Chapitre VII Le théorème de Skorokhod Lemme 1 Soit (µn )n≥1 une suite de probabilités sur R, de fonctions de répartition (Fn )n , et soit µ une probabilité sur R de fonction de répartition F . S’il existe une partie dense D dans R telle que pour t ∈ D lim Fn (t) = F (t), alors pour tout réel x en lequel F est continue n→∞ lim Fn (x) = F x). n→∞ Preuve Soit x un réel en lequel F est continue, et soit ε > 0. Il existe un réel η > 0 pour lequel F (x + η) − F (x − η) ≤ ε. Soient y, y 0 ∈ D tels que x − η < y < x et x < y 0 < x + η. Comme Fn (y) ≤ Fn (x) ≤ Fn (y)0 par passage à la limite F (y) ≤ limFn (x) ≤ limFn (x) ≤ F (y 0 ). D’où les inégalités F (x) − ε ≤ F (x + η) − ε ≤ F (x − η) ≤ F (y) ≤ limFn (x) ≤ limFn (x) ≤ F (y 0 ) ≤ F (x + η) ≤ F (x − η) + ε ≤ F (x) + ε, qui entraîne l’égalité lim Fn (x) = F (x). n→∞ Théorème 2 (Skorokhod) Soit (µn )n≥1 une suite de probabilités sur R, dont la suite associée de fonctions de répartition est (Fn )n , et soit µ une probabilité sur R de fonction de répartition F . On suppose qu’il existe une partie dense D de R telle que pour tout x ∈ D lim Fn (x) = F (x). n→∞ Il existe un espace probabilisé (Ω, F, P ), des variables aléatoires réelles Xn et X définies sur cet espace vérifiant : i) pour tout n PXn = µn et PX = µ ii) ∀ω ∈ Ω lim Xn (ω) = X(ω). n→∞ Preuve On prend comme espace probabilisé l’intervalle ]0, 1[ muni de la mesure de Lebesgue ; on appelle Yn fonction quantile de µn et Y la fonction quantile de µ. On sait que Yn a pour loi µn et Y a pour loi µ. De plus si α ∈]0, 1[ et t ∈ R, on a l’équivalence α ≤ Fn (t) ⇔ Yn (α) ≤ t donc aussi l’équivalence Fn (t) < α ⇔ t < Yn (α). 1 Soient ω ∈]0, 1[, ε > 0 et x un élément de D vérifiant Y (ω) − ε < x < Y (ω). Par définition de Y F (x) < ω ; donc pour n assez grand Fn (x) < ω, ou de façon équivalente x < Yn (ω). En conséquence pour n assez grand Y (ω) − ε < x < Yn (ω) ; d’où limYn (ω) ≥ Y (ω) − ε, puis limYn (ω) ≥ Y (ω). Soient ω 0 ∈]0, 1[ et y un élément de D vérifiant ω < ω 0 et Y (ω 0 ) < y < Y (ω 0 ) + ε. Comme ω < ω 0 ≤ F [Y (ω 0 )] ≤ F (y), pour n assez grand ω ≤ Fn (y). Donc pour n assez grand Yn (ω) ≤ y < Y (ω 0 ) + ε, qui entraîne limYn (ω) ≤ Y (ω 0 ). Puisque pour tout couple ω, ω 0 ∈]0, 1[ vérifiant ω < ω 0 on a Y (ω) ≤ limYn (ω) ≤ limYn (ω) ≤ Y (ω 0 ), en tout point ω en lequel Y est continue on a l’égalité lim Yn (ω) = n→∞ Y (ω). L’application Y étant croissante, l’ensemble DY de ses points de discontinuité est fini ou dénombrable. Définissons des variables aléatoires Xn et X par : - si ω ∈ DY Xn (ω) = X(ω) = 0 - si ω ∈ / DY Xn (ω) = Yn (ω) et X(ω) = Y (ω). La suite (Xn )n≥1 converge partout vers X. De plus l’ensemble DY étant de mesure de Lebesgue nulle, PXn = PYn = µn et PX = PY = µ. Proposition 3 Soit (µn )n≥1 une suite de probabilités sur R, dont la suite associée de fonctions de répartition est (Fn )n , et soit µ une probabilité sur R de fonction de répartition F . Les conditions suivantes sont équivalentes : 1) la suite (µn )n≥1 converge en loi vers µ 2) en tout point de continuité x de F lim Fn (x) = F (x) n→∞ 3) il existe une partie dense D de R telle que pour tout x ∈ D lim Fn (x) = F (x). n→∞ Preuve 1) ⇒ 2) Supposons que la suite (µn )n≥1 converge en loi vers µ. Fixons un point de continuité x de F . Soit ε > 0 ; il existe un réel η > 0 pour lequel F (x + η) − F (x − η) ≤ ε. Définissons deux applications continues f1 et f2 de R dans [0, 1] par : - ∀y ≤ x − η f1 (y) = 1 ; ∀y ≥ x f1 (y) = 0 ; f1 est affine sur l’intervalle [x − η, x] - ∀y ≤ x f2 (y) = 1 ; ∀y ≥ x + η f2 (y) = 0 ; f2 est affine sur l’intervalle [x, x + η]. On vérifie sans peine les inégalités f1 ≤ 1]−∞,x] ≤ f2 et f2 − f1 ≤ 1]x−η,x+η[ . On en déduit les inégalités Z Z (f2 − f1 )dµ ≤ 1]x−η,x+] dµ = F (x + η) − F (x − η) ≤ ε et Z Z f1 dµ ≤ Z 1]−∞,x] dµ = F (x) ≤ 2 f2 dµ. D’où Z F (x) − ε ≤ Z (f1 − f2 )dµ f2 dµ + Z Z f1 dµ ≤ = Z = f2 dµ Z f1 dµ + (f2 − f1 )dµ ≤ F (x) + ε. L’hypothèse jointe aux inégalités f1 ≤ 1]−∞,x] ≤ f2 implique Z Z Z Z f1 dµn ≤ limF (x) ≤ limFn (x) ≤ lim f1 dµ = lim f2 dµn = f2 dµ. n→∞ n→∞ D’où F (x) − ε ≤ limF (x) ≤ limFn (x) ≤ F (x) + ε, qui entraîne l’égalité lim Fn (x) = F (x). n→∞ 2) ⇒ 3) Le complémentaire de l’ensemble C(F ) des points de continuité de F étant dénombrable, l’ensemble C(F ) est dense dans R. 3) ⇒ 1) Supposons il existe une partie dense D de R telle que pour tout x ∈ D lim Fn (x) = n→∞ F (x). Soit f une application continue et bornée de R dans R. Par le théorème de Skorokhod il existe sur un espace probabilisé (Ω, F, P ), des variables aléatoires réelles Xn et X définies sur cet espace et vérifiant i) pour tout n PXn = µn et PX = µ ii) ∀ω ∈ Ω lim Xn (ω) = X(ω). n→∞ Le théorème de convergence dominée permet d’écrire Z Z Z Z lim f dµn = lim f (Xn )dP = f (X)dP = f dµ, n→∞ n→∞ ce qui prouve que la suite (µn )n≥1 converge en loi vers µ. 3