Progrès en Urologie (2002), 12, N°5, 999-1001 CHAPITRE IV. Chimiothérapie et Tumeurs Infiltrantes de Vessie E. Tumeurs de vessie métastatiques ou localement avancées : Y-a-t-il une place pour la chirurgie adjuvante à la chimiothérapie ? OLIVIER BOUCHOT, MARC ZERBIB L’association de plusieurs modalités thérapeutiques pour traiter une maladie d’emblée métastatique primitive et synchrone a montré son efficacité dans différents types de cancer. • Le meilleur exemple de cette association thérapeutique pour une maladie évoluée reste le traitement des tumeurs germinales du testicule. Les métastases de ces tumeurs envahissent fréquemment des sites extra-testiculaires, en particulier le système lymphatique (ganglions rétro-péritonéaux, médiastinaux, et sus-claviculaires) et les poumons. Les patients avec une maladie évoluée sont initialement traités par une chimiothérapie systémique à base de platine. Après une réponse maximale à la chimiothérapie, une chirurgie extensive des masses résiduelles peut être proposée, incluant les masses ganglionnaires et les métastases pulmonaires restantes. Plusieurs expériences cliniques ont montré le bénéfice de cette attitude, avec des survies sans récidive à long terme [3,12,15]. • La néphrectomie de réduction tumorale avant initiation d’une immunothérapie systémique est également utilisée de façon assez classique. Une récente étude randomisée du SWOG a montré le bénéfice sur la survie médiane de l’association thérapeutique comparée à l’immunothérapie seule (12.5 mois versus 8.1mois) [5]. • Une même attitude a été réalisée, avec succès, pour les cancers colo-rectaux métastatiques, et les cancers du poumons (autres que les cancers à petites cellules), tumeurs classiquement chimiorésistantes. Pour cela, il faut pouvoir répondre à 3 interrogations : Chez les patients ayant une tumeur infiltrante de vessie avec des métastases viscérales et/ou ganglionnaires, et après une réponse significative à une chimiothérapie systémique, la chirurgie peutelle obtenir une réponse complète en éliminant les masses résiduelles ? Quelques études ont rapporté leur expérience limitée de la chirurgie des masses résiduelles dans des groupes sélectionnés de patients ayant une réponse significative à la chimiothérapie. Dans ces études, la chirurgie a été utilisée pour traiter des maladies locales initialement non opérables, des métastases ganglionnaires régionales, et/ou des métastases systémiques. • Une chirurgie d’exérèse des masses résiduelles ou des métastases est-elle techniquement possible, et au prix de quelle morbidité ? • Cette chirurgie peut-elle obtenir une augmentation de la survie, et sans récidive à long terme ? • La cystectomie et la dérivation urinaire peuvent-elles permettre, avec sécurité, une qualité de vie acceptable ? Comme nous l’avons vu précédemment, plusieurs associations de chimiothérapie peuvent induire une réponse partielle chez des patients ayant une maladie métastatique. Quels sont les sites métastatiques susceptibles de présenter une réponse au moins partielle à la chimiothérapie ?: • les adénopathies métastatiques et les métastases pulmonaires peuvent être chimiosensibles ; • les métastases osseuses et hépatiques le sont nettement moins. Les études montrant des rémissions durables après chimiothérapie en cas de métastases osseuses et/ou hépatiques sont très rares [6,13,17], car le foyer est exceptionnellement unifocal. Loehrer a montré l’absence de survie à long terme (6 ans) en cas de métastases hépatiques ou osseuses [13]. Une étude critique de la littérature montre la pauvreté des informations à propos des critères d’inclusion des patients, ayant une maladie métastatique, traités secondairement par chirurgie après chimiothérapie. 999 • Dodd a rapporté une série de 50 patients (sur 203 cas) ayant eu une chirurgie secondaire pour des métastases régionales et/ou à distance non opérables initialement [1]. Après une chimiothérapie M-VAC, la chirurgie a été réalisée chez des patients ayant une tumeur primitive non opérable (avec ou sans envahissement ganglionnaire), métastases ganglionnaires régionales cliniquement évidentes, ou des métastases à distance limitées à un seul site anatomique. Les sites systémiques ont été l’os dans 1 cas, le foie dans 3 cas et les poumons dans 10 cas. Trente (81%) des 37 patients ayant une réponse partielle avec la chimiothérapie ont été considérés sans maladie après la chirurgie, incluant 18 patients ayant une maladie en dehors du pelvis. Le temps médian de survie pour les patients ayant eu une réponse complète après la chimiothérapie ou après association chimiothérapie – chirurgie a été respectivement de 46 et de 37 mois. Les patients qui avaient une maladie résiduelle malgré l’association thérapeutique ont eu une survie médiane de 10 mois. Un tiers des patients traités par association chimiothérapie et chirurgie sont vivants à 5 ans. Par contre, en l’absence de rémission, la survie à 5 ans est nulle. - 7/10 ont développé des métastases en dehors du site opératoire dans un délai inférieur à 6 mois, et sont décédés en moyenne en 8 mois (4-20) ; - la survie spécifique et la survie sans récidive à 4 ans a été de 37.5 % et 22.5 %, respectivement ; - dans leur analyse, les auteurs notent qu’il existerait un bénéfice en survie chez les patients ayant un envahissement ganglionnaire rétro péritonéal lorsque cette atteinte est ≤ 2 ganglions. Ces résultats, limités en nombre, montrent qu’il est possible d’obtenir un contrôle de la maladie à moyen terme en cas de maladie avec des métastases à distance, mais bien entendu il importe d’avoir une sélection rigoureuse des patients : - un age inférieur à 75 ans - un ASA ≤ 2 - une réponse majeure à une première ligne de chimiothérapie, avec une maladie résiduelle limitée à un seul organe et de faible volume, - en cas d’atteinte ganglionnaire rétro péritonéale, le nombre de ganglions envahis doit être ≤ 2. • Einhorn a traité 27 patients ayant une maladie métastatique par association chimiothérapie (vinblastine – ifosfamide – gallium) et chirurgie. Une réponse complète a été observée pour 6 patients après chimiothérapie, cystectomie (5 cas), hépatectomie (1 cas) [2]. Avec un suivi compris entre 22 et 56 semaines, 5 des 6 patients étaient vivants sans récidive. Chez les patients ayant un envahissement ganglionnaire N2 ou N3, ou une tumeur de vessie localement avancée T4, une réponse complète après chimiothérapie systémique est observée dans 15 à 20 % des cas. Quelle est la place de la cystectomie totale en cas de réponse complète, en cas de reliquat tumoral vésical ou en cas de persistance d’adénopathies ilio-obturatrices ? • En 2002, l’équipe du M.D. Anderson de Houston a rapporté une série de 31 patients avec une maladie urothéliale métastatique, d’âge médian de 63.4 ans, traités par une association chimiothérapie plus chirurgie [21]. Seuls 21 patients ont pu recevoir une chimiothérapie complète jusqu’à réponse optimale avant métastasectomie, et 3 ont reçu une chimiothérapie après chirurgie. Trente patients (97%) ont eu une résection considérée comme complète de toutes les lésions. Les localisations les plus fréquentes ont été pulmonaire (n = 24, 77%), lymphatique (n= 4, 13%), cerveau (n = 2, 7%), peau (n = 1, 3%). La survie médiane après métastasectomie a été de 23 mois, sans différence entre le site pulmonaire et les autres sites métastatiques. Le temps médian avant progression après métastasectomie a été de 6.2 mois. La survie à 5 ans a été de 33%. Scher a rapporté un taux de réponse clinique de 63% chez 50 patients recevant une chimiothérapie première [20]. Parmi ceux-ci, 30 ont un stade pathologique diminué dont 10 ont été pT0 et ont été considérés comme sans maladie vésicale après chimiothérapie. Ceci soulève la question de l’utilité de la cystectomie pour un patient en réponse complète locale et générale. La possibilité d’avoir une réponse complète au niveau de la vessie est directement fonction du stade initial de la maladie et du degré d’infiltration de la tumeur primitive. Plus de 45% des patients avec une tumeur de vessie initialement T2-T3a ont été pT0 après chimiothérapie sur la pièce de cystectomie, contre seulement 8% en cas de tumeurs T3b ou T4 [20]. D’autres auteurs ont rapporté des taux de réponse complète compris entre 9 et 51 %, démontrant ainsi que, pour la majorité des patients, la chimiothérapie seule n’était pas capable d’apporter un contrôle local de la tumeur de vessie [4,14,18,19,22,26]. • Sweeney a traité, sans mortalité peri-opératoire, 10 patients ayant des métastases rétro péritonéales, prouvées par une biopsie, et ayant eu une réponse significative à la chimiothérapie, par association cystectomie et curage ganglionnaire iliaque et aortico-cave [27]. Huit des 10 patients avaient une maladie persistante après chimiothérapie dans les ganglions rétro-péritonéaux : 1000 A ce jour, aucune étude ne permet de recommander la cystectomie totale ou l’abstention – surveillance chez de tels patients où la reprise évolutive de la maladie sur un site métastatique à distance reste une éventualité fréquente. bicin, and cisplatin for locally advanced transitional cell carcinoma of the bladder. Cancer 1990;65(2):207-210. 15. 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