Dossier Petite taille de l’enfant : éléments de prise en charge diagnostique François Despert Hôpital Gatien de Clocheville, Service de Pédiatrie A, 49 boulevard Béranger, 37044 Tours cedex 9. Fax : 02 47 47 80 03 <[email protected]> Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Les petites tailles sont un motif fréquent de consultation en pédiatrie. Leurs causes étant très nombreuses, il n’est pas toujours facile d’en faire facilement le diagnostic, d’où le risque de reporter l’enquête à plus tard, ce qui semble se justifier par la non-urgence de la situation et, bien souvent, le manque de disponibilité du médecin, d’où des retards de prise en charge pouvant être gravement préjudiciables à l’enfant. Nous voudrions proposer un mode d’analyse simple et logique de ces situations permettant d’orienter le diagnostic et les investigations. Mots clés : croissance, hormone de croissance, petite taille Les situations qui attirent l’attention mtp Tirés à part : F. Despert Elles sont au nombre de trois : – Lors d’un examen systématique ou lors d’une consultation pour une maladie de l’enfance, la prise des mensurations, qui est systématique et notée sur le carnet de santé, montre une taille insuffisante ou un ralentissement de la croissance. – L’entourage de l’enfant s’inquiète d’une différence de taille avec les camarades de même âge : l’enfant est « le plus petit de sa classe ». – Dans toutes les situations médicales connues chez l’enfant qui pourraient avoir des conséquences sur la croissance. À partir du moment où un problème est repéré et quel que soit l’âge de l’enfant, l’enquête clinique doit être lancée qui comporte plusieurs volets. mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 L’enquête clinique Enquête auxologique avec quatre temps [1] Le calcul de la taille en déviation standard Le calcul de la taille en déviation standard permet de situer l’enfant par rapport aux enfants de même âge et de même sexe en utilisant les courbes de Sempe et Pedron [2]. Le mode de calcul est indiqué dans l’encadré 1. L’interprétation de ce calcul amène à quelques commentaires. • Dans les valeurs entre – 2 DS et + 2 DS, le risque pathologique est faible, mais pas absent, et ce chiffre ne peut pas être analysé en termes de normalité ou d’anormalité, d’autres éléments devant y être associés pour permettre sa bonne interprétation. • Ce calcul permet de comparer les retards à des moments différents de la vie : passer de – 1,5 DS à – 2,5 DS démontre clairement qu’il y a fléchis- 193 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Petite taille de l’enfant : éléments de prise en charge diagnostique Encadré 1 Calcul de la taille en déviation standard (DS) Un garçon de 14 ans consulte pour une taille de 146 cm. Dans la table à cet âge, pour un garçon, la moyenne des tailles est de 159,9 cm, il y a donc un déficit de 13,9 cm, et, comme à cet âge la valeur de la DS est de 8,1 cm, on calcule le retard en DS : 13,9 cm/8,1 cm = – 1,56 DS ; comme on sait que 95 % des enfants s’échelonnent entre + 2 DS et – 2 DS, on considère que, pour l’enfant étudié, le risque pathologique est modéré. Cette valeur a elle seule ne suffit pas, elle n’est que la partie émergée de « l’iceberg » de la croissance que l’on découvre en dessinant la courbe de croissance. sement objectif de croissance, quel que soit l’âge de l’enfant. • La valeur de la DS varie suivant les âges. À 3 ans, chez le garçon, elle n’est que de 3,5 cm, tandis qu’à 14 ans elle atteint 8,1 cm. Il en résulte que – 2 DS à 3 ans représentent un déficit de 7 cm par rapport à la moyenne, ce qui peut ne pas attirer l’attention, tandis que 16,2 cm en moins par rapport à la moyenne pour un garçon en période pubertaire se voient, surtout si dans la même classe se trouvent des enfants à + 2 DS, ce qui amène alors à une différence maximale de taille de 32,4 cm entre le plus grand et le plus petit. La recherche d’une petite taille pour le terme (RCIU ou retard de croissance intra-utérin) Cette cause est fréquente dans l’étiologie des petites tailles, elle est facile à repérer sur le carnet de santé : pour le terme, l’enfant était trop petit et l’analyse se base sur les données des courbes d’Usher et McLean [3] (tableau 1). Un enfant à terme avec une taille < 47 cm peut être considéré comme ayant une petite taille pour son terme. Un prématuré ayant une taille normale pour son terme corrige rapidement son retard. Le calcul de la taille cible Elle est la taille vers laquelle se dirige un enfant en tenant compte de la taille de ses deux parents. Le mode de calcul est simple : Tableau 1. Valeurs des tailles et poids de naissance en fonction du terme Terme 32 sem. 34 sem. 36 sem. 38 sem. 40 sem. 194 – 2 DS 1 277 1 553 1 885 2 333 2 560 PN M 1 727 2 113 2 585 3 133 3 480 + 2 DS 2 177 2 673 3 283 3 933 4 400 – 2 DS 39 41,5 43,8 46,1 47,4 TN M 42,4 45 47,4 49,8 51,2 + 2 DS 45,8 48,5 51 54,5 55 Taille cible pour un garçon : taille père + taille mère + 13 cm Taille cible pour une fille : taille père + taille mère – 13 cm Ⲑ2 Ⲑ2 Ce calcul doit être interprété avec précaution : – il donne un ordre de grandeur et pas une valeur précise ; – il est ininterprétable si la taille des deux parents est trop différente ; – il est à ne pas confondre avec celui de la taille prédictive qui se calcule en prenant en compte d’autres données comme l’âge osseux de l’enfant. Le dessin des courbes de taille et de poids Cet élément est fondamental car, bien réalisé et bien analysé, il fournit une mine de renseignements sur l’éventuelle pathologie sous-jacente. L’analyse tient compte de : – L’étude en parallèle de l’évolution de la taille et du poids : • un fléchissement de taille précédé d’un fléchissement de poids fait envisager un problème nutritionnel ou une pathologie des grands appareils (figure 1) ; • un fléchissement de taille qui s’accompagne d’une prise de poids d’où une nette augmentation de l’index de masse corporelle doit faire évoquer un problème endocrinien ou un syndrome de Turner chez la fille ; rappelons qu’en cas d’obésité commune hyperphagique, la taille a tendance à augmenter au moment de la prise du poids et en tout cas à ne jamais fléchir (figure 2) ; – La courbe de croissance permet de repérer quatre situations : • une cassure de la courbe qui traduit un important et brutal ralentissement de la vitesse de croissance : ceci impose des explorations rapides (figure 3) ; • un ralentissement régulier sans cassure qui, si elle mène l’enfant à une taille qui s’éloigne de sa taille cible, doit amener également à des explorations ; • un décrochage de la taille en période pubertaire qui le plus souvent correspond à un retard de puberté qui n’a pas encore accéléré sa vitesse de croissance d’où le décrochage par rapport à ses pairs (figure 4) ; • un retard de taille régulier dans le même couloir, nettement en dessous du couloir de la taille cible. Parfois, enfin le retard est tel qu’il signe d’emblée l’existence d’une pathologie sous-jacente. L’enquête anamnestique Familiale tout d’abord, recherchant des petites tailles constitutionnelles ou génétiques et/ou des dysmorphies. Des précisions sur le contexte socio-économique et psychologique sont utiles. Parfois la notion d’une puberté tardive familiale est informative. mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Figure 1. Maladie cœliaque. Le fléchissement du poids débute à 7 mois, celui de la taille est plus tardif à partir de 10 mois. Cet aspect est caractéristique d’une maladie cœliaque. Personnelle, en dehors de la recherche d’une petite taille par rapport au terme. Il est intéressant d’étudier la période néonatale à la recherche d’éléments en faveur d’un hypopituitarisme comme l’association d’hypoglycémies récurrentes surtout chez un garçon s’il existe en plus un micropénis. L’existence d’un ictère prolongé peut orienter vers une hypothyroïdie centrale et/ou un déficit en GH. Dans l’enfance, on peut retrouver l’existence d’une affection touchant les grands appareils ou la notion d’un traitement pouvant retentir sur la croissance comme une radiothérapie cérébrale, rachidienne ou abdominale. Les données de l’examen L’inspection peut d’emblée attirer l’attention sur : – des éléments dysmorphiques isolés, évocateurs d’une pathologie ostéocartilagineuse, ou associés à un retard mental orientant plutôt vers une anomalie chromosomique ou un syndrome malformatif ; – des anomalies touchant la ligne médiane crânienne comme une fente labiale et/ou palatine, un colobome irien, une incisive unique volontiers associée à des anomalies profondes hypothalamo-hypophysaires ; – un mauvais état nutritionnel avec une peau sèche, des cheveux ternes, l’absence de pannicule adipeux, une hypotrophie musculaire ; – une obésité qui attire l’attention si elle se développe parallèlement au fléchissement de la taille ; – des éléments en faveur d’une endocrinopathie comme un Cushing ou une hypothyroïdie. mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 195 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Petite taille de l’enfant : éléments de prise en charge diagnostique Figure 2. Divers aspects de la croissance lors du développement d’une obésité. Lors du décrochage du poids vers le haut, ici après 8 ans, dans la plupart des obésités qui sont d’origine nutritionnelle il y a une petite accélération de la vitesse de croissance (graphe A). Si, au contraire, il y a un ralentissement de la vitesse de croissance (graphe B), il y a lieu de réaliser des explorations à la recherche d’une cause endocrinienne ou d’un syndrome de Turner chez la fille. 196 mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Figure 3. Apport du dessin de la coube de taille au diagnostic. Exemple d’une fillette âgée de 7 ans dont la taille est de 108 cm, à – 2,2 DS. mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 197 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Petite taille de l’enfant : éléments de prise en charge diagnostique Figure 4. Courbe de croissance d’un garçon ayant une petite taille familiale et un retard de puberté. Noter la croissance régulière avant la puberté qui se continue à l’identique ensuite, d’où l’aspect d’apparent décrochage par rapport aux pairs qui, eux, ont accéléré leur croissance. Le rattrapage a lieu ensuite avec une croissance qui se termine tardivement, permettant au garçon de terminer dans le couloir attendu. 198 mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. L’interrogatoire recherche une symptomatologie fonctionnelle : céphalée, syndrome polyuro-polydipsique, perte de l’appétit, douleur abdominale, selles diarrhéiques, etc. L’examen physique est complet, appréciant l’état des grands appareils, l’état pubertaire coté selon Tanner, le développement psychomoteur. La réalisation d’un âge osseux est systématique permettant d’apprécier la maturation globale de l’organisme. Chez l’enfant, une radio de poignet de main gauche est réalisée et lue par un radiologue entraîné en utilisant l’atlas de Greulich et Pyle [4]. Chez le tout petit enfant, la radio d’un hémicorps est à réaliser et donc ne sera faite qu’en cas de nécessité. Au terme de cette enquête, il est souvent possible : – de confirmer ou d’infirmer une pathologie de la croissance ; – d’évoquer une étiologie à la petite taille. De nombreuses pathologies peuvent être à l’origine d’un retard de croissance. Nous étudierons successivement les grands cadres qui peuvent être évoqués. Les grands cadres pathologiques Anomalies chromosomiques, syndromes malformatifs Anomalies de chromosomes La plupart des anomalies touchant les autosomes s’accompagnent d’un déficit de la taille (par exemple, la trisomie 21). Leur diagnostic est facilement évoqué sur les notions de dysmorphie et de retard mental qui s’y associent. En cas de retard de taille chez une fille, surtout s’il existe un retard pubertaire, il faut systématiquement évoquer le diagnostic de syndrome de Turner même en l’absence des signes cliniques « classiques » [5] (voir l’article de S. Cabrol dans le présent numéro). Anomalies ostéocartilagineuses De nombreuses maladies du squelette s’accompagnent d’un retard de taille [6], elles seront parfois facilement évoquées lorsqu’il existe des situations identiques dans les familles ou en cas de dysmorphies évidentes. Parfois, en dehors de la petite taille, rien n’est criant et il faut donc au moindre doute faire des radios du rachis vertébral et du bassin, des mains et avant bras, des genoux et du crâne. Certaines sont bien identifiées comme l’achondroplasie, l’hypochondroplasie, les diverses dysplasies métaphysaires, épiphysaires ou vertébrales, le syndrome de Lery-Weill, relativement fréquent, qui associe à la petite taille des anomalies des avant-bras. Ces dossiers doivent se discuter avec des radiologues spécialisés et les généticiens. Plus rarement, la pathologie est en rapport avec une maladie de surcharge. Syndromes malformatifs De multiples syndromes malformatifs [7] avec petites tailles sont répertoriés, évoqués sur l’association d’éléments dysmorphiques divers et, très souvent, à un retard mental, citons quelques-uns de ces syndromes : – Syndrome de Seckel ou « nanisme à tête d’oiseau » en raison d’une dysmorphie faciale avec front fuyant, micrognathie, contrastant avec un étage moyen de la face saillant où le nez est incurvé en bec d’oiseau. Microphtalmie fréquente et craniosténose dans 50 % des cas. Le déficit de taille est majeur, jusqu’à – 7 DS. – Syndrome CHARGE qui correspond à des anomalies diverses rendant compte de l’acronyme : C = Colobome irien, H = Heart, anomalies cardiaques, A = atrésie des choanes, R = retard de croissance, G = hypoplasie des organes génitaux externes, E = Ear, anomalie de l’implantation des oreilles. – Syndrome de Noonan avec un faciès évocateur associant hypertélorisme, ptosis, aspect antimongoloïde des yeux, lèvre inférieure épaisse. Cou court et élargi avec implantation basse des cheveux. Thorax large avec pectus Encadré 2 Pour illustrer l’apport du dessin de la courbe de taille au diagnostic, prenons l’exemple d’une fillette âgée de 7 ans dont la taille est de 108 cm, à – 2,2 DS (taille moyenne à cet âge = 118,2 cm ; valeur de la DS = 4,6 cm). Cette valeur sera interprétée différemment suivant les données fournies par l’étude des antécédents (figure 1) : • L’enfant (courbe A) est née à terme, avec une petite taille : 45 cm à 39 semaines, elle avait donc un retard de croissance intra-utérin. La croissance a toujours été régulière, après un rattrapage partiel la première année. Les deux parents sont de petite taille : père, 170 cm ; mère, 156 cm d’où une taille cible à 156,6 cm soit – 1DS. Dans cette situation, le retard de croissance intra-utérin associé à la petite taille familiale et à la régularité de la croissance explique le retard de taille et aucune exploration n’est nécessaire. • L’enfant (courbe B) est née à terme avec une taille de 50 cm, ses parents sont plutôt grands : mère, 168 cm (+ 1 DS) ; père, 183 cm (+ 1,5 DS). La taille cible calculée est de 169 cm soit +1 DS, il y a donc une différence entre la taille cible et la taille vers laquelle la jeune fille est engagée, qui est alors de – 2,2 DS + (– 1 DS) = – 3,23 DS, ce qui est excessif et anormal ; par ailleurs, la courbe de croissance met en évidence un très important ralentissement de la vitesse de croissance puisque l’enfant est passée de + 1DS à 3 ans et demi à – 2,2 DS à 7 ans. Il est urgent d’explorer cette enfant pour identifier la pathologie sous jacente et la traiter. mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 199 Petite taille de l’enfant : éléments de prise en charge diagnostique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. excavatum. Fréquentes anomalies cardiaques évocatrices dans ce contexte : dysplasies valvulaires pulmonaires avec fréquente sténose. Les tailles finales sont, en moyenne, de 163 cm pour les hommes et 152 cm pour les femmes. – Syndrome d’Albright dans le cadre des pseudohypoparathyroïdies (type Ia) avec un faciès arrondi, lunaire, une brachymétacarpie des 4e et 5e doigts, une hypocalcémie avec PTH très élevée secondaires à une mutation inactivatrice de la protéine G intervenant dans le fonctionnement du récepteur à la PTH. Une hypothyroïdie périphérique y est volontiers associée ainsi qu’une obésité. Les pathologies viscérales chroniques C’est le plus souvent dès l’interrogatoire et sur les données de l’examen clinique qu’une pathologie chronique touchant les grands appareils est évoquée. Rappelons que dans ces situations l’atteinte en cause doit être importante pour pouvoir être retenue comme cause du retard de croissance. Cardiopathies congénitales Face à une cardiopathie avec petite taille, il faut évoquer en premier la possibilité d’un ensemble syndromique et le rechercher avec l’aide des généticiens : del 22q11, Syndrome CHARGE, syndrome de Turner, etc. Au cours des cardiopathies cyanogènes, on peut observer un retard de croissance harmonieux et modéré en taille et en poids. En revanche, dans les autres cardiopathies, c’est le retard en poids qui prédomine. Au cours des cardiopathies cyanogènes le taux de GH est normal, contrastant avec celui d’IGF1 qui est abaissé. Maladies rénales Au cours de l’insuffisance rénale, sous certaines conditions un traitement par GH est possible. Certaines tubulopathies congénitales ou chroniques peuvent s’accompagner de ralentissement de croissance. L’exploration de la fonction rénale, en cas de doute, passe par le dosage de la créatinine, l’ionogramme plasmatique avec réserve alcaline, la réalisation d’une bandelette urinaire à la recherche d’une protéinurie, hématurie ou glycosurie. Maladies de l’appareil respiratoire Les insuffisances respiratoires graves peuvent s’accompagner de retard de taille. L’asthme est actuellement rarement en cause depuis sa prise en charge plus rationnelle. La corticothérapie inhalée à doses modérées n’entraîne pas de ralentissement de croissance [8]. Dans la mucoviscidose, le déficit de croissance est possible, en relation principalement avec l’hypoxie chronique. Maladies du tube digestif La maladie cœliaque est facilement évoquée lorsque le fléchissement de la courbe de croissance dans la première année s’accompagne des signes caractéristiques 200 que sont la diarrhée chronique, le mauvais état nutritionnel, la tristesse de l’enfant et la notion d’introduction précoce de gluten dans l’alimentation. L’analyse attentive de la courbe taille/poids montre que le décrochage du poids a précédé celui de la taille. Il est parfois plus difficile de faire le diagnostic lorsque l’enfant est plus grand et que la diarrhée chronique ou les signes de malnutrition sont discrets ou absents. Dans tous ces cas, la positivité des anticorps antitransglutaminase et anti-endomysium ainsi que la biopsie intestinale permettent le diagnostic positif. Au cours de la maladie cœliaque, la réponse en GH aux stimulations pharmacologiques est normale. En revanche, le taux d’IGF1 est effondré. Le régime sans gluten permet une correction du retard de taille. Concernant les maladies inflammatoires de l’intestin [9], c’est essentiellement la maladie de Crohn qui est retrouvée avec souvent son cortège clinique caractéristique, cependant il n’est pas exceptionnel que le fléchissement de la taille soit le premier signe qui attire l’attention avec même parfois une poursuite de la prise de poids. Au cours des pathologies hépatiques graves et chroniques (cirrhose et syndrome de rétention biliaire), le retentissement sur la croissance peut être sévère. La drépanocytose, comme certaines anémies chroniques, peut entraîner une petite taille. Pour conclure cette partie, soulignons le fait que dans les pathologies du cœur, du poumon, du foie, le ralentissement de la croissance ne fait pas découvrir les pathologies sous-jacentes déjà bien connues, par contre lorsqu’un enfant ralentit sa vitesse de croissance sans raison évidente il faut de principe évoquer l’intestin et le rein dont les atteintes peuvent être cliniquement discrètes. Déficits endocriniens Ils sont évoqués lorsque les causes précédentes ont été éliminées par les données cliniques ou des examens complémentaires simples. Leur mise en évidence est extrêmement importante puisqu’elle peut alors faire envisager une thérapeutique spécifique [10]. Le déficit de la fonction somatotrope Il peut être en relation avec des causes très diverses. Son mode de révélation varie selon l’âge et les causes (voir l’article de N. Bouhours-Nouet, F. Gatelais et R. Coutant dans le présent numéro). Il peut bénéficier d’un traitement par hormone de croissance. Le déficit en hormones thyroïdiennes Il est actuellement rarement en cause dans les retards de croissance en raison du dépistage systématique de l’hypothyroïdie fait à la naissance. Cependant, le dépistage ne recherchant pas les causes centrales, il peut être en défaut dans cette situation de TSH basse ; il peut également ne pas dépister les ectopies thyroïdiennes de gros volume qui ne retentissent sur la croissance que tardivement. En outre, une hypothyroïdie peut n’apparaître que mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 dans l’enfance, traduction d’un déficit thyréotrope faisant suite à une lésion organique évolutive de la région hypothalamo-hypophysaire (tumeur) ou traduction d’une pathologie thyroïdienne propre comme la thyroïdite chronique lymphocytaire (maladie de Hashimoto) discrète dans sa forme atrophiante sans goitre. Au moindre doute il est donc indispensable de doser les hormones thyroïdiennes FT3 et FT4 et la TSH. Dans ces situations, le retard d’âge osseux peut être franc et orienter le diagnostic, mais cet élément peut être en défaut dans les formes acquises. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Hypercortisolisme Qu’il soit endogène (syndrome de Cushing) ou exogène (secondaire à une thérapeutique corticoïde), il peut être à l’origine d’une cassure très franche de la courbe de croissance. Habituellement, l’interrogatoire (prise de médicaments ?) et les données de la clinique, permettent d’orienter le diagnostic. En cas d’hypercortisolisme endogène, le dosage du cortisol libre urinaire et le cycle du cortisol et de l’ACTH permettent de faire le diagnostic. Retard associé croissance-puberté [11, 12] (figure 4) Il touche préférentiellement le garçon. Pendant la période pubertaire, on voit s’aggraver un retard de croissance qui, jusque-là était modéré vers – 1,5 DS et qui passe alors à – 3 DS, voire – 4 DS, vers 15-16 ans. L’examen clinique de l’enfant est strictement normal, mais la puberté est soit non débutée, soit en retard par rapport à l’âge normal ; de plus, il existe un retard de maturation avec un âge osseux qui est égal à l’âge statural. L’enquête retrouve souvent la même anomalie dans la famille (père ou frère de l’enfant). Ce n’est que vers 16 ou 17 ans que la puberté débute permettant le rattrapage du retard et l’acquisition une taille normale. Cette cause est très fréquente chez le garçon ; elle nécessite une surveillance attentive et éventuellement des explorations de l’axe gonadotrope pour ne pas passer à côté d’une cause centrale organique, elle doit être prise en charge avec possibilité thérapeutique sous la forme d’apport de testostérone. Causes diverses Le retard de croissance intra-utérin : enfant de petite taille pour le terme Sous ce terme sont regroupées des situations très diverses ; cependant sont à risque de retard de taille des enfants dont la taille à la naissance est inférieure au 10e percentile pour le terme. Ces enfants peuvent bénéficier d’un traitement par hormone de croissance sous certaines conditions (voir l’article dans le présent numéro). Prématurés Le retard de taille s’explique par le terme et en l’absence de dysmaturité associée, il se corrige dans les premières années de vie. Retard de taille d’origine psycho-affective Souvent de diagnostic difficile, ce retard peut être très précoce avec nanisme considérable, ou apparaître secondairement avec cassure de la courbe de taille. Le poids est sensiblement normal pour la taille, et il n’y a pas de signe évident, clinique ou biologique, de carence nutritionnelle. La sécrétion de GH est perturbée, mais peut se corriger très rapidement (quelques jours) en cas de changement de milieu de vie. C’est l’étude du comportement de la mère qui aide au diagnostic montrant qu’elle est souvent dépressive, et qu’elle rejette cet enfant alors que les autres enfants sont normalement acceptés. Si la situation se pérennise, l’enfant présente des troubles du comportement avec retard psychomoteur. Le diagnostic est important à porter car il débouche sur le retrait temporaire ou définitif de l’enfant de son milieu familial, ce qui lui permet de corriger ses troubles et de rattraper une taille satisfaisante. Petite taille familiale L’enfant a un retard de taille variable de – 1 à – 3 ET par rapport à la moyenne. Cependant, la constitution de l’arbre généalogique retrouve des petites tailles dans sa famille. L’examen clinique est strictement normal, de même que les explorations endocriniennes ou osseuses quand elles sont pratiquées. L’âge osseux est égal à l’âge chronologique. Il faut cependant se méfier des tailles < – 3 ET, car il peut y avoir des déficits familiaux en GH pour lesquels un traitement est possible. Petite taille chez les gymnastes Chez les filles pratiquant intensivement la gymnastique, des retards de croissance et de puberté sont décrits en cas d’entraînement ayant une durée supérieure à 15 heures par semaine [13]. Souvent, aucune étiologie n’a pu être identifiée malgré l’enquête clinique et biologique. Malgré un bilan soigneux aucune explication n’est retrouvée au retard de taille, on parle alors de petite taille constitutionnelle [14] et il faut continuer à suivre ces enfants et leur famille pour leur assurer un soutien psychologique. Il est utile de répéter à l’entourage et à l’enfant que la personnalité d’un enfant ne se réduit pas à sa taille, qu’il y a en lui beaucoup de capacités qu’il faut développer, tant manuelles qu’intellectuelles. Il faut l’inciter à entrer dans la vie sociale et ne pas se marginaliser. Parfois, il peut être utile de lui proposer l’adresse d’une association pour personnes de petite taille. Dans certaines situations avec retard de taille majeur, il peut être proposé des techniques d’allongement chirurgical des membres inférieurs (dérivées de la technique d’Ilizarov) permettant de gagner 10 à 15 cm sur la taille finale, faisant passer le jeune d’un état de handicapé à celui de personne de petite taille. Cette technique est cependant lourde et nécessite une excellente coopération patientmédecin. mt pédiatrie, vol. 9, n° 4, juillet-août 2006 201 Petite taille de l’enfant : éléments de prise en charge diagnostique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Éléments de traitement 202 Références Il repose sur celui de la cause, correction d’une pathologie viscérale ou de l’environnement s’ils sont en cause : par exemple dans le nanisme psycho-social, seule la sortie de l’enfant du milieu pathogène permet la correction du trouble de la croissance ; en cas de maladie cœliaque, suppression totale de la gliadine. En cas de déficit hormonal, un traitement substitutif doit être entrepris. En cas de déficit thyroïdien, le traitement est simple reposant sur l’utilisation des hormones thyroïdiennes. En cas de déficit en GH démontré, une demande de traitement peut être réalisée après explorations dans un service habilité et l’obtention est obtenue si l’enfant répond à des critères scientifiques définis par le cadre légal (voir l’article dans le présent numéro). Le traitement par hormone de croissance doit être entrepris le plus tôt possible pour permettre la meilleure correction possible du trouble de croissance. Conclusion Trop souvent encore les petites tailles sont diagnostiquées avec retard, à un moment où aucune thérapeutique médicale n’est envisageable du fait d’un âge osseux très avancé. Ce fait tient à une attitude encore trop fréquente qui est de rassurer les familles en rapportant la petite taille à celles constatées dans la famille ou en annonçant un probable rattrapage ultérieur. À ce propos, il faut être clair : à part les rares cas de nanisme psycho-social et les retards de la période pubertaire, dans la plupart des cas ce qui a été perdu en taille avant la puberté ne se rattrape pas spontanément. Aujourd’hui, il n’est plus licite de ne pas explorer au plan endocrinien un enfant qui pourrait bénéficier d’un traitement par hormone de croissance. 1. Despert F. L’enfant de petite taille. Conduite à tenir. Paris : Douin, 2000. 2. Sempé M, Pedron G, Roy-Pernot MD. Auxologie, méthodes et séquences. Laboratoires Théraplix, 1979. 3. Usher R, McLean F. Intrauterine growth of liveborn Caucasian infants at sea level : standards obtained from measurements in 7 dimensions of infants born between 25 and 44 weeks of gestation. J Pediatr 1969 ; 74 : 901-10. 4. Greulich WW, Pyle SJ. Radiographie atlas of skeletal development of the hand wrist. Standford University Press, 1959 ; (256 p). 5. Saenger P, Albertsson-Wikland K, Conway GS, et al. 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