999
L’association de plusieurs modalités thérapeutiques pour
traiter une maladie d’emblée métastatique primitive et
synchrone a montré son efficacité dans différents types de
cancer.
Le meilleur exemple de cette association thérapeutique
pour une maladie évole reste le traitement des
tumeurs germinales du testicule. Les métastases de ces
tumeurs envahissent fréquemment des sites extra-testi-
culaires, en particulier le système lymphatique (gan-
glions rétro-péritonéaux, médiastinaux, et sus-clavicu-
laires) et les poumons. Les patients avec une maladie
évoluée sont initialement traités par une chimiothéra-
pie systémique à base de platine. Après une réponse
maximale à la chimiothérapie, une chirurgie extensive
des masses résiduelles peut être proposée, incluant les
masses ganglionnaires et les métastases pulmonaires
restantes. Plusieurs expériences cliniques ont montré le
bénéfice de cette attitude, avec des survies sans récidi-
ve à long terme [3,12,15].
La phrectomie de réduction tumorale avant initiation
d’une immunotrapie systémique est également utilie
de façon assez classique. Une récente étude randomisée
du SWOG a mont le fice sur la survie médiane de
lassociation trapeutique comparée à limmunotra-
pie seule (12.5 mois versus 8.1mois) [5].
Une même attitude a été réalisée, avec succès, pour les
cancers colo-rectaux métastatiques, et les cancers du
poumons (autres que les cancers à petites cellules),
tumeurs classiquement chimiorésistantes.
Chez les patients ayant une tumeur infiltrante de
vessie avec des métastases viscérales et/ou gan-
glionnaires, et après une réponse significative à
une chimiothérapie systémique, la chirurgie peut-
elle obtenir une réponse complète en éliminant les
masses résiduelles ?
Pour cela, il faut pouvoir répondre à 3 interrogations :
Une chirurgie d’exérèse des masses résiduelles ou des
métastases est-elle techniquement possible, et au prix
de quelle morbidité ?
Cette chirurgie peut-elle obtenir une augmentation de
la survie, et sans récidive à long terme ?
La cystectomie et la dérivation urinaire peuvent-elles
permettre, avec sécurité, une qualité de vie acceptable?
Comme nous l’avons vu précédemment, plusieurs asso-
ciations de chimiothérapie peuvent induire une réponse
partielle chez des patients ayant une maladie métasta-
tique.
Quels sont les sites métastatiques susceptibles de présen-
ter une réponse au moins partielle à la chimiothérapie ?:
les adénopathies métastatiques et les métastases pul-
monaires peuvent être chimiosensibles ;
les métastases osseuses et hépatiques le sont nettement
moins. Les études montrant des rémissions durables
après chimiothérapie en cas de métastases osseuses
et/ou hépatiques sont très rares [6,13,17], car le foyer
est exceptionnellement unifocal. Loehrer a montré
l’absence de survie à long terme (6 ans) en cas de méta-
stases hépatiques ou osseuses [13].
Une étude critique de la littérature montre la pauvreté des
informations à propos des critères d’inclusion des
patients, ayant une maladie métastatique, traités secondai-
rement par chirurgie après chimiothérapie.
Quelques études ont rapporté leur expérience limitée de la
chirurgie des masses résiduelles dans des groupes sélec-
tionnés de patients ayant une réponse significative à la
chimiothérapie. Dans ces études, la chirurgie a été utilisée
pour traiter des maladies locales initialement non opé-
rables, des métastases ganglionnaires régionales, et/ou des
métastases systémiques.
CHAPITRE IV.
Chimiothérapie et Tumeurs Infiltrantes
de Vessie
E. Tumeurs de vessie métastatiques ou localement avancées :
Y-a-t-il une place pour la chirurgie adjuvante
à la chimiothérapie ?
OLIVIER BOUCHOT, MARC ZERBIB
Progrès en Urologie (2002), 12, N°5, 999-1001
Dodd a rapporté une série de 50 patients (sur 203 cas)
ayant eu une chirurgie secondaire pour des métastases
régionales et/ou à distance non opérables initialement
[1]. Après une chimiothérapie M-VAC, la chirurgie a
été réalisée chez des patients ayant une tumeur primiti-
ve non opérable (avec ou sans envahissement gan-
glionnaire), métastases ganglionnaires régionales clini-
quement évidentes, ou des métastases à distance limi-
tées à un seul site anatomique. Les sites systémiques
ont été l’os dans 1 cas, le foie dans 3 cas et les poumons
dans 10 cas. Trente (81%) des 37 patients ayant une
réponse partielle avec la chimiothérapie ont été consi-
dérés sans maladie après la chirurgie, incluant 18
patients ayant une maladie en dehors du pelvis. Le
temps médian de survie pour les patients ayant eu une
réponse complète après la chimiothérapie ou après
association chimiothérapie – chirurgie a été respective-
ment de 46 et de 37 mois. Les patients qui avaient une
maladie résiduelle malgré l’association thérapeutique
ont eu une survie médiane de 10 mois. Un tiers des
patients traités par association chimiothérapie et chi-
rurgie sont vivants à 5 ans. Par contre, en l’absence de
rémission, la survie à 5 ans est nulle.
Einhorn a traité 27 patients ayant une maladie métasta-
tique par association chimiothérapie (vinblastine –
ifosfamide – gallium) et chirurgie. Une réponse com-
plète a été observée pour 6 patients après chimiothéra-
pie, cystectomie (5 cas), hépatectomie (1 cas) [2]. Avec
un suivi compris entre 22 et 56 semaines, 5 des 6
patients étaient vivants sans récidive.
En 2002, l’équipe du M.D. Anderson de Houston a rap-
porté une série de 31 patients avec une maladie urothé-
liale métastatique, d’âge médian de 63.4 ans, traités par
une association chimiothérapie plus chirurgie [21].
Seuls 21 patients ont pu recevoir une chimiothérapie
complète jusqu’à réponse optimale avant métastasecto-
mie, et 3 ont reçu une chimiothérapie après chirurgie.
Trente patients (97%) ont eu une résection considérée
comme complète de toutes les lésions. Les localisa-
tions les plus fréquentes ont été pulmonaire (n = 24,
77%), lymphatique (n= 4, 13%), cerveau (n = 2, 7%),
peau (n = 1, 3%). La survie médiane après métastasec-
tomie a été de 23 mois, sans différence entre le site pul-
monaire et les autres sites métastatiques. Le temps
médian avant progression après métastasectomie a été
de 6.2 mois. La survie à 5 ans a été de 33%.
Sweeney a traité, sans mortalité peri-opératoire, 10
patients ayant des métastases rétro péritonéales, prou-
vées par une biopsie, et ayant eu une réponse significa-
tive à la chimiothérapie, par association cystectomie et
curage ganglionnaire iliaque et aortico-cave [27]. Huit
des 10 patients avaient une maladie persistante après
chimiothérapie dans les ganglions rétro-péritonéaux :
-7/10 ont développé des métastases en dehors du
site opératoire dans un délai inférieur à 6 mois, et
sont décédés en moyenne en 8 mois (4-20) ;
-la survie spécifique et la survie sans récidive à 4
ans a été de 37.5 % et 22.5 %, respectivement ;
-dans leur analyse, les auteurs notent qu’il existe-
rait un bénéfice en survie chez les patients ayant
un envahissement ganglionnaire rétro péritonéal
lorsque cette atteinte est 2 ganglions.
Ces résultats, limités en nombre, montrent qu’il est pos-
sible d’obtenir un contrôle de la maladie à moyen terme
en cas de maladie avec des métastases à distance, mais
bien entendu il importe d’avoir une sélection rigoureuse
des patients :
-un age inférieur à 75 ans
-un ASA 2
-une réponse majeure à une première ligne de chi-
miothérapie, avec une maladie résiduelle limitée
à un seul organe et de faible volume,
-en cas d’atteinte ganglionnaire rétro péritonéale,
le nombre de ganglions envahis doit être 2.
Chez les patients ayant un envahissement gan-
glionnaire N2 ou N3, ou une tumeur de vessie
localement avancée T4, une réponse complète
après chimiothérapie systémique est observée
dans 15 à 20 % des cas. Quelle est la place de la
cystectomie totale en cas de réponse complète, en
cas de reliquat tumoral vésical ou en cas de per-
sistance d’adénopathies ilio-obturatrices ?
Scher a rapporté un taux de réponse clinique de 63% chez
50 patients recevant une chimiothérapie première [20].
Parmi ceux-ci, 30 ont un stade pathologique diminué dont
10 ont été pT0 et ont été considérés comme sans maladie
vésicale après chimiothérapie.
Ceci soulève la question de l’utilité de la cystecto-
mie pour un patient en réponse complète locale et
générale.
La possibilité d’avoir une réponse complète au niveau de
la vessie est directement fonction du stade initial de la
maladie et du degré d’infiltration de la tumeur primitive.
Plus de 45% des patients avec une tumeur de vessie ini-
tialement T2-T3a ont été pT0 après chimiothérapie sur la
pièce de cystectomie, contre seulement 8% en cas de
tumeurs T3b ou T4 [20]. D’autres auteurs ont rapporté des
taux de réponse complète compris entre 9 et 51 %,
démontrant ainsi que, pour la majorité des patients, la chi-
miotrapie seule n’était pas capable d’apporter un
contrôle local de la tumeur de vessie [4,14,18,19,22,26].
1000
A ce jour, aucune étude ne permet de recommander la
cystectomie totale ou l’abstention – surveillance chez
de tels patients où la reprise évolutive de la maladie
sur un site métastatique à distance reste une éventua-
lité fréquente.
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