ARTICLE DE REVUE Progrès en Urologie (1998), 8, 321-329
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Carcinome épidermoïde de la vessie
Arnaud DESGRIPPES(1), Paul MERIA (2), Ariane CORTESSE (1), Béatrice COCHAND-PRIOLLET (3),
Gérard CARIOU (1)
(1) Hôpital des Diaconesses, (2) Hôpital Saint-Louis, (3) Hôpital Lariboisière, Paris, France
RESUME
Le carcinome épidermoïde vésical est une tumeur
rare, qui demeure méconnue dans les pays occiden-
taux, contrastant avec une incidence élevée au
Moyen-Orient et en Afrique de l'est.
Son sex ratio est équilibré et la population noire
semble préférentiellement atteinte.
Plusieurs théories de carcinogénèse récentes éclai-
rent la physiopathologie de cette tumeur.
Ses facteurs de risque regr
oupent essentiellement la
bilharziose urinaire et les facteurs mécaniques et
chimiques irritatifs vésicaux.
Son diagnostic, souvent tardif, peut être facilité par
un suivi strict des patients à risques. Une prévention
semble possible chez ces patients.
Son pronostic, traditionnellement mauvais, dépend
essentiellement du stade et du grade tumoral.
Son traitement est chirurgical, dominé par la cys-
tectomie radicale, avec une réelle efficacité théra-
peutique. Les places respectives de la chimiothéra-
pie et de la radiothérapie demeurent en évaluation.
Mots clés : Carcinome épidermoïde, cancer de vessie, vessie.
Progrès en Urologie (1998), 8, 321-329.
Rare dans les pays occidentaux où le carcinome à cel-
lules transitionnelles est le cancer de vessie le plus fré-
quent, le carcinome épidermoïde, premier cancer en
Egypte, est un véritable problème de santé publique au
Moyen-Orient et en Afrique de l'Est.
Sa présentation clinique originale est marquée par le
caractère habituellement unique de la lésion (73%-80%
des cas), son caractère invasif dès le diagnostic tumo-
ral, l'existence dans 40% des cas d'une obstruction uré-
térale associée [58, 81].
La connaissance de sa carcinogénèse et de ses facteurs
de risques autorisent un diagnostic plus précoce qui
doit favoriser l'amélioration de son pronostic.
Une revue de la littérature permet de faire le point sur
ce cancer peu fréquent en pathologie courante
RAPPEL HISTOLOGIQUE
Le carcinome épidermoïde doit être distingué du carci-
nome transitionnel à inflexion épidermoïde (10% des
carcinomes à cellules transitionnelles) dans la mesure où
il ne comporte aucun contingent transitionnel [116]. La
d i f férenciation épidermoïde est variable, en néral asso-
ciée à une importante ratinisation (Figures 1 et 2).
L'histologie montre ainsi des granules de ratohyaline,
des ponts intercellulaires, et des cellules comprenant une
masse centrale de kératine appees perles [26, 11 6 ] .
EPIDEMIOLOGIE
Les carcinomes épidermoïdes représentent 4 à 6% des
tumeurs vésicales observées dans les pays occidentaux
[58]. Ce cancer, fréquent dans toute d'Afrique de l'Est
et au Moyen-Orient où il représente 66% à 77% des
tumeurs de vessie observées [23, 27, 30, 31, 47- 49, 51,
55, 64, 101, 112], demeure le premier cancer masculin
en Egypte [35, 36, 46].
On note une légère prédominance masculine avec,
selon les séries, entre 31,5% et 74% d'hommes atteints
[18, 46, 48, 58, 81, 88, 92, 93]. Son sex ratio équilibré
contraste avec le taux de 4 hommes pour une femme
observé communément dans les tumeurs transition-
nelles [58].
Les sujets de race noire semblent plus fréquemment
atteints. Les carcinomes épidermoïdes vésicaux repré-
sentent entre 10,7% et 15% des cancers de vessie dans
la population noire contre 2,4 à 5% dans la population
blanche [6, 19, 25, 97]. Selon certaines séries, 71 à
78% des patients atteints sont de race noire [92, 97].
PHYSIOPATHOLOGIE ET FACTEURS
DE RISQUE
Le mécanisme pouvant mener au développement d'un
carcinome épidermoïde a été initialement proposé par
MOSTOFI [72], qui a mis en évidence une réponse de
Manuscrit reçu : décembre 1997, accepté : février 1998.
Adresse pour correspondance : Dr.A.Desgrippes, Service d’Urologie, Hôpital
Ambroise Paré, 9, avenue Charles de Gaulle, 92100 Boulogne.
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l'épithélium vésical aux facteurs liés à l’environnement
et irritatifs vésicaux comprenant 3 étapes : prolifération
cellulaire, métaplasie, néoplasie, avec progression et
mutation cellulaire progressives [72].
Pour étayer cette théorie de progression dysplasique,
chez des patients atteints de bilharziose urinaire,
CHAUDARY[16] a montré une surexpression des pro-
téines bcl-2 et P53 commune à un épithélium métapla-
sique ou dysplasique et à un carcinome épidermoïde.
L'auteur suggère l'apparition possible d'une dysrégula-
tion de ces protéines en présence d'un épithélium alté-
ré, pouvant mener au développement d'un carcinome
épidermoïde.
L'étape intermédiaire de métaplasie épithéliale corres-
pond à des lésions de métaplasies épidermoïdes, de leu-
coplakies ou malakoplakies, considérées comme pré-
cancéreuses [13, 17, 72, 75, 79, 84, 87].
Si ces lésions sont considérées comme fréquentes chez
des patients soumis à des facteurs irritatifs vésicaux
répétés, leur rôle dans la carcinogénèse du carcinome
épidermoïde vésical est discuté.
La taplasie épidermoïde est favorie par le drainage
urinaire continu et par les infections urinaires chroniques.
Ces dernières entraînent dans 84% à 92% des cas la sur-
venue d'une taplasie épidermoïde [78, 80, 95, 123]. En
l'absence de tout drainage urinaire, la lésion n'est mise en
évidence que dans 20% des cas. Ce chiffre augmente
avec la durée du drainage pour atteindre 80% au de de
10 ans [61]. L
A S K O W S K I
et S
C O T T
[66] notent 100% de
taplasies épidermoïdes chez leurs patients porteurs
d'une cystostomie permanente.
Selon KAUFMAN [61], 10% des métaplasies épider-
moïdes vont dégénérer en carcinome épidermoïde.
RICHIE [88] et RUNDLE [93] mettent en évidence la pré-
sence de taplasie épidermoïde chez 30% des
patients porteurs d'un carcinome épidermoïde de la
vessie. La présence dans 3% des carcinomes transition-
nels vésicaux "d'îlots" de carcinomes épidermoïdes
s'expliquerait par l'association fréquente de la métapla-
sie épidermoïde et du carcinome urothélial [96].
Le carcinome épidermoïde est présent chez 20% à 25%
des patients porteurs d'une leucoplakie [17, 76], de
nombreux auteurs considérant cette lésion comme pré-
cancéreuse [17, 22, 56, 59, 62, 76, 84, 93, 119].
Toutefois, le rôle étiologique des leucoplakies vési-
cales et des métaplasies épidermoïdes est remis en
cause par plusieurs auteurs [88, 92, 93] du fait de leur
absence dans de nombreux cas de carcinomes épider-
moïdes.
La présence d'une métaplasie épidermoïde et d'un car-
cinome épidermoïde, sur un même terrain privilégié de
développement, chez un même patient, serait ainsi
purement fortuite [78, 95, 123].
D'ailleurs JOHNSON [58], RUNDLE [93], et RICHIE [88]
décrivent, sur pièces histologiques, le développement
du carcinome épidermoïde vésical en zone d'épithélium
sain, même en cas de présence concomitante d'une leu-
coplakie ou d'une métaplasie épidermoïde.
L'effet carcinogène des nitrosamines urinaires a été mis
en avant par certains auteurs [7, 34, 42] qui proposent
une autre théorie de développement tumoral. La cataly-
se bactérienne, induite par l'effet «nitrate reductase» de
certaines bactéries Gram négatives, pourrait expliquer
la transformation de nitrates en nitrites, puis en nitrosa-
mines, provoquant une transformation maligne de l'épi-
thélium vésical. Les infections urinaires chroniques
pourraient ainsi être directement mises en cause.
BÉJANY [8] incrimine les germes multirésistants favori-
sés par un drainage urinaire continu et des traitements
antibiotiques répétés.
Figure 1. Carcinome épidermoïde de vessie. Grossissement
oculaire 10. La flèche indique un îlot tumoral situé au sein de
la musculeuse. Certaines fibres musculaires apparaissent dis -
séquées par cet îlot.
Figure 2. Carcinome épidermoïde de vessie. Grossissement
oculaire 25. Plage de cellules épithéliales tumorales présen -
tant une différenciation malpighienne et des phénomènes de
kératinisation au sein d’un chorion remanié par des phéno -
mènes inflammatoires et fibreux.
A. Desgrippes, Progrès en Urologie (1998), 8, 321-329
De même, EL-MERZABANI [34] a décrit de nombreux
précurseurs de nitrosamines dans les urines de patients
bilharziens et insiste sur le rôle tenu par les bactéries
«nitrate reductase» présentes chez ces patients. De plus
l'alimentation des fermiers égyptiens , riche en nitrates
utilisés comme engrais, favoriserait la synthèse in vivo
de nitrosamines [34].
D'autres facteurs de risque sont établis et correspondent
à une irritation chronique de l'urothélium vésical.
Outre les infections urinaires chroniques, la présence
de corps étrangers intra-vésicaux, les obstacles suscep-
tibles d'entraîner une stagnation urinaire chronique, les
vessies neurologiques, la radiothérapie et la bilharziose
urinaire sont considérés comme des facteurs favori-
sants [8, 10, 61, 88, 94].
La bilharziose urinaire
FERGUSON, dès 1911 [41], notait l'incidence élevée de
cancers de vessie en zone d'endémie bilharzienne, les
carcinomes épidermoïdes représentant 76% de ces
tumeurs [30].
Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer
cette carcinogénèse :
L'irritation vésicale chronique et la fréquence des infec-
tions urinaires chroniques chez les patients bilharziens
sont mises en avant [29, 30, 41].
De plus, les traumatismes répétés de l'urothélium vési-
cal, du fait des passages d'oeufs bilharziens et des
infections urinaires chroniques, pourraient diminuer
l'efficacité de la barrière muqueuse dans sa capacité à
réabsorber les nitrosamines produites, renforçant indi-
rectement leur pouvoir carcinogène [30].
Enfin, l'altération des fonctions hépatiques chez les
patients bilharziens, avec ses conséquences sur le méta-
bolisme du tryptophane, est considérée comme cofac-
teur possible de carcinogénèse [1].
Les vessies neurologiques
Les patients ayant une vessie neurologique, notamment
post-traumatique, associent de nombreux facteurs de
risque : drainage urinaire permanent, infections uri-
naires chroniques [8, 10], présence fréquente de calculs
vésicaux [68], résidu urinaire persistant [61, 68], diver-
ticule vésical [109]. Tous concourent à une irritation
vésicale mécanique et chimique chronique.
L'incidence tumorale dans ce groupe de patients va de
0,3% à 10% [8, 61, 71], dont 25-100% de carcinomes
épidermoïdes [8, 10, 12, 13, 61, 71, 88, 89]. Le risque
relatif est de l'ordre de 16 à 28 si l'on compare à une
population témoin [11, 57, 71].
La moyenne du délai de survenue d'une telle tumeur
chez ces patients est de 17 ans [10], avec des extrêmes
de 5 à 42 ans [11, 71].
Les entéroplasties
Le développement d'un carcinome épidermoïde a été
décrit dans les entérocystoplasties d'agrandissement
[42, 104].
La fréquence d'une infection urinaire chronique asso-
ciée, la présence de bactéries issues de la flore fécale,
susceptibles de se multiplier sur les lignes de suture,
une radiothérapie complémentaire et des interventions
répétées sont mises en avant [42, 103].
Le cyclophosphamide
Le cyclophosphamide, absorbé dans la tube digestif,
métabolisé par le foie, puis excrété dans les urines, est
utilisé dans le traitement de tumeurs malignes et de
maladies de système.
Son rôle dans l'apparition de tumeurs vésicales à cel-
lules transitionnelles et de carcinomes épidermoïdes
semble bien établi [4, 20, 32, 39, 90, 106, 117, 121].
Il multiplie par 9 le risque d'apparition d'une tumeur
vésicale [39]. 1,8% des patients ainsi traités vont déve-
lopper une telle lésion [39].
Plusieurs facteurs semblent jouer un rôle prédictif
important dans la survenue d'un carcinome épidermoï-
de chez ces patients : l'injection d'une dose totale de
cyclophosphamide supérieure à 50 grammes, un traite-
ment d'une durée supérieure à un an [106], la survenue
d'une cystite hématurique réactionnelle [3, 108, 120].
Le délai d'apparition d'une tumeur après un tel traite-
ment varie de 9 mois à 12 ans [32, 106].
Les papillomavirus
Le rôle étiologique des papillomavirus, incriminés par
certains auteurs [77, 114, 125] dans la survenue des
carcinomes épidermoïdes vésicaux, est discuté.
Les papillomavirus HPV6 et HPV11 seraient suscep-
tibles de dégénérer en lésions malignes [14, 70, 124],
leur présence ayant été mise en évidence sur des pièces
anatomo-pathologiques de carcinomes épidermoïdes
vésicaux dans 30 à 80% des cas [5, 43, 60, 91].
Le mécanisme réel de carcinogénèse demeure mécon-
nu, une mutation de la protéine P53 est incriminée [60].
Toutefois MALONEY [70] n'a mis en évidence qu'un
papillomavirus, de type HPV18 et estime que cette
faible incidence ne permet pas de conclure sur le rôle
étiologique de ce virus.
Par ailleurs la proportion d'HPV DNA sur des biopsies
vésicales, qu'il y ait ou non existence d'un processus
tumoral, est équivalente [91]. Or l'exposition de la
muqueuse vésicale au virus ne démontre pas l'implica-
tion de ce dernier dans la survenue d'un carcinome épi-
dermoïde [91].
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Enfin la distinction entre des lésions papillomateuses et
un carcinome épidermoïde peut être difficile à faire sur
l'histologie [21], pouvant ainsi conduire à une suréva-
luation de l'incidence de ces virus dans la carcinogénè-
se des carcinomes épidermoïdes vésicaux.
Les autres facteurs étiologiques
SHEAFF [102] et KENNEDY [63] incriminent la radiothé-
rapie isolée comme facteur irritatif précarcinogène.
L'immunosuppression serait un facteur de risque dans
la survenue d'un carcinome épidermoïde, notamment
chez les patients ayant bénéficié d'une transplantation,
rénale [24, 97, 105] ou cardiaque [107].
Le tabac joue probablement un rôle dans la survenue de
ces lésions, même si son importance étiologique
semble moindre, comparativement aux carcinomes à
cellules transitionnelles : JONES [59], à propos de 51
patients atteints d'un carcinome épidermoïde, rapporte
31% de fumeurs.
Le rôle promoteur du tabac [52, 65], par le biais du
gène P53, est ainsi incriminé dans la carcinogénèse des
carcinomes épidermoïdes [85].
DIAGNOSTIC
L'hématurie demeure le premier signe d'appel et existe
dans 56 à 80% des cas [18, 40, 58, 81, 92-94]. Les
troubles mictionnels, dominés par les signes irritatifs,
sont présents chez 33 à 67% des patients [18, 40, 58,
81, 92, 93].
Il existe un fréquent retard au diagnostic tumoral initial,
préjudiciable au pronostic [58, 59, 118]. En effet, les
facteurs irritatifs vésicaux qui participent à la carcino-
génèse tumorale sont eux-même sources d'hématuries,
de signes irritatifs [59, 118] et d'infections urinaires
[58], masquant ainsi les éléments cliniques susceptibles
de faire évoquer un processus tumoral débutant.
Un suivi très strict des patients à risque est préconisé
par de nombreux auteurs, afin de permettre un diagnos-
tic tumoral précoce [8, 13, 38, 39, 73, 106, 113].
Chez les patients traités par cyclophosphamide, une
surveillance d'au moins 10 ans après initiation du trai-
tement, comprenant, systématiquement, une cytologie
des urines annuelle, semble nécessaire.
Pour les patient porteurs d'une vessie neurologique
depuis plus de 10 ans ou présentant une infection uri-
naire chronique, plusieurs auteurs recommandent la
pratique d'une cytologie [13] et/ou d'une cystoscopie
annuelles [13, 73], voire de biopsies vésicales systéma-
tiques annuelles ou tous les 2 ans [8, 38, 113].
Cependant le rôle de la cytologie urinaire comme com-
plément utile dans le diagnostic tumoral et la sur-
veillance des patients à risques est controversé :
Pour certains la sensibilité diagnostique de la cytologie
urinaire varie de 71 à 100%, avec une spécificité de
97% [61, 75, 110, 129]. Dans ces conditions, une sur-
veillance des sujets à risque par une cytologie annuelle
peut être recommandée [68, 110].
Une cytologie positive ou douteuse doit faire réaliser
des biopsies vésicales [68].
D'autres auteurs déconseillent la cytologie urinaire en
pratique courante, dénonçant une sensibilité diagnos-
tique insuffisante [8, 10, 13].
Ils avancent plusieurs explications :
- la présence fréquente sinon constante dans ces
groupes de patients d'infections urinaires et d'hématu-
ries susceptibles de fausser la cytologie urinaire [33].
- la méconnaissance habituelle des tumeurs de bas
grade par la cytologie urinaire. Or ELBOLKAINY [30], à
propos de 798 carcinomes épidermoïdes, a mis en évi-
dence 41,5% de tumeurs de grade 1, 37% de grade 2 et
seulement 22% de grade 3.
- de plus la cytologie urinaire demeure une technique
dont les résultats dépendent de l'opérateur [82].
Il n'existe pas de marqueur tumoral connu, mais CELIS
[15] propose le dosage de la psoriasine, protéine de
transport calcique, comme moyen de dépistage ou mar-
queur de surveillance de récidive tumorale.
PREVENTION
En cas de bilharziose, un traitement efficace pourrait
diminuer l'incidence de survenue des carcinomes épi-
dermoïdes. Ainsi, ELBOLKAINY [30] a mis en évidence
77% de carcinomes épidermoïdes en présence d'oeufs
calcifiés de Schistosoma Haematobium contre 56%
lorsquaucun oeuf n'est visible. La diminution du
nombre de carcinomes épidermoïdes chez ces patients
correctement traités et guéris après bilharziose urinaire
plaide en faveur d'une possible prévention tumorale par
le traitement anti-bilharzien.
En cas de vessie neurologique, plusieurs auteurs relè-
vent le rôle pathogène tenu par les drainages urinaires
à demeure [68, 122]. A un tel mode de cathétérisme
doit être préféré un cathétérisme intermittent ou l'éli-
mination de tout drainage par la pratique d'une sphinc-
térotomie endoscopique ou d'une résection étendue du
col vésical [8, 61].
Malheureusement cette pratique d'un drainage inter-
mittent n'évite pas le développement d'un carcinome
épidermoïde [10, 98, 130].
Les traumatismes et les bactériuries persistantes et
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inévitables secondaires aux cathétérismes répétés peu-
vent expliquer l'apparition de ces tumeurs [130].
O'FLYNN et REDMAN [76, 86] recommandent la pratique
d'une cystectomie radicale chez les patients porteurs
d'une métaplasie épidermoïde ou d'une leucoplakie
étendue.
HISTOIRE NATURELLE ET
PRONOSTIC TUMORAL
L'histoire naturelle de cette tumeur est marquée par une
évolution locale prédominante alors que l'extension
métastatique est rare, contrairement à ce qui est obser-
vé dans les tumeurs à cellules transitionnelles [128].
Il n'est mis en évidence que 8 à 13% de métastases chez
les patients porteurs d'une tumeur vésicale infiltrante de
nature épidermoïde [8, 59, 93, 94, 111].
La fibrose de la paroi vésicale, sur laquelle se dévelop-
pent les carcinomes épidermoïdes chez les patients bil-
harziens, explique peut être ce type d'évolution [2, 28,
37]. Par ailleurs le grade souvent peu élevé de ces
lésions encourage ce développement tumoral local pré-
dominant [30].
Néanmoins le carcinome épidermoïde vésical est habi-
tuellement considéré comme une tumeur de mauvais
pronostic.
Le taux de survie à 1 an varie de 23 à 31% [9, 92, 93].
A 5 ans, la survie s'échelonne de 1,9% à 48% [18, 48,
58, 59, 74, 88, 93, 126], les variations extrêmes s'expli-
quant par la confusion des stades tumoraux et des trai-
tements pratiqués. La survie à 10 ans est estimée à 20%
[126].
La mise en évidence de ces tumeurs à un stade initiale-
ment avancé peut expliquer leur mauvais pronostic :
elles sont découvertes à un stade infiltrant dans 76 à 100
% des cas [58, 59, 73, 93, 94, 96, 99], avec envahisse-
ment prostatique ou urétral chez 36% des patients [8].
Le stade et le grade tumoral constituent les 2 facteurs
pronostiques essentiels [58, 88, 93, 99].
GHONEIM [46, 47] a mis en évidence, sur 2 études, une
survie pour les tumeurs superficielles de 54,3% et 43%
à 5 ans contre 33,5% et 30% pour les tumeurs infil-
trantes et FAYSAL [40] décrit, à 3 ans, une survie de 37%
pour les tumeurs de stade AB, 13% pour les C, aucun
survivant à un stade plus avancé.
De même SARMA [96] décrit une survie à 2 ans de 30%
pour les lésions T2, 25% pour les T3, 5% pour les T4.
La survie à 5 ans est de seulement 4% en cas d'enva-
hissement ganglionnaire [54].
GHONEIM [46, 47] a montré l'importance pronostique du
grade tumoral, à propos de 2 séries, avec 52,3% et 46%
de survie à 5 ans pour les lésions de bas grade, contre
25,8% et 21% pour les tumeurs de grade élevé.
D'autres facteurs pronostiques ont été avancés :
La délétion des antigènes de surface ABO(H) serait
prédictive de l'évolution tumorale, notamment dans les
lésions initialement de faible stade et de grade peu
élevé, pouvant aider à poser une sanction chirurgicale
précoce [53].
La ploïdie semble également pouvoir jouer un rôle pro-
nostique [99, 100].
La survie en l'absence de toute récidive est de 67% à 10
ans dans les lésions initialement diploïdes contre 18%
pour les tumeurs aneuploïdes [126].
A 10 ans, le taux de décès spécifiques est évalué à 18%
en cas de diploïdie initiale contre 86% pour une lésion
aneuploïde. Selon WINCKLER [126], l'aneuploïdie est
un facteur d'agressivité qui implique une approche thé-
rapeutique en conséquence.
Toutefois la corrélation habituellement observée entre
la ploïdie, le stade et le grade tumoral peuvent faire
douter de son utilité en tant que facteur pronostique
indépendant [67].
TRAITEMENT
Chirurgie
La chirurgie, dominée par la cystectomie radicale,
constitue le traitement de choix de ces lésions [40, 92].
Pour FAYSAL [40], seuls les patients qui ont bénéficié
d'une cystectomie sont vivants à 5 ans.
Le pronostic des carcinomes épidermoïdes après chi-
rurgie semble équivalent voire meilleur que celui des
carcinomes à cellules transitionnelles [127] avec des
survies après cystectomie radicale de 33 à 48% à 5 ans
et de 23% à 10 ans [47, 50, 88].
La cystectomie doit s'accompagner d'une lymphadé-
nectomie [8, 47, 88] qui, même si son avantage en
terme de survie n'est pas prouvé, permet une stadifica-
tion tumorale.
L'urétrectomie systématique est conseillée par
BÉJANY
[8] qui observe 40% de récidives urétrales après cys-
tectomie.
L'intérêt de la cystectomie partielle est controversé :
Proposée par certains auteurs qui décrivent des survies
à 5 ans de 50 et 35% [96, 115], FAYSAL [40] la décon-
seille, constatant 100% de récidives.
La place d'une radiothérapie pré-opératoire doit être
discutée.
G
HONEIM
[47-50] et S
WANSON
[111], constatant le
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