeurs propres de u, et il est noté Sp(u).
Dénition 1.2.
de u associé à λ.
Si λ ∈ Sp(u) alors le sous-espace vectoriel ker(u − λId) est appelé sous-espace propre
Proposition 1.3. Si (λ1 , . . . , λk ) forment une famille nie de valeurs propres deux à deux distinctes
de u, alors les sous-espaces propres ker(u − λi Id) sont en somme directe.
Dénition 1.4.
n donné par
On appelle polynôme caractéristique de u et on note χu le polynôme unitaire de degré
χu (X) = det(X · Id − u) = X n − tr(u)X n−1 + · · · + (−1)n det(u).
Proposition 1.5.
1) Les valeurs propres de u sont exactement les racines sur K de χu . L'ordre
de multiplicité d'une racine λ de χu est appelé multiplicité de la valeur propre λ de u, elle est
notée m(λ).
2) Si F est stable par u alors χu|F |χu .
3) Si λ est une valeur propre de u, alors
1 6 dim ker(u − λId) 6 m(λ).
Dénition-Proposition 1.6.
Le sous-ensemble de K[X] déni par
I(u) = {P ∈ K[X]|P (u) = 0}
est un idéal de K[X] non réduit à 0. Il est alors engendré par un unique polynôme unitaire : c'est le
polynôme minimal de u, il est noté µu .
Théorème 1.7
(Hamilton-Cayley). Le polynôme minimal µu divise le polynôme caractéristique χu
Corollaire 1.8.
Les valeurs propres de u sont exactement les racines dans K du polynôme minimal.
i.e. χu (u) = 0.
1.2
Diagonalisation
Dénition-Proposition 1.9.
suivantes est vériée
On dit que u est diagonalisable si l'une des assertions équivalentes
1) il existe une base de E telle que la matrice de u est diagonale
2) il existe une base de E formée de vecteurs propres de u
L
3) E = λ∈Sp(u) ker(u − λId)
4) le polynôme caractéristique χu est scindé sur K et pour tout λ ∈ Sp(u), on a
dim ker(u − λId) = m(λ).
Exemple.
Les homothéties, les projecteurs et symétries sont diagonalisables. Les transvections ne
sont pas diagonalisables.
Corollaire 1.10.
Exemple.
Si u admet n valeurs propres deux à deux distinctes alors u est diagonalisable.
√
2 1
A=
. Alors Sp(A) = 3±2 5 .
1 1
Théorème 1.11.
u est diagonalisable si et ssi il existe un polynôme annulateur de u à racines simples
si et ssi µu est scindé sur K et ne possède que des racines simples.
Corollaire 1.12.
sable.
1.3
Si F est un sev de E stable par u et si u est diagonalisable alors u|F est diagonali-
Trigonalisation
Dénition-Proposition 1.13.
suivantes est vériée
On dit que u est trigonalisable si l'une des assertions équivalentes
1) il existe une base de E dans laquelle la matrice de u est triangulaire (supérieure)
2) le polynôme caractéristique χu de u est scindé sur K .
3) il existe un polynôme annulateur de u qui soit scindé sur K .
Exemple.
Les endomorphismes diagonalisables, les transvections et les endomorphismes nilpotents
sont trigonalisables. Les rotations de R2 d'angle ϑ 6= 0[π] ne sont pas trigonalisables dans R.
Corollaire 1.14.
Si u est trigonalisable et si F est un sev de E stable par u alors u|F est trigonalisable.
Corollaire 1.15.
Si K est algébriquement clos, tout endomorphisme de L(E) est trigonalisable.
Application. 1) L'ensemble des matrices diagonalisables de Mn (C) est dense dans Mn (C).
2) Théorème de Burnside Tout sous-groupe G de GLn (C) d'exposant ni est ni.
1.4
Réductions simultanées
Proposition 1.16.
Si u et v sont deux endomorphismes qui commutent, alors tout sous-espace propre
de u est stable par v .
Proposition 1.17.
Si u et v sont deux endomorphismes diagonalisables (resp. trigonalisables) qui
commutent alors il existe une base commune de diagonalisation (resp. trigonalisation) pour u et v .
Remarque ce résultat s'étend à des familles nis d'endomorphismes diagonalisables (resp. trigonalisables) dont les éléments commutent deux à deux.
2
Sous-espaces caractéristiques et décomposition de Dunford
Soit u ∈ L(E). On suppose ici que χu est scindé sur K ,
χu (X) = (X − λ1 )m1 · · · (X − λp )mp
où λi ∈ Sp(u).
♦
Dénition-Proposition 2.1.
λi Id)mi
L
1) E = pi=1 ker(u − λi Id)mi . Les sous-espaces vectoriels ker(u −
sont appelés sous-espace caractéristiques de u, ils sont u-stables.
2) ∀i ∈ [1, p], dim ker(u − λi Id)mi = mi
Théorème 2.2 (Décomposition de Dunford). u s'écrit de manière unique sous la forme u = d + n
avec d diagonalisable,u nilpotent et dn = nd. De plus, d et n sont des polynômes en u.
Application.
Calcul de puissance d'endomorphismes par la formule du binôme de Newton.
Application à la résolution des suites récurrentes linéaires d'ordre k .
Calcul de l'exponentielle d'un endomorphisme. Application à la résolution de systèmes linéaires
du 1er ordre.
Surjectivité de l'exponentielle sur Mn (C)
3
Diagonalisation en blocs remarquables : réductions de Frobenius
et de Jordan.
3.1
Endomorphismes cycliques
Dénition 3.1.
Soit a ∈ E , on notera µu,a le polynôme unitaire de K[X] qui engendre l'idéal
{P ∈ K[X]|P (u)(a) = 0}.
Dénition 3.2.
On note < x >u := {P (u)(x)|P ∈ K[X]}.
Si F est un s.e.v. u-stable de E , on dira que F est u-monogène si et ssi il existe x ∈ F tel que
F =< x >u
On dira que u est cyclique s'il existe x ∈ E tel que
E =< x >u
Proposition 3.3.
Il existe a ∈ E tel que µu = µu,a .
Proposition 3.4.
Les assertions suivantes sont équivalentes.
1) u est cyclique
2) χu = µu ou deg(µu ) = dim(E)
3) Il existe une base de E dans laquelle la matrice de
X n + an−1 X n−1 + · · · + a0 i.e.

0 ··· ···

1 0


C(χu ) = 0 1 . . .

 .. . .
..
.
.
.
0 ···
3.2
0
u soit la mtrice compagnon de χu (X) =
0
..
.
..
.
−a0








0 −an−2 
1 −an−1
−a1
..
.
Réduction de Frobenius
Théorème 3.5 (Théorème des invariants de similitude).
tels que
Il existe F1 , . . . , Fr des s.e.v de E u-stables
1) E = F1 ⊕ F2 ⊕ · · · ⊕ Fr
2) Fi est u-monogène pour tout i ∈ [1, r]
3) En notant Pi le polynôme minimal de u|Fi , alors Pi+1 |Pi pour tout i ∈ [1, r − 1].
La suite de polynôme P1 , . . . , Pr ne dépend que de u et non du choix de la décomposition. Elle est
appelée suite des invariants de similitudes de u.
Corollaire 3.6
(Réduction de Frobenius). Si P1 , . . . , Pr désigne la suite des invariants de similitude
de u, alors il existe une base de E dans laquelle u a pour matrice


C(P1 )


..

.
.
C(Pr )
Proposition 3.7 (Détermination pratique). Soit M la matrice de u dans une base de E . Les invariants
de similitudes de u sont les facteurs invariants diérents de 1 de la matrice M − XI ∈ Mn (K[X]).
Théorème 3.8 (Caractérisation des classes de similitudes). Deux endomorphismes u et v de E sont
semblables si et ssi ils ont même invariants de similitudes.
Application.
Si M ∈ Mn (K), alors M et t M sont semblables. Un endomorphisme et sa transposée sont
semblables.
Si K ⊂ L est une extension de corps et si A et B sont semblables sur L alors elles le sont sur K .
3.3
Réduction de Jordan
Dans le cas où le polynôme caractéristique χu est scindé (ce qui est le cas lorsque K est algébriquement clos), on peut obtenir une réduction plus poussée qui découle de la réduction de Frobenius.
Théorème 3.9
(Réduction de Jordan). Si le polynôme caractéristique de u est scindé sur K , alors,
il existe une base de E dans laquelle la matrice de u est de la forme


J1


..


.
Js
où Ji sont les blocs de Jordan i.e. ils s'écrivent

λi 1

λi


Ji = 



1
..
.



..

.

λi 1 
λi
les λi étant les valeurs propres (non nécessairement distinctes) de u.
Références :
R. Goblot, "Algèbre Linéaire"
J. Fresnel, "Algèbre des matrices"
N. Bourbaki, "Algèbre", chap. 7
C. Deschamps, A. Warusfel, "J'intègre, Mathématiques 2e année"
Développements proposés :
D1
D2
D3
Démonstration du théorème de Dunford
Surjectivité de l'exponentielle sur Mn (C)
Démonstration du théorème des invariants de similitudes (existence seulement)
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