Hépatite fulminante fatale à Epstein-Barr virus

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pratique quotidienne
Ann Biol Clin 2006 ; 64 (2) : 170-2
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Hépatite fulminante fatale à Epstein-Barr virus
M. Lazrek1
F. Boitrelle1
A. Dewilde1
C. Schanen1
C. Chopin2
P. Desreumaux3
E. Leteurtre4
D. Hober1
1
Service de virologie/UPRES EA 3610,
CHRU de Lille, Université de Lille 2
<[email protected]>
2
Service de réanimation polyvalente,
CHRU de Lille
3
Service d’hépato-gastroentérologie,
CHRU de Lille
4
Service d’anatomie et de cytologie
pathologiques, CHRU de Lille
Résumé. La mononucléose infectieuse est une affection généralement bénigne
et extrêmement répandue. Bien qu’une cytolyse hépatique modérée y soit
retrouvée de façon quasi-constante, l’hépatite aiguë fulminante en est une
complication exceptionnelle. Nous rapportons l’observation chez un jeune garçon de 15 ans, d’une primo-infection au virus d’Epstein-Barr compliquée
d’une hépatite fulminante fatale.
Mots clés : EBV, hépatite fulminante, insuffısance hépatique aiguë
Abstract. Infectious mononucleosis is a common and benign disease.
Although hepatic cytolysis is common during infectious mononucleosis, fulminant hepatitis is rare. We report an observation of a fatal fulminant hepatitis
complicating a primary EBV infection in a 15 year-old male.
Key words: EBV, fulminant hepatitis, acute hepatitis failure
Article reçu le 28 novembre 2005,
accepté le 13 janvier 2006
L’observation
Nicolas, 15 ans, sans antécédents particuliers, est admis
aux urgences le 11 avril pour une hépatite fulminante.
L’histoire commence 4 jours auparavant par un syndrome
pseudo-grippal avec malaises, frissons, hyperthermie,
céphalées, et asthénie suivi de troubles digestifs. L’apparition d’un ictère motive son hospitalisation.
À l’entrée, le patient est fébrile à 38,7 °C. Il est somnolent
et obnubilé. L’examen cutané retrouve un exanthème morbilliforme de la racine des jambes et du tronc. Le scanner
abdominal met en évidence une hépatosplénomégalie. Le
bilan biologique montre une insuffisance hépatocellulaire.
Le TP est à 28 %, le facteur V est à 30 % (N : 60-120 %),
le fibrinogène est à 1,3 g/L (N : 2-4 g/L), la bilirubine
conjuguée est à 135 mg/L (N < 3 mg/L). Il existe une
cytolyse hépatique majeure. Les TGO sont à 19 000 UI/ L
(N < 35 UI/ L) et les TGP à 8 700 UI/L (N < 26 UI/L). La
numération formule sanguine retrouve 4,6 × 109/L leucocytes dont 44 % de lymphocytes et 13 % de lymphocytes
hyperbasophiles, une thrombopénie à 44 × 109/L. La CRP
est à 84 mg/L (N < 8 mg/L). Il existe une insuffisance
rénale avec une créatininémie à 27 mg/L (N < 11 mg/L) et
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une urémie à 1,07 g/L (N < 0,5 g/L). L’ammoniémie est à
930 lg/L (N < 80 lg/L).
Les sérologies des hépatites virales A, B, C et du VIH sont
négatives. Les sérologies de l’herpes simplex virus
(HSV), du cytomégalovirus (CMV) et du virus de la varicelle et du zona (VZV) témoignent d’une infection
ancienne. Le MNI test est négatif (Oxoid, Basingstoke,
Grande Bretagne). Le diagnostic sérologique spécifique
du virus d’Epstein-Barr (EBV) réalisé par une technique
d’immunofluorescence (EBV-VCA IgM/IgG, Gull laboratories, Salt Lake City, Utah) montre un profil sérologique
compatible avec une primo-infection à EBV. Il met en
évidence une positivité des IgM anti-VCA et une positivité des IgG anti-VCA à la dilution 1/160. La recherche
des IgG anti-EBNA (Immunowell EBNA IgG, Immunowell Gen Bio, San Diego, Californie) est négative. Ce
résultat est conforté par la mesure de la charge virale EBV
dans le sang qui retrouve un résultat supérieur à 30 000
copies pour 1,5 × 105 cellules mononucléées (PCR en
temps réel, seuil de détection : 5 copies/lg d’ADN).
L’examen anatomo-pathologique de la biopsie hépatique
(figure 1) met en évidence une nécrose de plus de 80 %
des hépatocytes avec présence d’un infiltrat inflammatoire
portal à prédominance de cellules mononucléées. En dépit
Ann Biol Clin, vol. 64, n° 2, mars-avril 2006
Hépatite fulminante
des soins de réanimations, l’état clinique du patient se
dégrade. Il majore son insuffisance hépatocellulaire. Une
transplantation hépatique en urgence est prévue mais les
signes neurologiques s’aggravent. Le patient décède le 13
avril.
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Le point de vue du clinicien
Les hépatites fulminantes représentent l’une des premières
causes d’insuffisance hépatique aiguë grave observées
chez l’enfant. Elles ne concernent en France qu’une vingtaine d’enfants par an. Leur pronostic est très sévère car
elles évoluent spontanément vers la mort dans 60 à 80 %
des cas. Elles sont caractérisées par l’apparition rapide
d’une encéphalopathie hépatique qui peut aller de la simple obnubilation jusqu’au coma. Celle-ci conditionne en
grande partie le pronostic [1].
Les hépatites virales représentent 40 à 70 % des insuffisances hépatiques aiguës. L’hépatite virale B domine en
France l’ensemble des étiologies [2]. L’hépatite fulminante à EBV est exceptionnelle [3]. En effet, l’EBV est un
herpèsvirus ubiquitaire. Il infecte 95 % de la population
mondiale, le plus souvent de façon inapparente. Il est
l’agent causal de la mononucléose infectieuse qui est la
forme clinique symptomatique la plus fréquente et la plus
caractéristique de la primo-infection à EBV. La mononucléose infectieuse est une pathologie généralement bénigne et extrêmement répandue [4]. Cependant, des complications variées peuvent survenir de façon peu fréquente :
rupture de la rate, thrombopénie, agranulocytose,
encéphalite, pneumopathie interstitielle. Quelques cas ont
Figure 1. Biopsie hépatique (Coloration HES. Grossissement
× 200). Au centre, l’espace porte présente un infiltrat inflammatoire lymphocytaire. Les lobules hépatiques comportent des
hépatocytes nécrosés : cytoplasme en rétraction acidophile et
noyaux picnotiques.
Ann Biol Clin, vol. 64, n° 2, mars-avril 2006
été rapportés de myocardite, de péricardite, de syndrome
hémophagocytaire... [5].
Bien qu’une augmentation modérée des transaminases soit
retrouvée de façon quasi constante au cours de la primoinfection, l’hépatite aiguë fulminante en est une complication très rare [6].
L’hépatite fulminante survient plus volontiers chez les
jeunes garçons atteints du syndrome de Purtilo [4]. Le
syndrome de Purtilo, ou syndrome lymphoprolifératif lié
au chromosome X, est un déficit immunitaire cellulaire
primitif, caractérisé par une susceptibilité sévère et sélective pour l’EBV. Il s’agit d’une forme grave de la primoinfection à EBV. Les patients atteints peuvent développer
une mononucléose infectieuse gravissime caractérisée par
une hépatite nécrotique fulminante, un syndrome d’activation lymphohystiocytaire, une aplasie médullaire ou
encore une vascularite du systène nerveux central. Le gène
incriminé est responsable d’un défaut de régulation de la
réponse immune vis-à-vis de l’EBV [7]. Dans notre observation, la primo-infection à EBV compliquée d’une hépatite fulminante fatale fait suspecter un syndrome de Purtilo. Néanmoins, le diagnostic formel de ce syndrome est
génétique. Il consiste à rechercher une mutation ou une
délétion dans le gène SH2D1A (SH2-domain containing
gene 1A) [7]. Il n’a pu être réalisé dans notre observation.
Le point de vue du biologiste
L’EBV appartient à la famille des herpesviridae. La transmission d’un individu à un autre s’effectue essentiellement par la salive dans les conditions naturelles (maladie
du baiser) et plus rarement au cours d’une transfusion
sanguine, lors d’une greffe de moelle osseuse ou d’organe
[4].
Les lymphocytes B sont les principales cellules cibles de
l’EBV. Le virus possède la propriété remarquable
d’induire leur prolifération continue. Au cours de la
primo-infection à EBV, la réponse immunitaire de type
cellulaire, qui fait intervenir les lymphocytes T cytotoxiques, joue un rôle capital pour limiter l’infection primaire.
Les signes cliniques de la mononucléose infectieuse sont
provoqués par l’intensité de cette réaction immunitaire.
Les lymphocytes hyperbasophiles, mis en évidence par la
cytologie sanguine, correspondent aux lymphocytes T
cytotoxiques produits en réponse à la stimulation induite
par les lymphocytes B infectés. Le sujet immunocompétent maintient une délicate balance entre la prolifération
des lymphocytes B infectés de façon latente et la réponse
immunitaire. L’équilibre se rompt en cas d’altération de
cette réponse immunitaire cellulaire [4, 8].
Le diagnostic de primo-infection à EBV repose sur les
sérologies : MNI test et sérologie spécifique. Le MNI test
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pratique quotidienne
est un test qualitatif d’agglutination sur lame qui recherche la présence d’anticorps hétérophiles. Ces anticorps de
type IgM apparaissent très spécifiquement au cours de la
mononucléose infectieuse bien qu’ils ne soient pas dirigés
contre les antigènes du virus. Ils ne sont présents que dans
70 à 80 % des cas chez l’adolescent et l’adulte jeune. Un
MNI test négatif n’élimine donc pas le diagnostic de
primo-infection à EBV. La primo-infection est alors prouvée par le diagnostic sérologique spécifique. Au cours
d’une mononucléose infectieuse, les lgG et IgM anti-VCA
(viral capsid antigen) sont généralement présents dès le
début des signes cliniques alors que les IgG anti-EBNA
(Epstein Barr nuclear antigen) ne sont détectables qu’à la
convalescence [4].
La mononucléose infectieuse est une maladie virale bénigne qui doit cependant, comme l’illustre notre observation, inciter à la méfiance en raison de la gravité potentielle de certaines manifestations.
Références
1. Durand P, Debray D, Devictor D. Les hépatites fulminantes de
l’enfant. Presse Med 1996 ; 25 : 1501-6.
2. Bernuau J, Benhamou JP. Insuffisance hépatique fulminante et subfulminante. In : Benhamou JP, Bircher J, McIntyre N, Rizzetto M, Rodès J,
eds. Traité européen d’hépatologie clinique. Paris : Flammarion, 1993 :
923-42.
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1995 ; 24 : 161-73.
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review of the literature. Liver Transpl Surg 1998 ; 4 : 469-76.
7. Stephan JL. Le syndrome lymphoprolifératif lié à l’X (syndrome
XLP) : de la clinique au gène. Arch Pediatr 2000 ; 7 : 1205-11.
8. Cohen JI. Epstein-Barr virus infection. N Engl J Med 2000 ; 343 :
481-92.
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