Dossier Petite taille de l`enfant : éléments de prise en charge

Dossier
Petite taille de l’enfant :
éléments de prise en charge
diagnostique
François Despert
Hôpital Gatien de Clocheville, Service de Pédiatrie A, 49 boulevard Béranger, 37044 Tours
cedex9.Fax:0247478003
Les petites tailles sont un motif fréquent de consultation en pédiatrie. Leurs
causes étant très nombreuses, il n’est pas toujours facile d’en faire facilement le
diagnostic, d’où le risque de reporter l’enquête à plus tard, ce qui semble se
justifier par la non-urgence de la situation et, bien souvent, le manque de
disponibilité du médecin, d’où des retards de prise en charge pouvant être
gravement préjudiciables à l’enfant. Nous voudrions proposer un mode d’ana-
lyse simple et logique de ces situations permettant d’orienter le diagnostic et les
investigations.
Mots clés : croissance, hormone de croissance, petite taille
Les situations qui
attirent l’attention
Elles sont au nombre de trois :
Lors d’un examen systématique
ou lors d’une consultation pour une
maladie de l’enfance, la prise des
mensurations, qui est systématique et
notée sur le carnet de santé, montre
une taille insuffisante ou un ralentisse-
ment de la croissance.
L’entourage de l’enfant s’in-
quiète d’une différence de taille avec
les camarades de même âge : l’enfant
est « le plus petit de sa classe ».
Dans toutes les situations médi-
cales connues chez l’enfant qui pour-
raient avoir des conséquences sur la
croissance.
À partir du moment où un pro-
blème est repéré et quel que soit l’âge
de l’enfant, l’enquête clinique doit
être lancée qui comporte plusieurs
volets.
L’enquête clinique
Enquête auxologique avec
quatre temps [1]
Le calcul de la taille en déviation
standard
Le calcul de la taille en déviation
standard permet de situer l’enfant par
rapport aux enfants de même âge et de
même sexe en utilisant les courbes de
Sempe et Pedron [2]. Le mode de cal-
cul est indiqué dans l’encadré 1.
L’interprétation de ce calcul
amène à quelques commentaires.
Dans les valeurs entre – 2 DS
et + 2 DS, le risque pathologique est
faible, mais pas absent, et ce chiffre ne
peut pas être analysé en termes de
normalité ou d’anormalité, d’autres
éléments devant y être associés pour
permettre sa bonne interprétation.
Ce calcul permet de comparer
les retards à des moments différents de
la vie : passer de – 1,5 DS à – 2,5 DS
démontre clairement qu’il y a fléchis-
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t
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sement objectif de croissance, quel que soit l’âge de
l’enfant.
La valeur de la DS varie suivant les âges. À 3 ans,
chez le garçon, elle n’est que de 3,5 cm, tandis qu’à
14 ans elle atteint 8,1 cm. Il en résulte que – 2 DS à 3 ans
représentent un déficit de 7 cm par rapport à la moyenne,
ce qui peut ne pas attirer l’attention, tandis que 16,2 cm en
moins par rapport à la moyenne pour un garçon en pé-
riode pubertaire se voient, surtout si dans la même classe
se trouvent des enfants à + 2 DS, ce qui amène alors à une
différence maximale de taille de 32,4 cm entre le plus
grand et le plus petit.
La recherche d’une petite taille pour le terme
(RCIU ou retard de croissance intra-utérin)
Cette cause est fréquente dans l’étiologie des petites
tailles, elle est facile à repérer sur le carnet de santé : pour
le terme, l’enfant était trop petit et l’analyse se base sur les
données des courbes d’Usher et McLean [3] (tableau 1).
Un enfant à terme avec une taille < 47 cm peut être
considéré comme ayant une petite taille pour son terme.
Un prématuré ayant une taille normale pour son terme
corrige rapidement son retard.
Le calcul de la taille cible
Elle est la taille vers laquelle se dirige un enfant en
tenant compte de la taille de ses deux parents. Le mode de
calcul est simple :
Taille cible pour un garçon :
taille père + taille mère + 13 cm
2
Taille cible pour une fille :
taille père + taille mère – 13 cm
2
Ce calcul doit être interprété avec précaution :
il donne un ordre de grandeur et pas une valeur
précise ;
il est ininterprétable si la taille des deux parents est
trop différente ;
il est à ne pas confondre avec celui de la taille
prédictive qui se calcule en prenant en compte d’autres
données comme l’âge osseux de l’enfant.
Le dessin des courbes de taille et de poids
Cet élément est fondamental car, bien réalisé et bien
analysé, il fournit une mine de renseignements sur l’éven-
tuelle pathologie sous-jacente. L’analyse tient compte de :
L’étude en parallèle de l’évolution de la taille et du
poids :
un fléchissement de taille précédé d’un fléchisse-
ment de poids fait envisager un problème nutritionnel ou
une pathologie des grands appareils (figure 1) ;
un fléchissement de taille qui s’accompagne d’une
prise de poids d’où une nette augmentation de l’index de
masse corporelle doit faire évoquer un problème endocri-
nien ou un syndrome de Turner chez la fille ; rappelons
qu’en cas d’obésité commune hyperphagique, la taille a
tendance à augmenter au moment de la prise du poids et
en tout cas à ne jamais fléchir (figure 2) ;
La courbe de croissance permet de repérer quatre
situations :
une cassure de la courbe qui traduit un important et
brutal ralentissement de la vitesse de croissance : ceci
impose des explorations rapides (figure 3) ;
un ralentissement régulier sans cassure qui, si elle
mène l’enfant à une taille qui s’éloigne de sa taille cible,
doit amener également à des explorations ;
un décrochage de la taille en période pubertaire qui
le plus souvent correspond à un retard de puberté qui n’a
pas encore accéléré sa vitesse de croissance d’où le décro-
chage par rapport à ses pairs (figure 4) ;
un retard de taille régulier dans le même couloir,
nettement en dessous du couloir de la taille cible.
Parfois, enfin le retard est tel qu’il signe d’emblée
l’existence d’une pathologie sous-jacente.
L’enquête anamnestique
Familiale tout d’abord, recherchant des petites tailles
constitutionnelles ou génétiques et/ou des dysmorphies.
Des précisions sur le contexte socio-économique et psy-
chologique sont utiles. Parfois la notion d’une puberté
tardive familiale est informative.
Encadré 1
Calcul de la taille en déviation standard (DS)
Un garçon de 14 ans consulte pour une taille de
146 cm. Dans la table à cet âge, pour un garçon, la
moyenne des tailles est de 159,9 cm, il y a donc un
déficit de 13,9 cm, et, comme à cet âge la valeur de la
DS est de 8,1 cm, on calcule le retard en DS :
13,9 cm/8,1 cm = 1,56 DS ; comme on sait que 95 %
des enfants s’échelonnent entre + 2 DS et – 2 DS, on
considère que, pour l’enfant étudié, le risque patholo-
gique est modéré. Cette valeur a elle seule ne suffit pas,
elle n’est que la partie émergée de « l’iceberg » de la
croissance que l’on découvre en dessinant la courbe de
croissance.
Tableau 1.Valeurs des tailles et poids de naissance
en fonction du terme
Terme PN TN
–2DS M +2DS –2DS M +2DS
32 sem. 1 277 1 727 2 177 39 42,4 45,8
34 sem. 1 553 2 113 2 673 41,5 45 48,5
36 sem. 1 885 2 585 3 283 43,8 47,4 51
38 sem. 2 333 3 133 3 933 46,1 49,8 54,5
40 sem. 2 560 3 480 4 400 47,4 51,2 55
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Personnelle, en dehors de la recherche d’une petite
taille par rapport au terme. Il est intéressant d’étudier la
période néonatale à la recherche d’éléments en faveur
d’un hypopituitarisme comme l’association d’hypoglycé-
mies récurrentes surtout chez un garçon s’il existe en plus
un micropénis. L’existence d’un ictère prolongé peut
orienter vers une hypothyroïdie centrale et/ou un déficit
en GH.
Dans l’enfance, on peut retrouver l’existence d’une
affection touchant les grands appareils ou la notion d’un
traitement pouvant retentir sur la croissance comme une
radiothérapie cérébrale, rachidienne ou abdominale.
Les données de l’examen
L’inspection peut d’emblée attirer l’attention sur :
des éléments dysmorphiques isolés, évocateurs
d’une pathologie ostéocartilagineuse, ou associés à un
retard mental orientant plutôt vers une anomalie chromo-
somique ou un syndrome malformatif ;
des anomalies touchant la ligne médiane crânienne
comme une fente labiale et/ou palatine, un colobome
irien, une incisive unique volontiers associée à des ano-
malies profondes hypothalamo-hypophysaires ;
un mauvais état nutritionnel avec une peau sèche,
des cheveux ternes, l’absence de pannicule adipeux, une
hypotrophie musculaire ;
une obésité qui attire l’attention si elle se développe
parallèlement au fléchissement de la taille ;
des éléments en faveur d’une endocrinopathie
comme un Cushing ou une hypothyroïdie.
Figure 1.Maladie cœliaque. Le fléchissement du poids débute à 7 mois, celui de la taille est plus tardif à partir de 10 mois. Cet aspect est
caractéristique d’une maladie cœliaque.
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Figure 2.Divers aspects de la croissance lors du développement d’une obésité. Lors du décrochage du poids vers le haut, ici après 8 ans, dans
la plupart des obésités qui sont d’origine nutritionnelle il y a une petite accélération de la vitesse de croissance (graphe A). Si, au contraire, il
y a un ralentissement de la vitesse de croissance (graphe B), il y a lieu de réaliser des explorations à la recherche d’une cause endocrinienne ou
d’un syndrome de Turner chez la fille.
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Figure 3.Apport du dessin de la coube de taille au diagnostic. Exemple d’une fillette âgée de 7 ans dont la taille est de 108 cm,à–2,2DS.
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