Internet et société : reconfigurations du patient et de la médecine ?

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S c i e n c e s S o c i a l e s e t S a n t é , V ol . 22 , n ° 1 , m a r s 2 0 04
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Internet et société : reconfigurations
du patient et de la médecine ?
Michael Hardey* (1)
Résumé. Cet article montre que la disponibilité d’informations médicales
sur Internet joue un rôle majeur dans la transformation des savoirs médicaux et dans les relations que chacun entretient avec l’information et les
conseils en matière de santé. La « e.santé » est ici définie de manière à
échapper aux modèles organisationnels, médicaux ou technologiques qui
ont donné lieu à l’élaboration de dénominations comme la cybermédecine, la télémédecine ou l’informatique médicale. En nous appuyant sur
une théorisation des relations entre réflexivité, santé et information, nous
mettons en évidence quelques points-clés dans les évolutions constatées,
à savoir les menaces pesant sur l’expertise médicale et la sécurité du
public, et les relations médecin/patient. Cette analyse suggère que la
nature plurielle des savoirs disponibles sur Internet et la dissolution de la
frontière existant entre producteurs et utilisateurs d’information conduisent à des changements importants dans les savoirs médicaux.
Mots-clés : Internet, patients, connaissances.
* Michael Hardey, sociologue, Claremont Bridge Building, University of Newcastle,
Newcastle upon Tyne, NE1 7RU, Great-Britain ; e-mail : [email protected]
(1) Traduit de l’anglais par Madeleine Akrich et Cécile Méadel.
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Au début du XXe siècle, parmi les nouveaux instruments de communication qui apparaissaient à l’époque, la radio était sans doute celui qui
déclenchait le plus d’enthousiasme. Pour Bertold Brecht (1964), cette
nouvelle technique allait devenir un magnifique medium public, pourvu
qu’elle s’avère capable de recevoir aussi bien que de transmettre, qu’elle
autorise l’auditeur à parler aussi bien qu’à entendre et qu’elle permette les
échanges au lieu de le laisser dans l’isolement. À la fin de ce même siècle,
c’est au tour d’Internet de provoquer enthousiasme et spéculation. Média
intrinsèquement interactif, il comble le fossé signalé par Brecht en permettant à chacun de « parler » ou de rendre publiques ses informations.
Ainsi, peut-on obtenir des conseils personnalisés sur des questions comme
la gestion du stress, les exercices physiques, la perte de poids ou l’obéissance aux prescriptions médicales. Or, la portée d’Internet est d’autant
plus grande que ce média arrive lors d’une période de transformation
sociale : nous sommes de plus en plus appelés à nous prononcer sur des
choix de vie qui n’étaient pas offerts aux générations précédentes ; nous
sommes ainsi conduits à prendre, avec les professionnels de la médecine,
des décisions en matière de santé ou de traitements médicaux. Comme l’a
écrit Giddens, « nous n’avons pas d’autre choix que de faire des choix sur
notre manière d’être et d’agir… Le choix est devenu obligatoire »
(Giddens, 1994).
Aujourd’hui, pourtant, les analyses sur les impacts de la « e.santé »
(2) fourmillent de spéculations théoriques. D’un côté, les optimistes estiment qu’Internet tient ses promesses en affranchissant les individus des
limites, souffrances et inégalités sociales liées à la corporalité et associées
à la société moderne ; il contribue ainsi à la démocratisation des échanges
et à l’extension des possibles (Giddens, 1991, 1994 ; Turkle, 1995). De
l’autre côté, les pessimistes soutiennent que la masse d’informations disponibles sur Internet, dans un contexte général d’incertitude, est une
menace pour le bien-être de l’homme et un défi fondamental à la connaissance (Lash, 2002). Ces positions sont bien sûr des idéaux-types et seules
des recherches empiriques permettront de savoir comment, sur les questions de santé, les acteurs utilisent les techniques de communication en
relation avec leur mode de vie et leurs rapports sociaux.
(2) Ehealth. On traduira ici e.health par « e.santé », les autres notions proposées par
les dictionnaires terminologiques ne recouvrant pas exactement le même espace ;
ainsi, « télémédecine » renvoie plutôt à l’activité des professionnels, « télématique de
santé » évoque en France le Minitel. Santé électronique comme cybersanté sont des
termes peu usités.
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Ces spéculations s’inscrivent dans le contexte plus large du changement théorique des années quatre-vingt où l’on est passé d’une analyse de
la production à une analyse de la consommation, comme en témoignent
les commentaires sur la « société de consommation ». Baudrillard (1993)
affirme ainsi que les biens de consommation et leurs significations culturelles sont devenus la pierre angulaire des relations entre les personnes.
Les notions subséquentes de modernité tardive ou de société du risque
développées par Giddens (1991) ou Beck (1992) suggèrent que le caractère incertain ou imprévisible du destin des individus joue un rôle primordial dans la compréhension que nous avons de nous-mêmes et de nos
relations aux autres. La santé est centrale dans cette auto-réflexivité qui
promeut la surveillance, l’entretien et le développement du corps comme
éléments déterminants de l’identité des personnes (Shilling, 1993).
Comme Feathersone le note, l’information est alors cruciale dans ce
contexte, particulièrement pour ceux qui aspirent à un certain mode de
vie : « C’est à des groupes sociaux comme la nouvelle classe moyenne, la
nouvelle classe laborieuse et les nouveaux riches ou privilégiés que les
magazines de consommation, les journaux, livres, programmes de radio
ou de télévision consacrés à l’auto-résistance au stress, l’auto-dévelop pement, les transformations personnelles, la préservation des qualités,
relations et ambitions, la recherche de modes de vie accomplis… sont des tinés » (Feathersone,1991 : 19). Désormais, Internet vient s’ajouter à cette
liste de sources d’informations. La demande en « santé électronique » est
de fait tellement forte que ce secteur constitue un des rares domaines
d’Internet piloté par la demande des consommateurs plutôt que par des
développements technologiques ou commerciaux (McGinns, 2001).
Poster soutient que « la magie d’Internet tient à ce qu’il met les faits
culturels, les symbolisations de toutes formes, entre les mains de tous ses
utilisateurs ; il décentralise radicalement le rôle des discours, publica tions, films, émissions radio ou télévisées, soit, en bref, de l’appareil de
production culturelle » (Poster, 1997 : 211). C’est cette interactivité,
absente selon Brecht de la radio, qui permet à Internet de transcender tous
les autres médias. Il n’est donc pas étonnant qu’existent dans le domaine
de la santé électronique de nombreux conflits ou tensions entre acteurs
individuels ou collectifs : ils doivent en effet s’accommoder d’un média
qui ne privilégie pas nécessairement le savoir-expert par rapport aux
autres savoirs.
Cet article tente de faire le point de ces débats et de dégager ce qui,
à mon sens, constitue les principales ruptures introduites par Internet. Pour
ce faire, je m’appuierai sur mes propres travaux, sur ceux des chercheurs
en sciences sociales s’intéressant à ces questions, mais aussi sur une
importante littérature professionnelle ainsi que sur des approches plus
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générales comme les théories de la réflexivité (Giddens, 1991) et les
approches en terme de « surabondance d’informations » (Lash, 2002).
Après avoir resitué la « e.santé » par rapport aux tentatives antérieures
d’application des technologies de l’information à la médecine et avoir
dégagé ce qui en fait la spécificité, je m’intéresserai à deux questions principales qui font l’objet de débats et de conflits tant dans l’univers académique que dans l’univers médical ou politique :
- dans quelle mesure Internet participe-t-il à l’émergence de nouvelles figures du patient et, associée à ces figures, à l’émergence de
savoirs profanes, concurrents/complémentaires des savoirs experts ?
- quels peuvent être les effets médicaux, sociaux, politiques de la
profusion des contenus informatifs et de leur relative indifférenciation sur
Internet ?
En conclusion, j’identifierai les principaux thèmes potentiels de
recherche sur la santé électronique, ainsi que quelques questions importantes qui font l’objet de débats entre chercheurs, professionnels de la
santé et consommateurs de « e.santé ».
De la télémédecine à la « e.santé »
La dénomination « e.santé » vient de l’addition du préfixe « e »
devenu usuel dans les médias des années quatre-vingt-dix alors que les
technologies de l’information et de la communication (TIC) étaient présentées comme le point de départ d’une révolution économique et sociale.
Les formes de commerce les plus rentables et les plus attrayantes deviennent « électroniques » de telle sorte que le « e.commerce » constitue un
élément déterminant de ce que l’on a appelé « la nouvelle économie » du
XXIe siècle (Castells, 2000).
La technologie joue un rôle central dans le développement de la
médecine moderne au point que, dans nos systèmes de santé, la priorité est
souvent donnée aux interventions de haute technologie plutôt qu’aux
soins de base. Depuis le début du siècle au moins, les médecins ont été
prompts à tirer avantage des nouvelles technologies d’information et de
communication ; ils tentèrent, par exemple, de transmettre des images de
rayons X par téléphone dès avant la Première Guerre mondiale. Ce n’est
pourtant que dans les années soixante-dix que le mot grec « τελε » qui
signifie « à distance » et le mot « médecine » dérivé du latin « mederi »
qui veut dire « guérir » furent combinés pour donner « télémédecine ».
Ainsi, la télémédecine est-elle centrée sur la distribution d’expertise médicale, le plus souvent dans un contexte institutionnel et pour des patients
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éloignés des centres médicaux d’excellence. Aux États-Unis, par exemple,
on a mis particulièrement l’accent sur la diffusion de services, comme des
consultations médicales, entre participants distants. Plus récemment, on a
proposé d’utiliser les termes de « télésanté » ou « télésoin » pour désigner
des projets utilisant les TIC au domicile des patients et facilitant la collaboration entre différents professionnels ou fournisseurs de service (Chief
Medical Officer, 2000). Le travail conjoint des spécialistes de technologies d’information, des professionnels de la santé et des administratifs a
produit le champ de l’informatique médicale. Au-delà de leur diversité
apparente, les différentes applications des TIC à la santé partagent néanmoins une même conception hiérarchique des connaissances et des informations, conforme à l’interprétation de Parsons (1951) sur les relations
entre experts et profanes dans son modèle du rôle de malade. Une des ruptures introduite par Internet se situe ici, dans la possibilité de sortir de ce
modèle hiérarchique : la « e.santé » se distingue de tous les mariages précédents entre médecine et TIC par ce que Eysenbach désigne comme « un
état d’esprit, une manière de pensée, une attitude, un engagement en
faveur d’une conception en réseau du progrès des soins médicaux »
(Eysenbach, 2001). Grâce à Internet, les technologies de l’information et
de la communication ne sont plus, dans le domaine de la santé, l’apanage
des professionnels mais sont mises entre les mains des consommateurs.
La « e.santé », de nouveaux espaces à investir pour les patients
Comment qualifier plus précisément les modifications sociotopographiques introduites par Internet ? En utilisant une analogie géographique,
on peut voir Internet comme un ensemble d’espaces indénombrables qui
se diversifient et s’étendent rapidement et, ce, de manière décentralisée
(Dodge et Kitchin, 2001). Des outils comme le logiciel Microsoft Internet
Explorer pour le web sont devenus les plus utilisés des instruments d’exploration, de navigation et de création de ces espaces numériques : par
leur intermédiaire, il est possible ainsi de « sauter » d’un espace à l’autre,
en cliquant sur du texte ou des icônes qui contiennent des hyperliens, avec
le simple bouton d’une souris. Les mêmes applications permettent aux utilisateurs de recevoir et d’envoyer des messages, d’engager des discussions
en direct sur les chats (IRC), de regarder des vidéoclips et d’écouter la
radio, voire de créer de nouveaux sites et lier ces sites à d’autres sites préexistants. Du point de vue des usagers, ces ressources peuvent être produites n’importe où mais elles sont consommées localement. Cette double
caractéristique d’Internet, à la fois local et global, combinée, comme nous
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allons le voir, avec la nature essentiellement anonyme des intervenants,
façonne l’essentiel des possibilités et des aléas de la « e.santé ».
En effet, les espaces Internet sont créés au travers d’un média numérique, ce qui entraîne comme conséquence que « le corps s’arrête à
l’écran » (Turkle, 1995) tandis que l’utilisateur agit ou lit des informations
en ligne. Aussi, sur Internet, les utilisateurs sont-ils souvent anonymes ou
au moins peuvent-ils échapper tant à leur moi encorporé (3) qu’aux attentes
et normes de la sociabilité hors-ligne. Dans certains espaces Internet, les
participants se modèlent ainsi d’autres personnalités et créent des relations
libérées du physique et de la localité, ce qui en soi peut être thérapeutique
(Pleace et al., 2000). Un tétraplégique prendra, par exemple, une personnalité de guerrier dans un jeu, de maire dans une communauté virtuelle et,
à travers ses pages web personnelles, de soutien aux personnes affectées
par une lésion de la colonne vertébrale (Hardey, 2002b).
L’émergence de savoirs profanes
Un des aspects les plus spectaculaires de la « e.santé » est la possibilité pour chacun de devenir producteur d’informations médicales à travers des groupes de discussion, des chats et des pages web et, ce, comme
nous venons de le voir, en contrôlant plus ou moins la forme de son engagement personnel dans ces activités. En conséquence, et à la différence
des autres espaces sociaux, Internet permet de réduire, voire d’éliminer la
gêne, l’embarras et les risques liés à la révélation d’expériences désagréables ou de comportements potentiellement stigmatisants. Bauman a
montré que, dans les chats et dans les émissions de téléréalité, l’apparence
des personnes « ordinaires » qui, à la différence des personnalités ou des
experts, ont la même vie quotidienne que les spectateurs, peut nous permettre « de tirer quelque chose d’utile de leurs victoires et de leurs
défaites » (souligné dans le texte) (Bauman, 2000). Dans le domaine de la
santé, les informations diffusées par les groupes de discussions et les
pages web sont effectivement importantes et utiles pour les usagers parce
qu’elles proposent des récits d’états physiques, de traitements et d’expériences vécus qui transcendent un savoir médical de plus en plus spécialisé, fractionné et modelé par la « médecine des preuves ».
Les usagers participent activement à la constitution et à la préservation de ces espaces dans lesquels se déploient ces nouveaux discours sur
la maladie. S’il existe quelques groupes de discussion conçus et contrôlés
(3) NdT : traduction de embodied self.
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par des professionnels, la plupart sont créés par des patients hostiles à l’intrusion des professionnels : ainsi, les groupes de discussions, comme ceux
qui sont consacrés aux problèmes d’alcoolisme, tentent de décourager la
participation active des personnes identifiées comme praticiens (Muncer
et al., 2000). Les usagers cherchent par là à profiter d’un espace qui n’est
pas soumis à l’objurgation des médecins de former une « communauté vir tuelle de soin » (Burrows et al., 2000). Internet pourrait ainsi redonner du
pouvoir aux usagers en leur fournissant des sources d’informations et des
opinions différentes de celles qui leur sont offertes par les sources conventionnelles et les praticiens. Les recherches conduites aux États-Unis ont
montré que les communautés virtuelles apportent de manière significative
soutien, avis et amitié, en particulier pour les personnes âgées isolées.
Dans ces espaces virtuels, les personnes ayant des problèmes de santé qui
peuvent les confiner à domicile, voire dans leur lit, peuvent interagir
comme participants « normaux » de la société Internet (4).
Les patients-experts dans le débat public
Certaines personnes utilisent également Internet pour rassembler et
publier des informations, ou pour coordonner des campagnes contre des
projets qu’ils estiment nuisibles. Une telle approche des savoirs experts
par les citoyens s’inscrit dans le vaste mouvement de démocratisation de
la science (Couch et Kroll-Smith, 1997), lui-même lié à la perte de
confiance dans le pouvoir de la science et dans la capacité des experts à
sauver les vies et les corps. Dans le même temps, les politiques publiques
de santé tentent de promouvoir l’idée que les citoyens doivent être informés des risques afin de prendre des décisions sur leur régime, exercice
physique, etc. (Department of Health, 2001). Cette nouvelle « doctrine »
n’est pourtant pas si simple à appliquer : Giddens (1991) a mis en évidence la spécialisation croissante et la différenciation des connaissances
caractéristiques de notre modernité, qui se traduisent par une multiplication des sources d’autorité, souvent discordantes ; et cela est plus sensible
sur Internet que nulle part ailleurs.
En Grande-Bretagne, le débat à propos du vaccin ROR (rougeole,
oreillons et rubéole) (5) est significatif de cette évolution. En dépit des
(4) Cependant, l’absence de contraintes sociales et d'obligations propres aux relations
interpersonnelles peut avoir des conséquences sur la confiance que les usagers portent
aux opinions disponibles dans ces lieux (Turner et al., 2001).
(5) MMR en anglais.
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incitations des médecins pour inoculer tous les enfants, les parents se trouvaient face à une surabondance d’informations et d’opinions qui leur ont
fait se poser des questions à propos des effets potentiels sur la santé du
vaccin combiné et, in fine, militer pour une approche alternative. Ce qui
est devenu la « controverse du ROR » a eu une couverture très importante
dans la presse et les médias, mais c’est sur Internet que les parents ont pu
trouver le plus d’informations et d’avis (Burrows et al., 2000). Internet ne
produit pas seulement des patients plus réfléchis, n’accordant pas toute
leur confiance aux sources conventionnelles d’autorité, mais aussi des
acteurs dotés de nouvelles munitions ; celles-ci leur permettent de questionner ou de contester les avis des professionnels de la santé, et leur donnent les renseignements nécessaires pour demander de l’aide à un vaste
ensemble de professionnels hétérodoxes de la santé. De ce point de vue, il
est sans doute inapproprié de considérer qu’après une ère marquée par la
confiance aveugle des patients vis-à-vis des praticiens, on entre dans l’ère
de la défiance ; comme le note Giddens (1991), on assiste probablement à
une reconfiguration des relations médecins/patients, plutôt qu’à sa subversion.
La « e.santé » ne se contente pas de fournir aux personnes des informations et des avis qui peuvent être contraires à la politique sanitaire
nationale, elle leur permet également de partager leur opinion avec
d’autres et de constituer des alliances afin de remettre en cause ces mêmes
politiques. Certains groupes militants utilisent Internet comme un moyen
de joindre leurs partisans, qui peuvent être dispersés autour du monde, et
de fournir des informations aux usagers. L’Association pour le syndrome
de la guerre du Golfe a ainsi milité dans ses pages web pour obtenir un
changement de la politique gouvernementale et une reconnaissance de la
maladie par les professionnels de la santé. Sur Internet, les utilisateurs
peuvent trouver des articles de presse, des dates de manifestations, des
histoires de vie ou des avis sur la façon d’obtenir des aides de la NHS. La
production d’informations par ces groupes profanes met au défi le gouvernement et les institutions qui sont vus comme défaillants dans leur
diffusion des données de la recherche, tant au niveau national qu’international (Loader, 1999).
La reconfiguration des usagers :
du patient responsable au consommateur
La différence entre les approches des professionnels et celles des
patients est depuis longtemps un thème de recherche pour les sciences
sociales. Ainsi, l’usage des prescriptions médicales a fait l’objet de tra-
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vaux nombreux qui montrent que les personnes réexaminent en permanence l’utilité de leurs médicaments à la lumière de nouvelles informations ou expériences (Bissell et al., 2001). Dans ce contexte, Internet joue
un rôle important : une étude a montré, par exemple, que près de deux tiers
des diabétiques sont influencés par des informations provenant d’Internet
dans la manière dont ils adhérent à leur traitement (Harris Interactive,
1999). Une telle action réfléchie n’indique pas nécessairement une perte
de confiance dans la médecine mais témoigne plutôt d’un engagement
personnel dans les soins et d’une autoresponsabilisation face aux décisions médicales. Les informations obtenues par Internet sont reçues de
manière substantiellement différente de celles obtenues par les professionnels. Dans les consultations en face-à-face, la confiance s’établit à travers des interactions au cours desquelles le diagnostic et la thérapie sont
négociés. De telles rencontres permettent « le partage d’information, le
partage d’évaluation, le partage de décision et le partage de responsabi lité » (Coulter, 1999). Cette insistance sur le partage désigne tant les
symptômes corporels que des opinions ou des informations, dont certaines
peuvent provenir d’Internet. Ainsi, on sait que les patients pourront
contester le traitement proposé par leur médecin et accepter des médicaments alternatifs sur la base de données trouvées sur Internet (Hardey,
1999).
Dans le même temps, le web, parce qu’il remet en cause, au travers
des sites commerciaux, la frontière traditionnelle entre l’éventail des
médicaments en vente libre et ceux qui exigent une ordonnance médicale,
favorise l’émergence d’un patient consommateur qui échappe aux acteurs
de la santé publique. Ce phénomène est loin d’être négligeable et, en tout
cas, nourrit les espoirs de nombreuses entreprises qui voient dans Internet
la possibilité de développer de nouveaux marchés et d’inventer des stratégies de distribution inédites. Les études sur la place de la santé dans les
activités des internautes sont à cet égard encourageantes pour les acteurs
économiques : on estime que le nombre d’utilisateurs de l’Internet médical, aux États-Unis, est passé de 53 millions en 2000 à 73 millions en 2001
(Harris Interactive, 2000) ; en Grande-Bretagne, le montant des ventes au
détail de médicaments hors prescription est évalué à 126 millions de livres
en 2002 (Select Committee on Science and Technology, 2002) ; une étude
prospective sur la « e.santé » en Amérique du Nord a montré comment les
« nouveaux consommateurs » recherchent activement des informations
médicales et des produits pour améliorer leur condition physique (Kyrouz
et al., 1998). Nous reviendrons dans la suite sur les implications de cette
activité commerciale et de ses liens avec d’autres formes d’activité.
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Vers un patient réflexif ?
L’autoréflexivité, la planification de la vie et l’insécurité ontologique sont, pour Giddens (1991), déterminantes à notre époque. Nous
sommes tous engagés dans un processus de recherche et d’évaluation des
informations sur les risques potentiels et les situations qui pourraient
transformer notre vie. Ce projet réflexif passe, toujours selon Giddens, par
une profusion de ressources réflexives : les thérapies, les manuels d’aide
de toutes sortes, les émissions de télévision et les articles des journaux
(Giddens, 1992 : 30). Cette masse d’informations reflète « l’ouverture »
de la vie sociale contemporaine, le pluralisme des contextes d’action et la
diversité des « autorités » ; les choix de vie deviennent de plus en plus
importants dans la constitution de l’identité des personnes et de l’activité
quotidienne (Giddens, 1991 : 5). Du reste, l’utilisation d’informations en
provenance d’une pluralité de sources, potentiellement conflictuelles, est
une caractéristique centrale de cette « modernité réflexive » : en retour, se
développent de multiples processus de filtrage par lesquels des personnes
« profanes » se réapproprient, d’une manière ou d’une autre, le savoir
technique et l’utilisent de manière routinière dans leurs activités quotidiennes. On peut voir en œuvre cette ré-appropriation dans les nouvelles
relations qu’entretiennent entre eux les consommateurs, dans les espaces
de discussion électronique et sur les pages web.
L’ambivalence et l’incertitude, l’intimité et la distance, qui marquent
la vie sociale contemporaine, sont également présentes sur Internet.
Comme l’écrivent Featherstone et Lash, « dans le cyberspace, nous allons
au-delà des vieux partages réalistes : espace/temps, récepteur/émetteur,
medium/message » (Featherstone et Lash, 1999 : 5). On peut ajouter à
cette liste les dualismes médecin/patient et consommateur/producteur.
Comme nous l’avons vu, la « e.santé » fournit un espace dans lequel les
personnes peuvent proposer leurs avis personnels sur des questions de
santé et raconter leurs récits personnels à d’autres. Dans son approche
classique du rôle de malade, Parsons (1951) présente le patient comme le
récepteur passif de l’expertise du professionnel qui est vu en retour
comme devant gérer une interruption temporaire du fonctionnement du
corps profane considéré comme acquis. Par contraste, la profusion d’informations autour de la santé sur Internet peut rendre ce modèle du malade
obsolète, au profit d’un modèle de la santé (Franck, 1991). Ainsi, la
« e.santé » ne contribue pas seulement à éroder les lignes d’autorité et de
confiance qui partagent la relation profane/professionnel ; elle brouille
également les distinctions entre producteurs et consommateurs de santé et
construit une nouvelle dimension au consumérisme médical. Cela signifie
que les personnes ont un rapport beaucoup plus proactif avec leur santé et
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leur bien-être, et qu’ils possèdent ce que l’on pourrait appeler un « corps
vigilant » attentif non seulement à la peine et à la souffrance mais également au développement de ses aptitudes à l’action, au travail et au plaisir.
Si cette évolution se confirmait, les professionnels de la santé seraient
moins souvent confrontés à un corps passif et défaillant ; ils devront plutôt traiter un usager actif des services de santé et une information riche et
vivante. Des usagers auront ainsi tendance à montrer aux praticiens des
symptômes mineurs qu’ils veulent traiter préventivement et à leur demander, non pas simplement de réparer un corps malade, mais de le maintenir
dans un état optimal de bien-être. En revanche, il est possible que d’autres
usagers, souffrant de maladies chroniques, souhaitent continuer à fonctionner sur les mêmes modèles de soin, tout en tirant parti d’une meilleure
information sur un ensemble d’éléments nouveaux, aptes à améliorer leur
confort (Robillard, 1999). La « e.santé » pourrait permettre de ré-outiller
les usagers profanes en modifiant leurs connaissances sur la médecine et
la santé, et les échanges avec les praticiens (Giddens, 1991). Il pourrait en
résulter une démocratisation des relations entre professionnels et profanes
dans laquelle le jugement et l’autorité seraient soumis à investigation et
justification ou, au moins, une érosion de la confiance dans un système
expert incapable de se justifier par un dialogue raisonné.
Rappelons-nous que tout le monde n’est pas capable de tirer avantage des possibilités offertes par la riche société de l’information. La possession d’un ordinateur et l’accès à Internet restent rares dans les groupes
sociaux défavorisés, même si l’on note une progression ces dernières
années : la dernière enquête statistique britannique montre que, dans les
30 % de foyers les moins riches, l’accès à Internet en 2001-2002 varie
entre 11 % et 15 %, contre une fourchette de 58 % à 80 % pour les 30 %
de foyers les plus aisés (6). L’association reconnue entre pauvreté et maladie et l’écart ou la « fracture numérique » entre les pauvres et les mieux
nantis constituent un problème sérieux pour ceux qui défendent Internet
comme facteur d’égalité sociale (Department of Health, 1998) ou placent
au premier plan les nouvelles technologies d’information et de communication dans la diffusion de services aux citoyens (Blair, 2000 ; Cabinet
Office, 2000 ; Department of Health, 2000). De surcroît, comme l’anglais
est la langue dominante d’Internet, ceux qui ne la maîtrisent pas sont de
fait exclus de la plupart des ressources disponibles (Berland, 2001 ;
Jordan, 2001). On voit le danger : les privilégiés de l’économie et de la
culture pourront utiliser Internet d’une manière telle que cela creusera
encore l’écart avec les déshérités. Le problème crucial de ce que l’on
(6) On peut trouver les statistiques gouvernementales complètes sur
http://www.statistics.gov.uk
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appelle la « cyberdémocratie » en matière de santé consiste dans cette
exclusion de certaines catégories de personnes, disqualifiées par leur incapacité à entrer dans ce modèle du citoyen-expert, alors qu’elles font probablement partie de la population qui a le plus besoin de soins et
d’assistance sociale.
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Reconfiguration ou brouillage des savoirs ?
En Grande-Bretagne, comme ailleurs, la pratique professionnelle a
été transformée par le modèle de la preuve scientifique : elle doit être
informée par des résultats de recherche établis selon des méthodes rigoureuses (Department of Health, 1999). La présentation de ces résultats se
fait en fonction d’une pyramide méthodologique qui place au sommet de
la crédibilité scientifique les essais contrôlés randomisés et les enquêtes
systématiques. À la suite de Michel Foucault (1983, 1991), on peut
analyser cette médecine régie par le système de la preuve comme une
technique de gouvernement qui promeut à la fois l’expertise des professionnels et une « vérité » particulière dans la mesure où le savoir médical
est validé selon les principes de la science positiviste.
Confusion des genres
Parce qu’il construit une topographie des contenus radicalement différente, affranchie a priori de tout principe hiérarchique, Internet introduit
une rupture forte par rapport aux media traditionnels. Va-t-on vers une
sorte de chaos informationnel et dans quelle mesure cette situation peutelle conduire à une remise en cause des savoirs et pratiques médicaux
dominants ? Lash a récemment soutenu que la masse actuelle d’informations prise comme un tout devient irrationnelle car il est impossible de la
comprendre de manière réfléchie : « Ce qui est en jeu est une société
désinformée. Pour comprendre cela, il suffit de regarder ce qui est pro duit et qui ne relève pas de services ou de biens riches en informations,
mais apparaît comme des kilo-octets plus ou moins incontrôlés » (Lash,
2002). Confrontés à cette masse considérable d’informations et enfermés
dans une recherche indéfinie, leur capacité à réfléchir et à faire des choix
pour leur santé en serait détruite.
Les travaux portant sur la manière dont les personnes recherchent de
l’information sur la santé produisent une image sensiblement différente de
celle proposée par Lash. Les internautes utilisent plus ou moins les mêmes
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INTERNET ENTRE PATIENT ET MÉDECINE
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méthodes dans tous les domaines et commencent par entrer des termes
généraux dans des moteurs de recherche comme Google (Pew Research
Centre, 1999). Les portails dédiés à la santé et autres sites officiels apparaissent tout au long de ces recherches, au même titre que d’autres ressources comme les sites commerciaux, ceux d’associations caritatives ou
les sites d’individus qui veulent partager leur expérience de la maladie
avec d’autres (Hardey, 2001), sites entre lesquels chacun fait sa sélection
en fonction de ses intérêts, de son niveau de connaissance, etc.
Contrairement à ce que soutient Lash, les usagers font rarement cette
expérience de surabondance d’informations (Bawden, 1999). C’est la
rapidité d’accès plus que la consommation d’informations en elle-même
qui intéresse au premier chef les usagers d’Internet (Pew Research Centre,
1999). Il en découle alors une tension entre le comportement, par nature
diversifié du consommateur d’informations sur la santé, et le désir d’imposer un système d’évaluation de la qualité reposant sur des critères scientifiques.
Dans ce contexte de relative indifférenciation des contenus tels que
perçus par les usagers, certaines autorités médicales prônent un contrôle
de ces contenus, ou au moins une signalisation permettant d’identifier les
données qui sont jugées « correctes ». Aux dangers de la surabondance
d’informations, elles substituent les dangers de la désinformation liée à
l’indifférenciation des contenus : les revues médicales et la presse grand
public se font souvent l’écho de « bugs thérapeutiques» dus à Internet ;
un récit des Annals of Internal Medicine décrit ainsi comment un patient
est mort d’un problème de rein et de foie pour avoir suivi un traitement à
base de sulfate d’hydrazine préconisé dans les pages web d’un site consacré aux traitements alternatifs du cancer (Black et Hussain, 2000). Le
British Medical Journal et le Journal of American Medical Association
(2002) ont publié récemment des numéros spéciaux consacrés au problème de la qualité des informations sur Internet et à leurs dangers potentiels. De telles approches reposent sur l’hypothèse que le public est pour
l’essentiel incapable de comprendre le savoir médical sur lequel repose
l’expertise des professionnels (Parsons, 1951). Cette asymétrie de la relation patient/médecin permet aux professionnels de soutenir que le public
doit être informé, éduqué et protégé, et que c’est l’expertise médicale qui
doit servir à bâtir le contour et le contenu de cette information, de cette
éducation et de cette protection. Ce rôle met en valeur l’autorité professionnelle et l’installe au centre de la politique de l’Internet médical. Le
serveur NHS Direct OnLine, qui fournit des informations sur les maladies
et les symptômes, développe, par exemple, à l’heure actuelle, un système
d’assurance-qualité fondé sur des indicateurs scientifiques rigoureux.
L’élaboration et la mise en place de tels indicateurs de qualité, qui se tra-
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MICHAEL HARDEY
duiraient concrètement par une labellisation des sites, sont difficiles et ont
des conséquences peu évidentes en dépit des nombreuses initiatives (par
exemple, HON Code, American Medical Association, Internet
HealthCare Coalition, Hi-ethics, MedCertain 2). Certes, il peut être souhaitable d’élaborer un guide permettant de mesurer la crédibilité scientifique des données d’Internet ; certains auteurs soutiennent néanmoins que
la qualité des informations fournies par Internet n’est ni plus ni moins discutable que celle des nouvelles provenant d’autres médias comme les
magazines ou la télévision (Rosen, 1993).
Le débat sur cette qualité et sur la nécessité d’une régulation revêt
deux formes. D’une part, il fait écho à un litige ancien entre les médecins
du XIXe siècle et ceux qu’ils définissaient comme des « charlatans ». Ainsi,
un site web appelé « Quackwatch » (7) rassemble, diffuse et critique les
sites sur lesquels sont présentées des informations médicales qui ne sont
pas appuyées par un argumentaire scientifique recevable par la « médecine de la preuve » : on y trouve pêle-mêle des attaques virulentes contre
certaines médecines alternatives telles l’homéopathie, la chiropractie, etc.,
et même contre des praticiens a priori « orthodoxes » qui osent mettre en
doute certaines assertions communes, comme l’utilité de la Ritaline® dans
le traitement du syndrome du déficit d’attention chez l’enfant. D’autre
part, il réactive la tension entre la médecine occidentale et les autres thérapies. Sur Internet, la médecine traditionnelle, les traditions
Ayurvédiques et d’autres approches de la santé partagent le même espace
et le même public que la médecine occidentale (Hardey, 2002a). La dispute entre la philosophie et les pratiques des approches occidentales et
non-occidentales fait écho aux conflits anciens de la colonisation autour
des questions de santé (Ernst, 2002). Dans ces deux débats, l’alliance de
l’état et de la médecine aboutit à un discours qui les investit du rôle de gardien de l’intérêt public et de la sécurité sanitaire.
Confusion des rôles
Au-delà de cette menace que pourrait constituer la juxtaposition, sur
un plan d’égalité, de savoirs médicaux considérés par certains comme
incommensurables, un autre danger guette à la fois le système médical
dominant et les usagers : parce que l’architecture d’Internet permet de passer par un simple clic d’un espace « informatif » à un espace marchand,
un certain nombre de relations qui, selon les interprétations, servent à pro-
(7) Jeu de mot sur « quackery » : charlatan (http://www.quackwatch.org).
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INTERNET ENTRE PATIENT ET MÉDECINE
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téger les patients ou les intérêts professionnels, se trouvent court-circuitées. L’existence de sites qui mettent en prise directe les distributeurs de
produits médicaux avec les consommateurs éventuels, reconfigure non
seulement les relations entre médecin et patient, mais, en transformant ce
dernier en consommateur, le font échapper à la régulation étatique. La
demande des consommateurs pour le Viagra® (sildenafil) et sa disponibilité sur Internet contrarient par exemple la régulation par des institutions
publiques comme le National Institute for Clinical Excellence (NICE) en
Angleterre. La publicité directe pour des médicaments auprès des
consommateurs est pourtant interdite en Grande-Bretagne, mais le marché
américain se développe très rapidement et, le web ignorant les frontières
nationales, est accessible dans le reste du monde (Jenkins, 1998) : il est
aujourd’hui possible d’envoyer des informations sur des produits pharmaceutiques qui ne sont pas autorisés dans un pays et d’en vendre à ses habitants, éventuellement en violant les règles qui régissent le commerce
extérieur. Les producteurs et les champions d’une approche non régulée
d’Internet ont réussi à contrecarrer la tentative de l’OMS visant à encourager les pays à agir de concert pour réglementer la publicité transnationale et la vente de produits médicaux (JAMA, 1997). On voit ainsi que la
« e.santé » ne transforme pas seulement les rapports entre médecins et
patients, mais aussi les limites à l’automédication qu’imposent tous les
États (8).
Plus encore, les caractéristiques techniques d’Internet, qui favorisent
une mise à plat des contenus et autorisent toutes sortes de liens inédits,
brouillent les frontières entre des institutions et des activités ordinairement séparées. En effet, le secteur de l’Internet commercial est entré dans
une phase de convergence : ainsi, aux États-Unis, Lycos, Excite et MSM
travaillent de concert avec un détaillant (CVS.com) auquel ils ont donné
l’exclusivité de la vente de produits pharmaceutiques ; un consommateur
qui recherche des informations médicales en passant par un portail comme
Lycos sera dirigé vers « CVS.com » de préférence à d’autres distributeurs.
On voit ici clairement qu’Internet n’est pas un espace neutre, et que certains acteurs cherchent à tirer parti stratégiquement des routes qu’empruntent les utilisateurs à la recherche d’informations. Un second
(8) Bien sûr les acteurs cherchent des parades à ce phénomène en utilisant différents
outils de la législation existante : une opération (Operation Cure All) de la
Commission fédérale du commerce (Federal Trade Commission) a utilisé la législation protégeant les consommateurs pour agir contre des produits dangereux vendus sur
des sites Internet de santé. Certains pays, comme la Chine, ont réussi à limiter à la fois
l’accès à Internet et le contenu des sites hébergés sur leur territoire.
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MICHAEL HARDEY
phénomène de convergence, cette fois entre médias, devient de plus en
plus évident à mesure que les sociétés de radiotélévision développent des
productions numériques. En Grande-Bretagne, la BBC est l’un des fournisseurs d’informations médicales les plus populaires. Les données de son
site s’inscrivent dans le champ large de la santé et des conseils sur les
modes de vie. Très attentif à l’actualité, il propose des liens directs vers
des nouvelles fraîches et oriente vers certaines pages offrant aux utilisateurs des possibilités d’interactivité. Ainsi, il permet aux usagers de poser
des questions en ligne à un expert sur un sujet donné ; ce faisant, il s’érige
en quelque sorte à une place de prescripteur et non plus seulement d’informateur en sélectionnant les acteurs susceptibles de jouer un rôle d’expert. Dans d’autres situations, les mass media deviennent les instruments
des politiques publiques, comme lors de la campagne « Stop smoking »
qui utilisait à la fois la radio, la télévision, Internet et des groupes de soutien pour fumeurs organisés par les sites web associés. Se mêlent ici la
politique sanitaire publique et la diffusion de programmes éducatifs. On
constate la même confusion dans les informations médicales fournies par
les sites commerciaux dans lesquels la frontière entre informations, opinions et publicité devient indistincte.
Conclusion : opportunités et défis de la recherche sur l’« e.santé »
Dans cet article, nous avons voulu mettre en évidence deux mouvements, en partie contradictoires, qui émergent de la progressive évolution
de l’Internet médical.
D’un côté, on assiste apparemment à une forme d’appropriation par
les patients des questions relatives à leur santé : la disponibilité d’informations médicales leur permet de se constituer une certaine expertise qui
les rend plus aptes à discuter avec leurs médecins, à prendre des décisions
et à les assumer, voire à contester individuellement et collectivement un
certain nombre de principes établis en matière de soins ou de traitement ;
par ailleurs, le partage d’expériences autorisé par Internet permet la
constitution d’une expertise propre des patients, basée sur le vécu de la
maladie, qui ne se laisse en aucun cas réduire à l’expertise médicale. À
côté d’autres formes de mobilisation comme les mouvements associatifs,
on assisterait donc à une reconfiguration du patient, défini non plus seulement par son rapport au monde médical, mais de manière en partie autonome, dans des allers et retours incessants entre individus et collectifs.
De l’autre côté, on a observé les effets produits par la structure
d’Internet, immense toile dépourvue de centres, de hiérarchies, de fron-
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tières et, face à cette mise à plat des contenus, les efforts des acteurs qui
cherchent, selon les cas, à tirer parti de cette continuité pour créer des
courts-circuits avec les usagers, ou, à l’inverse, à réintroduire des marquages, des délimitations, réinstaurant les différences existant à l’extérieur du net. On assiste donc à une bataille de positions dans laquelle les
partisans de la médecine « moderne » se sentent particulièrement menacés, à la fois parce que leurs savoirs se trouvent dangereusement mis à
égalité avec des savoirs hétérodoxes ou « exotiques », et parce qu’un certain nombre d’acteurs commerciaux, se passant de leur intermédiaire,
entrent directement en relation avec les patients.
Si ces tendances ont déjà fait l’objet d’un certain nombre d’analyses,
il reste beaucoup à faire en matière de recherches empiriques pour suivre
l’évolution rapide du domaine de la « e.santé », en particulier du côté des
usages effectifs d’Internet, et non seulement du côté de l’analyse des
contenus proposés. Les recherches doivent être attentives à la diversité des
usagers et s’intéresser à des facteurs comme le genre, l’origine ethnique,
la classe sociale et les histoires préalables des maladies qui interagissent
activement dans la « e.santé ». En se centrant sur la nature de la
« e.santé », la manière dont elle modifie l’information, les modes de vie
et les rapports sociaux, trois importants thèmes de recherche peuvent être
identifiés.
Le premier porte sur l’émergence d’un nouveau modèle de patient.
Comment l’information collectée par les patients est-elle effectivement
mobilisée dans leurs relations avec leurs médecins ? Dans quelle mesure
le partage d’expériences leur donne-t-il une plus grande autonomie dans
la gestion de leur maladie et de ses traitements ? Par quels mécanismes
cette addition de contributions individuelles peut-elle donner lieu à
l’émergence de savoirs reconnus en tant que tels ? L’émergence de mouvements collectifs se situant sur le terrain politique est-elle l’exception ou
est-elle appelée à se développer ? Quels peuvent être les liens entre ces
mouvements virtuels et des formes plus traditionnelles de mobilisation ?
À l’autre bout du spectre, comment décrire et qualifier les nouvelles
formes de consumérisme médical liées à Internet ? En quoi contribuentelles à effacer les frontières entre une médecine préoccupée du traitement
des corps défectueux et une médecine englobant le maintien en bonne
santé, le bien-être et le confort ?
Le deuxième thème concerne la nature d’Internet, à la fois nonrégulé, global et désincarné. Aussi, la « e.santé » représente un défi pour
les usagers et les producteurs qui doivent comprendre et utiliser des informations avec, en toile de fond, les frontières créées par les politiques
publiques de la santé, l’organisation professionnelle et les pratiques nationales. Comme nous l’avons vu, face à une masse considérable d’informa-
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tions potentiellement utiles, mais aussi conflictuelles, voire perturbantes,
les personnes peuvent élaborer des stratégies individuelles pour affronter
les aléas de la santé et les risques de la société moderne. Les informations
ne sont pas toujours d’une qualité optimale pour aider les usagers à mener
une vie saine, à s’instruire sur les traitements efficaces ou à prendre des
décisions sur leurs soins. Aussi, a-t-on besoin de travaux portant sur la
perception que se donnent les usagers de la qualité et de l’utilité. Cela
implique de s’interroger sur la manière dont les personnes trouvent, définissent et sélectionnent l’information (qui peut s’avérer bénéfique, neutre
ou même dangereuse pour leur santé), et dont elles évaluent l’utilité de ces
connaissances (une évaluation qui peut ou non leur permettre d’accéder à
des services et des biens correspondants à leurs besoins). Nous devons
comprendre l’impact de la « e.santé » sur la formation et les pratiques des
professionnels de la santé et nous pencher sur la manière dont elle peut
éventuellement stimuler la collaboration entre différents praticiens et institutions. Nous devons aussi nous demander si la « e.santé » contribue à
former une expertise ou un « instrument de style de vie » permettant aux
usagers de modifier leurs comportements en fonction de principes concernant par exemple les régimes, l’exercice physique ou la médecine alternative.
Le troisième thème touche à la transformation des anciens rapports
sociaux, alliances, savoirs et à l’émergence de nouvelles configurations.
Cela est probablement la question la plus difficile dans la mesure où les
développements dans la « e.santé » sont si rapides qu’ils ne peuvent être
suivis par le trop lent cycle de la recherche. L’importance des savoirs fondés sur des preuves scientifiques pour les professionnels de la santé et
pour l’état ouvrent des possibilités pour de nouvelles alliances qui pourraient chercher à redéfinir et à contrôler à la fois les connaissances sur la
santé et les thérapies jugées légitimes. Quoi qu’il en soit, le public n’a
jamais, jusqu’à ce jour, eu accès à une telle diversité d’informations qui
englobent des approches non occidentales de la santé, les recommandations des industries pharmaceutiques pour l’usage de tel médicament spécifique ou des récits personnels sur une maladie. Cela ne met pas
seulement en cause leur confiance dans la médecine, mais crée également
des possibilités pour de nouvelles relations et de nouveaux échanges d’informations ou d’idées entre thérapeutes et consommateurs sur Internet.
Nous devons comprendre si cela conduit à un savoir médical pluriel ou si,
au contraire, celui-ci devient plus spécialisé et exclusif dans sa défense de
l’autorité professionnelle et du pouvoir. Nous devons également nous
interroger sur les possibilités ouvertes par la nature locale/globale
d’Internet et sur les tensions que cela peut créer. Quels sont, par exemple,
les effets des portails de la Communauté européenne consacrés à des
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INTERNET ENTRE PATIENT ET MÉDECINE
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aspects spécifiques de la santé sur la diffusion d’information, d’avis et de
services aux consommateurs ? Dans quelle mesure la « e.santé » modifiet-elle les canaux de communication établis entre médecin et patient, entre
état et citoyen et entre soignant et soigné ? Quels effets cette nouvelle
situation est-elle susceptible d’avoir sur ceux qui n’ont pas accès à ces
technologies, aussi bien dans les pays du Nord que dans ceux du Sud ?
Pour résumer, allons-nous vers la dégradation et la surabondance d’informations annoncées par Lash (2002) qui menacent de rompre ou de gâter
notre compréhension des questions de santé ou bien nous dirigeons-nous
plutôt vers l’émergence et la production d’un nouveau savoir (Giddens,
1991) qui crée de nouvelles possibilités et de nouveaux rapports sociaux ?
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ABSTRACT
Internet and society: reconfiguring patients and medical knowledge?
This paper argues that the availability of health information on the
Internet is playing a major role in changing medical knowledge and
people’s relationship with health information and advice. The nature of
« ehealth » is first defined in order to move away from technological,
medical or organisational models that have been given labels including,
cybermedicine, telemedicine and health informatics. Theoretical
conceptualisations of the relationship between reflexivity, health and
information are used to identity key issues that include threats to medical
expertise, risks to public safety and the doctor/patient relationship. This
analysis suggests that the plural nature of knowledge available through
the Internet and the blurring of the distinction between the producers and
users of information is changing the nature of medical knowledge.
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INTERNET ENTRE PATIENT ET MÉDECINE
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RESUMEN
Internet y sociedad : una nueva configuración
del paciente y de la medicina ?
Este artículo muestra que la disponibilidad de informaciones médicas
sobre Internet tiene una función importante en la transformación de los
conocimientos médicos y en las relaciones que cada persona mantiene
con la información y los consejos en materia de salud. La « e.salud », tal
como está definida aquí, escapa a los modelos de organización médicos
o tecnológicos que dieron lugar a la elaboración de denominaciones tales
como la ciber-medicina, la tele-medicina o la informática médica.
Apoyándonos en la teorización de las relaciones entre reflexividad, salud
e información, ponemos en evidencia algunos puntos- clave en las evoluciones constatadas respecto a los peligros que pesan sobre el peritaje
médico y la seguridad del público y las relaciones médico/paciente. Este
análisis sugiere que la múltiplicidad de los conocimientos disponibles
sobre Internet y la disolución de la frontera existente entre productores e
utilizadores de información, conducen a cambios importantes en los
conocimientos médicos.
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