Logique et raisonnements

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Chapitre 2
Logique et raisonnements
Contents
2.1
2.2
2.3
Un peu de logique . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Éléments de logique . . . . . . . . . . . . . . . . .
Techniques élémentaires de raisonnement . . . .
2.3.1 Démonstration par disjonction des cas . . . . . .
2.3.2 Démonstration par l’absurde . . . . . . . . . . .
2.3.3 Démonstration par contraposée . . . . . . . . . .
2.3.4 Démonstration par analyse-synthèse . . . . . . .
2.4 Entiers naturels et raisonnement par récurrence
2.4.1 Entiers naturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2.4.2 Raisonnement par récurrence . . . . . . . . . . .
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Programme
• Connecteurs logiques : disjonction (ou), conjonction (et), implication, équivalence.
• Quantificateurs :
Passer du langage naturel au langage formalisé en utilisant les quantificateurs.
• Formuler une négation
• L’emploi des quantificateurs en guise d’abréviations est exclu.
• Raisonnement par contraposition, par l’absurde.
• Principe d’analyse/synthèse.
• Distinguer condition nécessaire et condition suffisante.
• Propriétés de l’ensemble N.
• Toute partie non vide de N a un plus petit élément. Application au principe de récurrence.
• Mener un raisonnement par récurrence simple ou avec prédécesseurs.
2.1
Un peu de logique
Les lois de la pensée (1854) - G. Boole (1815-1864) « Le but de ce traité est d’étudier
les lois fondamentales des opérations de l’esprit par lesquelles s’effectue le raisonnement ; de les
exprimer dans le langage symbolique d’un calcul, puis, sur un tel fondement, d’établir la science
de la logique et de constituer sa méthode[. . . ] »
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« De fait, dans sa forme ancienne et scolastique, la logique se rattache presque exclusivement au
grand nom d’Aristote. C’est sous l’aspect où elle fut exposée à la Grèce antique par la démarche,
en partie technique et en partie métaphysique de l’Organon, qu’elle a continué, presque sans aucun changement essentiel, de se présenter jusqu’à nos jours. Le mouvement de recherche original
s’est plutôt dirigé vers des questions de philosophie générale qui, quoiqu’issues de controverses
entre logiciens, ont débordé de leur lieu d’origine pour conférer aux âges successifs de la pensée
leur tour et leur caractère particuliers. »
« [. . . ] la science a pour rôle de dégager des lois [. . . ] »
« On examinera dans la Proposition suivante, l’analyse et la classification des signes dans lesquels
sont menées les opérations du raisonnement.
Proposition 2.1. Toutes les opérations du langage en tant qu’instrument du raisonnement se
peuvent conduire dans un système de signes composé des éléments suivants
1. Des symboles littéraux tels que x, y, etc. représentent les choses en tant qu’objets de nos
conceptions.
2. Des signes d’opération tels que +, −, ×, qui traduisent les opérations de l’esprit par
lesquelles les conceptions des choses sont combinées ou séparées de manière à former de
nouvelles conceptions comprenant les mêmes éléments.
3. Le signe d’identité =.
Et ces symboles logiques voient leur usage soumis à des lois déterminées, qui en partie s’accordent
et en partie ne s’accordent pas avec les lois des symboles correspondants dans la science de
l’algèbre. »
2.2
Éléments de logique
En mathématique, on s’attache à établir la vérité ou la fausseté d’assertions (énoncés, propositions,. . . ) sur la base de règles de bon sens (plus techniquement des axiomes). Nous allons
approfondir sur le langage mathématique, c’est-à-dire un langage formel construit à partir de
connecteurs logiques, de quantificateurs et de symboles introduits au gré des théories, pour
proposer progressivement une approche plus rigoureuse des mathématiques que vous pratiquez
depuis votre enfance.
Pour nous, un énoncé mathématique sera toujours supposé soit vrai (V) soit faux (F).
Comme en informatique, il y a trois connecteurs logiques « élémentaires » que nous utilisons
fréquemment en mathématiques : NON, ET, OU.
Définition 2.2. Le connecteur de négation NON permet d’écrire le contraire d’une phrase.
Ainsi, si P est une assertion, NON P est son contraire. Ainsi, si P est vraie, alors NON P
est fausse et réciproquement. On peut résumer cela dans une table de vérité :
P
NON P
V
F
F
V
La double négation : NON ( NON P) est la même chose que P.
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Définition 2.3. Le connecteur de conjonction ET : L’assertion P ET Q est vraie uniquement
dans le cas où à la fois P et Q sont vraies. Sa table de vérité est :
P
Q
P ET Q
V
V
V
V
F
F
F
V
F
F
F
F
Définition 2.4. Le connecteur de disjonction OU : L’assertion P OU Q est vraie dès que
P ou Q (ou les deux) est vraie. Sa table de vérité est :
P
Q
P OU Q
V
V
V
V
F
V
F
V
V
F
F
F
Remarque.
• Symétrie : Notons que l’assertion P ET Q est la même chose que l’assertion Q ET P. De
même, l’assertion P OU Q est la même chose que l’assertion Q OU P.
• Pour montrer que l’assertion P ET Q est fausse, il suffit de montrer que l’une des deux
assertions est fausse.
• Pour montrer que l’affirmation P OU Q est vraie, il suffit de montrer qu’au moins une
des deux affirmation est vraie.
Proposition 2.5 (lois de Morgan). Soit P et Q deux affirmations.
• NON (P ET Q) est la même chose que ( NON P) OU ( NON Q)
• NON (P OU Q) est la même chose que ( NON P) ET ( NON Q)
Une assertion peut dépendre d’une autre. Par exemple, pour résoudre une équation du second
degré donné, considérons l’assertion P = « Le discriminant ∆ du polynôme est positif » et Q =
« le polynôme admet au moins une racine ». Il est bien connu maintenant que P implique Q.
L’implication traduit la phrase « Si P est vraie, alors Qi est vraie ».
L’affirmation P implique Q signifie que si P est vraie alors nécessairement Q est vraie mais on
ne dit rien si P est fausse !
Plus formellement,
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Définition 2.6. L’implication, notée P ⇒ Q, correspond par définition à l’assertion ( NON P) OU Q.
Sa table de vérité est :
P
Q
P⇒Q
V
V
V
V
F
F
F
V
V
F
F
V
Exemple. Soit f une fonction dérivable sur [0; +∞[, considérons les trois assertions suivantes :
• P = « f (0) ≥ 0 » ;
• Q = « f est croissante » ;
• R = « f est positive ».
On note alors que R ⇒ P par contre P n’implique pas Q ni R. À l’aide des deux premières
assertions, on a
( P ET Q ) ⇒ R
Exercice 2.1. Pendant le repas, un mathématicien dit à son fils :
- Si tu ne manges pas tes légumes, tu n’auras pas de crème glacée.
Le fils mange donc ses légumes, et son père ne lui donne pas de crème glacée.
Est-ce que le père a tenu sa parole ? Oui
Proposition 2.7. Pour montrer que P ⇒ Q est fausse, il suffit de montrer que P est vraie
et Q est fausse.
En général, pour contredire une implication, on suppose l’hypothèse P est on démontre que la
conclusion Q est fausse.
La réciproque de l’implication P ⇒ Q est par définition l’implication Q ⇒ P. Bien entendu,
il se peut que l’implication P ⇒ Q soit vraie mais que la réciproque soit fausse. Par exemple,
l’implication (concernant la variable réelle x) x = 1 ⇒ x2 = 1 est vraie mais sa réciproque
x2 = 1 ⇒ x = 1 est fausse.
Définition 2.8. On dit qu’une proposition P est équivalente à une proposition Q, et on note
P ⇐⇒ Q, si on a P ⇒ Q ET Q ⇒ P.
L’équivalence est vraie lorsque les deux propositions P et Q sont simultanément vraies ou simultanément fausses. On la lit aussi « P si et seulement si Q ».
Vocabulaire.
• Une proposition P est une condition suffisante pour une proposition Q si l’implication
P ⇒ Q est vraie.
Il suffit que P soit vraie pour que Q soit vraie.
• Une proposition Q est une condition nécessaire pour une proposition P si l’implication
P ⇒ Q est vraie.
Pour que P soit vraie, il faut nécessairement que Q soit vraie.
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• Une proposition P est une condition nécessaire et suffisante pour une proposition Q si
l’équivalence P ⇐⇒ Q est vraie.
Les implications jouent un rôle prépondérant dans les démonstrations mathématiques en vertu
du principe de déduction (ou syllogisme) suivant :
Si P est vraie et si P ⇒ Q est vraie, alors Q est vraie.
Proposition 2.9. La négation d’une implication NON (P ⇒ Q) correspond à P ET ( NON Q).
Définition 2.10. La contraposée de l’implication P ⇒ Q est l’implication ( NON Q) ⇒
( NON P).
Exercice 2.2. Compléter la table suivante :
P
Q
NON (P)
NON (Q)
P⇒Q
NON (Q) ⇒ NON (P)
V
V
F
F
V
V
V
F
F
V
F
F
F
V
V
F
V
V
F
F
V
V
V
V
Ainsi, une implication et sa contraposée ont même valeur de vérité : si l’une est vraie alors l’autre
aussi.
Remarque. Il ne faut pas confondre la contraposée avec la négation.
Il est important lorsqu’on écrit une phrase mathématique complexe d’utiliser des parenthèses
pour lever toute ambiguïté. Ainsi, il ne faut pas écrire quelque chose du genre P ET Q OU R
mais selon le cas (P ET Q) OU R ou P ET (Q OU R). Ces deux propositions étant différentes.
Pour la clarté de la rédaction, il est impératif d’utiliser le symbole d’implication à bon escient :
en aucun cas il ne peut être utilisé comme abréviation de « j’en déduis ». Ainsi, la phrase
2x + 3 = 5 ⇒ x = 1 est vraie mais ne dit pas que x = 1. Elle dit « s’il est vrai que 2x + 3 = 5,
alors il est vrai que x = 1 ».
Logique modale du premier ordre Les mathématiques s’attachent à démontrer les résultats
les plus généraux possibles. C’est pour cela que l’on utilise souvent les expressions « pour tout »
et « il existe ». On les appelle des quantificateurs. Quelques notations :
Vocabulaire.
• L’expression « pour tout » s’appelle le quantificateur universel et se note ∀. Ainsi, l’expression ∀ x ∈ R se lit « pour tout réel x » ou encore « quelque soit le réel x » ou encore
« pour un réel x quelconque » ou encore « pour n’importe quel réel x ». . .
• L’expression « il existe » s’appelle le quantificateur existentiel et se note ∃. Ainsi, l’expression ∃ x ∈ R se lit « il existe un réel x » ou encore « on peut trouver un réel x » ou encore
« pour un certain réel x ». . .
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On trouve parfois le raccourci ∃! pour signifier « il existe un unique ». D’ailleurs le symbole ∃
seul signifie toujours qu’il existe au moins un (mais qu’il peut en exister plusieurs).
Exercice 2.3.
1. ∀ x ∈ R, x2 ≥ 0 signifie : pour tout nombre réel x, on a x2 ≥ 0 ;
2. ∃ x ∈ R, x3 < 0 signifie : il existe un nombre réel x tel que x3 < 0.
3. Écrire la phrase suivante sous forme symbolique : Pour tout a > 0, il existe un unique
nombre réel x > 0 tel que x2 = a.
∀ a > 0 ∃! x > 0 : x 2 = a
4. Écrire la négation des trois assertions précédentes.
Remarque. Il arrivera souvent par la suite qu’on utilise plusieurs quantificateurs à la suite.
L’ordre est très important et ne doit JAMAIS être changé ! Pour s’en convaincre, que peut-on
dire de l’affirmation
∃ x > 0 ∀ a > 0 : x2 = a
par rapport à l’affirmation précédente ∀ a > 0 ∃ x > 0 : x2 = a. Laquelle est vraie ?
Proposition 2.11 (Négation et quantificateurs). Soit P(x) une affirmation qui dépend d’une
variable x.
• La négation de l’affirmation ∀ x ∈ E, P(x) est
• La négation de l’affirmation ∃ x ∈ E, P(x) est
∃ x ∈ E, NON P(x).
∀ x ∈ E, NON P(x)
En d’autres termes, pour montrer que quelque chose n’est pas vraie pour tout x, il suffit de
trouver un contre-exemple (c’est-à-dire qu’il existe x contredisant l’affirmation).
Exercice 2.4.
1. Montrer que l’affirmation :
∀ x ∈ R : x2 + x ≥ 0
est fausse.
2. Déterminer la négation de l’affirmation :
∃ x ∈ [0; 1] : x(1 − x) > 2
et déterminer si l’affirmation ou sa négation est vraie.
2.3
Techniques élémentaires de raisonnement
Raisonnements et démonstrations élémentaires Pour démontrer une proposition mathématique, on doit isoler les objets donnés au départ, les hypothèses, de la propriété à démontrer,
le but. Il n’y a pas de recette miracle pour trouver une démonstration. Toutefois le bon emploi
de quelques règles simples rend souvent de très grands services. En voici quelques unes :
• Pour démontrer une conjonction P ET Q, il faut montrer P et montrer Q. On doit donc
faire deux démonstrations.
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• Pour démontrer une disjonction P OU Q, il faut montrer P ou montrer Q. Cela se fait
souvent par disjonction des cas (voir ci-dessous)
• Pour montrer une négation, on pourra commencer par appliquer les règles de logiques
pour transformer la négation en une proposition où les négations portent sur les formules
élémentaires (on dit aussi atomiques).
• Pour démontrer une implication P ⇒ Q, on suppose que P est vraie et on démontre Q.
Autrement dit, on ajoute P aux hypothèses pour montrer Q.
• Pour démontrer une équivalence P ⇐⇒ Q, il faut montrer les deux implications P ⇒ Q
et Q ⇒ P. On dit qu’on raisonne par double implication.
• Pour démontrer une propriété universelle ∀ x ∈ E, P(x), on se donne un élément x quelconque de E et on montre que P(x) est vraie. La démonstration commencera donc par
une phrase de la forme « Soit x ∈ E. Montrons que P(x). »
• Pour démontrer une propriété existentielle ∃ x ∈ E, P(x), on cherche à construire un
élément x de E qui vérifie P(x). On pourra être amené à raisonner par analyse-synthèse
(voir ci-dessous).
Obtenir une démonstration nécessite aussi de bien analyser les hypothèses, de savoir les traduire
de façon utile. Voici quelques exemples :
2.3.1
Démonstration par disjonction des cas
Exemple. Considérons l’affirmation (proposition)
∀ n ∈ N,
n(n + 1)
∈N
2
Exprimer en langage courant cette proposition : Pour tout entier naturel n, la fraction
est aussi un entier naturel.
n(n+1)
2
On peut observer que si n est pair alors n2 est un entier et donc n(n+1)
= n2 (n + 1) est aussi
2
entier. Ainsi, il est naturel ici, de considérer l’autre situation, c’est-à-dire lorsque n est impair.
Voici, la démonstration complète :
Démonstration. Soit n ∈ N.
• Premier cas : Supposons que n soit pair. Alors il existe un entier k tel que n = 2k. Donc,
on a
n(n + 1)
2k(n + 1)
=
= k(n + 1) ∈ N
2
2
On a bien établi dans ce cas que
n(n+1)
2
∈ N.
• Deuxième cas : Supposons que n ne soit pas pair, autrement dit que n soit impair. Alors il
existe un entier k tel que n = 2k + 1 et donc tel que n + 1 = 2k + 1 + 1 = 2k + 2 = 2(k + 1).
Donc, on a
n(n + 1)
n(2(k + 1))
=
= n(k + 1) ∈ N
2
2
On a bien établi dans ce cas que
Ainsi, dans tous les cas, on a
n(n+1)
2
n(n+1)
2
∈ N.
∈ N.
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On utilise un raisonnement par disjonction de cas de façon (quasiment) systématique lorsqu’il
s’agit de démontrer un OU ou d’utiliser un OU . Ainsi pour montrer que P OU Q est vraie
on raisonne par disjonction des cas :
• Premier cas : On suppose que P est vraie. Alors P OU Q est vraie. Il n’y a rien à
démontrer.
• Deuxième cas : On suppose que P est fausse. Alors on doit montrer que Q est vraie.
Dans l’exemple précédente, on a posé P = « n est pair », Q = « n est impair » et R = « n(n+1)
2
est un entier ». Pour montrer que P OU Q ⇒ R, on a bien montré que P ⇒ R (le premier cas)
et Q ⇒ R (le second cas). On notera aussi qu’ici, on avait NON (P) = Q.
2.3.2
Démonstration par l’absurde
Nous allons voir deux exemples.
1. Considérons la proposition :
« Il n’existe pas d’entier naturel plus grand que tous les autres ».
On peut démontrer cette proposition par l’absurde : on suppose le contraire (la négation)
et on montre que cela aboutit à une contradiction.
Démonstration. Montrons qu’il n’existe pas d’entier naturel plus grand que tous les autres
par l’absurde. Supposons ainsi qu’il existe un entier naturel plus grand que tous les autres.
Notons N un tel entier plus grand que tous les autres. Or, N + 1 est aussi 1 un entier.
On devrait donc avoir N + 1 ≤ N , ce qui est absurde. On en déduit que l’affirmation est
vraie.
2. Montrons que
√
√
2 est irrationnel.
1
2
1
√
Démonstration. Supposons par l’absurde que 2 est rationnel, c’est-à-dire qu’il existe un
entier relatif p et un entier naturel non nul q tels que p et q soient premiers entre eux et
√
2 = pq . Alors
√
2
2
=
2
2
=
2q 2
p
q
p2
q2
2
=p
D’où p2 est pair et comme on le verra dans l’exemple suivant, ce fait implique que p est
aussi pair. Il existe donc un entier relatif k tel que p = 2k et en revenant aux identités
précédentes, on a
2q 2 = (2k)2
2q 2 = (2k)2
2q 2 = 4k 2
q 2 = 2k 2
1. C’est en fait un axiome (hypothèse) fait sur la construction des entiers naturels (Axiomes de Peano, 1889),
voir section 2.4.1 ci-dessous.
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De même, on déduit que q est pair. En résumé, les entiers p et q sont pairs tous les√deux.
Or, nous avions choisi p et q premiers entre eux. D’où une contradiction. Ainsi, 2 est
irrationnel.
√
Remarque. Une approximation à 10−4 près de 2 était déjà connue des Babyloniens (la tablette
YBC 7289) au premier tiers du second millénaire avant notre ère (l’algorithme de Héron). Ensuite, les mathématiciens de la Grèce
antique (sans doute avant le Ve siècle avant notre ère)
√
ont découvert et démontré que 2 est irrationnel. Plus précisément, ils ont démontré que la
longueur de la diagonale d’un carré est incommensurable, c’est-à-dire qu’on ne peut pas trouver
de segment unité, aussi petit soit-il avec lequel mesurer de façon exacte (un entier naturel de
fois l’unité) ces deux longueurs.
2.3.3
Démonstration par contraposée
Soit n un entier naturel, considérons la proposition
n2 pair ⇒ n pair
On peut démontrer cette implication directement mais il peut être plus simple de démontrer sa
contraposée, à savoir
n impair ⇒ n 2 impair
Démonstration. Montrons que n2 pair ⇒ n pair par contraposée. Il faut donc montrer que
n impair ⇒ n2 impair. Supposons ainsi que n soit impair. Alors il existe un entier k tel que
n = 2k + 1. On en déduit que
n2 = (2k + 1)2 = 4k 2 + 4k + 1 = 2(2k 2 + 2k) + 1
Ainsi, n2 est également impair.
Méthode. Pour montrer que P ⇒ Q, on peut montrer sa contraposée NON (Q) ⇒ NON (P).
2.3.4
Démonstration par analyse-synthèse
La technique de l’analyse-synthèse consiste à procéder en deux temps. On commence par supposer que l’on dispose d’une solution à notre problème et on cherche à obtenir le plus de propriétés
possibles de cette solution. Puis on vérifie que tout objet ayant les propriétés voulues est solution
du problème. Cette stratégie est souvent mise en oeuvre pour trouver un (ou plusieurs) objets
satisfaisant à une série de conditions. Elle donc souvent utilisée pour montrer une propriété
existentielle.
A titre d’exemple, montrons que
∃ f : R → R, ∀ x ∈ R, ∀ y ∈ R, f (x)f (y) = f (xy) + x + y
• Analyse : Supposons que f soit une application de R dans R telle que
∀ x ∈ R, ∀ y ∈ R, f (x)f (y) = f (xy) + x + y
Alors, si on choisit x = 0 et y = 0, on doit avoir f (0)f (0) = f (0). On en déduit que f (0) = 0
ou f (0) = 1. Supposons pour commencer que f (0) = 0. Alors en choisissant x = 0 et y = 1,
on doit avoir f (0)f (1) = f (0) + 0 + 1, autrement dit 0 = 1. Ceci est absurde. Ainsi, il est
impossible que f (0) = 0. Il faut donc nécessairement que f (0) = 1. Choisissons alors y = 0
et x quelconque. On doit avoir f (x)f (0) = f (0) + x + 0, autrement dit f (x) = x + 1. En
conclusion, si f est une solution, alors nécessairement f est l’application x 7→ x + 1.
• Synthèse : L’application f : x 7→ x + 1 est solution du problème car f (x)f (y) = (x + 1)(y +
1) = xy + x + y + 1 = f (xy) + x + y.
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Entiers naturels et raisonnement par récurrence
2.4.1
Entiers naturels
On définit (caractérise) l’ensemble des entiers naturels N par le système d’axiomes (d’hypothèses)
de Peano :
L’ensemble des entiers naturels, noté N, vérifie les axiomes suivants (Peano 1858-1932) :
• N possède l’élément zéro, noté 0 ;
• Tout entier naturel n a un unique successeur, noté s(n) ;
• 0 n’est le successeur d’aucun entier naturel ;
• Si deux entiers naturels ont le même successeur alors ils sont égaux
• Si un sous-ensemble d’entiers naturels contient 0 et contient le successeur de chacun de ses
éléments, alors cet ensemble est égal à N.
(principe de récurrence)
Uniquement à l’aide de ses axiomes, on peut définir rigoureusement, l’addition et la relation
d’ordre ≤ sur l’ensemble des entiers naturels.
2.4.2
Raisonnement par récurrence
Exercice 2.5.
1. Montrer qu’un carré 4 × 4 privé d’un carreau peut être découpé en « angles » de trois
carreaux.
2. Proposer une démonstration du fait que la même chose est vraie pour tout carré 2n × 2n .
Théorème 2.12. Toute partie non vide de N admet un plus petit élément.
Théorème 2.13 (Récurrence). Soit P(n) une proposition dépendant d’un entier naturel n
et soit n0 ∈ N un entier. Supposons que
• P(n0 ) est vraie.
(initialisation)
• Pour tout entier n ≥ n0 , l’implication P(n) ⇒ P(n + 1) est vraie.
(hérédité)
Alors la proposition P(n) est vraie quel que soit l’entier n ≥ n0 .
Corollaire 2.14 (Récurrence forte). Soit P(n) une proposition dépendant d’une variable n ∈ N.
Soit n0 ∈ N un entier. Supposons que :
• P(n0 ) est vraie.
• Pour tout entier n ≥ n0 ,
P(n0 ) ET P(n0 + 1) ET . . . ET P(n) ⇒ P(n + 1)
est vraie.
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Alors la proposition P(n) est vraie pour tout entier n ≥ n0 .
Exemple. Montrons par récurrence sur n ∈ N \ {0} que 1 + 2 + · · · + n =
Démonstration. Notons P(n) la propriété 1 + 2 + · · · + n =
n(n+1)
.
2
n(n+1)
.
2
• Initialisation : La propriété P(1) est vraie car elle s’écrit 1 =
1×2
2 .
• Hérédité : Soit n ∈ N. Supposons que la propriété P(n) soit vraie. Montrons que la propriété
P(n + 1) est vraie également. On calcule :
n(n + 1)
+ (n + 1) car P(n) est vraie
2 n
= (n + 1)
+1
2
n+2
= (n + 1)
2
(n + 1)((n + 1) + 1)
=
2
1 + 2 + · · · + n + (n + 1) =
Donc P(n + 1) est aussi vraie. Ainsi, par récurrence, l’identité P(n) est vraie pour tout entier naturel
n.
Exemple. Montrons par récurrence forte sur n ∈ N \ {0} qu’il existe deux entiers p et q tels que
n = 2p (2q + 1).
Démonstration. Notons P(n) la propriété : « il existe deux entiers p et q tels que n = 2p (2q + 1) ».
• Initialisation : La propriété P(1) est vraie car 1 = 20 (2 × 0 + 1) (on peut donc choisir p = 0 et
q = 0).
• Hérédité : Soit n ∈ N. On suppose que P(1), P(2), . . . , P(n) sont vraies. Montrons que P(n + 1)
est vraie. Raisonnons par disjonction des cas :
— Si n + 1 est impair, il existe un entier k tel que n + 1 = 2k + 1 = 20 (2k + 1). On peut donc
choisir p = 0 et q = k.
— Sinon, si n + 1 est pair, il existe un entier k tel que n + 1 = 2k. Comme k ≤ n, on peut
utiliser la propriété P(k), qui est supposée vraie. Ainsi, il existe deux entiers p0 et q 0 tels que
0
0
k = 2p (2q 0 + 1). Donc, n + 1 = 2p +1 (2q 0 + 1) et on pose p = p0 + 1 et q = q 0 .
On a bien déduit par disjonction des cas que la propriété P(n + 1) est vraie.
Ainsi, par récurrence forte, la propriété P(n) est démontrée pour tout entier naturel n.
11
TSI 1
Lycée Heinrich-Nessel
12
2016/2017
Table des matières
2 Logique et raisonnements
1
2.1
Un peu de logique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1
2.2
Éléments de logique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2
2.3
Techniques élémentaires de raisonnement
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6
2.3.1
Démonstration par disjonction des cas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
7
2.3.2
Démonstration par l’absurde . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
8
2.3.3
Démonstration par contraposée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9
2.3.4
Démonstration par analyse-synthèse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
9
Entiers naturels et raisonnement par récurrence . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
10
2.4.1
Entiers naturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
10
2.4.2
Raisonnement par récurrence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
10
2.4
13
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