2 Les amines

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2 Les amines
Les amines sont des dérivés de l’ammoniac (NH3) et elles sont très abondantes
dans la nature (protéines, peptides, acides aminés, alcaloïdes, etc.). Les amines sont dites
primaires, secondaires ou tertiaires si l’atome d’azote est substitué par un (primaire),
deux (secondaire) ou trois (tertiaire) substituants carbonés comme il est indiqué à la suite
(figure 2-1).
R-NH2
R2NH
R3N
amine primaire
amine secondaire
amine tertiaire
R4N+Xsel d’ammonium
quaternaire
Figure 2-1 : Classes de fonctions amines.
Certains dérivés des amines manifestent des activités physiologiques importantes
comme le témoignent les molécules représentées à la suite (figure 2-2). Un bon nombre
de ces produits semblent agir sur des récepteurs du cerveau (amphétamine, mescaline,
ecstasy, morphine, codéine, héroïne, adrénaline). Certaines similitudes structurales entre
ces produits permettent de croire que la présence d’une fonction amine séparée du noyau
aromatique par deux carbones soit un élément de design important pour l’interaction avec
les récepteurs du cerveau.
Il est intéressant de rappeler que les amines ont un arrangement moléculaire
tétraédrique similaire à un carbone sp3. Trois des sommets du tétraèdre sont occupés par
les substituants tandis que le quatrième est occupé par une paire d’électrons libres. Cet
arrangement tétraédrique autour de l’azote permet de penser que ces molécules sont
chirales si les trois substituants sont différents. Un tel composé devrait exister sous la
forme de deux énantiomères possédant un pouvoir rotatoire propre (après séparation des
deux énantiomères). En fait, les amines simples constituées de trois substituants différents
n’ont jamais été isolé pour la simple raison que ces composés s’isomérisent très
rapidement et facilement par un phénomène d’inversion (inversion de l’azote). Cette
inversion ne nécessite pas l’intervention d’un réactif extérieur. On peut concevoir que la
molécule passe par un état de transition où l’azote est hybridé en sp2 comme il est montré
à la suite (figure 2-3).
30
OCH3
OH
H3CO
OH
OCH3
O
HN
O
HO
NHCH3
NH2
Adrénaline
Mescaline
Ecstasy
Cl
R1O
CH3
O
N
NCH3
NH2
CH3
H
CH3
CH3
R2O
CH3
Morphine (R1 = R2 = H)
Héroïne (R1 = R2 = COCH3)
Codéine (R1 = CH3 et R2 =
H)
Méridia
(sibutramine)
Amphétamine
coupe-faim
Figure 2-2 : Exemple de composés aminés bioactifs.
31
N
C2H5
N
H
CH3
H3C
C2H5
H
C2H5
N
C2H5
H
H
C2H5
CH3
CH3
N
N
H
CH3
Figure 2-3 : Inversion des amines.
Il est intéressant de préciser que les sels d’ammonium constituées de quatre
substituants différents sont chiraux et relativement stables (figure 2-4). La barrière
d’énergie d’inversion du stéréocentre séparant les deux énantiomères est plus grande chez
les sels d’ammonium que pour les amines ordinaires.
CH3
CH2
N
C2H5
C6 H5
CH CH2
CH3
N
C6H5
C2 H5
CH2 CH CH2
Figure 2-4 : Amines quaternaires optiquement actives.
Les amines se comportent comme des bases (la paire d’électrons libres est utilisée
pour effectuer une protonation). Le caractère basique est relativement marqué (pKb de 4
pour les amines primaires aliphatiques). Les amines peuvent également jouer le rôle de
nucléophiles (plus fort qu’un alcool).
2.1 Basicité des amines aromatiques
La basicité des amines aromatiques est influencée par les substituants présents sur
le noyau aromatique (tableau 2-1). D’une façon générale, les groupements activants
(comme -OCH3, -NH2, -CH3, etc.) augmentent le caractère basique d’une amine
aromatique tandis que les groupements désactivants (groupements carbonyles, nitro, etc.)
diminuent le caractère basique d’une amine aromatique (figure 2-5). Les groupements
activants (électrodonneur par effet inductif ou par résonance) augmentent la densité
électronique sur la fonction amine. D’un autre point de vue, les groupements activants
exercent une influence stabilisante sur le produit de protonation comme le montre
l’exemple à la suite. Dans le cas des groupements désactivants, ils diminuent la densité
électronique sur l’amine et ainsi son caractère basique.
32
Tableau 2-1 : Quelque pKb des dérivés de l’aniline
Dérivés
pKb
9.4
Aniline
10.1
p-bromoaniline
11.3
m-cyanoaniline
13
p-nitroaniline
8.7
p-méthoxyaniline
NH3
Z
NH3
R
Effet déstabilisant
Effet stabilisant
Bases moins fortes
Bases plus fortes
Figure 2-5 : Effet des substituants sur la basicité de l’aniline.
2.2 Préparation des amines
Les amines peuvent être préparées en utilisant plusieurs approches synthétiques.
Cette section met brièvement en évidence quelques méthodes bien connues pour la
préparation des amines.
2.2.1 Alkylation des amines
Les amines sont des nucléophiles et elles réagissent avec les halogénoalcanes pour
donner des sels d’ammonium. Les rendements de ces réactions sont faibles car le produit
de la première alkylation est souvent impliqué dans des réactions d’alkylation
33
subséquentes. L’alkylation des amines par cette approche entraîne la formation d’un
mélange complexe de sels d’ammonium et d’alkylamines comme le montre la série de
réactions suivantes (figure 2-6).
NH3
+
CH3Br
CH3NH3
+
Br
CH3NH3
+
NH3
CH3NH2
+
NH4
CH3NH2
+
CH3Br
(CH3)2NH2
+
Br
(CH3)2NH2
+
NH3
(CH3)2NH
+
NH4
(CH3)2NH
+
CH3Br
(CH3)3NH
+
Br
(CH3)3NH
+
NH3
(CH3)3N
+
NH4
Figure 2-6 : Alkylation des amines par substitution nucléophile sur les halogénoalcanes.
Exercice 21-6 (p. 950)
2.2.2 Préparation des amines primaires via l’ion cyanure et la synthèse de Gabriel
L’alkylation contrôlée (pour éviter la polyalkylation) des amines, implique
l’emploi d’un nucléophile contenant de l’azote et qui peut réagir qu’une seule fois. L’ion
cyanure (-CN) transforme les halogénoalcanes en nitriles (via une substitution
nucléophile), qui peuvent par la suite être réduits en amines (figure 2-7). De cette façon,
il est possible de préparer une amine primaire contenant un atome de carbone
supplémentaire par rapport au dérivé halogéné (R-X vers R-CH2-NH2).
R
R
X
CN
CN
R
H2
catalyseur
CN
+
R
CH2
X
NH2
Figure 2-7 : Préparation d’amine primaire via une réaction de cyanation.
La synthèse de Gabriel peut également être utilisée pour préparer des amines
primaires et ce, sans être contraint de faire usage d’une réaction de réduction. Pour ce
faire, il est nécessaire d’utiliser un imide cyclique comme le phthalimide. Ce dernier se
substitut au chlore sur le groupement d’intérêt pour être ensuite hydrolysé en condition
basique puis, acidifié à la fin (figure 2-8).
34
O
O
CONHR
N K
R
Cl
N
R
0.1M NaOH
H2O/THF
30°C
COO
O
O
0.1M HCl
H2O/THF
60°C
COOH
R
NH3
+
COOH
Figure 2-8 : Synthèse de Gabriel.
Exercice 21-7 (p. 952)
Exercice 21-8 (p. 952)
2.2.3 Préparation d’amine primaire par réduction d’une fonction nitro
Les amines primaires sont souvent préparées par la réduction d’une fonction nitro.
Plusieurs conditions expérimentales permettent d’effectuer cette réduction comme le
montre les exemples à la suite (figure 2-9).
NO2
NH2
SnCl2
HCl conc.
ou
H2, Ni
, pression
Figure 2-9 : Réduction du nitrobenzène.
2.2.4 Préparation d’amines primaires par la réduction d’oximes
Les aldoximes et les cétoximes peuvent être préparés en faisant réagir
l’hydroxylamine avec des aldéhydes ou des cétones. L’oxime résultant peut être réduit
par des hydrures ou encore par hydrogénation catalytique pour obtenir l’amine primaire
désirée (figure 2-10).
35
O
NOH
NH2OH
NH2
H2, Ni
EtOH
Figure 2-10 : Préparation d’amine primaire par réduction d’oximes.
2.2.5 Préparation d’amines par la réduction des imines
L’ammoniac et les amines primaires réagissent avec les aldéhydes (ou les cétones)
pour donner des imines. Lorsqu’on fait réagir l’ammoniac avec un aldéhyde dans des
conditions d’hydrogénation catalytique, on obtient une amine primaire (l’imine est
l’intermédiaire de cette réaction mais il est difficile à isoler) comme le montre l’exemple
suivant (figure 2-11). Ce procédé est souvent appelé amination réductrice.
R
CHO
NH3
R
CH
H2, Ni
NH
R
CH2
NH2
Figure 2-11 : Préparation d’amine primaire par réduction des imines.
Le rendement de l’amination réductrice est souvent diminué (pour la préparation
d’amines primaire à partir de l’ammoniac) en raison d’une réaction secondaire (l’amine
primaire formé réagit avec le réactif carbonylé). Pour minimiser cette réaction secondaire,
il est préférable d’utiliser un large excès d’ammoniac. D’un autre coté, cette réaction
«parasitaire» peut être mise à profit pour préparer des amines secondaires avec
d’excellents rendements (figure 2-12).
R
CH2
NH2
+
R
R
CHO
CH2
N
CH
R
H2, Ni
R
CH2 NH CH2
R
Figure 2-12 : Préparation d’amine secondaire par réduction d’imines.
D’autres versions de l’amination réductrice sont fréquemment employées en
synthèse organique. C’est le cas pour la réaction de Eschweiler-Clarke qui permet de
faire la synthèse des amines tertiaires contenant au moins un groupement méthyle sur
l’azote (figure 2-13). Il est intéressant de remarquer que cette réaction est effectuée en
utilisant l’acide formique comme agent de réduction.
R2NH
HCHO
HCOOH
R2NCH3
+
CO2
+
H2O
Figure 2-13 : Réaction de Eschweiler-Clarke.
Exercice 21-9 (p. 954)
Exercice 21-10 (p. 954)
36
2.2.6 Préparation d’amines primaires, secondaires ou tertiaire par la réduction des
amides
Il s’agit d’une bonne méthode de préparation des amines tertiaires et secondaires.
Dans ce cas-ci, la fonction amide est réduite en utilisant des hydrures (LiAlH4) dans un
solvant aprotique (comme l’éther diéthylique) pour ainsi obtenir l’amine désirée avec un
bon rendement (figure 2-14).
O
R
LiAlH4
Et2O
N
R
N
Figure 2-14 : Préparation d’amines par réduction d’amides.
Il est bon de préciser que les amides peuvent être préparés à partir d’un dérivé
d’acide carboxylique (chlorure d’acide) et d’une amine. Le couplage entre le chlorure
d’acide et l’amine est illustré à la suite.
O
O
+
R
R
NH2
R
Cl
R
NH
Figure 2-15 : Préparation d’amides.
2.3 Réaction des amines avec l’acide nitreux
Les réactions des amines avec l’acide nitreux (HNO2) impliquent une attaque
nucléophile sur un cation nitrosyle (NO+). Le produit de cette réaction dépend
grandement de la structure de l’amine (amine tertiaire, secondaire, primaire, aromatique).
L’acide nitreux est généralement préparé in situ en faisant réagir du nitrite de sodium
avec une solution aqueuse d’acide chlorhydrique.
HO
N
H2O
N
R2NH
R2NH
N
+
O
H
O
+
O
N
H2O
+
H2O
R2NH
O
R2N
N
N
N
O
N
O
O
O
+
H
Figure 2-16 : Réaction des amines avec l’acide nitreux.
37
Les amines primaires aromatiques ou aliphatiques réagissent avec l’acide nitreux
pour former un sel de diazonium via un intermédiaire appelé nitrosoamine. Les sels de
diazonium aromatiques sont très utilisés en synthèse organique (stable à 0 °C) tandis que
ceux obtenus des amines primaires aliphatiques sont difficilement utilisables en raison de
leur instabilité. La formation d’un sel de diazonium à partir d’un nitrosoamine est
illustrée à la suite (figure 2-17).
Ar
NH
N
O
+
Ar
H
Ar
NH
N
OH
Ar
N
N
OH
Ar
N
N
NH
N
OH
Ar
N
N
+ H
Ar
+
OH
Ar
OH2
Ar
N
N
N
N
+
NH
N
OH
H
OH2
H2O
Figure 2-17 : Préparation d’un sel de diazonium.
Exercice 21-17 (p. 961)
Les amines secondaires réagissent avec l’acide nitreux pour former des dérivés
nitrosoamines tandis que les amines tertiaires (pas de H sur l’azote) réagissent selon une
substitution électrophile aromatique comme le montre les deux exemples suivants (figure
2-18).
CH3
Ar
CH3
NaNO2
H2O
N
Ar
N
H
+
N
O
CH3
Ar
CH3
NaNO2
H2O
N
NaCl
O
CH3
N
Ar
N
+
NaCl
CH3
Figure 2-18 : Réaction des amines secondaires et tertiaires avec l’acide nitreux.
2.4 Réactions des sels de diazonium
Les sels de diazonium peuvent être impliqués dans deux types de réactions
chimiques. Dans le premier types, les réactions de déplacement (comme une substitution)
peuvent être effectuées en présence de nucléophile comme le Cl-, Br-, I- ou CN- (ces
38
nucléophiles déplacent l’azote moléculaire N2). Dans le second type, le groupement
diazonium est impliqué dans une réaction de couplage (le groupement azoté est retenu sur
le produit). Les réactions de déplacement du groupe diazonium sont très utilisé pour
introduire les groupements F, Cl, Br, I, CN, OH et H sur le noyau aromatique.
2.4.1 La réaction de Sandmeyer ou le déplacement du groupe diazonium par
un halogène
Cette procédure implique l’utilisation de dérivés de cuivre (pour le Cl, le Br et le
CN) pour remplacer le groupe diazonium par un halogène. Dans le cas de l’iode, il n’est
pas nécessaire d’utiliser un composé de cuivre, le sel de diazonium en solution peut
simplement être mélangé avec le KI pour obtenir le produit désiré. Le cas du fluor est
légèrement différent, le sel de diazonium en solution doit être mélangé avec l’acide
fluoroborique (HBF4) pour obtenir un intermédiaire (sous forme de précipité), le
diazonium fluoroborate (Ar-N2+BF4-) qui se transforme ensuite en dérivé fluoré par
l’action de la chaleur (figure 2-19).
Ar
X
Ar
I
Ar
F
où
X = Cl, Br, I, CN
X
Cu
Ar
N2 X
KI
1)
HB
2) F4

Figure 2-19 : Halogénation de sels de diazonium.
2.4.2 Réaction avec l’eau et l’acide hypophosphorique (H3PO2)
Les sels de diazonium réagissent avec l’eau pour former des phénols. L’acide
hypophosphorique permet de réduire le sel de diazonium. Il s’agit d’une façon importante
d’enlever un groupement amine sur un noyau aromatique (figure 2-20).
H 2O
Ar
N2 X
HO
2
HP
3 O
2
Ar
OH
Ar
H
+ N2 +
+ H3PO3
H
+
HX
Figure 2-20 : Réaction d’hydratation et de protonation de sels de diazonium.
39
Exercice 22-12 (p. 999)
Exercice 22-13 (p. 1000)
Exercice 22-23 (p. 1018)
Exercice 22-24 (p. 1018)
2.4.3 Réaction de couplage des sels de diazonium
Un des deux azotes d’un sel de diazonium possède un certain caractère
électrophile. Bien que ce caractère électrophile soit limité, les sels de diazonium
aromatiques peuvent réagir avec des aromatiques activés ou riche en électrons comme les
phénols et les amines aromatiques (figure 2-21). Les produits obtenus par cette réaction
de couplage sont souvent fortement colorés et appelés des azobenzènes. Cette réaction est
très utilisée pour la préparation de nombreux colorants.
N
N
N
+
OCH3
N
OCH3
Figure 2-21 : Couplage d’un sel de diazonium.
Exercice 22-25 (p. 1020)
2.5 Réaction de Hofmann
Dans certaines conditions, il est possible de préparer un alcène à partir d’une
amine. Pour ce faire, il est nécessaire de préparer un sel d’ammonium quaternaire qui sera
éventuellement éjecté de la molécule par l’arrachement d’un hydrogène en position β par
rapport à l’azote (figure 2-22). Il est important de préciser que les sels d’ammoniums
quaternaires sont instables en milieu basique, ce qui favorise la réaction d’élimination. Le
groupe éjecté (groupement sortant ou groupement partant) est une trialkylamine (sous
forme neutre).
40
CH3I en excès
K2CO3, H2O
NH2
N(CH3)3 I
Ag2O, H2O
-AgI
HO
H
H
H

H
CH3CH2
+ H2O + N(CH3)3
N(CH3)3
Figure 2-22 : Élimination de Hofmann.
Il est possible de faire une certaine analogie avec les réactions qui impliquent
l’éjection du groupement +OH2 résultant de la protonation d’un groupement hydroxyle
(déshydratation). Cependant, il faut préciser que le groupe +OH2 est un meilleur
groupement partant que +NR3. Pour effectuer la réaction de Hofmann, il est nécessaire de
méthyler l’amine avec l’iodométhane en excès (méthylation exhaustive). Le sel
d’ammonium quaternaire ainsi obtenu est par la suite traité avec l’oxyde d’argent humide
(source de OH-) pour produire un sel d’hydroxyde d’ammonium. Le chauffage du milieu
réactionnel entraîne la formation de l’alcène par la dégradation du sel d’hydroxyde
d’ammonium (figure 2-22).
Exercice 21-12 (p. 956)
Exercice 21-13 (p. 956)
Exercice 21-14 (p. 956)
2.6 Substitution nucléophile sur un noyau aromatique
Les amines aromatiques peuvent être préparées par des substitutions nucléophiles
(sans passer par un sel de diazonium). Pour effectuer une telle réaction, il est nécessaire
que le noyau aromatique de départ soit fonctionnalisé avec des bons groupements
partants. Les groupements partants généralement utilisés sont des halogènes (surtout le
chlore et le brome). L’ammoniac (NH3) est utilisé comme nucléophile pour la préparation
d’amines, l’hydroxyde (OH-) est utilisé pour la préparation de phénols tandis que les
alkoxydes (RO-) sont utilisés pour la préparation des éthers aromatiques. Le nucléophile
impliqué dans ces réactions remplace directement le groupement partant (halogène), on
parle ainsi de substitution ipso (terme latin signifiant « sur lui même »). Il est important
de préciser que la substitution nucléophile sur un noyau aromatique est facilitée par la
présence d’au moins un substituant fortement électroattracteur (NO2 est souvent utilisé)
en position para ou ortho du groupement partant. Ces substituants permettent de
41
stabiliser davantage l’intermédiaire de cette réaction (réaction plus facile). La substitution
nucléophile s’effectue selon un mécanisme en deux étapes impliquant une addition du
nucléophile sur le noyau aromatique et l’élimination du groupement partant (figure 2-23).
Cl
Cl
NH2
NH2
NH3
Haute pression
NO2
NO2
NO2
Figure 2-23 : Substitution nucléophile sur un cycle aromatique désactivé.
Les dérivés aromatiques halogénés dépourvus de groupements électroattracteurs
ne subissent pas de substitutions nucléophiles ipso. Il est cependant possible d’effectuer
des substitutions nucléophiles en forçant les conditions réactionnelles (haute pression,
haute température). Le chlorobenzène mis en présence hydroxyde de sodium dans des
conditions agressives donne le phénol (figure 2-24).
Cl
OH
1) NaOH, H2O, 340 OC, 150 atm
2) H+, H2O
Figure 2-24 : Substitution nucléophile sur un cycle aromatique peu désactivé.
Le traitement du chlorobenzène avec l’amidure de potassium dans les conditions
similaires permet d’obtenir l’aniline (figure 2-25).
Cl
NH2
1) KNH2, NH3, 340 OC, 150 atm
2) H+, H2O
Figure 2-25 : Amination par substitution nucléophile.
Il serait possible de penser que ces substitutions se réalisent par une attaque
nucléophile ipso comme vu précédemment. Toutefois, des études de mécanisme réalisées
avec du chlorobenzène marqué au niveau du carbone porteur de l’halogène (utilisation du
carbone 14 en C-1) démontrent que le produit de réaction obtenu est substitué en partie au
niveau du carbone 14 et en partie au niveau du carbone voisin (figure 2-26).
42
Cl
NH2
*
*
*
1) KNH2, NH3, 340 OC, 150 atm
2) H+, H2O
NH2
+
50%
50%
Figure 2-26 : Substitution nucléophile sur le chlorobenzène marqué isotopiquement
(14C).
Ce résultat indique que le nucléophile prend place en position ipso ou en position
ortho par rapport à la position initiale de l’atome de chlore. Pour tenir compte de ce
résultat, il est possible de penser que le benzène soit déprotoné dans ce milieu fortement
basique et que l’anion formé éjecte le groupement partant (chlore) pour ainsi former un
liaison supplémentaire sur le noyau aromatique (un lien triple). L’intermédiaire formé
(benzyne) est très instable en raison de sa structure tendue et il réagit rapidement avec le
nucléophile présent dans le milieu réactionnel. L’attaque du nucléophile peut s’effectuer
sur l’un des deux carbones de la triple liaison ce qui explique le résultat présenté
précédemment (figure 2-27).
CH3
CH3
-HCl
CH3
H2 O
CH3
+
OH
Cl
OH
Figure 2-27 : Substitution nucléophile via l’intermédiaire « benzyne ».
Exercice 22-8 (p. 996)
Exercice 22-9 (p. 996)
Exercice 22-10 (p. 998)
43
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