SCPD : un guide pour les médecins de famille

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Introduction aux symptômes
comportementaux et
psychologiques de la démence
(SCPD):
Un guide pour les médecins de
famille
Deuxième édition – Septembre 2009
Éditeurs: Dre Marie-France Rivard et Dr John Puxty
Table des matières
Introduction – Aperçu de la démarche U.R.A.F. et du cadre
P.I.E.C.E.S.
Chapitre 1 – Cadre de résolution de problèmes SCPD et démarche de
soins collaboratifs (U.R.A.F.)
Chapitre 2 – Cerveau et comportement – Comment les changements
dans le cerveau peuvent affecter le comportement d’une personne
Chapitre 3 – Détection précoce de déficience cognitive
Chapitre 4 – SCPD : Déclin grave : Concentration sur le delirium
Chapitre 5 – SCPD : Problèmes de comportement pendant l’évolution
de la démence
Chapitre 6 – SCPD : Accent sur les troubles anxieux et de l’humeur
Chapitre 7 – SCPD : La psychose dans la démence
Chapitre 8 – SCPD et utilisation de médicaments psychotropes
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Introduction aux symptômes comportementaux et
psychologiques de la démence (SCPD) : un guide pour les
médecins de famille
Contenu :
Introduction
Aperçu de la démarche U.R.A.F. et du cadre P.I.E.C.E.S.
Dre Marie-France Rivard
Chapitre 1 – Cadre de résolution de problèmes SCPD et démarche de soins
collaboratifs (U.R.A.F.)
(Dr John Feightner et Dr Sid Feldman)
Chapitre 2 – Cerveau et comportement
(Dr John Puxty, Dr J. Ken Le Clair, Dre Marie-France Rivard)
Chapitre 3 – Détection précoce de déficience cognitive
(Dr William Dalziel)
Chapitre 4 – SCPD : Déclin grave : Concentration sur le delirium
(Dr John Puxty, Dre Marie-France Rivard, Dr Ken Le Clair)
Chapitre 5 – SCPD : Problèmes de comportement pendant l'évolution de la démence
(Dr John Puxty, Dr William Dalziel, Dr Ken Le Clair, Dre Marie-France Rivard)
Chapitre 6 – SCPD : Accent sur les troubles anxieux et de l'humeur
(Dre Marie-France Rivard et Dre Catherine Shea)
Chapitre 7 – SCPD : La psychose dans la démence
(Dr Ken Le Clair, Dre Marie-France Rivard)
Chapitre 8 – SCPD et utilisation de médicaments psychotropes
(Dr Ken Le Clair, Dre Marie-France Rivard)
Annexe – Feuilles d’information : Le cerveau structurel/fonctionnel, Les Sept A
Avant-propos
Ce guide a été créé principalement pour les cliniciens et médecins qui contribuent activement à
l’éducation des familles, des prestataires et autres médecins.
Nous espérons que ce guide aidera les médecins dans le cadre de ces rôles importants en
matière d’éducation et de développement des ressources. De plus, nous espérons que les
ressources, outils et cadres de ce guide serviront également à améliorer la pratique de
médecins de famille individuels par le biais de projets et activités personnels et en groupe. Le
guide original a été publié en novembre 2008. Plusieurs chapitres ont été révisés à partir de
commentaires reçus et incorporés dans cette deuxième édition. La trousse à outils a également
été révisée à partir de commentaires reçus depuis sa publication en mars 2009.
SCPD – Médecins de famille
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Démarche de résolution de problèmes SCPD pour les
médecins de famille
Introduction
La démence touche de plus en plus de Canadiens. Des progrès importants ont été
accomplis afin d’aider les prestataires et médecins à reconnaître les symptômes de cette
maladie, favorisant ainsi le traitement et la diminution des risques. Cependant, les SCPD
représentent toujours un défi pour les médecins de famille, car les symptômes
comportementaux et psychologiques viennent souvent compliquer les choses et se
manifestent souvent dans le contexte d’autres problèmes de santé mentale et physique comorbides.
La démarche de résolution de problèmes SCPD, le guide et la trousse à outils aideront les
médecins de famille en leur procurant :
1. une façon pratique d’évaluer les SCPD selon différents paramètres et stades de la
démence;
2. des suggestions afin de faire participer la personne et sa famille aux soins;
3. des stratégies afin de faciliter la collaboration et la communication avec d’autres
prestataires, à l’intérieur et à l’extérieur de leur pratique; et
4. des cadres permettant d’aborder les situations à haut risque, les problèmes
complexes et les états chroniques de façon opportune chez les personnes atteintes
de démence, au fur et à mesure que leurs besoins changent.
Comment utiliser ce guide
Ce guide est divisé en trois sections :
1. L’évaluation clinique et le cadre de résolution de problèmes qui facilitent le dialogue
entre les médecins et les prestataires du patient, ainsi que la planification des soins
collaboratifs (chapitre 1).
2. Un examen complet des défis SCPD qui se présentent au médecin de famille au
cours de l’évolution de la démence, y compris des suggestions de gestion. Cette
ressource devrait favoriser un examen plus approfondi d’un problème spécifique qui
peut survenir au cours des soins cliniques (chapitres 2 à 8).
3. Une trousse à outils qui aide le médecin de famille à recueillir et à fournir de
l’information afin d’aborder les SCPD dans le cadre d’une démarche de soins
collaboratifs (Annexe).
Ce guide a été créé principalement pour les cliniciens et médecins qui contribuent
activement à l’éducation des familles, des prestataires et autres médecins.
Dans le cadre de certaines pratiques (p. ex., maisons de soins de longue durée, équipes de
santé familiale, centres universitaires de médecine familiale), les médecins jouent un rôle
important en matière de leadership et d’éducation dans le cadre de leurs interactions
quotidiennes auprès de fournisseurs de soins de santé ou de futurs médecins. Dans des
milieux communautaires, la collaboration réussie avec le « cercle de soins » du patient
implique habituellement le partage de la connaissance de tous les facteurs qui peuvent
influencer le(s) comportement(s) problématique(s) et la transposition de cette connaissance
en un ensemble de gestes qui doivent souvent être enseignés aux prestataires.
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Nous espérons que ce guide aidera les médecins dans le cadre de ces rôles importants en
matière d’éducation et de développement des ressources. De plus, nous espérons que les
ressources, outils et cadres de ce guide serviront également à améliorer la pratique de
médecins de famille individuels par le biais de projets et activités personnels et en groupe.
Aperçu de la démarche U.R.A.F. et du cadre P.I.E.C.E.S.
Cette démarche de résolution de problèmes SCPD a été développée en faisant appel à la
démarche habituelle d’un médecin de famille en matière de résolution de problèmes et de
prise de décision, et en la reliant à la démarche de soins collaboratifs P.I.E.C.E.S. déjà
utilisée par plusieurs de leurs partenaires dans le domaine des soins.
La démarche du médecin de famille présentée dans le présent guide fait appel à une
méthode par laquelle des hypothèses de diagnostic sont développées puis examinées avec
le patient et le soignant/compagnon lors de la rencontre clinique, pour ensuite établir un
plan d’action. Cela tient compte du milieu de pratique familiale et de la réalité de la pratique
quotidienne du médecin de famille. Les quatre piliers de cette démarche incluent :
1. Compréhension (Understanding) : Quelles sont les explications possibles? Cette
question ouvre la voie à une réflexion.
2. Réflexion (Reflection) : Comment puis-je donner un sens à tout cela? Quelle est
l’explication la plus plausible à cette étape-ci? Y a-t-il plus d’une explication?
3. Interventions (Actions) : Existe-t-il des interventions initiales qui doivent être
effectuées dès maintenant? Quelles autres interventions devraient être amorcées?
4. Suivi (Follow-up) : Comment allons-nous observer le comportement, les risques et
l’intervention?
Cette démarche est résumée par l’acronyme anglais « U.R.A.F. » est décrite en détail au
chapitre 1.
Le fait d’intégrer la démarche de résolution de problèmes P.I.E.C.E.S. avec la démarche
U.R.A.F. facilite la communication et la collaboration entre les partenaires et les secteurs,
ainsi qu’à l’échelle du système de santé de l’Ontario pour les personnes atteintes de la
maladie d’Alzheimer et de démences connexes et leurs familles.
Le fait d’intégrer la démarche de résolution de problèmes P.I.E.C.E.S. avec la démarche
SCPD du médecin de famille facilite la communication et la collaboration entre les
partenaires et les secteurs, ainsi qu’à l’échelle du système de santé de l’Ontario pour les
personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer et de démences connexes et leurs familles.
Le cadre P.I.E.C.E.S. contribue à ce processus de trois façons importantes :
1. P.I.E.C.E.S.
Les domaines du cadre P.I.E.C.E.S. peuvent servir de cadre organisationnel pour des
questions de diagnostic et de gestion pour SCPD. Le cadre P.I.E.C.E.S. peut aider à
identifier différents facteurs (physiques (Physical), intellectuels (Intellectual), émotifs
(Emotional), capacités (Capabilities), environnementaux (Environmental) et sociaux
(Social) qui contribuent aux changements comportementaux en plus de favoriser une
démarche collaborative de résolution de problèmes qui appuie la mise en oeuvre et
l’évaluation de démarches de soins pharmacologiques et non-pharmacologiques à
l’égard des SCPD.
SCPD – Médecins de famille
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Cette information est utile et prend sa place au sein des processus de compréhension,
de réflexion, d’intervention et de suivi du médecin de famille.
En favorisant l’examen de causes possibles, le cadre P.I.E.C.E.S. établit un lien avec
des questions de diagnostique clés et des stratégies d’évaluation, et souligne des
options de gestion efficace. Il peut donc servir d’outil éducationnel et de « point de
contrôle » importants pour les médecins de famille, plus particulièrement lorsqu’ils
désirent se rappeler d’hypothèses qui ne sont peut-être pas soulevées lors de la
première rencontre avec le patient.
2. Collaboration avec d’autres professionnels de la santé
Au cours de la dernière décennie, le cadre P.I.E.C.E.S. et sa « démarche à trois
questions » ont été enseignés à un groupe de travailleurs de la santé dans le secteur
des soins de longue durée et dans certains milieux communautaires. En étant au
courant des éléments clés du cadre et en s’intéressant aux conclusions d’autres
professionnels de la santé, les médecins de famille sont mieux en mesure de fournir des
soins qui favoriseront une collaboration fondée sur le partage des connaissances et
l’amélioration de la communication. À ce titre, le cadre P.I.E.C.E.S. offre une façon
pragmatique de favoriser des soins interdisciplinaires et le partage de la recherche de
solutions.
3. Travail avec les familles
En dernier lieu, le cadre P.I.E.C.E.S. peut aider les médecins de famille dans le cadre de
leur travail avec les soignants membres des familles.
En aidant ces soignants à comprendre le cadre et certains des éléments clés de chaque
domaine, cela peut mener à une plus grande prise de conscience et une connaissance
plus approfondie des comportements.
Il peut les aider dans leur observation de comportements troublants et servir de terrain
d’entente pour signaler leurs observations et leurs préoccupations. Le cadre
P.I.E.C.E.S. peut également être utilisé de façon proactive par les médecins de famille
afin de collaborer avec les soignants membres des familles, surtout lors de
l’établissement d’un plan de soins. Une version modifiée de la roue « U-FIRST » peut
aider dans cette collaboration avec les familles.
Ce document a été révisé à partir des commentaires fournis par les médecins de famille
pratiquant dans différents milieux. Nous invitons toutes les suggestions visant à rehausser
son utilité. Veuillez communiquer avec Eilyn Rodriguez ([email protected]) du Ontario
College of Family Physicians.
SCPD – Médecins de famille
Chapitre 1
Cadre de résolution de problèmes SCPD et
démarche de soins collaboratifs (U.R.A.F.)
Dr John Feightner
Dr Sid Feldman
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
Table des matières
Introduction ……………………………………………………………………. 1
Caractéristiques spéciales des SCPD ……………………………………… 2
SCPD – Différences entre les soins à domicile et ceux offerts
dans un établissement SLD ...............................................………………. 3
Démarche du médecin de famille à l’égard des SCPD …………………... 5
Démarche de résolution de problèmes et de soins collaboratifs ……...… 6
Détails U.R.A.F………………………….…………………………………….. 7
Outils (listes de contrôle, cadres de travail, outils de travail) …………… 10
Étude de cas …………………………………………………………………. 11
Collaboration avec la famille et les prestataires de soins ……………….. 14
La démarche du médecin de famille et P.I.E.C.E.S..…………………….. 15
Analyse P.I.E.C.E.S. (réflexions sur les causes et les stratégies de
soins………………………………………………………………………….... 16
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
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Introduction
Ce chapitre procure un cadre pratique de résolution de problèmes SCPD qui fait appel à
nos connaissances sur la démarche du médecin de famille et tient compte du milieu de
pratique familiale et de la réalité de la pratique quotidienne du médecin de famille.
Les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence (SCPD) peuvent
représenter l’un des problèmes les plus complexes que doivent affronter les médecins de
famille. Ils peuvent également être une source d’énormes souffrances pour les patients et
leurs familles. Les SCPD peuvent avoir de graves conséquences, y compris l’épuisement
des soignants, un placement précoce en établissement de l’individu atteint de démence et la
possibilité de blessures physiques pour les patients et les soignants. Le risque d’abus ou
de représailles par les soignants est réel. Les changements de comportement sont
beaucoup moins prévisibles que les changements cognitifs ou fonctionnels de la démence,
ce qui rend la planification plus difficile.
Le médecin de famille est dans une position unique car il est en mesure de soutenir les
patients et leurs familles dans ces situations difficiles. Le médecin de famille a souvent des
connaissances approfondies sur ses patients, ce qui lui permet d’acquérir une vision
contextuelle au-delà de la portée des autres prestataires de soins. Ses rapports avec les
patients et leurs familles remontent parfois à plusieurs années ou décennies, habituellement
jusqu’à une période précédant l’apparition de la démence. La solidité de ces rapports peut
pousser les patients et leurs familles à faire confiance et à partager des détails intimes et
parfois pénibles. La démarche empathique et axée sur le patient de la médecine familiale
peut appuyer et habiliter les soignants/familles dans des temps difficiles. Notre
connaissance des intervenants et ressources communautaires peut être immensément utile
pour les familles. Nous avons la capacité de formuler les problèmes dans des modèles
psychologiques/comportementaux, en plus d’être médicalement à l’écoute du rôle important
de la maladie et des médicaments (y compris les effets indésirables des médicaments) à
l’égard des SCPD.
Cependant, les médecins de famille manquent souvent de temps, de ressources et de
soutien afin de gérer efficacement les SCPD. Dans une telle situation, une démarche
structurée et collaborative peut permettre au médecin de famille de travailler de façon
constructive avec les patients, soignants/familles et soutiens communautaires afin de gérer
efficacement les SCPD. Aucune démarche n’est complètement efficace dans des situations
complexes, et le modèle présenté ci-dessous est conçu afin de souligner les étapes clés et
les questions à envisager lors de la résolution de problèmes.
Tout d’abord, voici quelques caractéristiques spéciales et hypothèses à prendre en
considération :
SCPD – Médecins de famille
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Caractéristiques spéciales des SCPD :
•
Se présentent souvent sous forme de crise
•
Souvent « sous-reconnus » (surtout chez les patients qui habitent dans
leur propre foyer); présentation souvent atypique
•
Peuvent avoir des causes profondes subtiles et souvent multiples
•
Changent durant une maladie reliée à la démence
1. Crise
Les SCPD se présentent souvent sous forme de crise. Le comportement peut changer de
façon abrupte, transformant une situation gérable en une situation à haut risque pour le
patient et, parfois, en une situation impossible pour les soignants, à moins que des
ressources additionnelles soient disponibles ou que de nouvelles stratégies d’adaptation
puissent être utilisées. Par exemple, un(e) conjoint(e) qui a été le principal soutien pour un
individu atteint de démence, tombe soudainement malade et n’est plus en mesure de
procurer des soins personnels à son partenaire. Il se peut que la personne atteinte de
démence n’ait pas de degré de confiance ou de familiarité avec une autre personne, et
qu’elle commence à résister physiquement aux tentatives de soins d’autres personnes.
2. Sous-reconnus
Les SCPD sont souvent sous-reconnus, surtout lorsque les patients habitent dans leur
propre domicile. Il se peut que les soignants n’aient tout simplement pas le vocabulaire
pour décrire les comportements qu’ils observent. Ils peuvent être hésitants à partager de
l’information au sujet de problèmes comportementaux, pour toutes sortes de raisons. Par
exemple, ils croient peut-être que ces comportements ne peuvent être modifiés et qu’il ne
vaut donc pas la peine d’en discuter. Certains comportements, tels que l’apathie ou le repli
sur soi, peuvent être considérés comme non problématiques (même si le repli sur soi est
fondé sur des peurs sous-jacentes ou de la paranoïa). Les soignants peuvent être gênés
de discuter d’un certain comportement, tel qu’une sexualité inappropriée ou un langage
désinhibé.
3. Causes profondes multiples
Les SCPD peuvent avoir des causes profondes subtiles et souvent multiples, qui peuvent
être le résultat de changements dans la santé physique, intellectuelle et émotive de
l’individu, de changements dans les capacités ou exigences ou de modifications dans
l’environnement physique et/ou le réseau de soutien social (P.I.E.C.E.S.). Nous
manifestons tous des réactions comportementales à l’égard de notre environnement, une
vaste gamme d’afférences internes et externes complexes, récentes et passées,
individuelles ainsi que familiales, sociales et culturelles, avec des influences génétiques et
environnementales.
SCPD – Médecins de famille
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Nous modifions tous notre comportement plusieurs fois au cours d’une journée typique. De
petits changements combinés peuvent avoir un effet significatif sur le comportement d’un
individu atteint de démence. Par exemple, une personne atteinte de démence qui
développe de la constipation peut ne pas reconnaître le problème et développer un inconfort
abdominal. Ceci peut ensuite mener à une résistance au fait de s’habiller le matin. Un
soignant qui interprète mal ce comportement peut réagir avec frustration. La personne
atteinte de démence, ne comprenant pas la source de frustration mais ressentant l’émotion,
peut devenir anxieuse. Il est important d’examiner ce rapport complexe entre
l’environnement et le comportement lorsqu’un problème comportemental est présenté au
médecin de famille.
4. Changements au cours de la démence
Les SCPD peuvent se manifester différemment à différents stades de la démence. Certains
changements comportementaux précèdent souvent le diagnostic formel de démence (p. ex.,
retrait social ou maladresse, anxiété, irritabilité, difficultés conjugales). Au début de la
démence, il arrive que les individus estiment être en mesure de s’adonner à des activités
qui ne sont plus gérables (p. ex., conduire une auto, gérer ses finances), ce qui mène à une
frustration grandissante et un conflit potentiel avec les personnes qui limitent ces activités;
un jugement amoindri peut également se manifester. Des changements au niveau du
langage peuvent mener à des malentendus. Des symptômes de l’humeur et de dépression
sont fréquents. Des troubles de l’activité (p. ex., comportement errant, mouvement de long
en large) sont répandus au début de la démence.
Lors des stades modérés et ultérieurs de la démence, des troubles comportementaux plus
prononcés peuvent inclure de la psychose (hallucinations, délire, fausses identifications), de
l’agressivité (résistance agressive, agressivité verbale et physique) et un comportement
sexuel inapproprié. (McShane R. Int Psychogeriatr 2000;12(suppl);147 and Jost and
Grossberg, 1996). Au fur et à mesure que la capacité cognitive diminue au cours de la
démence, des réactions instinctuelles peuvent devenir plus fréquentes et mener à de la
territorialité, des réactions de combat ou de fuite, de fouillage, etc.
SCPD – Différences entre les soins à domicile et ceux offerts
dans un établissement SLD
Les patients atteints de SCPD peuvent habiter seuls ou avec un membre de la famille dans
leur domicile, ou dans un établissement résidentiel supervisé ou de soins de longue durée.
Il existe plusieurs différences entre les soins à prodiguer à domicile à une personne atteinte
de SCPD et ceux offerts dans un établissement de soins de longue durée. Certains de ces
défis et différences dans chaque milieu sont expliqués ci-dessous.
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Caractéristique
Gravité Î
Caractéristiques du
comportement - différentes au
début et aux stades ultérieurs de
la maladie Î
« Sensibilisation » des
professionnels de la santé Î
Environnement physique Î
Établissement LSD
Domicile
• L’individu peut avoir des
symptômes plus graves
•
Peut inclure des individus
avec des symptômes plus
graves
• Troubles
comportementaux
graves beaucoup plus
fréquents
•
Individu exposé à des
risques élevés lorsque la
compétence est un problème
•
Souvent sous-estimée ou
minimisée par l’individu ou la
famille
•
Les options de modifier
l’environnement peuvent être
limitées
•
Plus souvent reconnue
• Certains établissements
ont des endroits
spéciaux ou peuvent
apporter des
modifications
Éducation et connaissances du
« personnel » Î
•
Éducation formelle de
base des professionnels
de la santé
Continuité du « personnel » Î
•
Quarts de travail et
roulement
Ressources spécialisées
additionnelles Î
•
Souvent (mais pas
toujours) disponibles et
« sur place »
Outils/Tenue de registres Î
• Disponibles
• Connaissan ces ciblées
moins étendues, éducation
pour les individus, familles,
prestataires
Soignant habituellement
stable, mais les
caractéristiques individuelles
sont cruciales
•
Peuvent varier d’une
communauté à une autre et
sont souvent limitées
• Moins
disponibles
Stress/Épuisement Î
•
Existe mais pas un
travail 24/7
•
Soulagement souvent limité
du soignant 24/7
Efficacité des visites du médecin
de famille et d’autres
prestataires « externes » Î
•
Habituellement > 1
patient à un endroit
•
Presque toujours un seul
patient
SCPD – Médecins de famille
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Démarche du médecin de famille à l’égard des SCPD
À l’égard des SCPD, le médecin de famille fait appel à une démarche axée sur le patient,
semblable à celle utilisée pour d’autres problèmes cliniques. Comme de nombreux/la
plupart des problèmes en médecine familiale, les SCPD doivent être gérés pendant une
certaine période. Le médecin de famille fonde sa pratique sur son expérience et sur ses
connaissances.
Le médecin de famille joue un rôle central afin d’évaluer et de gérer les SCPD et profite
d’une collaboration avec d’autres à des fins d’évaluation et de gestion.
La plupart des comportements peuvent habituellement s’expliquer à un certain niveau, mais
ceci n’implique pas qu’ils soient volontaires. Cependant, il existe souvent des façons
d’expliquer et de comprendre des comportements.
Le médecin de famille fait appel à une démarche par laquelle des hypothèses sont
formulées puis examinées avec le patient et le soignant/compagnon lors de la rencontre
clinique, en vue d’un plan d’action.
Les médecins génèrent et examinent différentes hypothèses qui peuvent expliquer les
comportements :
1. Parce qu’ils sont répandus
•
Les changements comportementaux sont causés par des raisons si répandues
qu’elles doivent toujours être prises en considération. Par exemple, la douleur
physique (y compris la constipation), la faim et l’insomnie entraînent souvent un
changement comportemental. Des changements de l’état de santé (tels qu’une
infection des voies urinaires ou une pneumonie) ou les effets indésirables de
médicaments doivent également être pris en considération.
2. Parce qu’ils sont urgents
•
Certaines causes des SCPD exigent une attention imminente (maintenant!) ou
urgente (peut-être dans un jour ou deux). La détermination du degré d’urgence est
un élément clé de la démarche du médecin de famille à l’égard des SCPD. La
violence physique, cal violence, l’automutilation ou un comportement suicidaire
manifeste sont des exemples évidents de situations exigeant une attention
immédiate. Le délire, à cause de son haut degré de morbidité/mortalité et des
possibilités d’intervention réussie avec détection précoce, doit également être pris en
considération à chaque visite pour des raisons de problème comportemental relié à
la démence.
•
Les ressources peuvent être en place, ou peuvent être mises en place, afin de
donner un peu plus de temps pour passer d’un problème imminent à un problème
urgent (p. ex., compagnon continuellement présent), ou d’un problème urgent à une
situation qui peut être abordée de façon moins précipitée.
SCPD – Médecins de famille
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3. Parce qu’ils ne sont peut-être pas évidents
•
•
Des troubles communs peuvent se présenter de façon atypique chez un individu
atteint de démence. Des perceptions erronées de symptômes et des changements
de langage peuvent empêcher un patient atteint de démence d’exprimer un récit
convaincant qui correspond à un modèle reconnaissable, cependant des troubles
communs demeurent habituellement l’explication la plus plausible.
De rares explications doivent toujours être prises en considération, même
brièvement, comme étant une cause possible d’un changement de comportement.
Des effets secondaires rares, des maladies inhabituelles et des circonstances
exceptionnelles peuvent se produire et tous les médecins de famille chevronnés ont
des anecdotes au sujet de la détection réussie d’événements inhabituels, ainsi que
(du moins la plupart d’entre eux) de situations qui sont demeurées non dépistées
jusqu’à beaucoup plus tard au cours du développement de l’histoire, avec des
conséquences graves. Parfois, nous avons besoin de temps afin de permettre au
déroulement naturel d’une situation de nous aider, en nous rappelant qu’une
réévaluation fréquente est essentielle lors de situations floues.
Démarche de résolution de problèmes et de soins
collaboratifs
Les SCPD, quoique moins fréquents que plusieurs conditions dans un milieu
communautaire (et beaucoup moins fréquents que dans les établissements SLD), sont
assez répandus de leur moins grande fréquence et de leur complexité souligne l’importance
de en pratique familiale et peuvent être pas mal complexes. La combinaison développer
une démarche uniforme qui peut être utilisée pour soigner des patients à domicile, ainsi que
ceux qui vivent dans des établissements de soins de longue durée.
La démarche pragmatique décrite ici reflète la démarche de résolution des problèmes axée
sur le patient des médecins de famille (U.R.A.F.) conforme à la démarche P.I.E.C.E.S. qui
organise des explications possibles et des stratégies de soins et procure un langage
commun avec d’autres secteurs utilisant le modèle P.I.E.C.E.S.
La démarche U.R.A.F. est composée de quatre éléments. Quoiqu’elle soit présentée de
façon linéaire, lors des soins apportés au patient, le médecin de famille peut examiner ou
prendre en considération des questions reliées à n’importe quel des quatre éléments, à
différents moments de la rencontre. Néanmoins, les points de chaque élément contribuent
tous à la démarche générale.
La démarche U.R.A.F. tient compte de la démarche du médecin de famille en matière de
soins. Le modèle intégré aborde la complexité, la chronicité, le risque et la continuité des
soins requis pour cette population. La démarche reflète également le cadre de travail
collaboratif et axé sur la personne souligné par Weston et al., qui met l’accent sur les
éléments suivants :
• définition mutuelle du problème
• détection de l’impact sur la personne et sur son réseau de soignants
• préoccupations (p. ex., craintes)
• attentes (espoirs) de la personne et de la famille
Ces éléments sont ensuite combinés à la négociation des objectifs, des résultats et des
rôles de la personne, de la famille, du médecin de famille et des prestataires.
SCPD – Médecins de famille
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Détails U.R.A.F.
U = Compréhension/Évaluation (Understanding/Assessment) (Que dois-je
savoir?)
Génère des explications possibles et ouvre la voie à la réflexion.
L’évaluation menant à la compréhension aide à répondre aux questions suivantes :
1. Quelles sont les principales préoccupations? Qu’est-ce qui a changé?
•
•
•
•
•
Y a-t-il un nouvel élément ou un état existant s’est-il détérioré?
Comment les choses sont-elles différentes? Le changement a-t-il été rapide?
Quels sont les comportements/symptômes inquiétants?
Réfléchir à des présentations communes à différents stades de la maladie et dans
différents milieux.
Ceci est également l’occasion de comprendre l’impact des
comportements/symptômes sur les soignants.
2. Quelles sont les craintes/attentes/compréhension du soignant?
•
•
•
Le soignant peut-il expliquer ce qui se passe?
Que craint-il va se passer si rien n’est fait?
Quelles sont les attentes du soignant à l’égard du résultat de la visite d’aujourd’hui?
3. Quels sont les facteurs contributifs? Ceci pourrait-il être atypique? Ai-je
omis un élément? (Pensez « P.I.E.C.E.S. »)
•
•
•
•
Le délire et des présentations atypiques sont des hypothèses précoces importantes,
surtout lors d’une situation qui change rapidement.
Y a-t-il une progression ou un modèle de comportement?
Il peut y avoir de multiples facteurs; il se peut que les facteurs contributifs ne soient
pas évidents pour le soignant.
Certains facteurs communs et « moins évidents » incluent :
o
douleur
o
afférence sensorielle diminuée
o
compréhension « déformée » (p. ex., ne plus comprendre comment effectuer une
tâche)
4. Quels sont les risques/conséquences/urgences?
•
•
•
Qui est à risque?
Tenir compte des risques
o Blessures personnelles (égarement, chutes, incendies, négligence et risques
reliés à un trouble sous-jacent)
o Blessures à d’autres (agitation, agressivité, abus, blessures émotives,
psychologiques, physiques, financières)
Quel est le degré/la probabilité des risques?
SCPD – Médecins de famille
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•
•
•
•
Le risque est-il imminent? Augmente-t-il? La situation est-elle vraiment imminente
(c.-à-d., elle doit être abordée immédiatement), urgente ou non-urgente?
Envisager les conséquences possibles.
Quelle est la possibilité de modifier le risque (patient, soignants, système)?
Examiner les domaines de risques (RISKS) (égarement (Roaming); danger physique
imminent – chutes, incendie, délire (Imminent physical danger); risque de suicide
(Suicidal Risk); liens de parenté – violence envers les personnes âgées (Kindship
relationships): conduite sécuritaire (Safe driving), abus d’alcool ou de drogues
(Substance misuse)
R = Réflexion (Reflection) : Comment puis-je donner un sens à la situation?
1. Quelle est l’explication la plus plausible à cette étape-ci?
•
•
Y a-t-il plus d’une explication?
La plupart des comportements peuvent habituellement s’expliquer, mais ceci
n’implique pas qu’ils soient volontaires. Cependant, il existe souvent des façons
d’expliquer et de comprendre des comportements
2. Quel est le contexte?
•
•
•
Pour le patient – risque, co-morbidités
Pour la famille – risque, ressources, capacité
Pour le médecin de famille – temps, aptitudes, ressources
3. Puis-je trouver un terrain d’entente avec le soignant/la famille/le patient?
•
•
•
•
Compréhension mutuelle (vérification des hypothèses)
Objectifs clairs
Rôles clairs
Facteurs culturels, socioéconomiques, de sexe
4. Quelles sont les priorités?
A = Interventions (Actions) (Qu’est-ce qui doit être fait?)
1. Qu’est-ce qui doit être fait dès maintenant?
•
Existe-t-il des interventions initiales qui doivent être effectuées dès maintenant?
Quelles autres interventions devraient être envisagées? Réfléchissez à des
domaines P.I.E.C.E.S. et surtout à des interventions non-pharmacologiques.
2. Qu’est-ce qui doit être examiné/observé?
•
Quels sont les tests ou les renseignements additionnels (y compris l’usage d’outils et
d’information provenant d’autres personnes) qui seraient utiles?
3. Qui d’autre doit être impliqué?
•
Qu’est-ce que ces personnes ont-elles besoin de savoir? Comment l’information
importante sera-t-elle partagée? Quels sont les secteurs clés de collaboration? Qui
fera quoi ? Il est important que tous les soignants aient une démarche uniforme.
SCPD – Médecins de famille
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F = Suivi (Follow-up) (Comment puis-je effectuer un suivi et renouer?)
1. Quand dois-je « renouer »?
•
Avec le patient/la famille/d’autres professionnels de la santé?
2. Comment allons-nous observer?
•
Le(s) comportement(s), les risques et les interventions. (Envisager les outils, listes
de contrôle)
3. Quels sont les « signaux d’alarme »?
•
Comment saurons-nous si nous devons modifier nos plans si cela se produit avant
de renouer (c.-à-d., « signaux d’alarme »)?
SCPD – Médecins de famille
10 de 17 pages
Outils (listes de contrôle, cadres de travail, outils de travail)
Plusieurs outils peuvent contribuer de l’information additionnelle à l’évaluation, en plus
d’aider à observer les SCPD. L’usage d’outils uniformisés favorise un langage commun
pour le médecin de famille, les familles et les équipes de soins. Les outils peuvent
promouvoir la collaboration et le partage des connaissances. Consultez la trousse d’outils.
U.R.A.F.
COMPRÉHENSION/
ÉVALUATION
(UNDERSTAND/ASSESS)
Quelles sont les principales
préoccupations et qu’est-ce qui a
changé?
RÉFLEXION
(REFLECT)
Quelle est l’explication la plus
plausible?
Quel est le contexte?
Quelles sont les
craintes/connaissances/attentes du
soignant?
Pouvons-nous trouver un terrain
d’entente?
SUIVI
(FOLLOW-UP)
INTERVENTION
(ACTION)
Quand renouer avec le patient/la
famille/d’autres professionnels?
Qu’est-ce qui doit être fait dès
maintenant?
Qui fera quoi?
Qu’est-ce qui doit être
examiné/observé?
Qu’est-ce qui pourrait changer nos
plans (signaux d’alarme)?
Avec qui devrais-je collaborer?
SCPD – Médecins de famille
Quelles sont les priorités?
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Étude de cas
Antécédents
Les antécédents riches et texturés que nous possédons et qui nous permettent de
comprendre nos patients sont difficiles à exprimer sous forme de courte vignette. Certaines
des données ci-dessous sont fondées sur un patient « réel » et sa famille :
John Albert est votre patient depuis dix-huit ans. Il est maintenant âgé de 76 ans et on a
diagnostiqué chez lui une maladie vasculaire et la maladie d’Alzheimer il y a quatre ans,
après deux ans de changements à la mémoire compatibles avec le trouble léger de la
cognition (TLC). Il y a environ six mois, son MMSE était de 23/30. Un tomodensitogramme
précédent de la tête a révélé des changements ischémiques à la substance blanche qui ne
s’étaient pas manifestés sous forme de déficits neurologiques perceptibles. Ses autres
problèmes médicaux incluent : cardiopathie ischémique (avec pontage coronarien il y a neuf
ans), hypertension artérielle (contrôlée), lipides élevés (contrôlés) et arthrose. On a
diagnostiqué une dépression il y a environ un an. Il prend régulièrement de la galantamine,
du citalopram, du ramipril, de l’atorvastatin et de l’AAS entérique à faible dose. Il prend
parfois de l’acétaminophène pour la douleur, et du lorazépam une ou deux fois par mois
pour de « l’agitation », habituellement des troubles du sommeil.
M. Albert est un ingénieur à la retraite, dont les passe-temps incluaient la photographie, les
rénovations et le jazz. Il a toujours été très sociable et se présentait au bureau la plupart du
temps avec une bonne blague ou histoire.
Son épouse, Mary, une enseignante à la retraite âgée de 72 ans, est également votre
patiente depuis plusieurs années. Elle souffre de diabète et d’hypertension artérielle, mais
ces conditions sont bien contrôlées grâce aux médicaments qu’elle prend. Elle est moins
extravertie que son mari mais participe à des activités à son église et fait du bénévolat. Elle
aime la lecture et l’aquarelle. Elle pratique l’aquaforme deux fois par semaine. Les Albert
font partie d’un groupe de bridge qui joue depuis des décennies.
Ils ont deux enfants, Frank et Elizabeth. Frank habite à l’extérieur de la ville, à quelques
heures en auto, avec son épouse et ses 3 enfants. Elizabeth, leur fille de 45 ans, est une
mère monoparentale depuis son divorce il y a quelques années. Elle habite près de ses
parents. Elle aide son père lorsqu’elle le peut mais a une vie très achalandée. Vous savez
(mais ses parents l’ignorent) qu’elle se sent « prise en sandwich » entre le travail, ses
enfants et les besoins de soutien de ses parents.
SCPD – Médecins de famille
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Exemple clinique
Processus de pensée
U.R.A.F. du médecin de famille
Mary a manqué son dernier rendez-vous avec vous
pour un examen de routine de son diabète, parce
qu’elle était « occupée » avec son mari. Aujourd’hui,
vous rencontrez John et Mary ensemble.
Habituellement, Mary est de nature agréable et
ouverte, mais aujourd’hui son attitude semble être
plus renfermée. Pour sa part, John ne semble pas
être particulièrement agité ni troublé. Lorsque vous
lui demandez comment il va, John répond que « tout
va bien ». Mary explique qu’un problème est
survenu lors de la partie de bridge de la semaine
dernière. Il semble que John ne joue pas bien
depuis un bon moment mais le groupe de bridge le
laisse volontiers jouer au mieux de ses capacités,
étant donné que l’aspect social est le but principal de
ces rencontres. Il avait l’habitude d’accepter que
quelqu’un l’aide à jouer. La semaine dernière, il a
piqué une colère à la table, en balayant les cartes (et
la nourriture) sur le plancher. Très embarrassée,
Mary a rapidement présenté des excuses et a
commencé à nettoyer le dégât. Ses amis ont fait
preuve d’un grand soutien et ne semblaient pas
terriblement vexés. Il jouait confortablement depuis
une heure avant d’avoir cette réaction.
Compréhension (Understanding)
• Rendez-vous de 15 minutes, pas trop
de retard aujourd’hui, en mesure
d’explorer « un peu ».
• Mary est troublée mais pas affolée.
John ne s’est pas blessé et n’a blessé
personne d’autre; la situation n’est
probablement pas « urgente ».
• John ne semble pas distrait ni agité.
Le délire est possible mais peu
probable.
• Le risque semble faible.
• Événement isolé; peut-être y a-t-il eu
un élément déclencheur?
• Puisqu’il n’y a pas d’urgence à traiter
aujourd’hui, c’est le bon moment de
tenter d’examiner la situation en détail.
Mary estime qu’elle n’a peut-être pas été assez
attentive à ses besoins et s’entretenait avec une
amie au moment où cela s’est produit.
•
L’interaction sociale avec le groupe de
bridge est importante pour Mary. Il est
important d’essayer de trouver un
moyen de l’aider à continuer à
participer. Elle craint d’avoir à cesser
d’y aller. Il est nécessaire d’aborder
ses sentiments de culpabilité.
Avec Mary (et John), vous tentez de trouver des
facteurs contributifs, puis vous effectuer un bref
examen physique. John éprouve de l’inconfort à son
épaule gauche (probablement causé par son
arthrite). Autrement, l’examen ne révèle pas de
facteur contributif.
•
Pourquoi cela s’est-il produit après
une heure de jeu?
o Douleur arthritique?
o Fatigue?
o Besoin d’aller à la salle de
toilettes?
o Faim?
o Lorazépam pris la veille,
pouvant entraîner une perte
d’inhibitions?
Pourquoi cela s’est-il produit lorsque
Mary ne lui « portait pas attention »?
o John ne comprenait pas le jeu,
a été distrait et ne pouvait se
reconcentrer?
o Commentaire inapproprié de
la part de son « partenaire de
jeu »?
o Embarras ou honte?
Problème sous-jacent plus sérieux de
•
•
SCPD – Médecins de famille
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perception fautive?
Après une discussion, vous décidez tous les trois
qu’il vaut la peine de continuer à jouer au bridge;
leurs amis semblent prêts à les appuyer et il est
important pour John et Mary de trouver une façon de
poursuivre.
Réflexion (Reflection)
• Terrain d’entente : il est important de
ne pas cesser de jouer au bridge, si
cela est possible.
• Essayer d’aborder les causes
physiques « simples »; se reposer,
soulager la douleur, prendre des
pauses pour aller aux toilettes.
• Essayer d’aborder certains des
facteurs reliés aux déficits cognitifs.
• Aider Mary à comprendre que ce
genre de comportement peut être
imprévisible.
Plan :
1. John doit éviter de prendre du lorazépam, si
cela est possible, la veille de la partie de
bridge.
2. John doit faire une sieste l’après-midi le jour
de la partie de bridge.
3. Mary doit donner à John 1000 mg
d’acétaminophène une heure avant la partie
de bridge.
4. Mary doit s’assurer que John puisse «
grignoter » pendant qu’il joue.
5. Mary doit s’assurer que John se rende à la
salle de toilettes après avoir joué pendant
une demie-heure.
6. Après 1 heure de jeu, ou avant, si John
semble avoir l’air frustré, il doit quitter la
table de jeu afin de parcourir des livres de
photographie et d’écouter du jazz dans une
pièce adjacente. Des amis lui tiendront
compagnie afin que Mary puisse profiter d’un
peu de « temps libre » au bridge.
Interventions (Actions)
• Mettre tout d’abord l’accent sur des
interventions simples
Mary doit noter des détails au sujet des 3 ou 4
prochaines parties de bridge, avec le plan prévu.
John et Mary reviendront ensuite pour un suivi plus
approfondi si des problèmes surviennent toujours.
Si tout va bien, ils reviendront dans 3 mois pour leur
visite habituelle.
Vous rappelez à Mary que ses amis sont un atout
très important et qu’ils désirent vraiment aider. Il est
parfaitement acceptable qu’elle veuille profiter des
parties de bridge. Mary doit prendre un rendez-vous
pour elle-même afin d’examiner son diabète.
Plan de suivi (Follow-up Plan)
• Étant donné l’aspect variable des
SCPD, on a besoin d’observer
quelques « événements » afin de
constater si le plan fonctionnel.
• La flexibilité dans le cadre du plan de
suivi maintient leur contrôle.
• Il est important de ne pas oublier les
besoins de Mary en matière de soins.
SCPD – Médecins de famille
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Collaboration avec la famille et les prestataires de soins
La collaboration avec les familles et d’autres professionnels de la santé fait partie des
tâches quotidiennes des médecins de famille; c’est un élément répandu de la gestion, qui
fait aussi souvent partie de l’évaluation. Vous trouverez ci-dessous certains des dimensions
importantes de cette collaboration et des éléments clés du travail avec les familles d’autres
professionnels de la santé.
Avantages de la collaboration
•
•
•
Des problèmes complexes exigent souvent une perspective et des compétences
multiples/différentes
La collaboration peut faciliter l’évaluation et la gestion/le contrôle
Apprentissage continu
Dimensions importantes
• Engagemen t (bilatéral/multilatéral)
• Vision claire des rôles
• Vision commune:
o du patient et de sa famille
o des problèmes
o des objectifs et tâches
• Communication efficace accessible et partage d’information
• Confiance et capacité de questionner
Collaboration avec les familles
•
•
•
•
Souvent, les rapports entre le médecin et
la famille ne sont pas perçus comme étant
une collaboration (par le médecin de
famille ou par la famille)
On rencontre plusieurs des mêmes
défis/obstacles que lors de la collaboration
avec d’autres professionnels, mais
d’autres défis peuvent se présenter au
sujet des rôles et de la « base de
connaissances »
Outils et autres ressources de soutien
présentement limités
Énormes possibilités de développement
Collaboration avec les professionnels
de la santé
•
Peut être très efficace (et enrichissante) si
elle fonctionne bien
•
Obstacles potentiels (personnes) à
surmonter (surtout avec la communication,
les rôles, et le développement de la
confiance)
•
Obstacles difficiles à surmonter : temps,
argent, information
•
L’apprentissage en commun et le soutien
mutuel peuvent aider à prendre des
décisions difficiles; la collaboration est riche
et fructueuse
SCPD – Médecins de famille
15 de 17 pages
La démarche du médecin de famille et P.I.E.C.E.S.
Le cadre de travail U.R.A.F. reflète la démarche de raisonnement clinique des médecins de
famille qui soignent des patients manifestant des SCPD. Le cadre P.I.E.C.E.S contribue à ce
processus de trois façons importantes :
1. Analy se P.I.E.C.E.S.
Les domaines de P.I.E.C.E.S. peuvent servir de cadre d’organisation pour les questions
de diagnostic et de gestion des SCPD. Étant donné que les SCPD peuvent avoir des
causes multiples et subtiles, le cadre P.I.E.C.E.S. établit un lien avec des questions de
diagnostique clés et des stratégies d’évaluation, et souligne des options de gestion
efficace. Il peut donc servir d’outil éducationnel et de « point de contrôle » importants
pour les médecins de famille, plus particulièrement lorsqu’ils désirent se rappeler
d’hypothèses qui ne sont peut-être pas soulevées lors de la première rencontre avec le
patient.
2. Collaboration avec d’autres professionnels de la santé
Au cours de la dernière décennie, le cadre P.I.E.C.E.S. et sa « démarche à trois
questions » ont été enseignés à un groupe de travailleurs de la santé dans le secteur
des soins de longue durée et dans certains milieux communautaires. En étant au
courant des éléments clés du cadre et en s’intéressant aux conclusions d’autres
professionnels de la santé, les médecins de famille sont mieux en mesure de fournir des
soins qui favoriseront une collaboration fondée sur le partage des connaissances et
l’amélioration de la communication. À ce titre, le cadre P.I.E.C.E.S. offre une façon
pragmatique de favoriser des soins interdisciplinaires et le partage de la recherche de
solutions.
3. Travail avec les familles
En dernier lieu, le cadre P.I.E.C.E.S. peut aider les médecins de famille dans le cadre de
leur travail avec les soignants membres des familles. En aidant ces soignants à
comprendre le cadre et certains des éléments clés de chaque domaine, cela peut mener
à une plus grande prise de conscience et une connaissance plus approfondie des
comportements. Il peut les aider dans leur observation de comportements troublants et
servir de terrain d’entente pour signaler leurs observations et leurs préoccupations. Le
cadre P.I.E.C.E.S. peut également être utilisé de façon proactive par les médecins de
famille afin de collaborer avec les soignants membres des familles, surtout lors de
l’établissement d’un plan de soins. Une version modifiée de la roue « U-FIRST » peut
aider dans cette collaboration avec les familles.
SCPD – Médecins de famille
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Analyse P.I.E.C.E.S. (réflexions sur les causes et les
stratégies de soins)
Physiques
La douleur et les états physiques peuvent entraîner des changements
de comportement, tels que la résistance aux soins, l’agitation, la
nervosité, l’anxiété, les pleurs et/ou un comportement défensif. Les
principaux problèmes à aborder chez une personne atteinte de
démence sont : le délire, la maladie, les médicaments, l’inconfort et
l’incapacité.
La démence a pour effet d’abaisser le seuil de toute une gamme de
facteurs contributifs potentiels, ce qui rend la personne plus vulnérable
aux changements en matière de comportements, de réflexions et de
sentiments.
Des présentations atypiques sont répandues chez les personnes plus
âgées. Par exemple, une pneumonie et une infection des voies
urinaires peuvent entraîner de la confusion et des changements de
comportement qui sont souvent mépris pour la progression d’une
démence déjà existante.
Une personne atteinte de démence qui subit une crise cardiaque peut
éprouver des difficultés à communiquer, être agitée et manifester une
diminution fonctionnelle; ces symptômes peuvent être le résultat du
problème cardiaque et non de la démence.
Intellectuelles
Les changements dus à la démence peuvent affecter la mémoire, la
pensée, le langage, la résolution de problèmes et la conscience de soi
– c’est-à-dire que la personne ne sait pas qu’elle ne sait pas.
Une personne qui résiste aux soins, par exemple en repoussant ou en
frappant ses soignants, peut se rappeler du temps où elle était
fonctionnelle et ressentir de la colère de ne pas être en mesure de
comprendre ses limitations actuelles.
Le fait de comprendre cet état de chose peut aider le soignant à
ressentir moins de stress et à faire appel à de nouvelles stratégies de
soins.
Émotives
Les principales considérations sont des difficultés d’ajustement à
l’égard d’un nouvel environnement, de la dépression et de la psychose.
Il peut être très utile de savoir que la personne a connu des périodes
de dépression ou de psychose lorsqu’il s’agit de déterminer un
prognostic et des stratégies de gestion.
SCPD – Médecins de famille
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Environnement
Un environnement favorable aide la personne à maintenir ses
capacités. Sinon, cela peut entraîner des changements
comportementaux, p. ex., augmentation de la désorientation, de la
frustration ou de la peur.
Points à prendre en considération :
• Trop de distraction? (bruits, gens, désordre) Pas assez de
stimulation?
• Confusion? (mauvais éclairage, ne peut trouver son chemin)
• Environnements nouveaux ou non familiers?
Des changements environnementaux peuvent entraîner des
changements comportementaux.
Sociales/Culturelles Chaque personne a des besoins sociaux et culturels uniques et des
exigences de soutien que seule une démarche individualisée peut
satisfaire. Le réseau social immédiat a un effet profond sur le bien-être
du patient et sur les étapes à suivre. Le cadre de travail P.I.E.C.E.S.
peut aider le soignant à comprendre le comportement et à mettre en
place des démarches de soins.
SCPD – Médecins de famille
Chapitre 2
Cerveau et comportement
Comment les changements dans le cerveau
peuvent affecter le comportement d’une
personne
Dr John Puxty
Dr J. Le Clair
Dr M. Rivard
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
Table des matières
Vue d’ensemble …………………………………………………………..… 1
Concepts clés ……………………………………………………………..… 1
Comprendre le cerveau et son comportement – Une méthode
structurelle/fonctionnelle …………………………………………….......... 2
Le Lobe frontal …………………………………………….…………..…...
Dysfonction du lobe frontal ………………………………………………...
Le lobe temporal …………………………………………………………....
Dysfonction du lobe temporal ………………………………………..…..
Le lobe pariétal …………………………………………………………..….
Dysfonction du lobe pariétal ……………………………………………....
Lobe occipital ………………………………………...……………………..
Dysfonction du lobe occipital……………………………………………....
Le cervelet, le tronc cérébral et les régions sous-corticales …………..
Dysfonction du cervelet, du tronc cérébral et des régions sous-corticales.
La région limbique ……………………………………………………..…
Dysfonction limbique ……………………………………………………..
3
3
5
5
7
7
9
9
10
10
12
12
Les 7A de la Démence……………………………………………………. 14
1. Anosognosie : méconnaissance de l’affection ou de la
maladie………………………………………………………………….
2. Amnésie : perte de la mémoire ……………………………………...
3. Aphasie : perte du langage ………………………………………….
4. Agnosie : perte de la reconnaissance ……………………………...
5. Apraxie : perte de l’exécution du mouvement volontaire …………
6. Altération de la perception …………………………………………...
7. Apathie : perte d’initiative …………………………………………….
14
15
16
17
18
19
20
Sommaire ………………………………………………………………….. 20
Tableau : Sommaire des fonctions cérébrales et du comportement....
SCPD – Médecins de famille
21
SCPD – Médecins de famille
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Vue d’ensemble
Ce chapitre explique les déficiences et comportements rencontrés communément dans les cas
de démence, au moyen d’une démarche structurelle/fonctionnelle, c’est-à-dire au moyen de
l’exploration des régions et fonctions du cerveau. En outre, il présente les « 7A de la Démence
»; ceci constitue un outil pratique pour décrire les pertes dues à la démence et les
comportements qui s’y rattachent. Un tableau récapitulatif des régions du cerveau, de ses
fonctions et de ses dysfonctions caractéristiques apparaît à la fin du chapitre.
Concepts-clés
Comme conséquence des déficiences et des pertes produites par le dommage au cerveau lors
de la démence, la personne perçoit une « réalité » différente de celle des personnes autour
d’elle. En outre, ces déficits peuvent précipiter une variété d’états émotionnels négatifs tels que
frustration, crainte, confusion ou colère. Par la suite, la personne pourrait exprimer une gamme
de comportements connus comme « Symptômes comportementaux et psychologiques de la
démence » (SCPD). Les aidants naturels et les aidants officiels sont souvent mis au défi par
ces comportements et pourraient les mal interpréter comme étant volontaires ou intentionnels.
Par conséquent, ils pourraient réagir de façon qui pourrait être dommageable à la personne
souffrant de démence.
1. Le médecin pourrait jouer un rôle-clé en aidant les aidants à comprendre que les
comportements « provocants » ne sont ni intentionnels ni volontaires. Ils se produisent
plutôt comme résultat d’une « maladie » ou dysfonction du cerveau et représentent la
réponse adaptive à un stimulus négatif dans leur environnement physique ou social.
2. Selon le genre et la progression de la démence, différents comportements et
déficiences sont exprimés à un degré plus ou mois élevé. Par exemple, des particuliers
souffrant de démence fronto-temporale affichent des problèmes notables de
comportement, des comportements de persévération et des difficultés de langage, tôt,
au cours de la maladie. Une sensibilisation à l’importance et à la synchronisation de
l’expression de certains comportements aident le médecin à :
• Déceler la présence de la démence
• Déterminer le type de démence
• Guider les conversations au sujet de la planification des soins avec la personne,
la famille et l’équipe de soins collaboratifs
3. Une façon utile de guider la compréhension de changements communs de
comportement en présence de la démence, et de considérer les fonctions des trois
niveaux de croissance du cerveau :
• le cortex et/ou prosencéphale (le cerveau de la pensée)
• le diencéphale (le cerveau des émotions)
• l’encéphale inférieur ou tronc cérébral (le cerveau instinctif)
En présence de la maladie d’Alzheimer, puisque le cortex et/ou prosencéphale (le cerveau de la
pensée) devient détérioré, les comportements associés avec le diencéphale (le cerveau des
émotions) et les régions sous-corticales (le cerveau instinctif) deviennent plus évidents. Des
situations stressantes vont donc plus probablement provoquer des réponses émotionnelles,
telles que irritabilité, labilité émotionnelle et désinhibition sexuelle ou des réponses instinctives
telles que fouiller/accumuler (des objets) attaque ou fuite, et territorialité.
SCPD – Médecins de famille
2 de 21 pages
La constatation de ces réalités nous aide à interpréter de façon plus valable les comportements
d’une personne souffrant de démence, comme étant réceptifs plutôt qu’intentionnels,
volontaires ou peut-être même vengeurs. Cette méthode peut également offrir une
introspection à prévoir les comportements et à explorer les stratégies appropriées de soins pour
prévenir ou si ça se produisait, supporter les conséquences négatives de cette conduite pour la
personne, sa famille et les autres.
Comprendre l’encéphale et son comportement – Une
démarche structurelle/fonctionnelle
© Tous droits réservés CSAH 2009
Figure 1 : Les lobes du cerveau
SCPD – Médecins de famille
3 de 21 pages
Le lobe frontal
© Tous droits réservés CSAH 2009
Le lobe fro ntal contrôle les « fonctions de direction » telles que la planificat
ion et
l’organisation, l’initiation ou changement d’activité, et l’introspection. Il ré git également
les réact ions émotionnelles de la personnalit é et un co mportement adapté au x
conditions sociales et est responsable de « l’expression orale du langage».
Dysfonction du lobe frontal
Planification et organisation
Des difficultés en planification et en organisation mènent à une inaptitude à planifier et à
compléter des tâches de base telles que les activités quotidiennes ou des tâches plus
complexes telles que la planification de vacances ou inviter des amis à dîner. L’orientation
particulière pourrait représenter un défi pour certains, même en utilisant des voies familières
Initiation
Une incapacité à initier une activité pourrait être mal interprétée par les aidants naturels comme
de la paresse, un manque de coopération ou même de la dépression. La personne souffrant de
démence pourrait paraître peu intéressée a faire quoi que ce soit, même des activités et des
passe-temps qui l’intéressaient jadis. Ce manque d’initiation (apathie) peut constituer une
immense source de stress pour l’aidant naturel. Les conjoints ou autres membres de la famille
seraient portés â croire que la personne se refuse à contribuer aux travaux ménagers
(puisqu’elle ne prend plus cette initiative ni n’offre plus d’aide) ou refuse de poursuivre des
activités par elle-même (ce qui libérerait l’aidant naturel qui pourrait ainsi s’occuper de ses
propres activités).
Persévération
Par contraste à l’incapacité d’initier une activité, la persévération peut être présente – ce qui est
l’inaptitude à cesser une activité. La persévération n’affecte pas seulement le comportement
(se frotter les mains ensemble ou taper sur une table), mais également le langage (la
persévération de la même histoire ou mot) et des émotions (une expérience frustrante ou début
de la journée peut mener à une humeur de frustration pendant toute la journée).
SCPD – Médecins de famille
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Des comportements de persévération sont souvent une source de frustration pour les aidants
naturels. On peut encourager les aidants à initier des activités qui incorporent la persévération
dans une activité plus appropriée ou valable, telle que plier la lessive, feuilleter un catalogue, un
magazine ou un album ou sabler un petit jouet. De la même façon on peut déclencher des
émotions positives au début de la journée, grâce à un comportement plaisant (un aidant naturel
souriant). On peut y arriver également en engageant la personne dans une conversation
positive et rationnelle (lui rappelant qu’elle a déjà accumulé des réussites, des anecdotes
amusantes et des êtres chers importants); tout ce ci augmentera considérablement la
vraisemblance que cette humeur positive persistera durant toute la journée.
Introspection
Les lobes frontaux fournissent la rétrospection et l’introspection au sujet du fonctionnement de
la personne. Une rétrospection incorrecte pourrait créer une fausse croyance qu’il n’y a aucun
problème. Ainsi, la personne pourrait refuser l’assistance alors que l’assistance serait vraiment
nécessaire. Souvent le refus d’assistance pourrait s’exprimer sous forme de débordement
verbal. On peut comprendre que les aidants naturels soient souvent blessés par ces paroles
injurieuses et qu’ils doivent lutter pour contenir leurs émotions pendant qu’ils prennent soin de
la personne. En outre, il y a rarement des excuses puisque la personne est incapable de saisir
l’impact de ses actions sur les autres.
Lorsque le conjoint est le principal aidant, il/elle pourrait avoir perdu son ou sa « confident(e) »
et pourrait ne pas trouver de façon d’exprimer ses sentiments à qui que ce soit, pour une longue
période de temps. Il faut aborder ce problème auprès des aidants naturels. Des suggestions
pour améliorer le mieux-être des aidants pourraient inclure prendre un peu de recul et « faire
une pause » pour voir à leurs émotions, avant de continuer les soins. On pourrait également
tenter de leur trouver une écoute sympathique pour exprimer leurs sentiments sur une base
régulière ou utiliser l’humour ou des techniques de relaxation pour diffuser ces émotions.
Ce manque d’introspection pourrait donner lieu à des réactions plutôt impulsives dans la
pensée, l’affectation, et l’action chez la personne.
Régulation des émotions, de la personnalité et comportement adapté aux
conditions sociales
Les déficiences du lobe frontal peuvent mener à des événements redoutables socialement, tels
que débordements verbaux ou comportements sexuels inappropriés. Ces comportements
semblent se produire en réponse à un stimulus, alors que la personne est incapable de retenir
sa réaction initiale. Par exemple, chez une personne ayant un lobe frontal « normal », un
stimulus qui cause une douleur aiguë (p. ex. se cogner l’orteil) pourrait causer un emballement
dans le lobe frontal et causer l’usage de langage inhabituel ou même déclencher une colère.
Chez une personne ayant un lobe frontal déficient, un stimulus d’intensité bien moindre, tel
qu’un malaise ou la faim, pourrait causer un même comportement ou même un, plus extrême.
La labilité émotionnelle et des sautes d’humeur avec une variation d’émotions à la suite d’un
faible stimulus se rencontrant souvent lors de dysfonction du lobe frontal.
Expression langagière
Suite à une déficience des lobes frontaux, la personne perd son vocabulaire et éprouve de la
difficulté à exprimer son langage et à articuler des paroles, à trouver le bon mot et le bon ordre
des mos (aphasie expressive), Il y a une faiblesse d’expression et le débit n’est pas fluent.
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Le lobe temporal
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Le lobe temporal contrôle la compréhension du langage et des défaillances de la
mémoire d ans cette région peut entraîner des difficultés d’expression et
de
compréhension, l’in capacité à appr endre de n ouvelles ch oses et un e perte de la
mémoire à long terme, de la plus récente à la moins récente.
Dysfonction du lobe temporal
Compréhension du langage
Lorsque le lobe temporal est atteint, cela affecte l’ouïe ainsi que la capacité à comprendre le
langage et à retenir des mots (aphasie réceptive). L’individu éprouve de la difficulté à organiser
l’information verbale et à recevoir des entrées auditives et visuelles. La personne peut oublier
ce qui a été dit et peut répéter des choses ou poser la même question à maintes reprises.
Souvent, le débit du langage est fluide mais dénué de sens (baragouin). Un langage persistant
peut être un comportement relié à la dysfonction du lobe temporal.
Mémoire
Des défaillances de la mémoire à cour terme mènent à l’incapacité à apprendre de nouvelles
choses et, par conséquent, à des difficultés d’ajustement à de nouvelles situations. Par
exemple, si une personne emménage dans une nouvelle maison ou un établissement de soins
de longue durée, il se peut qu’elle ait de la difficulté à s’orienter dans son nouvel environnement
et à trouver la bonne chambre à coucher ou la salle de bains.
Dans le cas de la démence évolutive, la perte de la mémoire à long terme peut mener à un état
de désorientation dans un environnement qui peut être familier depuis plusieurs années.
L’individu peut rechercher l’aspect familier d’environnements précédents. Tels que la maison
où il a grandi, ce qui le pousse alors à demander à « retourner à la maison » (de ses parents)
alors qu’il se trouve dans sa propre maison.
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La perte de la mémoire à long terme et les lésions au lobe temporal sont également reliées à la
perte de la capacité à accomplir des tâches familières (apraxie) telles que l’usage d’outils, de la
cuisinière, etc., ce qui peut présenter des problèmes de sécurité importants.
La mémoire visuelle est également affectée, et il se peut que la personne ne puisse plus
reconnaître des visages familiers (agnosie).
De plus amples détails au sujet de l’aphasie, de l’amnésie, de l’apraxie et de l’agnosie se
trouvent dans la section « Les 7 A de la démence » plus loin dans ce chapitre.
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Le lobe pariétal
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Le lobe pa riétal est le centre d’analyse et d
e perception du cerve au, servant à
intégrer l’inf ormation se nsorielle afin de fo rmuler la signification et le s rapports du
langage, des chiffres, des gens, des objets et des lieux.
Dysfonction du lobe pariétal
Analyse et perception
Lorsque le lobe pariétal est atteint, l’individu éprouve de la difficulté à intégrer l’information
sensorielle dans le but de lire, d’écrire, de dessiner, de construire ou de calculer. De plus, la
capacité à reconnaître les personnes, endroits et objets familiers est diminuée (agnosie) car la
personne éprouve de la difficulté à intégrer et à interpréter l’information sensorielle. Il se peut
que l’individu soit incapable d’apprécier l’étendue ou l’existence de ses déficits (anosognosie).
Organisation et séquencement du langage et des activités
Les lésions au lobe pariétal entraînent une incapacité à effectuer des activités dans un ordre
séquentiel. Quoique la personne puisse être en mesure de compléter des étapes individuelles,
il se peut qu’elle ne soit pas en mesure de réunir toutes les étapes afin de compléter une
activité (apraxie). Les soignants peuvent avoir à donner des directives « étape par étape » afin
de permettre à la personne de compléter des tâches sans assistance directe.
Calcul et manipulation des chiffres
Le lobe pariétal est responsable de la capacité à utiliser les chiffres. Lors de défaillances, des
activités telles que l’usage du téléphone, le règlement de factures ou le calcul de transactions
financières deviennent difficiles.
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Perception et planification visuospatiales
La perception spatiale, c’est-à-dire la capacité à percevoir à quelle distance se trouve un objet,
devient limitée. Un test anormal de « dessin d’une horloge », qui signale la présence de
difficultés de planification visuospatiale, sert souvent à identifier le déficit qui entraîne un certain
nombre de conséquences fonctionnelles, y compris la capacité à conduire une auto de façon
sécuritaire.
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Le lobe occipital
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Le lobe occipital contrôle la vision et la perception de la profondeur. Les lésions dans
cette région du cerveau entraînent la perte de la vision périphérique et l’incapa cité à
focaliser ou à suivre les mouvements.
Dysfonction du lobe occipital
Vision
Il peut s’ensuivre une perte de la vision périphérique, ce qui mène à une vision tubulaire, c’està-dire que l’individu voit seulement les choses, objets ou personnes qui se trouvent directement
devant lui (pertes du champ visuel). Les personnes qui s’approchent des côtés ne sont pas
perçues jusqu’à ce qu’elles semblent avoir « sauté devant le patient », ce qui entraîne des
réactions de sursaut.
La personne peut éprouver des difficultés à focaliser ou à suivre un objet en mouvement. Elle
n’est ainsi plus en mesure de suivre une émission de télévision ou un film, perdant alors tout
intérêt.
Les lésions au lobe occipital entraînent des difficultés de lecture, d’écriture et de
reconnaissance d’objets, de mots et de couleurs.
Perception de la profondeur
Le risque de chutes augmente à cause de l’incapacité à juger les distances sur les escaliers.
La personne peut ressentir de la crainte à entrer dans une baignoire, car l’eau peut lui sembler
très profonde. De plus, des carreaux foncés sur un tapis ou un revêtement de plancher peuvent
apparaître comme des trous dans le plancher. La personne peut également renverser souvent
du liquide lorsqu’elle tente de le verser dans des tasses ou récipients.
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Le cervelet, le tronc cérébral et les régions sous-corticales
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Lors de la discussion précédente, nous avons mis l’accent sur les fonctions du cortex
ou des couches les plus extérieures du cervelet qui jouent un rôle dans la mémoire,
l’attention, la conscience perceptuelle, la pensée, le langage et la conscience. Sous le
cortex cérébral se trouve le sous-cortex qui relie le cortex à des structures telles que le
thalamus et les noyaux gris centraux. Le terme de démence sous-corticale désigne
des manifestations cliniques et des résultats neuro-anatomiques précis découlant de
lésions touchant principalement les noyaux gris centraux, le noyau du tronc cérébral et
le cervelet.
Dysfonction du cervelet, du tronc cérébral et des régions souscorticales
Mouvements volontaires, équilibre et coordination
Le cervelet et le tronc cérébral contrôlent les mouvements volontaires et l’équilibre; le tronc
cérébral contrôle tous les systèmes corporels involontaires, incluant le coeur, les poumons et le
système digestif. Le cervelet et le tronc cérébral demeurent souvent intacts jusqu’aux derniers
stades de la démence.
Lors de la perte de la coordination et de l’équilibre, la personne perd souvent la capacité à
marcher de façon sécuritaire. Elle devient alitée et, suite à une immobilité croissante, le corps
devient plus vulnérable à la pneumonie et à des plaies de pression.
Déglutition
Des difficultés de déglutition peuvent survenir, causant ainsi des étouffements et augmentant le
risque de pneumonie de déglutition, ce qui peut entraîner la mort.
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Régulation des processus de pensée involontaires
Les déficits sous-corticals sont une caractéristique de la démence vasculaire, de la maladie de
Parkinson et de la maladie de Huntington.
Cela inclut le ralentissement des processus de la pensée (bradyphrénie), la difficulté à se
remémorer des choses et des problèmes de changement des stratégies cognitives (attitude
mentale ancrée).
La démence sous-corticale est également plus susceptible d’affecter l’attention, la motivation et
l’impressionnabilité. Les personnes souffrant de démence sous-corticale manifestent souvent
des symptômes précoces de dépression, de maladresse, d’irritabilité ou d’apathie.
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La région limbique
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Le système limbique relie les lobe s frontal et temporel, ainsi que le comporteme nt à l a
mémoire. Il est responsable de la mémorisation de nouve aux souvenirs, du contrôle émotif
et du contr ôle des fonctions autorégulatrices telle s qu e les cycles veille-so mmeil, la
température corporelle, l’appétit et la soif. Il est souvent affecté par la maladie d’Alzh eimer,
plus particu lièrement l’hippocampe, qui est resp onsable de la mémorisa tion de nouveau x
souvenirs.
Dysfonction limbique
Lien entre le comportement et la mémoire
Le système limbique relie les lobes frontal et temporel, ainsi que le comportement à la mémoire.
Lorsqu’une personne cherche un objet égaré, sa première réaction (non filtrée par le lobe
frontal) consiste à supposer que quelqu’un d’autre l’a déplacé ou l’a pris, avant d’envisager la
possibilité qu’elle l’ait déplacé elle-même ou que sa mémoire fasse défaut. Les personnes
souffrant de démence éprouvent souvent de la difficulté à filtrer et à analyser les événements et
sont susceptibles d’accuser d’autres personnes d’avoir volé un objet. Par conséquent, une
perte de mémoire entraîne une fausse interprétation des événements, de la colère, des
soupçons et le rejet du blâme sur les autres.
Contrôle émotif
Les lésions au système limbique peuvent entraîner des émotions extrêmes et rapidement
changeantes, y compris l’irritabilité, la dépression et l’anxiété. Il peut également s’ensuivre une
diminution des émotions et la personne peut sembler désinteressée ou non touchée
émotivement par les événements dans son environnement immédiat.
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Fonctions autorégulatrices – sommeil, appétit, soif, température corporelle
Le système limbique contrôle également les fonctions quotidiennes telles que le sommeil et
l’appétit; la personne peut donc perdre la notion des périodes où elle devrait normalement être
éveillée ou dormir. Il se peut donc qu’elle demeure éveillée tout au long de la nuit (inversion du
jour et de la nuit).
L’hypothalamus, qui est responsable du contrôle de la température corporelle, de la soif et de
l’appétit, fait également partie du système limbique. Une personne dont l’hypothalamus est
atteint peut ressentir une sensation de froid jusqu’aux os ou une sensation de chaleur extrême.
Elle peut également ressentir un appétit ou une soif extrême.
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Les 7 A de la démence
L’outil 7 A est un moyen utile de classifier et de comprendre les pertes les plus courantes
associées à la démence. Voici les 7 A :
1. Anosognosie (méconnaissance par le patient de l’affection ou de la maladie)
2. Amnésie (perte de la mémoire)
3. Aphasie (perte du langage)
4. Agnosie (perte de la reconnaissance)
5. Apraxie (perte de l’exécution du mouvement volontaire)
6. Altération de la perception (perte de la perception visuelle)
7. Apathie (perte d’initiative)
Les 7 A constituent un outil efficace pour comprendre la perception du monde par la personne
démente. Cette connaissance nous aide à adapter la façon dont nous interagissons avec la
personne et à créer des stratégies de soins personnalisées et coopératives. Au cours des
dernières années, ces principes ont été mis en application partout en Ontario dans les
programmes de formation P.I.E.C.E.S., ce qui nous a permis d’utiliser une langue commune
dans nos dialogues et de collaborer dans la planification des soins.
1. Anosognosie : méconnaissance de l’affection ou de la maladie
a = privatif;
nosos = affection ou maladie;
gnosie = connaissance.
La personne atteinte de démence (dont les capacités fonctionnelles étaient auparavant intactes)
vit dans le présent, mais n’a accès qu’à son passé, elle peut ignorer ses propres lacunes, avoir
de la difficulté à évaluer ses besoins d’aide et se mettre en colère contre les fournisseurs de
soins. Cette situation se présentera plus probablement s’il y a atteinte du lobe pariétal.
Comportements pouvant être associés à l’anosognosie :
• Surestimation des capacités, piètre jugement, difficultés à résoudre des problèmes
et à planifier, ce qui entraîne des problèmes de sécurité (par exemple, tenter de se
déplacer seul malgré une incapacité physique, conduire, gérer ses finances).
• Résistance aux soins pouvant inclure l’agression physique (p. ex. pousser, donner
des claques ou des coups de pieds)
• Verbalisation inhabituelle ou inappropriée et discours injurieux (incapacité de
réprimer ses impulsions).
• Inconscience d’être à l’hôpital ou dans un centre de soins de longue durée (la
personne peut se penser à la maison, au travail, à l’école, etc.).
• Inconscience des répercussions de son comportement sur les autres, c'est-à-dire
« comment les autres se sentent par rapport à ce comportement ».
• Persévération d’une pensée, d’une tâche, d’une émotion ou d’une phrase; comme
un interrupteur toujours sous tension.
• Altération de l’attention et de la concentration.
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Stratégies de soins efficaces en présence d’anosognosie :
• Comprendre que les comportements ne sont pas délibérés ni intentionnels.
• Sourire, utiliser des mots positifs et un ton de voix amical et détendu lorsqu’il faut
s’approcher de nouveau de la personne. Cette approche est essentielle au succès
d’une deuxième tentative lorsque le fournisseur de soins doit exécuter une tâche ou
faire une activité.
• Utiliser un comportement non conflictuel en cas de résistance ou d’agressivité.
• Éviter les punitions visant à faire naître le remord ou ne pas invectiver la personne
pour lui faire comprendre les effets de son comportement sur les autres.
• Comprendre que les interactions négatives peuvent déclencher la colère et la
frustration qui pourraient s’installer pour la journée.
• Au besoin, le fournisseur de soins doit se retirer et reprendre contenance avant de
réagir à la résistance et à l’agressivité.
2. Amnésie : perte de la mémoire
Le traitement de l’information se fait en grande partie sans que nous en soyons conscients.
Seules les nouvelles informations sont traitées consciemment. Chez la personne atteinte de
démence et de perte de mémoire, de plus en plus d’informations sont perçues comme
nouvelles et inconnues et leur traitement exige de plus en plus d’énergie. Cette situation peut
engendrer un sentiment d’impuissance et de frustration.
La mémoire à court terme est l’aspect le plus important de la mémoire, car elle permet de
retenir les informations suffisamment longtemps pour qu’elles soient versées dans la mémoire à
long terme. En l’absence de mémoire à court terme, la personne atteinte de démence ne peut
plus apprendre de façon consciente.
La mémoire à long terme comporte deux éléments : la mémoire déclarative, c’est-à-dire les
connaissances acquises ou les expériences vécues au fil du temps, et la mémoire procédurale,
c’est-à-dire toutes les tâches apprises. Les deux entreposent l’information en couches. Au fil de
la vie d’une personne, les souvenirs s’empilent les uns sur les autres, par conséquent, la
première expérience ou le premier apprentissage de la personne se situe au bas de cette pile
alors que le dernier apprentissage est sur le dessus.
La perte de mémoire se fait dans l’ordre inverse, c’est-à-dire que le dernier apprentissage est la
première chose qui se perd (comparer cela à un chandail qu’on tricote qui se défait rangée par
rangée). Une personne qui perd la mémoire peut ne pas se souvenir de ce qui s’est passé le
matin ou la semaine d’avant, mais sa mémoire concernant des informations enregistrées il y a
longtemps demeure intacte.
En fait, une personne présentant une altération de ses fonctions cognitives vit dans le présent,
mais n’a accès qu’aux informations du passé. Les informations auxquelles elle a accès (c’està-dire sa réalité) peuvent dater de 30 à 40 ans, par conséquent, elle agira en fonction de ces
informations.
« La réalité de la personne n’est pas notre réalité. »
Le phénomène de la perte de mémoire inverse s’applique aussi à la reconnaissance des
fournisseurs de soins et des membres de la famille. Si la personne s’est remariée plus tard
dans la vie, elle peut percevoir son conjoint, qui est le principal fournisseur de soin, comme un
étranger ou un imposteur.
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Comportements pouvant être associés à l’amnésie :
• Anxiété accrue et impuissance devant trop d’informations nouvelles.
• Membre de la famille et fournisseurs de soins accusés d’être des imposteurs.
• Personnes accusées de cacher de l’information, de voler des articles, de ne pas
rendre visite, etc.
• Manque soudain de coopération pour des tâches ou des activités familières.
• Refus d’être aidé pour les soins.
• Répétition de questions, de commentaires et de comportements.
• « Idées délirantes associées au temps », par exemple, un souvenir du passé est
déclenché par un stimulus du présent, ce qui peut causer une réaction émotionnelle
vive ou une mauvaise interprétation des événements.
Stratégies de soins efficaces en présence d’amnésie :
Utiliser des aide-mémoire ou des rappels, par exemple :
Avoir un journal ou un horaire visible où sont inscrits les « jours de bain ».
Utiliser un livre que les visiteurs peuvent signer.
Afficher des photos des êtres chers, de la famille et des amis.
Répéter l’information sans indiquer que cette information a déjà été transmise, puis
oubliée.
• Authentifier les expériences du passé tout en ramenant la personne vers des
activités plus plaisantes et significatives du présent.
• Créer une « piste de mémoire » pour favoriser les nouveaux apprentissages en
exécutant les tâches importantes de la même façon, chaque jour. La routine est
importante.
• Plutôt que d’argumenter, il peut être plus facile de chercher les articles perdus.
•
•
•
•
3. Aphasie : perte du langage
Les régions du cerveau qui régissent l’expression et la compréhension du langage sont situées
dans différentes parties du cerveau.
En cas d’aphasie sensorielle, habituellement associée à une atteinte du lobe temporal, la
personne peut être en mesure de s’exprimer, mais elle ne peut comprendre ce qu’on lui dit. En
cas d’aphasie motrice, habituellement associée à une atteinte du lobe frontal, la personne peut
être en mesure de comprendre, mais elle est incapable de s’exprimer.
Les problèmes de communication et les malentendus entre la personne, la famille et le
personnel soignant sont courants et souvent attribuables à un certain degré d’aphasie. Les
fournisseurs de soins peuvent présumer que les capacités de communication de la personne
sont intactes parce que l’incapacité de suivre les directives peut être épisodique ou
situationnelle. Cela pourrait être attribuable au fait que certains fournisseurs de soins utilisent
davantage un langage non verbal lorsqu’ils communiquent avec la personne et que la
performance de la personne puisse changer à l’intérieur d’une période de 24 heures.
Malgré une altération de l’expression orale du langage et du langage dans son versant réceptif,
la personne continue souvent de réagir à une communication non verbale appropriée venant
des autres (par exemple, sourire, gestes et faire face à la personne).
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Comportements associés à l’aphasie :
• Difficulté à suivre les conversations, particulièrement plus d’une (aphasie
sensorielle).
• Retrait social.
• Substitution de mots, utilisation du mauvais mot, menant à des énoncés et à des
demandes inappropriées.
• Retour à la langue maternelle (même si elle n'a pas été parlée depuis de
nombreuses années).
Stratégies de soins efficaces en présence d’aphasie :
• Soupçonner la présence d’aphasie sensorielle et motrice.
• Maintenir un indice élevé de suspicion de la douleur, de l’inconfort ou d’autres
symptômes que la personne pourrait être incapable d’exprimer.
• Utiliser une communication non verbale positive et coopérative qui traduit le calme,
le réconfort et la gentillesse, par ex., expressions faciales, postures, ton de voix, etc.
4. Agnosie : perte de la reconnaissance
La personne atteinte de démence et d’une altération de la fonction d’intégration sensorielle du
lobe pariétal peut présenter une perte de sa capacité de reconnaître les personnes, les objets et
les sons et de réagir de façon appropriée à leur présence (y compris elle-même). La confusion,
les soupçons et un comportement inapproprié (par exemple, l’expression sexuelle) peuvent
résulter de l’auto-perception anachronique progressive et de la méconnaissance des autres.
Les préoccupations relatives à la sécurité et aux soins surgiront probablement en raison de
l’usage inapproprié d’objets associé à la perte de reconnaissance des objets et de leurs
fonctions.
Comportements associés à l’agnosie :
• Perte de reconnaissance des gens dans l’ordre inverse de leur entrée dans la vie de
la personne (par exemple, oubli des petits-enfants en premier).
• Se croire beaucoup plus jeune qu’en réalité; être confus d’avoir un conjoint « plus
âgé », des enfants adultes du même âge que soi, etc.
• Idées délirantes qu’un membre de la famille ou un fournisseur de soins est un
imposteur.
• Comportement sexuel « inapproprié » résultant de la fausse perception de soi et de
la méconnaissance des autres.
• Perturbation en présence de miroirs, particulièrement lorsqu’ils reflètent la personne
(et des fournisseurs de soins) dans son espace le plus intime (par exemple, la
chambre à coucher, la salle de bain). Il est possible que la personne ne se
reconnaisse pas ni ne reconnaisse les fournisseurs de soins, elle perçoit donc un
étranger qui la regarde se déshabiller, prendre son bain, faire sa toilette, etc.
• Usage inapproprié d’objets ou oubli de leurs fonctions (par ex., brosses à dents,
robinets et toilette)
• Réactions de défense envers les soins où les objets utilisés « ne sont pas familiers »
(par exemple, résistance lorsque le fournisseur de soins essaie de lui brosser les
dents)
• Altération de la reconnaissance auditive (par exemple, le miaulement d’un chat peut
être confondu avec les pleurs d’un bébé).
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Stratégies de soins efficaces en présence d’agnosie :
• Retirer ou retourner les miroirs.
• Imiter l’usage de l’objet (comme une brosse à dents ou un gant de toilette) avant de
le donner à la personne ou de donner les soins.
• Donner l’assurance que la personne est un membre de la famille ou un fournisseur
de soins dont la présence est appropriée.
5. Apraxie : perte de l’exécution du mouvement volontaire
Une personne présentant un déficit cognitif perd sa capacité à planifier une tâche, à enchaîner
les étapes et à exécuter certaines tâches en particulier. Chaque tâche est réalisée selon une
séquence et un ordre. Même les tâches les plus simples, comme se brosser les dents ou se
coiffer, comportent un certain nombre d’étapes à suivre. La personne atteinte de démence perd
sa capacité à discerner la séquence des étapes. Elle est également incapable de se concentrer
sur une tâche, elle a donc tendance à passer d’une tâche à une autre lorsqu’elle est distraite.
Comportements associés à l’apraxie :
• Apraxie liée à l’habillement : la personne ne peut suivre les étapes pour s’habiller
dans l’ordre selon lequel on doit mettre les vêtements ou elle est incapable de
coordonner les mouvements permettant d’enfiler un vêtement.
• Difficulté à manipuler des objets avec des boutons-poussoirs, une télécommande, un
four à micro-ondes, un téléphone à clavier (diminution de la mémoire à court terme).
• Frustration et comportements inappropriés si les tâches sont trop difficiles,
inhabituelles ou comportent plusieurs étapes et des exigences qui peuvent dépasser
les capacités de la personne.
• « Refus » apparent de participer aux soins en disant « non » à une tâche ou à une
activité suggérée, malgré le fait que la personne en semble capable physiquement;
cela ne signifie pas nécessairement qu’elle ne veut pas la faire, mais plutôt qu’elle
ne se rappelle plus comment la faire.
Stratégies de soins efficaces en présence d’apraxie :
• Expliquer aux fournisseurs de soins les répercussions possibles de l’apraxie sur les
comportements observés.
• Disposer les vêtements dans le bon ordre, du haut vers le bas, pour permettre à la
personne de s’habiller seule.
• Indiquer à la personne la marche à suivre, étape par étape, tout en lui permettant de
faire chaque étape de façon autonome et en préservant son intimité et sa dignité.
• Réduire au minimum les distractions qui pourraient détourner son attention.
• Dans la mesure du possible, fournir des repères visuels en s’habillant au même
moment que la personne atteinte de démence (p. ex., un conjoint aidant dispose les
vêtements le matin ou un membre du personnel montre clairement qu’il met un
manteau pour sortir).
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6. Altération de la perception
La perception de la profondeur peut être altérée au cours de la démence. Étant donné que la
perte de la perception de la profondeur a de fortes répercussions sur la capacité de se déplacer
librement dans l’environnement, elle modifie la façon dont la personne marche et s’assoit. De
plus, les distorsions visuelles sont courantes et peuvent causer des erreurs de perception des
objets, ce qui engendre des comportements craintifs.
Comportements associés à l’altération de la perception :
• La personne résiste verbalement ou physiquement à prendre un bain (l’eau semble
beaucoup plus profonde qu’elle ne l’est vraiment; la personne peut croire qu’elle
risque de se noyer).
• La personne saute par-dessus des seuils foncés (cela ressemble à une crevasse) ou
des tuiles foncées sur un plancher (cela ressemble à un trou)
• Elle évite de marcher sur un plancher foncé (cela ressemble à une étendue d’eau ou
à un fossé).
• Elle évite de marcher sur un plancher avec des motifs foncés (cela peut faire croire à
des obstacles).
• Elle peut penser voir quelqu’un à cause de la présence d’un vêtement sur une
chaise ou d’une lampe sur colonne ou d’autres objets.
• La personne atteinte pense que les gens à la télé sont dans la pièce, donc elle parle
à la télé ou peut devenir très bouleversée.
• Lorsqu’elle va s’asseoir, la personne peut toucher avec précaution le bord du
fauteuil, frotter le bas de la jambe sur le bord du fauteuil et s’asseoir sur le bout ou
même sur l’accoudoir. Même si la personne est encouragée à s’asseoir au milieu,
elle n’est pas certaine où se situe le milieu ou si le siège est profond ou surélevé.
• Lorsqu’elle marche, la personne est voûtée, avec les pieds légèrement écartés, les
épaules courbées et les genoux un peu pliés. La personne ignore les champs
visuels périphériques, car les informations sont beaucoup trop nombreuses pour
que le cerveau soit en mesure de les traiter. La personne se concentre seulement
sur ce qui est directement devant elle, par conséquent, elle regarde droit devant elle
ou vers le sol (le plus souvent vers le sol). Cela peut être une façon très adaptative
de se déplacer.
• La personne peut être incapable de se situer par rapport à l’espace et, par
conséquent, se cogner (ou cogner son fauteuil roulant) contre des objets et/ou
d’autres personnes.
Stratégies de soins efficaces en présence d’une altération de la perception:
• Déterminer les difficultés de perception de la personne et comprendre comment elles
peuvent engendrer les comportements.
• Chercher à réduire au minimum les perceptions erronées par un éclairage approprié
ou l’utilisation de couleurs.
• Résoudre le problème en prenant les mesures nécessaires pour maintenir la
sécurité de la personne et de son entourage.
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7. Apathie : perte d’initiative
L’apathie survient à la suite de lésions aux lobes frontaux internes. Avec le temps, une
personne présentant un déficit cognitif ne commence plus une conversation ou une activité. Ce
comportement est souvent interprété comme un symptôme de dépression.
La différence, en présence de démence, est que la personne a perdu la capacité de
commencer une activité, mais elle participera si quelqu’un lui demande de le faire. Au contraire,
une personne souffrant de dépression ne participera pas à l’activité même si quelqu’un essaie
de la convaincre de le faire. La personne se sent trop déprimée pour se motiver à avoir des
interactions sociales et se plaindra souvent de fatigue pour abréger les activités.
Comportements associés à l’apathie :
• Une personne peut s’asseoir devant son repas et ne pas y toucher avant que le
fournisseur de soins amorce l’activité.
• Une personne passe la plus grande partie de la journée en silence avec la tête
penchée vers l’avant, toutefois, si on s’approche et qu’on l’appelle par son nom, elle
relève la tête pour établir un contact visuel et sourire.
Des informations additionnelles sur la dépression en présence de démence sont présentées au
Chapitre 6 de ce manuel.
Stratégies de soins efficaces en présence d’apathie :
• Amorcer une activité (p. ex. manger) en utilisant des stimulations verbales ou la
technique main sur main. Cela peut être suffisant pour permettre à la personne de
terminer la tâche ou l’activité de façon autonome.
Sommaire
Les médecins ont un rôle important à jouer auprès des fournisseurs de soins en l’aidant à
comprendre comment les changements survenant dans le cerveau affectent les comportements
dans les cas de démence. Ils peuvent aider à guider les soignants dans leurs interactions avec
le patient et à déterminer les stratégies de soins de soutien qui favorisent les capacités
fonctionnelles et le potentiel de la personne atteinte plutôt que de les confronter à leurs pertes
cognitives.
De cette façon, les défis liés aux changements de comportement qui surviennent dans les cas
de déficit cognitif seront minimisés pour le patient et son entourage.
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Tableau : Sommaire des fonctions cérébrales et des comportements
Région du
cerveau
Fonction
Incapacité
Comportement
Lobes frontaux
Frontal lobes
Î
Fonction
exécutive
Difficultés à planifier, à
commencer, à réaliser
des tâches d’une
manière prévue et
organisée
Réapparition des
réflexes
Incapacité à commencer une tâche
(peut sembler paresseux, non
coopératif par rapport aux demandes)
Impulsivité
Incapacité à planifier un congé, des
activités quotidiennes, un souper
d’anniversaire, etc.
Agrippement (réflexe de préhension)
et paratonie
Langage
Mémoire
Aphasie
Amnésie
Frustration avec aphasie, agacement
à cause des répétitions, utilisation non
sécuritaire des outils, de la cuisinière,
désorientation
Lobes
pariétaux Î
Analyse du
langage
Calculs
Perception
spatiale,
Enchaînement
Difficulté de
compréhension
Difficultés de
planification
visuospatiale
Difficulté à enchaîner
les mouvements
Apraxie
Agnosie
Anosognosie
Historien vague
Incapacité à gérer ses finances ou à
conduire
Difficultés possibles à se vêtir, à
marcher ou à manger
Méconnaissance des personnes et
des objets
Méconnaissance de sa maladie
Lobes
occipitaux Î
Vision
stéréoscopique
Exploration ou
interprétation
inappropriée de
l’environnement
Réaction de sursaut
Peur de l’eau de la baignoire (ça
semble trop profond)
Équilibre
Mouvements
volontaires et
involontaires
Démarche/équilibre
anormaux
Lenteur des
mouvements
Problèmes de
déglutition
Chutes
Mouvements lents
Pneumonie d’aspiration
Rappel de
souvenirs
Établissement
du lien entre le
comportement
et les souvenirs
Régulation du
sommeil, de
l’appétit
Fausse interprétation
des événements
Labilité émotionnelle
Blâme les autres
Irritabilité et dépression
Inversion du jour et de la nuit
Changements de la perception du
chaud et du froid
Lobes
temporaux Î
Cervelet
Tronc cérébral
Région souscorticale Î
Système
limbique
Hippocampe
Î
SCPD – Médecins de famille
Maladresse lors du versement de
liquides, etc.
Chapitre 3
Détection précoce de déficience cognitive
Dr William Dalziel
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
Table des matières Introduction...................................................................................................1
Étude de cas ................................................................................................1
Les avantages possibles du diagnostic/traitement « précoce » de la
démence.......................................................................................................3
Quels sont les facteurs de risque répandus en matière de démence?..........................6
Que démontrent les études épidémiologiques en ce qui a trait aux facteurs de risque
vasculaire et à la maladie d'Alzheimer?.........................................................................7
Comment les maladies vasculaires et la maladie d’Alzheimer cadrent-elles dans le
spectrum diagnostique? ................................................................................................7
Comment les médecins peuvent-ils évaluer le risque d’un patient âgé de subir une
déficience cognitive?.....................................................................................................8
Calcul du risque de démence........................................................................................8
Comment les médecins peuvent-ils rapidement dépister une déficience cognitive dans
un bureau achalandé? ................................................................................................10
Le cas de M. AD.........................................................................................10
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
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Introduction
La détection précoce de la déficience cognitive peut se faire en :
1. dépistant les personnes âgées asymptomatiques qui sont à risque élevé de
déficience cognitive, ou en
2. reconnaissant les symptômes précoces mais subtils de la déficience cognitive (qui
peuvent être mépris pour un vieillissement normal).
En particulier, les SCPD (symptômes comportementaux et psychologiques de la
démence) tels que l’apathie, l’irritabilité et l’agitation peuvent être des « symptômes
d’avertissement précoces » de déficience cognitive. Les membres de la famille peuvent
considérer ces symptômes très stressants mais peuvent hésiter à les signaler à l’attention
du médecin de premier recours.
Étude de cas
M. A.D, un homme âgé de 80 ans (votre patient depuis 35 ans) a récemment reçu un
diagnostic d’hypertension. Il se trouve à votre bureau aujourd’hui pour une nouvelle
vérification de sa pression artérielle. Grâce à un traitement avec diurétique sa pression
artérielle est maintenant 150/80. Il n’a pas de problèmes de mémoire ni de troubles
cognitifs et aucun antécédent familial de démence.
Dépistez-vous déjà ce type de patient pour déficience cognitive? Cela a-t-il une valeur?
D’après vous, quel est son risque de déficience cognitive?
La démence touche maintenant environ 450 000 Canadiens. La prévalence de la
démence est de 8% chez les personnes âgées de plus de 65 ans. Ainsi, dans un bureau
de médecin de premier recours typique d’environ 2 000 patients, il y a de 30 à 40 patients
atteints de démence. Une enquête effectuée en 2002 par le Ontario College of Family
Physician a démontré que 63% des médecins estiment avoir moins de 15 patients atteints
de démence.
L’incidence de nouveaux patients atteints de démence est environ de 2% par année pour
un groupe de 8 à 10 nouveaux patients atteints de démence chaque année dans un
bureau de médecin moyen. Ces chiffres « cadrent-ils » avec votre bureau? Le risque de
M. AD est plus élevé que 8% à cause de son âge et de son hypertension.
Le diagnostic de démence a-t-il été omis? La démence est-elle sous-traitée?
Les études suggèrent qu’environ 50% des cas de démence sont spécifiquement
diagnostiqués. Parmi les cas diagnostiqués, seulement 50% obtiennent un essai de
traitement spécifique avec un inhibiteur de la cholinestérase. Seulement 25% des
patients atteints de démence reçoivent donc un essai de thérapie avec inhibiteur de la
cholinestérase. De toute évidence, il existe un écart en matière de diagnostic et un écart
en matière de traitement. (réf. : Étude sur la santé et le vieillissement au Canada + bases
de données pharmaceutiques).
SCPD – Médecins de famille
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Démence
NON
Démence
diagnostiquée
mais NON
traitée
diagnostiquée
Démence
diagnostiquée
ET traitée
25% des Canadiens ont un membre de leur famille élargie atteint de la maladie
d’Alzheimer; 52% connaissent quelqu’un qui est atteint de la maladie d’Alzheimer. . .
et les « baby boomers » sont maintenant âgés de 60 ans!
La « présentation » typique d’une déficience cognitive ou de la démence précoce est
lorsqu’un membre de la famille (conjoint(e) ou enfant) ou un ami amène quelqu’un
chez le médecin de famille ou un autre professionnel des soins de la santé et déclare,
« Je crois que cette personne a des problèmes de mémoire ». Dans une telle
situation, l’exactitude du diagnostic de démence est de 96%. Cependant, il arrive
beaucoup plus souvent que des problèmes soient omis, ignorés ou niés jusqu’à ce
qu’une crise survienne : perte évidente de fonctions exécutives, problèmes
comportementaux, délire surajouté ou accident de véhicule motorisé. Le délai moyen
entre la première apparition de symptômes et le diagnostic (si le diagnostic est
effectué) est de 2 à 3 ans. La démence est souvent omise à cause d’un manque de
plaintes, à moins que le médecin de premier recours ait un degré élevé de soupçon
ou effectue un dépistage effectif de la déficience cognitive chez les personnes âgées
à risque élevé.
Le délai habituel de 2 à 3 ans signifie que seulement 45% des personnes atteintes de
démence sont diagnostiquées au stade léger de la maladie, lorsque la
reconnaissance, le traitement et le soutien et l’éducation d’un soignant peuvent aider
à prévenir des problèmes médicaux et sociaux. Cinquante-cinq pour cent (55%) de
ces personnes se trouvent déjà au stade modéré ou sévère de la maladie.
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Délai du diagnostic
45% stade léger
45% stade modéré
10% state sévère
Pour les nombreux patients cardiaques dans un bureau de médecin de premier
recours, il existe des implications cliniques importantes si la déficience cognitive n’est
pas reconnue. Par exemple, un patient hypertensif diabétique atteint de démence non
diagnostiquée peuvent éprouver de la difficulté à comprendre des directives, à
respecter une diète spéciale, à contrôler leur pression artérielle ou leur glycémie ou à
prendre des médicaments de façon appropriée, même en utilisant une dosette ou une
plaquette calendrier. Des erreurs de médicaments mènent rapidement à d’autres
complications et à une déstabilisation de ces problèmes médicaux, y compris une
aggravation des difficultés cognitives. La détection précoce de la démence apporte
donc de multiples avantages.
Les avantages possibles du diagnostic/traitement «
précoce » de la démence
Social
• Planification sociale/financière
• Éducation précoce du soignant
• Sécurité : conformité, conduite
automobile, cuisine
• Planification des directives
préalables
• Droit/besoin de savoir
• Évitement de crise
Médical
•
•
•
•
•
Cause/élément réversible
Traitement des facteurs de risque
Stratégies de conformité
Traitement d’autres maladies
Traitement avec inhibiteur de
l’acétylcholinestérase
• Évitement de crise
Les Canadian Consensus Guidelines on Dementia recommandent une évaluation
cognitive complète pour quiconque avec des problèmes de mémoire.
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• Les problèmes de mémoire doivent être évalués et un suivi doit être effectué afin
d’évaluer la progression (B)
• Les plaintes doivent être prises en considération de façon très sérieuse si elles
sont confirmées par les soignants/répondants. Une évaluation cognitive et un
suivi minutieux sont recommandés (A).
(Patterson: Can J. Neuro Sci 2001; 28 (Suppl. 1) S 3-16).
Cependant, si les médecins envisagent la démence seulement dans les cas de plaintes
au sujet de la mémoire ou de la capacité cognitive, ceci veut dire que plusieurs
diagnostics de démence sont retardés ou manqués. Plutôt, il serait préférable d’élargir le
concept de la démence précoce en tenant compte des éléments suivants pour tout
problème inexpliqué :
A : Activités de la vie quotidienne, plus particulièrement les activités instrumentales
B : Comportement : l’apathie et l’irritabilité peuvent précéder les plaintes cognitives
jusqu’à 1 an
C : Cognition : doit être dépistée/évaluée.
D : Conduite automobile = contraventions, accidents, préoccupations du soignant en
matière de sécurité.
Caractéristiques cliniques: ABC
A =Activités de la
B = Comportement
ƒ Colère
vie quotidienne
ƒ Finances
ƒ Irritabilité
ƒ Magasinage
ƒ Apathie
ƒ Conduite
ƒ Dépression
automobile
ƒ Agitation
ƒ Cuisine
ƒ Voyages
ƒ Lavage
C = Cognition
ƒ Pertes de mémoire
ƒ Questions/histoires répétitives
ƒ Difficultés à trouver des mots
ƒ Planification des
repas/magasinage
ƒ Objets égarés ou perdus
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Les « signaux d’alarme » ci-dessous sont d’autres signes comportementaux pratiques
pour les professionnels de la santé :
Signes d’alarme comportementaux pour les professionels de la santé
1. Appels téléphoniques fréquents.
2. Comportement vague, « bizarre ».
3. Manque de conformité à l’égard des médicaments/directives.
4. Négligence de l’apparence, changements de l’humeur ou de la personnalité.
5. Difficulté à trouver des mots, baisse de l’interaction.
6. Rendez-vous manqués ou respectés le mauvais jour.
7. Confusion : à cause de la maladie, des médicaments ou après une chirurgie.
8. Perte de poids.
9. Conduite automobile : accidents, problèmes (contraventions, égarement).
10. Lorsqu’on lui pose des questions, le patient tourne la tête vers le soignant afin qu’il réponde.
En résumé, si l’on se fie aux patients afin de signaler leurs propres symptômes cognitifs,
cela entraîne un retard dans le diagnostic de la démence, avec des conséquences
cliniques négatives graves. Pour effectuer un diagnostic plus tôt, un indice de suspicion
élevé et un dépistage approprié auprès des personnes âgées à risque élevé sont
nécessaires.
En fait, il est justifiable de dépister un état asymptomatique selon les critères ci-dessous,
qui correspondent tous à la démence :
• La maladie est répandue : besoin de « créer » une souspopulation à risque élevé.
• La maladie est coûteuse : la démence est la 3e maladie la plus coûteuse au
Canada.
• La maladie peut être dépistée de façon pratique et efficace par les médecins de
premier recours (p. ex., dépistage de 2 minutes de la démence – voir la trousse
d’outils)
• Il existe une intervention/un traitement pour la maladie :
o Traitement des facteurs de risque
o Traitement avec inhibiteurs de la cholinestérase
o Éducation et soutien pour le soignant
De façon plus importante, l’usage de 3 facteurs cliniques simples (âge, antécédents
familiaux et facteurs de risque vasculaire détaillés ci-dessous) permet d’identifier
facilement une souspopulation à risque élevé; ceci assure un plus grand nombre de vrais
dépistages positifs et moins de faux dépistages positifs (valeur prédictive positive plus
élevée).
La American Academy of Neurology (Petersen RC. Neurology 2001;56:1132 – 42)
recommande : « Des instruments de dépistage cognitif général doivent être envisagés
pour la détection de la démence lors de l’utilisation auprès de patients avec une
prévalence élevée de déficience cognitive due à l’âge ou à la présence de dysfonction de
la mémoire ».
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Quels sont les facteurs de risque répandus en matière de démence?
Le facteur de risque le plus important est l’âge. Les maladies cérébrovasculaires
(démence vasculaire) et les maladies neurodégénératives (maladie d’Alzheimer)
augmentent de façon importante avec l’âge (Wolfe PA. Stroke 1991 (22):312-318). Le
risque de démence est de 2% à l’âge de 65 ans et double à tous les 5 ans. Donc, selon
l’étude de cas, seulement à cause de son âge, M. AD âgé de 80 ans a environ 16% de
probabilités de subir une déficience cognitive.
Les antécédents familiaux augmentent le risque de démence. Pour chaque parent au 1er
degré (parents, frères, soeurs), le risque de démence double. Si les deux parents sont
atteints de démence, le risque augmente par 10.
Pour terminer, de nombreuses études épidémiologiques ont démontré que les facteurs de
risque vasculaire augmentent le risque de démence (environ 2 fois chacun) pour chacun
des 3 sous-types de démence les plus répandus : maladie d’Alzheimer, démence
vasculaire et maladie d’Alzheimer combinée avec maladie cérébrovasculaire).
Figure 1 : Nouvelle vision de la démence vasculaire, la maladie d’Alzheimer et la maladie
d’Alzheimer combinée à la maladie cérébrovasculaire
Démence
vasculaire
Maladie d’Alzheimer avec
maladie
cérébrovasculaire
Démence vasculaire pure
Après une maladie
cérébrovasculaire
Infarctus multiples
Maladie ischémique souscorticale
Infarctus stratégique
Hypoperfusion
Maladie d’Alzheimer
avec maladie
cérébrovasculaire
Entre la maladie
d’Alzheimer et la
maladie
cérébrovasculaire, avec
caractéristiques de
neuroimagerie et de
prognostic
Maladie
d’Alzheimer
Maladie
d’Alzheimer pure
Plaques et
enchevêtrements
sans maladie
vasculaire
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Que démontrent les études épidémiologiques en ce qui a trait aux facteurs
de risque vasculaire et à la maladie d’Alzheimer?
L’étude de Rotterdam (Breteler MM. Neurology and Aging 2000;21:153-160.), une étude
longitudinale auprès de plus de 7 000 sujets âgés, a confirmé les facteurs de risque
suivants en matière de maladie d’Alzheimer (qui sont tous de nature vasculaire ou
réduisent la perfusion cérébrale) :
Î Épisodes thombotiques/AVC
Î IM/coronaropathie/MVP
Î Hypertension
Î Obésité
Î Diabète
Î Fibrillation auriculaire
Î Usage du tabac
Î Hyper-homocystéinémie
Des études de neuroimagerie démontrent que les infarctus cérébraux silencieux ont plus
que doublé (Odds Ratio 2.26) le risque de maladie d’Alzheimer. (Vermeer S. NEJM
2003;348:1215-1222.) Les infarctus cérébraux sont répandus chez les personnes âgées
(31% dans l’étude sur la santé cardiovasculaire), et sont souvent cliniquement silencieux
(89% des infarctus). (Longstreth, W. Arch Neuro 1998;55:1217-1225.)
D’autres études (Skoog, I. Neuroepid 1998;17:2-9; Seshadri, S. NEJM 2002;14:476-483)
ont signalé un accident vasculaire, une coronaropathie, une migraine, une maladie
vasculaire périphérique, AIT, hyperlipidémie, apport élevé de gras saturés, sténose de la
carotide et pontage coronarien. Particulièrement importante est l’association de
l’hypertension de mi-vie dans le développement de la maladie d’Alzheimer à un âge
avancé (FINMONICA (Kivipelto, M. Neurology 2001;56:1683-1689) et étude sur le
vieillissement Honolulu-Asie (Petrovitch, H. Neurolbiol Aging 2000;21:57-62)). La plupart
de ces facteurs de risque en matière de maladie d’Alzheimer sont également des facteurs
de risque clairs en matière de démence vasculaire.
En résumé, il existe des preuves épidémiologiques considérables appuyant le concept
que la maladie d’Alzheimer est un trouble multifactoriel avec une contribution vasculaire
définitive. Donc, en termes de diagnostic, la présence de facteurs de risque vasculaire ne
mène pas à un diagnostic de démence vasculaire ou de maladie d’Alzheimer combinée à
une maladie cérébrovasculaire : le diagnostic exige de la neuroimagerie afin de confirmer
des dommages vasculaires cérébraux, et les facteurs de risque vasculaire augmentent
également la probabilité de déficience cognitive et de maladie d’Alzheimer.
Comment les maladies vasculaires et la maladie d’Alzheimer cadrent-elles
dans le spectrum diagnostique?
Deux études canadiennes suggèrent qu’environ 75% à 80% des cas de démence sont
dus à la maladie d’Alzheimer, à la démence vasculaire et à la maladie d’Alzheimer
combinée à une maladie cérébrovasculaire.
L’étude Decide (Detection of Cognitive Impairment and Dementia in Elderly with
Vascular Risk Factors) (Massoud F. Poster, Vas-Cog 2007) a examiné 1 523 patients
de 122 médecins de premier recours au Canada.
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Voici les critères d’admissibilité : être âgé de 65 ans ou plus (âge moyen de 80 ans),
posséder 2 facteurs de risque vasculaire ou plus et les médecins de premier recours
devaient estimer cliniquement qu’il n’y avait aucune preuve de déficience
cognitive. Le test de dépistage consistait à nommer le plus grand nombre d’animaux
à quatre pattes en 1 minute. Le MoCA (Montreal Cognitive Assessment) (Nesreddine,
A. J Am Ger Soc 2005;53:695-699,) est le test multidimensionnel servant à évaluer
l’efficacité du test sur les animaux à quatre pattes. Le MoCA a été choisi parce qu’il
est efficace afin de détecter une déficience cognitive précoce et d’évaluer la fonction
exécutive, laquelle est plus susceptible d’être déficiente de façon précoce en
présence de maladie vasculaire (voir la section des outils pour plus de détails au sujet
du MoCA). Le test sur les animaux à quatre pattes a été positif à 52%, (cut off <15);
le MoCA a été positif à 56% (point limite <26). On a appris qu’il arrive souvent que la
déficience cognitive « passe inaperçue dans un bureau de médecin de premier
recours et que le test de 1 minute sur les animaux à quatre pattes peut aider à
dépister une déficience cognitive auprès d’une population à risque élevé » (> 2
facteurs de risque vasculaire).
Comment les médecins peuvent-ils évaluer le risque d’un patient âgé de
subir une déficience cognitive?
La « règle de 2 » peut servir à évaluer le risque de déficience cognitive chez les patients
âgés.
• Le risque est de 2% à l’âge de 65 ans
• Le risque double tous les 5 ans (augmente par 2)
• Chaque facteur de risque vasculaire double approximativement le risque
(augmente par 2)
• Chaque patient au 1er degré atteint de démence double le risque (augmente par 2)
Calcul du risque de démence
La reconnaissance de la déficience cognitive et le diagnostic de démence sont
souvent retardés de 2 à 3 ans à partir de l’apparition des premiers symptômes. Il est
donc utile de faire appel à un bref test de dépistage de déficience cognitive auprès
des personnes âgées qui sont à risque élevé (15%)*. Le calcul du risque de
démence est en fonction de l’âge, des facteurs de risque vasculaire et des
antécédents familiaux de démence (la règle du doublage) et donne une
approximation du risque possible de déficience cognitive.
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LE RISQUE DOUBLE TOUS LES CINQ ANS
Risque = _______%
(Âge)
ÂGE
<65
65
70
75
80
85
%
1
2
4
8
16
32
Antécédents familiaux (Le risque double avec chaque parent au premier degré)
…
…
…
…
Mère
Père
Frère
Soeur
Risque =
… X 1 (pas d’antécédents)
… X 2 (1 parent)
… X 4 (2 parents)
Risque = _______%
(Âge + antécéd. familiaux)
Facteurs de risque vasculaire (Le risque double avec chaque facteur de risque
vasculaire)
… Fibrillation auriculaire
… Diabète
… Maladie cardiaque
(IM/ coronaropathie)
… Hyperlipidémie
Risque =
… Hypertension
… Usage du tabac
… Accident vasculaire
… Obésité
… X 1 (pas de facteurs de risque) Risque = _______%
… X 2 (1 fact. de risque vascul.) (Âge + antécéd.famil.+
… X 4 (2 fact. de risque vascul.) fact. de risque vascul.)
Risque général = _________%
* Un risque de 15% est un risque élevé de déficience cognitive et justifie une évaluation
cognitive complète. Plus le risque de déficience cognitive est élevé en utilisant le calcul
de risque de démence, plus les tests de dépistage sont susceptibles de refléter des vrais
positifs plutôt que des faux positifs.
Références :
1. Gauthier S, Panisset M, Nalbantoglu J, Poirier J. Alzheimer’s disease: current
knowledge, management and research. CMAJ 1997;157:1047-1052..
2. de la Torre JC. Is Alzheimer’s disease a neurodegenerative or a vascular
disorder? Data, dogma, and dialectics. Lancet Neurol 2004;3:184-190.
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Comment les médecins peuvent-ils rapidement dépister une déficience
cognitive dans un bureau achalandé?
Dépistage rapide de la démence : Cela ne prend que 2 minutes et peut être fait par un
médecin ou un autre prestataire de soins.
Test de dépistage
Évaluation
Mémorisation de 3 mots (0 à 1 correct :
OU 3.1; 2/3 est normal)
Mémoire à court terme
Animaux à quatre pattes en 1 minute
(<15: OU 20.2)
Fonction exécutive
Dessin d’une horloge (anormal : OU 24)
Fonction visuospatiale, mnésique et
exécutive (aiguilles positionnées à 11h10)
Ces 3 éléments ont été choisis car les rapports des cotes (risque si le dépistage est
positif par rapport à un dépistage négatif) sont élevés, surtout dans le cas des
animaux à quatre pattes et du dessin d’une horloge. De plus, de multiples domaines
cognitifs sont évalués : problèmes de mémoire et visuospatiaux, qui sont plus souvent
fréquents avec la maladie d’Alzheimer, ainsi que la fonction exécutive. Si ou plusieurs
des tests de dépistage sont positifs, on doit demander à la personne et au «
répondant » s’il y a eu des changements mnésiques ou fonctionnels au cours des 6 à
12 derniers mois, et des tests cognitifs formels doivent être effectués (MMSE, MoCA,
etc.). Consultez la section des outils.
Le cas de M. AD
Vous avez effectué le test de dépistage de 2 minutes. M. AD s’est rappelé de 1 mots
sur 3, a nommé 9 animaux et a effectué un dessin d’horloge anormal (les chiffres
étaient exacts mais les aiguilles étaient dirigées à 10 et 11). Il a reconnu avoir
éprouvé des difficultés avec ces tests et après discussion il a admis une certaine perte
de mémoire. Il a accepté que sa femme l’accompagne lors d’un rendez-vous
ultérieur. Sa femme a signalé qu’il pose des questions à répétition depuis les 6
derniers mois et démontrent certains nouveaux changements comportementaux :
irritabilité, certaines crises de colère, une certaine perte d’initiative (apathie), et
certaines difficultés à s’occuper de ses finances et à se rappeler à prendre ses
médicaments.
Qu’est-ce que le médecin de premier recours doit-il faire si le dépistage
cognitif est positif?
Des antécédents fournis par un proche (parent, ami) sont essentiels afin de
déterminer s’il y a eu des changements en matière de fonction, comportement et
cognition, ainsi qu’en matière de conduite automobile, au cours des 6 à 12 derniers
mois.
SCPD – Médecins de famille
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En particulier, on peut poser des questions au sujet de la mémoire, de questions et
d’histoires à répétition, de problèmes de magasinage, de cuisine ou de prise de
médicaments, et des changements de comportements tels que l’apathie, l’agitation ou
l’irritabilité. Si des antécédents fournis par un proche ne sont pas disponibles ou
suggèrent la possibilité de déficience cognitive, une évaluation cognitive complète
(MMSE, MoCA, (voir www.mocatest.org) doit être effectuée ou le patient doit être
référé pour une évaluation par un spécialiste.
Le questionnaire suivant peut servir à document les renseignements initiaux qui sont
essentiels si le dépistage de la démence est positif.
Visite 1 – Trousse d’outils d’évaluation de la démence
Le patient est-il atteint de démence?
Description des problèmes
Apparition : ___________________________ Graduelle F ou soudaine F
Progression : _________________________________________
La mémoire du patient est-elle pire qu’il y a 1 an?
F Oui
F Non
Cela a-t-il eu un effet sur les activités fonctionnelles? F Oui
F Non
(Les antécédents fournis par un proche sont essentiels lors de l’évaluation de la
déficience cognitive).
Y a-t-il eu des changements comportementaux ou psychologiques?
F Apathie
F Désinhibition
F Anxiété
F Irritabilité
F Dépression
F Hallucinations
Une apparition soudaine suggère le délire, qui devrait tout d’abord faire l’objet d’une
investigation. La progression (par paliers ou insidieuse) peut suggérer le type de
démence (vasculaire ou maladie d’Alzheimer). L’incidence sur les activités fonctionnelles
est l’un des critères nécessaires, selon le DSM IV (Manuel diagnostique et statistique des
troubles mentaux, 4e édition, APA) pour un diagnostic de démence.
Des changements psychologiques tels que de l’anxiété ou de la dépression peuvent
nécessiter un traitement et doivent être examinés davantage lors d’une visite ultérieure
(voir le chapitre au sujet de la dépression et de l’anxiété). La présence d’hallucinations
peut suggérer la présence de délire (investigation requise) ou possiblement de démence
à corps de Lewy (il est alors important d’indiquer sur le dossier d’éviter des
médicaments antipsychotiques). Cette trousse d’évaluation pour la première visite
permet donc aux médecins de signaler les questions importantes ou urgentes
(dépression, démence à corps de Lewy et délire) qui peuvent exiger des mesures ou un
suivi plus immédiats.
SCPD – Médecins de famille
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La trousse d’évaluation de démence lors de 3 visites, située dans la trousse d’outils,
procure aux médecins de premier recours une démarche pratique afin de diagnostiquer la
démence chez les patients avec dépistage positif de déficience cognitive et présence
probable de démence, tel que documenté lors de l’évaluation à la première visite.
De l’information additionnelle au sujet du délire, de la dépression, de l’anxiété et des
difficultés comportementales reliées à la démence se trouve dans des chapitres ultérieurs.
En résumé, les médecins de premier recours ont un rôle important afin d’identifier la
déficience cognitive de façon précoce afin de fournir à leurs patients le meilleur traitement
et les meilleurs résultats possibles. Le dépistage auprès des patients âgés à risque
élevé, suivi d’une évaluation plus précise en matière de démence pour ceux avec
dépistage positif peuvent être accomplis, même dans des bureaux achalandés, et sont
des contributions extrêmement importantes pour les soins aux personnes atteintes de
démence. Des difficultés comportementales sont souvent la raison d’une consultation qui
mène à l’identification formelle de déficience cognitive et qui doit mener à une évaluation
en matière de possibilité de démence.
SCPD – Médecins de famille
Chapitre 4
SCPD: déclin grave –
Concentration sur le delirium
Dr John Puxty
Dre Marie-France Rivard
Dr Ken Le Clair
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
Table des matières Aperçu ....................................................................................................1
Concepts clés..........................................................................................1
Introduction au delirium ...........................................................................1
Définition...............................................................................................................1
Facteurs de risque et causes................................................................................3
Prévalence............................................................................................................3
Pronostic...............................................................................................................3
Détection, évaluation et supervision du delirium ..................................... 6
Distinction du delirium des SCPD.........................................................................6
Instruments d'évaluation et de supervision……………………………………………….8
Méthode d’évaluation de la confusion (CAM) ........................................................8
Instrument de la méthode d’évaluation de la confusion (CAM) – Questionnaire....9
Algorithme diagnostique du CAM en cas de soupçon de delirium.......................10
Échelle de confusion de Neecham ......................................................................10
Prise en charge du delirium....................................................................11
Prévention ...........................................................................................................11
Approches générales de prise en charge ............................................................11
Directives suggérées pour la prise en charge pharmacologique avec symptômes
............................................................................................................................12
Utilisation d’halopéridol........................................................................................12
Utilisation d’antipsychotiques atypiques ..............................................................13
Delirium causé par le sevrage d’alcool ou des benzodiazépines.........................13
Inhibiteurs de la cholinestérase ...........................................................................13
Étude de cas : Mme G. ............................................................................14
Ressources recommandées...................................................................15
SCPD – Médecins de famille
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Aperçu
Le delirium est une complication fréquente de la démence. Il peut s’agir d’un
comportement nouveau ou d’une détérioration du comportement qui peut ou non faire
office de symptôme psychologique chez une personne atteinte de démence. Sans
traitement, un delirium peut mener à une gamme de résultats négatifs incluant la mort.
Ce chapitre donne un aperçu des approches générales en matière de prise en charge du
delirium dans les cas de démence. Les outils, les algorithmes et les mnémotechnies
utiles guidant l’évaluation et la supervision du delirium seront présentés, de même que les
lignes directrices en matière de prise en charge pharmacologique. Une étude de cas
utilisant l’approche U.R.A.F. (compréhension, réflexion, actions et suivi) illustrera l’utilité
d’une approche méthodique en ce qui a trait au diagnostic et à la prise en charge du
delirium dans les cas de démence.
Concepts clés
1. Le delirium est un problème commun qui est fréquemment non détecté, ou encore
évalué inadéquatement. Il est souvent mal diagnostiqué comme étant une
détérioration de la démence ou une intensification des SCPD.
2. Le delirium va vraisemblablement entraîner des répercussions négatives pour la
personne qui, atteinte ou non de démence, va subir une perte soutenue de ses
facultés cognitives et fonctionnelles, risquer davantage d’être transférée dans un
établissement de soins de longue durée et de mourir.
3. Même si les répercussions du delirium peuvent être atténuées et traitées
efficacement, sa prévention est beaucoup plus puissante que son traitement.
Introduction au delirium
Définition
Le delirium est une perturbation de la conscien ce avec une capacité ré duite à dirig er,
soutenir ou rediriger l’attention. Il s’agit d’un
changeme nt dans la cognition q ui se
produit au cours d’une période de t emps brève et qui tend à flu ctuer au cours d’un e
journée (Milisen et coll. 2001). – Traduction libre
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Figure 1 : Les critères du DSM-IV-TR pour le delirium
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Perturbation de la conscience (c’est-à-dire baisse d’une prise de conscience claire de
l’environnement) avec diminution de la capacité à diriger, focaliser, soutenir ou mobiliser
l’attention.
Modification du fonctionnement cognitif (telle qu’un déficit de la mémoire, une
désorientation, une perturbation du langage) ou bien survenue d’une perturbation des
perceptions qui n’est pas mieux expliquée par une démence préexistante, stabilisée ou en
évolution.
La perturbation s’installe en un temps court (habituellement quelques heures ou
quelques jours) et tend à avoir une évolution fluctuante tout au long de la journée.
Mise en évidence, d’après l’histoire de la maladie, l’examen physique ou les examens
complémentaires que la perturbation est due aux conséquences physiologiques directes
d’une affection médicale générale.
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Facteurs de risques et causes
Le delirium est commun chez les personnes âgées, particulièrement chez celles qui
souffrent d’un trouble cognitif préexistant, d’un trouble psychiatrique ou de
multiples malaises physiques. Les risques et les causes sont des facteurs additifs, de
sorte que, chez une personne ayant des risques multiples, un précipitant relativement
mineur comme des infections urinaires peut provoquer un delirium.
Le delirium découle d’une baisse de l’irrigation, de l’oxygénation ou du
métabolisme du cerveau. Le delirium découle donc généralement :
o d’un trouble physique sous-jacent;
o
d’un trouble métabolique;
o
d’un effet secondaire lié à un médicament, une drogue ou une substance.
Les causes communes du delirium comprennent :
o
les infections;
o
le sevrage (les benzodiazépines/l’alcool);
o
les causes métaboliques aiguës (liquides/électrolytes);
o
les traumatismes (douleur);
o
une pathologie du SNC;
o
l’hypoxie;
o
les carences (ex. B12, folate, thiamine);
o
les anomalies endocriniennes;
o
les accidents vasculaires aigus;
o
les médicaments (ex. halopéridol);
o
les toxines et métaux lourds.
Un delirium a souvent plus d’une cause, de sorte que de multiples interventions
s’imposent pour régler chacune d’elles.
Deux acronymes anglais, I WATCH DEATH et DELIRIUMS, peuvent aider le médecin
clinicien à dépister les causes possibles d’un delirium (voir figures 2 et 3).
Prévalence
Le delirium est un problème clinique fréquent. On estime que la prévalence de delirium
au moment de l’admission à l’hôpital varie de 10 à 18 % et augmente de 20 à 40 % au
cours de l’hospitalisation.
Pronostic
Le delirium est un indicateur indépendant de perte soutenue des facultés cognitives et
fonctionnelles de la personne atteinte ou non de démence, laquelle risque davantage de
mourir au cours de l’année suivant son admission médicale à l’hôpital. Parmi les
personnes atteintes de démence, la présence de delirium augmente le risque de
placement dans un établissement de soins de longue durée.
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Figure 2 : Acronyme anglais « I WATCH DEATH » pour dépister les causes possibles de
delirium
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I WATCH DEATH
I
Infections – urinaires, pulmonaires, encéphalite, etc.
W
Sevrage – d’alcool, des benzodiazépines, des sédatifs, des hypnotiques
A
Troubles métaboliques aigus – déséquilibre électrolytique, déshydratation,
insuffisance rénale ou hépatique
T
Toxines, drogues et médicaments – opiacés, médicaments anticholinergiques
et antiparkinsoniens, les salicylés, le dilantin, les stéroïdes, etc.
C
Pathologie du SNC – AVC, AIT, tumeurs, crises d’épilepsie, hémorragies,
infections
H
Hypoxie – anémie, insuffisance cardiaque ou pulmonaire, hypotension
D
Carences – en thiamine causée par l’alcoolisme, B12
E
Endocrinien – thyroïde, hypo et hyper glycémie, dysfonctionnement des
surrénales et parathyroïdes
A
Aiguë – encéphalopathie vasculaire hypertensive aiguë
T
Traumatisme – traumatisme crânien, postopératoire, hypo et hyperthermie
H
Métaux lourds – empoisonnement au plomb, au mercure et au manganèse
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Figure 3 : Acronyme anglais « DELIRIUMS » pour dépister les causes possibles de
delirium
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CAUSES DE DELIRIUM
D
Médicaments – sur ordonnance, en vente libre, herbes médicinales, alcool >
minimisent la charge anticholinergénique
E
Émotions – dépression, manie/dépression et environnement
L
Faible % d’O2 – IM, ICG, MPOC, embolie pulmonaire
I
Infection – pulmonaire, urinaire, abdominale, cutanée : escarre de décubitus
R
Rétention – urinaire et fécale
I
Ce qui provoque une crise - Petit mal
U
Manque – d’hydratation, de nutrition et de sommeil
M
Changements métaboliques – glycémie, calcium et sodium
S
Défaillance systémique – AVC, sous-dural et stress
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Détection, évaluation et supervision du delirium
Jusqu’à présent, nous avons revu l’importance de relever la présence du delirium et de
ses facteurs précipitants afin d’amorcer le traitement et d’éviter les résultats négatifs et un
mauvais pronostic. D’un point de vue clinique, le delirium demeure un état qui passe
souvent inaperçu ou qui est mal évalué. La figure 4 énumère les symptômes cliniques
et les attitudes des aidants associés à une reconnaissance insuffisante du delirium en
milieu clinique.
Figure 4 : Facteurs associés à une reconnaissance in suffisante du delirium en
milieu clinique
• Delirium hypoactif chez un patient de 80 ans ou plus, atteint de démence et
d’un trouble visuel.
•
L’absence de reconnaissance du delirium en tant que symptôme cliniqu e d’une
urgence médicale p ossible (éta t(s) sous- jacent(s) entr aîne l’alt ération de
l’irrigation, de l’oxygénation ou du métabolisme du cerveau).
•
Une attitude discrimina toire fondée sur l’âge stipulant « qu’on s’atten
ques personnes plus âgées deviennent confuses ».
•
L’incapacité des aida nts à reconnaît re les changements dans la conscience ou
les comportement des personnes atteintes de démence.
d à ce
Ainsi, dans les établissements de soins de longue durée où des aidants qui offrent des
soins multiples participent également à la prestation des soins d’une personne, la
continuité des soins peut s’avérer insuffisante pour déceler des fluctuations dans les
degrés de conscience qui peuvent se produire au cours d’une journée.
De plus, les médecins et le personnel infirmier qui travaillent dans ces établissements
peuvent ne pas solliciter activement les observations des aides-soignantes qui sont
pourtant celles qui ont le plus de contacts avec les pensionnaires et donc, celles qui ont le
plus de chances de remarquer de façon précise tout changement et toute fluctuation qui
se produisent au cours de la journée.
Distinction du delirium des SCPD
Le delirium est une complication fréquente de la démence. Il peut se présenter comme
une détérioration apparente du comportement ou un symptôme psychologique chez une
personne atteinte de démence. La figure 5 énumère les caractéristiques qui distinguent le
delirium de la démence et qui peuvent aider le médecin dans son évaluation et son
diagnostic.
Les points importants suivants doivent être pris en considération au moment de distinguer
le delirium de la démence :
1. Un delirium peut se produire en l’absence d’un diagnostic de démence ou de
trouble cognitif patent. Il est toutefois à noter qu’un trouble cognitif est un facteur
prédisposant commun au développement d’un delirium, puis qu’un delirium peut
dévoiler une démence précoce.
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2. Un delirum prolongé n’équivaut pas à la présence d’une démence. Un delirium
ne devrait pas être faussement considéré comme un signe de détérioration de la
démence ou des SCPD, simplement parce qu’il ne s’est pas dissipé après quelques
jours ou semaines, surtout si des contraintes chimiques ou physiques sont utilisées.
3. Une altération du niveau de conscience suggère fortement la présence de
delirium, surtout si sa survenue est aiguë et proéminente, ou encore manifeste
des fluctuations imprévisibles de symptômes au cours d’une période de 24
heures. Les comportements ou les symptômes psychologiques qu’une personne
atteinte de démence manifeste sont moins instables et souvent « prévisibles » à la
lumière de l’environnement et des situations de prestation de soins (ex. résistance
opposée pendant les soins intimes, états crépusculaires).
4. Bien que des hallucinations visuelles soient communes et soient fréquemment
accompagnées d’agitation, un delirium apathique et tranquille est néanmoins
possible.
Figure 5 : Distinction des caractéristiques du delirium et de la démence
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Distinguer le delirum de la démence
Caractéristique Delirium
Démence
Survenue Soudaine
Insidieuse
Évolution au cours de 24 h
Fluctuations
Conscience Réduite
Stable
Claire
Durée d’attention
Désorientation globale
Relativement normale
Cognition
Désorientation globale
Incapacité globale
Hallucinations Communes
Habituellement absentes
Psychomotricité
Augmentée ou réduite
Souvent normale
Parole
Souvent incohérente
Pauvreté du vocabulaire
Mouvements involontaires
Astérixis ou tremblements
fréquents
Souvent absents
Instruments d’évaluation et de supervision
L’utilisation d’évaluations normalisées aide au médecin clinicien à déterminer la présence
de delirium et à superviser l’efficacité du traitement des causes sous-jacentes. Dans cette
partie, nous présentons deux évaluations largement utilisées, soit la méthode d’évaluation
de la confusion (CAM) et l’échelle de confusion de Neecham.
Méthode d’évaluation de la confusion (CAM)
La méthode CAM est un outil utile pour le dépistage du delirium. Elle détient une
sensibilité et une spécificité relativement élevées (Ann Intern Med 1990; 113:941; Arch
Intern Med. 1995; 155:301). Le questionnaire et l’algorythme de la CAM sont présentés à
la figure 6.
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Figure 6 : Instrument de la méthode d’évaluation de la confusion (CAM) - Questionnaire
Questionnaire
1. Début soudain
Y a-t-il évidence d’un changement soudain de l’état mental du patient de son état
habituel?
2. Inattention*
A. Est-ce que le patient avait de la difficulté à focaliser son attention, par exemple
à être facilement distrait ou à avoir de la difficulté à retenir ce qui a été dit?
• Présent à aucun moment de l’entrevue.
• Présent à un moment donné de l’entrevue, mais de façon légère.
• Présent à un moment donné de l’entrevue et de façon marquée.
• Incertain.
B. (Si présent ou anormal) Est-ce que ce comportement
a fluctué lors de
l’entrevue, à savoir, est-ce qu’il a eu tendance à être pré sent ou absent, ou
encore à augmenter et diminuer en i
ntensité? Veuillez d écrire le
comportement.
• Oui.
• Non.
• Incertain.
• Ne s’applique pas.
3. Désorganisation de la pensée
Est-ce que la pensée du patient était désorga nisée ou in cohérente, t elle qu’une
conversation décousue ou non pe rtinente, ou une suite vague ou ill ogique des
idées, ou encore passait-il d’un sujet à l’autre de façon imprévisible?
4. Altération de l’état de conscience
Dans l’ensemble, comment évalueriez-vous l’état de conscience de ce patient?
• Alerte (normal).
• Vigilant (hyper-alerte, excessivement sensible aux stimuli de
l’environnement, sursaute très facilement).
• Léthargique (somnolent, se réveille facilement).
• Stupeur (difficulté à réveiller).
• Coma (impossible à réveiller).
• Incertain.
5. Désorientation
Est-ce que le patient a été désorienté à un certain moment lors de l’e ntrevue, tel
que penser qu’il éta it a illeurs qu ’à l’hôpital, util iser le mau vais lit ou se tromper
concernant le moment de la journée?
6. Troubles mnésiques
Est-ce que le patient a démontré des problèmes de mémoire lors de l’entrevue,
tels qu’être incapable de se souvenir des événe ments à l’hôpital ou de la difficulté
à se rappeler des consignes?
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7. Anomalies de perception
Est-ce qu’il y avait é vidence de tro ubles perceptuels chez le patient, p ar exemple
hallucinations, illu sions ou erreurs d’interprétation (tels que penser qu e quelque
chose avait bougé alors que ce n’était pas le cas)?
8. a) Agitation psychomotrice
À un moment donné lors de l’entrevue, est-ce que le patient
a eu une
augmentation inhabituelle de son activité motrice, telle que ne pas tenir en place,
se tortiller ou gratter les draps, taper des d oigts ou changer fréqu emment e t
soudainement de position?
b) Retard psychomoteur
À un moment donné lors de l’entrevue, est-ce que le patient a eu une diminution
inhabituelle de son activité motrice, telle qu’une lenteur, un regard fixe, rester dan s
la même position pendant un long moment, ou se déplacer très lentement?
9. Perturbation du rythme veille-sommeil
Est-ce qu’il y a eu évidence de changement dans le rythme veille-sommeil chez le
patient, telles que somnolence excessive le jour et insomnie la nuit?
*Les questions sous ce symptôme ont été répétées pour chaque symptôme où cela était applicable.
Algorithme diagnostique du CAM en cas de soupçon de delirium
L’algorithme comprend quatre critères principaux de delirium :
1. début soudain et fluctuation des symptômes
2. inattention
3. désorganisation de la pensée
4. altération de l’état de conscience
o alerte (normal)
o vigilant (hyper-alerte, excessivement sensible aux stimuli de l’environnement,
sursaute très facilement)
o léthargique (somnolent, se réveille facilement)
o stupeur (difficulté à réveiller)
o coma (impossible à réveiller)
o incertain
On devrait soupçonner un delirium si les critères (1) et (2), ainsi que (3) ou (4) sont
présents. Le cas échéant, des études plus poussées sont menées au besoin pour
confirmer un diagnostic de delirium.
Échelle de confusion de Neecham
Cet outil est fréquemment utilisé par le personnel infirmier pour superviser le delirium.
(Neelon, V., Champagne, M., McConnell, E., Carlson, J. & Funk, S. « Use of the
Neecham Confusion Scale to Assess Acute Confusion States of Hospitalized Older
Patients. », (chapitre 27, p. 278-288) dans Key Aspects of Elder Care: Managing Falls,
Incontinence and Cognitive Impairment (1992) S.G. Funk, E.M. Tournquist, M.T.
Champangne & R.A. Wiese (Eds.), Springer Publishing, New York.).
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Prise en charge du delirium
Prévention
Il est essentiel de comprendre que la prévention du delirium est beaucoup plus
puissante que son traitement. Les médecins doivent donc garder l’œil ouvert pour
déceler tout signe de delirium et tenter de mettre en oeuvre des stratégies pour sa
prévention.
Il était particulièrement important de cibler les six facteurs de risque suivants dans la
prévention ou la résolution du delirium (Inouye SK et coll. N Engl J Med. 1999; 340: 669) :
• troubles cognitifs
• privation de sommeil
• immobilité
• déficience visuelle
• déficience auditive
• déshydratation
Ces facteurs de risque ont des interventions praticables en milieu hospitalier actuel. Les
interventions connexes ont des avantages considérables rattachés à la prévention ou à la
l’atténuation du délire, incluant :
•
•
•
une réduction de 30 % de la fréquence du delirium;
une réduction de 30 % de la durée du séjour lié au delirium;
une réduction de 25 % du risque de perte fonctionnelle.
Les médecins de famille peuvent également participer à la prévention du delirium en
revoyant périodiquement les médicaments prescrits de façon à éviter les médicaments
ayant une activité anticholinergique ou à n’utiliser que la dose la plus faible possible de
ceux-ci, car ils sont souvent en cause lorsqu’une personne a des idées délirantes.
Approches générales de prise en charge
1. Déterminer toutes les causes contributives possibles, y compris la douleur, en plus
des causes les plus communes comme les médicaments (anticholinergiques,
opiacés, dopaminergiques, en vente libre et les herbes), les infections, les
sevrages aigus de l’alcool ou des benzodiazépines, ou encore de petits AVC.
Utiliser un acronyme tel que « I WATCH DEATH » ou « DELIRIUMS » (déjà
présenté dans ce chapitre) comme outil de dépistage systématique.
2. Optimiser le statut physiologique fondamental par une hydratation, une nutrition et
un sommeil adéquats, de même qu’en maximisant toute pathologie qui peut être
traitée.
3. Se concentrer sur les causes fondamentales du delirium.
4. Participer à l’éducation sur le delirium et à la planification des soins en
collaboration avec d’autres aidants. Il est important d’inclure les membres de la
famille dans ces processus.
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5. Minimiser les facteurs prédisposants (éclairage, audition, etc.) :
Stabiliser l’environnement et réorienter.
Encourager les visages connus, car ils apportent du réconfort (ex. les
membres de la famille).
• Stimulation faible – éviter les bruits excessifs.
6. Puisque l’immobilité est un facteur de risque pour le développement du delirium,
veiller à ce que la personne ait suffisamment l’occasion de bouger (avec de l’aide,
au besoin), puis éviter les contraintes physiques et chimiques, si possible.
N’utiliser de contraintes que si la personne doit être étroitement supervisée et que
des contraintes sont requises pour effectuer les analyses essentielles ou pour
administrer un traitement primordial.
•
•
7. Minimiser l’administration de médicaments, surtout de ceux qui peuvent contribuer
au delirium.
8. N’utiliser de sédatifs qu’en cas d’agitation grave et que lorsque le risque est
imminent.
9. Éviter l’utilisation de médicaments PRN lorsque cela est possible.
10. Lorsqu’une prise en charge pharmacologique symptomatique s’impose,
n’administrer que la posologie la plus faible possible. Malheureusement, les
doses de psychotropes utilisées pendant une crise de delirium sont souvent
excessives. Leur administration se poursuit longtemps après la période de
traitement souhaitée, ce qui mène à une dépression avec modification du
sensorium et retarde le rétablissement du delirium.
Directives suggérées pour la prise en charge pharmacologique
avec symptômes
Utilisation d’halopéridol
La meilleure preuve jusqu’à présent suggère l’utilisation de faibles doses d’halopéridol
(0,25 – 1 mg par dose ou 1 à 2 mg par day), le moins longtemps possible (en jours), au
cours d’un épisode de delirium aigu qui ne découle pas d’un sevrage d’alcool ou de
benzodiazépines (Lignes directrices sur l’évaluation et le traitement du delirium de la
Coalition canadienne pour les aînés, 2006). Un électrocardiogramme de référence est
recommandé, en cherchant les intervalles QTC supérieurs à 450 msec ou 25 % de plus
que la ligne de base en vue d’obtenir une consultation en cardiologie ou d’envisager une
cessation. Même si l’utilisation prolongée d’halopéridol risque de causer des symptômes
parkinsoniens inacceptables, le mésylate de benztropine ne devrait pas être utilisé de
façon prophylactique en raison de ses propriétés anticholinergiques.
L’akathisie (un état d’agitation interne qui se manifeste sous forme d’incapacité à
demeurer immobile) est un autre effet secondaire commun et insuffisamment reconnu des
antipsychotiques qui peut être confondu avec un delirium persistant. Ainsi, l’utilisation
d’halopéridol peut exacerber le delirium. L’halopéridol devrait être entièrement évité si le
patient a été diagnostiqué comme souffrant de démence à corps de Lewy.
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Utilisation d’antipsychotiques atypiques
Alors que les antipsychotiques atypiques sont devenus le traitement de première ligne
dans la prise en charge des patients atteints d’agitation grave et persistante ou de
démence avec psychose, nous ne disposons néanmoins que de données limitées sur leur
utilisation dans le traitement spécifique de l’agitation causée par le delirium. Ils peuvent
être considérés comme des produits de rechange chez les personnes atteintes de
la maladie de Parkinson ou de la démence à corps de Lewy, de même que chez
celles qui ont connu des effets secondaires graves au cours d’une utilisation antérieure
d’halopéridol. La posologie devrait être faible (ex. rispéridone : 0,5 mg par jour; ou
quétiapine : 25 mg une ou deux fois par jour; ou olanzapine : 2,5 mg par jour).
Delirium causé par le sevrage d’alcool ou des benzodiazépines
Dans les cas de delirium aigu accompagné de sevrage d’alcool ou de benzodiazépines,
des benzodiazépines à action plus courte, tels que le lorazépam est privilégié pour sa
facilité d’administration (voie parentérale et sublinguale), sans oublier sa demie-vie
d’élimination, qui permettront un titrage sécuritaire jusqu’à une légère somnolence, tout en
minimisant les risques de sédation excessive. Les antipsychotiques peuvent être ajoutés,
mais seulement lorsque les symptômes d’agitation et de psychose liés au sevrage
d’alcool ne peuvent être contrôlés que par l’administration de benzodiazépines. Il est
important de souligner que certaines personnes atteintes de delirium deviennent plus
agitées lorsqu’elles prennent des benzodiazépines et que les benzodiazépines aggravent
certains états délirants (ex. delirium causé par une insuffisance hépatique). Il est donc
important de suivre étroitement la réaction au traitement.
Inhibiteurs de la cholinestérase
La documentation signale que les inhibiteurs de la cholinestérase ont été utilisés avec des
effets variables. Il existe des rapports d’utilisation réussie de donépézil dans le traitement
de delirium surajouté chez les personnes déjà atteintes de la maladie Alzheimer. Les
inhibiteurs de la cholinestérase peuvent s’avérer particulièrement utiles pour traiter une
personne atteinte de démence à corps de Lewy qui peut avoir des épisodes répétitifs de
delirium alors qu’aucun autre problème physique n’a été déterminé.
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Étude de cas : Mme G.
Mme G. est une femme de 79 ans qui habitait
seule jusqu’à récemment. Elle était
autonome dans ses AVQ, mais sa famille a
remarqué qu’elle oubliait de plus en plus au
cours des deux dernières années. Sa
famille s’inquiétait du fait qu’elle négligeait
non seulement son domicile, mais
également son hygiène personnelle, ce qui
allait à l’encontre de ses habitudes. À
l’insistance de sa famille, elle a accepté de
déménager dans la partie résidentielle d’un
établissement de SLD à étages situé près de
chez sa fille, mais à plus de 100 kms de son
foyer qui est présentement en vente.
Même si son état de santé général était bon, elle souffre néanmoins d’hypertension,
d’ostéoarthrite et de cataractes. Un diagnostic de dépression légère ainsi que de maladie
Alzheimer, stade précoce, a été rendu il y a sept mois, lorsqu’elle a consulté un médecin
pour des problèmes de léthargie, de manque d’intérêt et d’insomnie primaire. Les
médicaments suivants lui ont été prescrits : hydrochlorothiazide - 25 mg chaque jour,
amitriptyline - 50 mg qhs et oxazépam – 15 a 30 mg qh. Elle signale prendre de l’alcool à
l’occasion.
Malheureusement, seulement trois jours après son déménagement dans l’établissement,
elle trébuche sur une carpette pendant la nuit et n’est plus capable de se tenir debout en
raison de la douleur aiguë à la hanche gauche. Elle est incapable de joindre le téléphone,
mais un membre du personnel la découvre après quelques heures plus tard. Elle est
transportée au service des urgences par ambulance où un diagnostic de fracture de la
hanche est rendu.
Le lendemain, Mme G. subit une réduction chirurgicale et une fixation interne de sa hanche
gauche. L’intervention n’est pas compliquée et elle retourne dans l’unité avec une sonde
urinaire, des ordonnances d’analgésiques postopératoires (prn oxasémap et des solutés).
Les premiers jours suivant son opération à la hanche, elle devient agitée et désorientée.
Son intraveineuse doit être insérée à nouveau à deux reprises « parce qu’elle tripote et
manipule le site de l’intraveineuse ». Finalement, des contraintes physiques et du haldol
prn sont prescrits. Malheureusement, ses comportements anormaux ne font que
s’aggraver et elle tente maintenant de passer par-dessus ses côtés de lit, crie toute la
nuit, alterne entre la stupeur et l’agitation pendant le jour. Son intraveineuse doit être
installée à nouveau.
Ce comportement suscite beaucoup d’angoisse et d’inquiétude chez les membres de sa
famille qui se font dire « que cela se produit fréquemment chez les personnes âgées qui
subissent une opération de la hanche et qu’elle va aller mieux bientôt ».
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Le comportement de Mme G. s’améliore quelque peu après qu’elle ait reçu un traitement
parce qu’on soupçonnait qu’elle faisait une pneumonie de déglutition et qu’on lui a
administré des solutés. Elle demeure toutefois désorientée, mais elle est maintenant
considérée comme « confuse, mais plaisante », ayant besoin d’aide pour se laver et
s’habiller. Deux infirmières l’aident à passer de son lit au fauteuil. Elle souffre
d’incontinence urinaire depuis que sa sonde a été retirée.
Le personnel de l’hôpital de soins actifs décide qu’elle est maintenant prête à obtenir son
congé et elle retourne à l’unité résidentielle. Or, à son arrivée à la résidence, elle est très
confuse et agitée, ne reconnaît pas sa famille et a besoin de beaucoup d’aide pour
effectuer ses transferts. Elle souffre maintenant d’incontinence urinaire et fécale. Sa
famille exprime son inquiétude à l’égard de la « détérioration de son comportement et de
sa démence » et demande si une demande de transfert dans une unité de soins infirmiers
de l’établissement peut être déposée immédiatement.
Ressources recommandées
Inouye, S.K. A Multicomponent Intervention to Prevention Delirium in Hospitalized Older
Patients, NEJM,1999; 340: p. 669-676.
Inouye, S.K. Prevention of delirium in hospitalized older patients: risk factors and targeted
intervention strategies, Ann Med. 2000; 32: p. 257-263.
Inouye, S.K., Bogardus, S.T., Baker, D.I., Leo-Summers, L., Cooney, L.M., et coll.. The
Hospital Elder Life Program: A model of care to prevent cognitive and functional
decline in hospitalized older patients, J Am Geriatr Soc. 2000; 48: p. 1-10 (avec
éditorial).
Coalition canadienne pour la santé mentale des aînés : www.ccsmh.ca
Physician Education Site for Alzheimer Disease and Related Dementias :
www.dementiaeducation.ca
Santé mentale sur Internet : http://www.mentalhealth.com/dis/p20-or01.html
Association médicale canadienne :
http://www.cmaj.ca/cgi/collection/delirium_amnestic_cognitive_disorders
National Guideline Clearinghouse :
http://www.guideline.gov/summary/summary.aspx?ss=15&doc_id=5313&nbr=3636
P.I.E.C.E.S. Canada: http://www.piecescanada.com/
Le Hospital Elderlife Program: http://elderlife.med.yale.edu/public/public-main.php
Article par la Dre Michelle Gibson (Université Queen’s) : The Agitated Older Patient –
What to do?
http://www.stacommunications.com/journals/cme/2004/August/pdf/070.pdf
SCPD – Médecins de famille SCPD
Chapitre 5
SCPD : Problèmes comportementaux
pendant l’évolution de la démence
Dr John Puxty
Dr William Dalziel
Dr Ken Le Clair
Dre Marie-France Rivard
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
Table des matières
Fréquence des symptômes psychologiques et comportementaux de la
démence..................................................................................................... 1
Principaux points cliniques ......................................................................... 2
1.
Écart dans la fréquence et la manifestation des SCPD, selon les types et les
stades de la démence ......................................................................................... 2
2.
Facteurs communs connexes influant sur la prise en charge des SCPD............. 5
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
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Fréquence des symptômes psychologiques et
comportementaux de la démence
Des études exhaustives portant sur la manifestation des symptômes psychologiques et
comportementaux de la démence (SCPD) suggèrent que n’importe quel symptôme peut
survenir à n’importe quel stade de la démence et qu’à certains d’entre eux, pratiquement
tous les patients affichent une forme quelconque des SCPD (Reisberg et coll., 1989).
Une étude sur les SCPD a découvert que 64 % des patients atteints de la maladie
Alzheimer affichaient au moins un des SCPD au cours de leur évaluation initiale
(Devanand, et coll., 1997). La majorité de ces personnes habitaient chez elles.
Tableau 1 – Principaux troubles psychologiques
et comportementaux de la démence
Dépression
Psychose
Agitation
• non-agressive
o physique (errance)
o verbale (cris)
• agressive
o physique (coups)
o verbale (jurons)
Résistance aux soins
Désinhibition
Troubles du rythme diurne
Troubles du sommeil
Comportement sexuellement
inacceptable
Dans les établissements de soins de longue durée (SLD), Mansfield cerne dix
comportements associés à la démence qui sont particulièrement difficiles pour le
personnel et les aidants (Managing and Accommodating Responsive Behaviours in
Dementia Care, Cohen Mansfield, 2000).
Parmi ces comportements, on note errer, marcher de long en large, être agité de façon
générale, essayer de se rendre ailleurs, s’accrocher à des gens, demander constamment
de l’aide et de l’attention, se plaindre et gémir, répéter des phrases et des questions, crier,
blasphémer et agresser verbalement les gens, puis faire des bruits étranges.
SCPD – Médecins de famille
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Principaux points cliniques
1. Écart dans la fréquence et la manifestation des SCPD, selon les types et
les stades de la démence
Bien que n’importe lequel des SCPD puisse se manifester au cours d’une démence,
certains faits semblent démontrer des écarts dans la fréquence et la séquence du type et
du stade de la démence. Cela joue un rôle important au moment de déterminer si une
stratégie préventive de prise en charge doit être utilisée pour minimiser le risque et
l’intensité des comportements perturbateurs.
a) Les SCPD et la maladie Alzheimer
Les tâches qui nécessitent une attention soutenue, de la mémoire et des habiletés de
solution de problèmes commencent à se détériorer au cours des stades précoces de
la maladie Alzheimer. Cette détérioration des facultés cognitives peut entraîner des
changements au niveau de la personnalité et une rigidité mentale qui peuvent
provoquer des comportements argumentatifs. Les aidants ou les membres de la
famille peuvent interpréter les troubles des fonctions exécutives tels qu’oublier de
payer les factures ou faire des mauvais achats comme des preuves attestant que la
personne néglige d’assumer ses responsabilités ou qu’elle fait preuve d’un
comportement « difficile ». Ils peuvent également s’inquiéter de la sécurité de la
personne atteinte de la maladie Alzheimer face à l’exécution de tâches comme la
conduite, le fonctionnement d’équipement ou la cuisson d’aliments en raison de son
manque de compréhension, intensifiant ainsi le stress et le désaccord. Les problèmes
de frustration, la perte d’estime de soi accompagnée de déprime et de
dépression sont monnaie courante au cours des stades précoces du processus de
démence. Ils peuvent même constituer la principale raison de la consultation.
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SCPD – Médecins de famille
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Maladie Alzheimer et changements comportementaux – Stades
Léger Modéré
Avancé
Symptômes
- Perte de mémoire
- Aphasie
- Fluctuations de l’humeur
- Changements de
personnalité
- Troubles des fonctions
exécutives et problèmes
de jugement
- Changements de
personnalité et de
comportement
- Incapacité
d’apprendre/de se
remémorer des
renseignements
nouveaux
- Errance
- Agitation
- Agression
- Confusion
- Besoin d’aide avec les
AVQ
- Incontinence
- Troubles moteurs et de la
démarche
- Alitement
- Incapacité d’exécuter les
AVQ
- Résistance aux soins
- Besoin d’envisager un
placement dans un
établissement de SLD
Figure 1 : Changements comportementaux fréquents au cours de l’évolution de
la maladie Alzheimer
Quand la maladie Alzheimer entre dans le stade modéré, les troubles de mémoire et
de langage du patient s’accentuent et ses habiletés fonctionnelles continuent de se
détériorer. Approximativement les deux tiers d’entre eux commenceront à afficher des
problèmes comportementaux au cours des stades modéré à avancé de la maladie.
Les troubles d’anxiété, de dépression, du sommeil et d’errance font partie des
symptômes communs à ce stade.
Au cours des stades avancés de la maladie Alzheimer, les patients souffrent
d’amnésie grave, d’apraxie (incapacité d’exécution d’une série de mouvements
volontaires dans un ordre établi) et d’agnosie (perte de la capacité à reconnaître des
visages ou des objets connus). La personne atteinte est habituellement incapable de
reconnaître les objets ou les milieux qu’elle connaît, même très bien. Elle peut
néanmoins avoir des moments-éclairs où elle s’en souvient, particulièrement lorsqu’il
y a un renforcement émotionnel.
La perte de la parole s’aggrave et la personne peut être encore en mesure de répéter
quelques mots ou phrases. La pauvreté relative du langage et la perte d’inhibition
peuvent l’inciter à pleurer pour obtenir de l’aide, à crier fort ou à blasphémer
lorsqu’elle est confrontée à des frustrations mineures ou à des petits changements
dans sa routine.
À ce stade, la résistance aux soins est monnaie courante, particulièrement à l’égard
de ce que l’on peut appeler les soins intimes tels que s’habiller, prendre son bain et
les soins liés à l’élimination et à la propreté.
SCPD – Médecins de famille
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Les personnes qui n’ont jamais été à l’aise de se dévêtir devant autrui, de même que
celles qui peuvent avoir été victimes d’agression physique ou sexuelle, percevront la
présence d’autres personnes durant la prestation de ces soins comme
particulièrement dérangeante ou menaçante.
Cela est principalement le cas si le milieu de vie du patient ou les aidants rappellent
au patient, de quelle que façon, les personnes qui l’ont maltraité dans le passé. Par
conséquent, lorsque des soins intimes lui sont prodigués, il est possible que la
personne atteinte d’Alzheimer ne soit pas capable d’exprimer verbalement la raison
de son inconfort. Il est donc très important de comprendre et d’informer les gens qui
en prennent soin que lorsqu’elle résiste aux soins, cela découle probablement
d’expériences antérieures qu’elle a vécues plutôt que d’un refus conscient de
collaborer avec eux.
La difficulté à mastiquer et à avaler fait également partie des caractéristiques des
derniers stades de la maladie Alzheimer. L’incontinence est également assez
fréquente, en l’occurrence une incontinence urinaire et, parfois, fécale. L’incontinence
peut provoquer de l’agitation (l’inconfort ressenti lorsqu’on s’est sali). La personne
peut devenir agitée, comme si elle cherchait quelqu’un ou quelque chose. Elle peut
devenir angoissée ou agressive, surtout si elle se sent menacée pendant que les
soins intimes lui sont prodigués.
b) Les SCPD dans les cas de démence autres que la maladie Alzheimer
Certaines études ont découvert des écarts entre la prévalence et le type de SCPD en
ce qui a trait à la maladie Alzheimer et la démence vasculaire (Cohen et coll., 1993;
Tariot et Blazina, 1994), dont un taux plus élevé d’idées délirantes chez les
patients atteints de la maladie Alzheimer, contre un taux plus élevé de
dépression chez les patients atteints de démence vasculaire (Lyketsos et coll.,
2000).
La démence fronto-temporale est typiquement associée à une incidence plus élevée
de SCPD tôt, au cours de l’évolution de la maladie. Ainsi, la raison de la consultation
initiale a plus de chance d’être reliée à des troubles du comportement qu’à une perte
de la mémoire. Ces troubles comprennent la désinhibition (manque de tact social),
l’impulsivité, les comportements compulsifs (incluant la suralimentation), la
manie de s’accrocher aux gens, l’hypersexualité et les débordements d’injures.
Dans le cas de la démence fronto-temporale, une corrélation a été établie entre la
répartition anatomique de l’atrophie asymétrique et des manifestations
comportementales précises. Le chapitre 2 présente plus d’information sur le
dysfonctionnement du lobe frontal (cerveau et comportement).
SCPD – Médecins de famille
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2. Facteurs communs connexes influant sur la prise en charge des SCPD
a) Les personnes atteintes de démence modérée à avancée risquent davantage de
souffrir des effets défavorables liés aux médicaments, d’où la présence de
problèmes de respect de la médication et d’erreurs dans l’augmentation de son
utilisation. La tendance à utiliser davantage de médicaments, surtout ceux qui ont
des propriétés sédatives et psychotropes, est reconnue et cela peut altérer encore
plus le degré de cognition et de conscience.
Certains médicaments qui ont des effets anticholinergiques peuvent être associés aux
idées délirantes, à l’intensification de la démence (confusion et fonctionnement) et aux
SCPD. Si la charge anticholinergique est réduite, des améliorations peuvent être
associées au niveau de la cognition, de l’attention et du comportement ainsi que des
risques de délire.
Médicaments ayant des effets anticholinergiques :
Majeurs Mineurs
Antidépresseurs Diphénoxyla
te (Lomotil)
Antipsychotiques Disopyramid
e (Rythmodan)
Antihistaminiques/antiprurigineux Cyclobenzaprine
Antispasmodiques Cimetidine
Antiémétiques
(Flexeril)
(Tagamet)
Digoxine
Atropine Furosémide
(Lasix)
Il a été prouvé, par dosage radio-immunologique, que les médicaments classés dans
la catégorie « mineurs » ont des propriétés anticholinergiques, mais que ces dernières
sont moindres que les autres énumérées. Ils peuvent, par contre, ajouter à la charge
anticholinergique totale et au risque potentiel d’effets défavorables.
b) De nombreux patients atteints de démence modérée à avancée souffrent
également de fonction rénale réduite attribuable à l’âge ainsi que de multiples
pathologies concomittantes. Cela augmentera le risque d’effets secondaires
imputables aux médicaments et devrait influer sur l’ordonnance de médicaments à
leur intention. Ainsi, 70 % des pensionnaires de maisons de soins infirmiers
souffrent d’insuffisance rénale modérée à grave (clairance de la créatinine < 50),
malgré une créatinine sérique qui n’est que marginalement élevée. Le risque
d’événements indésirables et de détérioration du pronostic de démence grimpe
avec la présence de multiples pathologies concomittantes.
c) Des études menées auprès des pensionnaires des maisons de soins infirmiers ont
révélé que 70 % d’entre eux signalent ressentir de la douleur et qu’au moins le
tiers d’entre eux signalent que leur douleur est constante (Marzinski, L., « The
tragedy of Dementia: Clinically assessing Pain in the Confused, Nonviolent
Elderly », Journal of Gerontologic Nursing,1991; (16)6). Beaucoup de patients
atteints de démence modérée à avancée peuvent également être atteints d’un
syndrome douloureux connexe. Il arrive souvent qu’une douleur soit mal gérée, ce
qui contribue au délire, aggrave la démence et les SCPD.
SCPD – Médecins de famille
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d) Le stress et le fardeau de l’aidant constituent un problème de taille dans les cas de
démence modérée à avancée, tant en milieu communautaire que dans les
établissements de soins de longue durée.
Certains problèmes de comportement risquent davantage d’accélérer la soumission
d’une demande d’admission dans un établissement de SLD, soit :
• Agression physique et verbale
• Problèmes comportementaux pendant la nuit
• Paranoïa/hallucinations
• Symptômes dépressifs
• Errance
(Hope, T. et coll. Int J Geriatr Psychiatr, 1998;13(10) : p. 682-690., Gilley DW et coll.
Psychol Med, 2004;34(6):p.1129-1135.)
Les médecins de famille devraient jouer un rôle de premier plan dans la détermination
et la prise en charge des problèmes avec lesquels les aidants sont aux prises. Ainsi,
ceux-ci peuvent ne pas avouer facilement leur stress ou minimiser l’accablement
ressenti. Cela peut s’expliquer par leurs sentiments connexes d’échec ou par leur
sensation de se « plaindre » du besoin de soins.
Il est également possible que le stress ne s’installe que graduellement, de sorte que
les aidants peuvent ne pas le sentir immédiatement, mais plutôt lorsqu’on leur donne
un répit temporaire de leur rôle. Les médecins de famille jouent un rôle de
« gestionnaires proactifs de cas » lorsqu’il s’agit d’anticiper les risques de stress d’un
aidant et de réduire le risque de « crise » ultérieure. Une variété de solutions est
disponible, soit :
• Aiguiller les patients vers la Société Alzheimer (ex. premier lien).
• Prendre des arrangements pour des services de soutien à domicile, en
collaboration avec le CASC.
• Évaluer et prendre en charge le fardeau, le stress et la dépression de l’aidant.
• Avoir recours aux autres membres de l’équipe de soins afin d’offrir du soutien
supplémentaire (ex. travailleuse sociale) ou acheminer vers d’autres services
de santé (ex. les équipes de santé mentale en gériatrie - Geriatric Mental
Health Outreach Teams).
En prévision d’un besoin ultérieur de SLD, un concept utile à envisager est
« l’intervalle de besoins ». Ainsi, lorsqu’on pense à la démence et à d’autres
problèmes de santé, nous relions les soins requis, en l’occurrence le type de soins et
sa durée, à la façon dont ils sont offerts dans le cadre d’infrastructures formelles et
informelles de prestation. Il arrive souvent que lorsque l’intervalle de soins directs
requis offerts par un ou des aidants naturels tombe régulièrement sous la barre des
12 heures, ceux-ci risquent davantage de ressentir du stress. À ce stade, il faudrait
songer à élaborer un plan de placement dans un établissement de SLD au cours des
mois ou des années qui viennent.
SCPD – Médecins de famille
Chapitre 6
SCPD : Accent sur les troubles anxieux et
de l’humeur
Dre Marie-France Rivard
Dre Catherine Shea
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
Table des matières
La question et sa pertinence ................................................................ 1
Prévalence ..........................................................................................................1
Points clés en matière de diagnostic et de traitement .........................................2
Application du cadre de travail U.R.A.F. à l’égard des symptômes de
dépression et d’anxiété ........................................................................ 3
Compréhension/Évaluation (Understand/assess) ...............................................4
Réflexion (Reflect)...............................................................................................9
Interventions (Actions).......................................................................................10
Suivi (Follow-up)................................................................................................14
Étude de cas typique, appliquant le cadre de travail U.R.A.F. ........... 15
Conclusion.......................................................................................... 17
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
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La question et sa pertinence
Prévalence
La démence est souvent compliquée par la dépression, y compris la maladie d’Alzheimer et
la démence vasculaire (après un accident vasculaire). Un examen effectué par Snowdon
(Functional Psychiatric disorders of the elderly, publié par Chiu et Ames, 1994) révèle que de 11
à 24% des patients atteints de démence de type Alzheimer répondent aux critères de diagnostic
pour dépression, tandis qu’un pourcentage encore plus élevé (43%) sont considérés comme
étant déprimés par leur famille. Une étude de suivi d’une durée de 4 ans effectuée par
Devanand et al en 1997 signale la présence fréquente et la stabilité longitudinale relative des
symptômes dépressifs sur une période de 4 ans, chez les patients atteints de la maladie
d’Alzheimer. Les symptômes dépressifs se manifestent tôt et persistent tout au long de la
maladie, à une fréquence de 20 à 25%. Le rapport entre l’accident vasculaire et la dépression a
également été très bien documenté, surtout dans le cadre du travail effectué par Robinson et
ses collègues, aux États-Unis. Il n’est donc pas surprenant que la dépression soit souvent
présente au cours de la démence vasculaire ou mixte. La dépression peut compliquer d’autres
types de démence, y compris la démence frontotemporale, la démence à corps de Lewy et la
démence de la maladie de Parkinson.
La dépression peut également ressembler à de la démence ou aggraver de façon
importante les difficultés cognitives dues à la démence. Cet état était auparavant nommé «
pseudo-démence dépressive ». Les maladies dépressives peuvent entraîner des problèmes
cognitifs importants. Par exemple, une mauvaise concentration est un symptôme répandu de la
dépression. Elle peut causer un mauvais enregistrement de l’information et une incapacité
ultérieure de retenir cette information, ce qui mène à des plaintes de « mauvaise mémoire ».
Une perte d’intérêt et une fatigue excessive peuvent également réduire la capacité du patient à
rechercher et à enregistrer l’information, ou à déployer les efforts nécessaires afin de réussir
des tests cognitifs. Environ 40% des personnes atteintes de « pseudo-démence »
développeront ultérieurement de la démence, ou de 9 à 25% par année (Alexopoulos et
Bajulaiye).
Des études récentes révèlent également que les personnes qui vivent un premier épisode
de dépression après 60 ans développent souvent de la démence. (Alexopoulos,1993).
Pour ces patients, la dépression peut être une première manifestation de la démence et des
changements cérébraux qui affectent les neurotransmetteurs, y compris ceux impliqués dans la
dépression.
Des symptômes d’anxiété se manifestent souvent au cours de la démence. Bien que nous
recherchions toujours des symptômes de dépression lors de la première apparition de
symptômes d’anxiété après 65 ans, nous devons également envisager la démence comme une
source possible de ces symptômes d’anxiété. Comme les symptômes de dépression, l’anxiété
affecte de façon importante la qualité de vie du patient et de ses soignants car l’ambiance
domestique peut être grandement influencée par ces symptômes pénibles. Il est donc
important de reconnaître et d’aborder les symptômes de l’humeur, d’autant plus que des
traitements efficaces et relativement sécuritaires sont disponibles pour les troubles anxieux et
dépressifs.
SCPD – Médecins de famille
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Points clés en matière de diagnostic et de traitement
La dépression non diagnostiquée et non traitée entraîne de la souffrance et une diminution de la
qualité de vie pour le patient et ses soignants. Les symptômes dépressifs peuvent entraîner un
déclin fonctionnel important, aggraver les problèmes cognitifs et causer une incapacité
excessive. De plus, les soignants sont souvent affectés par la baisse d’humeur et d’énergie du
patient et se sentent exagérément pessimistes au sujet de leur rôle. Ils risques grandement de
développer eux-mêmes une dépression. La dépression chez le patient et chez le soignant peut
mener à un placement prématuré.
Le suicide est une complication grave de la dépression et se manifeste chez les patients
atteints de démence. D’autres complications reliées à une dépression non traitée incluent une
aggravation des problèmes médicaux existants et une vulnérabilité à l’égard de nouveaux
problèmes tels que des infections et maladies cardiovasculaires.
L’une des raisons les plus importantes de diagnostiquer une dépression est le fait qu’elle peut
être traitée avec succès dans la majorité des cas, améliorant ainsi grandement la qualité de vie
du patient et de ses soignants.
SCPD – Médecins de famille
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Application du cadre de travail U.R.A.F. à l’égard des
symptômes de dépression et d’anxiété
COMPRÉHENSION/ÉVALUATION
(UNDERSTAND/ASSESS)
Quelles sont les principales préoccupations?
Qu’est-ce qui a changé?
Quelles sont les craintes/attentes/compréhension du
soignant?
Quels sont les facteurs contributifs?
RÉFLEXION (REFLECT)
Quelle est l’explication la plus plausible?
Quel est le contexte?
Pouvons-nous trouver un terrain d’entente?
Quelles sont les priorités?
Quels sont le risques/conséquences/urgences?
SUIVI (FOLLOW-UP)
INTERVENTION (ACTION)
Quand renouer avec le patient/la famille/d’autres
professionnels?
Qu’est-ce qui doit être fait dès
maintenant?
Qui fera quoi?
Qu’est-ce qui doit être
examiné/observé?
Qu’est-ce qui pourrait changer nos plans (signaux)
SCPD – Médecins de famille
Avec qui devrais-je collaborer?
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Compréhension/Évaluation (Understand/assess)
•
•
•
Quelles sont les principales préoccupations et qu’est-ce qui a changé?
Quelles sont les craintes/attentes/compréhension du soignant?
Quels sont les facteurs contributifs à ces changements?
Il se peut que le patient et/ou ses soignants consultent suite à l’apparition récente de
symptômes évidents de dépression, tels que tristesse, pleurs, énoncés suicidaires ou
plaintes d’anxiété. Il se peut également qu’ils demandent de l’aide à cause de l’atmosphère
qui règne à la maison (p. ex., les soignants peuvent ressentir de l’impuissance à prendre
soin du patient atteint de démence et demander un placement car ils se sentent démunis
devant les symptômes dépressifs et anxieux du patient). Les médecins jouent un rôle
important afin de susciter ces changements et d’évaluer les facteurs qui y ont contribué.
En général, les médecins organisent cette information de façon à obtenir un diagnostic
précis qui, en retour, suggère une démarche de traitement spécifique. Dans le cadre de
leur raisonnement clinique, les médecins font souvent appel au cadre de travail P.I.E.C.E.S.
afin :
• de déterminer des causes physiques possibles entraînant les nouveaux symptômes
• d’examiner l’impact des changements intellectuels et cognitifs de la démence sur
l’humeur
• de déterminer les troubles émotifs et de l’humeur qui peuvent réapparaître ou s’aggraver
• d’évaluer si les capacités du patient correspondent bien aux exigences de
l’environnement (une sous-utilisation peut entraîner de l’ennui, et de trop grandes
attentes peuvent mener à de la frustration, de l’anxiété et de la dépression)
• de déterminer les nouvelles tensions ou tensions continues dans l’environnement qui
peuvent causer de l’anxiété ou de la dépression, et
• d’examiner les antécédents psycho-sociaux du patient et de leur impact possible sur la
façon dont certains événements ou facteurs environnementaux peuvent être « altérés »
par des expériences passées.
Les critères diagnostiques de la dépression incluent une humeur dépressive ou une
perte d’intérêt, ainsi que 4 des symptômes ci-dessous durant au moins 2 semaines,
suffisamment graves afin d’altérer les fonctions et non clairement dus à des substances, à
une maladie ou à un deuil profond. Les symptômes incluent des troubles du sommeil, des
sentiments de culpabilité excessifs, une baisse d’énergie, des problèmes de concentration,
un changement de l’appétit, un retard psychomoteur ou de l’agitation et des pensées
suicidaires (ou préoccupation avec la mort). Étant donné qu’il arrive souvent que les
personnes âgées déprimées ne manifestent pas ou ne reconnaissent pas une humeur
dépressive comme faisant partie de leur dépression, on doit faire appel à un outil de
dépistage pour la dépression qui ne se fonde pas entièrement sur la présence d’une
humeur dépressive.
Un mnémonique pratique en matière de critères diagnostiques, qui peut également servir
d’outil de dépistage est l’acronyme anglais Sig: E Cap, qui couvre les mêmes symptômes
que les critères DSM sans mettre l’accent sur l’humeur triste/dépressive.
SCPD – Médecins de famille
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Sig: E Caps (Rx pour capsules d’énergie) Jenike, 1989.
• Sommeil (Sleep)
• Intérêt (Interest)
• Culpabilité (Guilt)
: (côlon, ou préoccupation avec une mauvaise digestion ou la constipation)
• Énergie (Energy)
• Concentration
• Appétit
• Retard psychomoteur ou agitation (Psychomotor retardation or agitation)
• Pensées suicidaires (Suicidal thoughts)
Les troubles du sommeil typiques qui accompagnent la dépression sont un réveil tôt le
matin, de fréquents réveils, de la fatigue ressentie au moment du réveil et le sentiment de
ne pas avoir dormi. La perte d’intérêt et l’isolation sociale dues à la dépression peuvent être
difficiles à distinguer de l’apathie et de l’isolation sociale dues à la démence, un exemple du
chevauchement des symptômes entre la démence et la dépression. Des sentiments de
culpabilité excessifs au sujet d’erreurs commises par le passé sont souvent exprimés par les
patients qui « ruminent au sujet du passé ».
Quoique cela ne fasse pas techniquement partie des critères de diagnostique DSM, des
cliniciens expérimentés recherchent également des symptômes reliés à la digestion
(ralentissement de la digestion et problèmes de constipation), en plus de la perte d’appétit
qui fait partie des critères diagnostiques. La plupart des personnes âgées déprimées se
plaignent d’une baisse de l’appétit, parfois de nausées ou d’une sensation de plénitude
aussitôt qu’ils commencent à manger.
Une baisse d’énergie et une fatigue excessive sont des plaintes répandues chez les
personnes âgées souffrant de dépression. Cependant, ces symptômes se distinguent de la
fatigue et de la perte d’énergie reliée à des problèmes médicaux co-morbides. Une
mauvaise concentration peut entraîner des plaintes de mauvaise mémoire et de difficulté à
retenir de la nouvelle information, même chez les individus qui ne sont pas atteints de
démence.
Il est particulièrement important de remarquer l’agitation psychomotrice, car cela peut mener
à des tentatives de suicide impulsives, même si le patient nient des intentions de suicide.
Des idées suicidaires, du moins le désir passif de mourir, sont très fréquents lors de
dépression gériatrique.
Étant donné les taux de suicide élevés, surtout chez les hommes de plus de 75 ans, il est
important d’évaluer de façon appropriée le risque de suicide chez les patients âgés
déprimés.
La présence de 5 des symptômes ci-dessus pendant plus de 2 semaines indique
habituellement la présence d’une dépression majeure ou d’une dépression exigeant un
traitement spécifique (autre que des mesures de soutien), à moins que des problèmes
médicaux puissent facilement expliquer les symptômes.
SCPD – Médecins de famille
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La démarche Sig E Caps a également été enseignée à d’autres professionnels des soins de
la santé dans le cadre de la stratégie de l’Ontario à l’égard de la maladie d’Alzheimer et de
la démence qui y est reliée; il se peut donc que vos collègues fassent référence à cet outil
de dépistage. (Réf. développée par le Dr Carey Cross et signalée par Jenike, M. (1989)
dans : « Geriatric psychiatry and Psychopharmacology: A clinical approach. » P.36.
Chicago: Yearbook Publishers, Inc.)
La dépression est sous-reconnue et sous-diagnostiquée chez les personnes âgées, qu’elle
soit accompagnée de démence ou qu’elle la précède. Quoique les personnes âgées
manifestent habituellement les mêmes symptômes cliniques que les adultes plus jeunes,
l’accent sur certains symptômes et sur les plaintes initiales est souvent différent. Par
exemple, les patients ont tendance à se plaindre tout d’abord de changements physiques
dus à la dépression : baisse d’énergie, fatigue excessive, baisse de l’appétit et problèmes
de digestion et/ou perte de poids. Il se peut que l’humeur dépressive ne se manifeste pas
tout de suite, et qu’elle se manifeste seulement à la suite de ces plaintes physiques que les
patients trouvent « déprimantes ». Il arrive souvent que les patients déclarent à leur
médecin : « Ne seriez-vous pas déprimé si vous vous sentiez trop fatigué pour faire quoi
que ce soit, si vous aviez des problèmes de digestion, etc. et que personne ne peut
déterminer la cause de tous ces problèmes? »
Étant donné la forte probabilité qu’un problème médical soit la cause des symptômes
dépressifs chez les personnes âgées, des examens médicaux sont nécessaires afin
d’éliminer des états médicaux répandus tels que l’anémie, l’hypothyroïdie, des accidents
vasculaires et/ou des malignités comment étant des causes possibles de leurs plaintes
initiales. Il est également utile d’examiner les antécédents médicaux, y compris des
médicaments récemment prescrits et qui peuvent causer des symptômes dépressifs. Nous
devons toutefois veiller à ce que ces examens nécessaires ne retardent pas indûment le
diagnostic de dépression. Des symptômes dépressifs peuvent également être faussement
attribués au « processus de vieillissement », par le patient, les membres de sa famille ou
des professionnels de la santé.
Les médecins de famille doivent avoir un indice de suspicion élevé à l’égard de la
dépression et de la possibilité de démence précoce chez des patients âgés qui manifestent
des douleurs inexpliquées, des problèmes digestifs et de la fatigue ou qui semblent
s’être transformés en « hypochondriaques » à un âge avancé. Ce sont également les
patients que les médecins craignent le plus d’apercevoir inscrits sur la liste des rendez-vous
de la journée. Il s’agit d’une présentation initiale répandue de la dépression chez les
personnes âgées, que la démence ait été diagnostiquée ou non.
Une autre demande initiale répandue de la part de patients déprimés consiste à obtenir une
ordonnance pour « calmer leurs nerfs » ou les aider à dormir.
Une apparition à un âge avancé (après 60 ans) de troubles anxieux (y compris la panique,
le trouble obsessivo-compulsif et des troubles anxieux généralisés) est habituellement
due à un problème médical (y compris la démence) ou à la dépression. La plupart des
patients âgés souffrant de dépression majeure se plaignent d’une humeur anxieuse.
L’anxiété qui est plus prononcée le matin ou qui est reliée à un réveil tôt le matin et/ou à une
attitude axée sur le passé (plutôt qu’une crainte de l’avenir) est habituellement due à la
dépression.
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Une autre présentation clinique de la dépression est le « trouble de la personnalité à
apparition tardive », alors que la personne atteinte de dépression devient trop dépendante
et/ou indécise, trop critique à l’égard des autres et égocentrique. Quoique ces
changements de personnalité puissent se manifester lors de la démence, ils sont également
reliés à des épisodes dépressifs majeurs. Dans ce cas, le conjoint ou le soignant signale
habituellement les changements de personnalité.
La dépression peut également se présenter sous forme de « pseudo-démence « ou une
démence s’aggravant rapidement. Voici les différences cliniques entre la pseudodémence dépressive et la maladie d’Alzheimer.
Au début de la démence, on peut soupçonner une dépression si les éléments
suivants se manifestent :
• Apparition relativement bien définie de plaintes cognitives ou une aggravation
subaigüe en l’absence de délire ou d’accident vasculaire
• Détresse chez le patient, qui est trop pessimiste ou désespéré
• Changements cognitifs irréguliers, inhabituels ou fluctuants
• Patient soulignant des déficits ou problèmes et/ou obtient de meilleurs résultats que
prévu lors de tests cognitifs
• Patient manifestant de la fatigue et « ne connaît pas les réponses » lors de tests
cognitifs
Les changements cognitifs sont habituellement très subtils au début de la maladie
d’Alzheimer. À cause de l’apparition insidieuse de difficultés cognitives lors de la maladie
d’Alzheimer, les patients et les membres de leur famille ont de la difficulté à préciser le
moment où les problèmes ont débuté. Chez certains patients, la dysphorie, ou une forme
peu sévère d’humeur dépressive peut être présente tout au long de la démence; des études
sur les inhibiteurs de la cholinestérase indiquent que ces symptômes dépressifs légers
s’améliorent souvent lors du traitement de la démence. L’apparition de changements
cognitifs dus à la dépression sont plus faciles à identifier : les plaintes peuvent survenir à la
suite d’une perte ou d’un stress important, ou être reliées à de soudains changements du
sommeil, de l’appétit et de l’énergie.
La plupart des cliniciens et des membres des familles peuvent remarquer l’humeur
dépressive, l’anxiété ou le désespoir qui se manifestent lors d’une dépression, même
lorsque les patients nient se sentir déprimés. Les cliniciens doivent également soupçonner
une dépression lorsque les patients leur communiquent des sentiments de fatigue ou de
pessimisme extrême, car ces sentiments peuvent être causés par la communication non
verbale d’un patient déprimé plutôt que par la gravité des problèmes médicaux.
Lors de pseudo-démence dépressive, les patients peuvent présenter des problèmes
cognitifs inhabituels, irréguliers ou fluctuants (p. ex., le matin à cause de variation diurne
dépressive).
Lors de la maladie d’Alzheimer, la famille ou le soignant signale habituellement les
problèmes cognitifs. Lors de pseudo-démence dépressive, il est plus probable que ce soit
le patient qui se plaigne de problèmes cognitifs et de craintes d’être atteint de la maladie
d’Alzheimer. Les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ont généralement tendance à
minimiser leurs déficits cognitifs lorsqu’on leur demande s’ils éprouvent des problèmes de
mémoire.
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Lors de tests cognitifs, les patients déprimés répondent souvent « Je ne sais pas ».
Lorsqu’on les encourage à faire un effort, ils obtiennent souvent de meilleurs résultats que
prévu. Les patients déprimés peuvent également sembler très fatigués lors de tests
cognitifs, à cause d’un niveau d’énergie peu élevé. Les patients atteints de démence
peuvent paniquer et manifester une réaction catastrophique durant le test, ou plus
probablement, être en mesure de consentir un bon effort malgré leurs difficultés.
Lors de démence plus avancée, on peut soupçonner une dépression si les éléments
suivants se manifestent :
• Famille ou soignant signalant un arrêt des activités préférées jusqu’à récemment
(même lorsqu’une activité est initiée) et/ou une variation diurne (pire le matin)
• Présence d’une humeur négative persistante, telle que l’irritabilité, la tristesse ou la
résistance aux soins
• Demandes d’aide persistantes
• Antécédents de dépression
• Famille ou soignant se sentant déprimé, découragé ou fatigué après avoir passé du
temps avec le patient
Une baisse de la participation à des activités peut être due à de l’apathie et à un manque
d’initiative causées par la démence, ou à une perte d’intérêt causé par la dépression.
Lorsque la famille ou le soignant signale un arrêt des activités préférées du patient, il est
important de vérifier si le patient peut encore s’adonner à ces activités et en profiter
lorsqu’elles sont initiées pour lui. Ceci peut indiquer une dysfonction du lobe frontal plutôt
qu’une dépression. On doit soupçonner une dépression lorsque le patient n’est plus
intéressé par les activités qu’il préférait auparavant, même lorsqu’elles sont initiées
par d’autres.
Lors de la démence avancée, il est possible que le patient ne soit pas en mesure de
signaler une baisse de son humeur. Il est important de noter une irritabilité persistante, la
colère ou une autre manifestation d’humeur négative, surtout lorsque cela est inhabituel, et
de le signaler au clinicien car cela peut signaler un épisode dépressif. Dans ce contexte, la
dépression peut mener à une perturbation du comportement telle que l’agressivité à
l’égard des soins personnels et ce comportement devient le centre d’attention. Des
symptômes correspondant à la liste de dépistage SIG:E CAPS, tels que perte de poids,
troubles du sommeil, changements psychomoteurs, confirment habituellement un état
dépressif et permettent au clinicien de planifier un traitement avec les plus grandes
probabilités de succès.
On estime que certains patients atteints de démence avancée, et qui répètent sans cesse
des phrases telles que « aidez-moi, aidez-moi » ou « s’il-vous-plaît, s’il-vous-plaît, s’ilvous-plaît » peuvent souffrir de dépression. Ici encore, la liste de contrôle SIG:E CAPS
peut aider à dresser une liste de symptômes cible à des fins de traitement avec un
antidépresseur. Des antécédents de dépression doivent alerter les cliniciens au sujet de la
possibilité d’un épisode récurrent. Lors de la démence avancée, il est surtout important
d’obtenir les observations de la famille ou du soignant au sujet d’énoncés ou de symptômes
dépressifs, et d’examiner de façon approfondie les antécédents de troubles dépressifs ou
anxieux.
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Il arrive que les patients atteints de démence ne puissent indiquer de façon exacte la durée,
la fréquence ou la gravité de leurs symptômes dépressifs. La plupart des patients
accordent volontiers la permission de contacter un membre de la famille. Dans les cas de
démence plus avancée, une personne est habituellement désignée afin de prendre des
décisions.
Il est essentiel de demander à un membre de la famille qui vit avec le patient ou qui le
voit fréquemment de communiquer ses observations sur la présence ou l’absence de
symptômes dépressifs, en faisant appel aux critères Sig: E Caps ou à l’échelle de Cornell
en matière de dépression et de démence, qui tient compte des observations d’un soignant.
Cette échelle a été publiée par Alexopoulos et al dans l’ouvrage Biological Psychiatry en
1988.
En dernier lieu, un indice important de dépression est la façon dont nous, en tant que
médecins, nous sentons en présence de personnes déprimées. Il se peut que nous
ressentions de la fatigue ou un pessimisme extrême, de l’anxiété ou de l’agitation pour
aucune raison apparente. Ceci est habituellement dû à la communication non verbale du
patient, qui nous donne un aperçu de ce qu’il ressent au cours d’un épisode dépressif.
Quelles sont les conséquences ou les risques de ces symptômes d’anxiété ou de
dépression s’ils ne sont pas traités?
Les symptômes dépressifs graves peuvent mener au suicide et à un décès prématuré. De
façon tout aussi importante, les symptômes continus de dépression et d’anxiété entraînent de la
souffrance et affectent la qualité de vie du patient et de ses soignants, ce qui peut mener à un
placement précoce, un pessimisme exagéré et parfois de l’irritabilité chez les soignants. En
retour, ceci peut affecter la qualité des soins, laissant ainsi les soignants avec le sentiment
d’être inadéquats ou frustrés.
Réflexion (Reflect)
•
•
•
•
Quelle est l’explication la plus plausible pour ces symptômes de
dépression et d’anxiété?
Quel est le contexte?
Pouvons-nous trouver un terrain d’entente?
Quelles sont les priorités?
Au cours des années, les médecins de famille recueillent habituellement beaucoup
d’information au sujet du patient et de ses soignants. Des questions additionnelles, un examen
et des enquêtes aident à établir un diagnostic de travail pour les plus récents changements ou
symptômes et offrent la possibilité d’envisager un diagnostic différentiel. Ces enquêtes sont
guidées par un processus de réflexion qui tient compte des connaissances recueillies au sujet
des antécédents du patient, et une évaluation soignée des facteurs pouvant contribuer aux
symptômes actuels. Ceci forme ensuite la base d’un plan d’action pour une plainte ou un
symptôme spécifique. Certains patients en soins de longue durée sont moins connus, et les
médecins de famille, membres de la famille et prestataires de soins de longue durée sont alors
des sources importantes d’information.
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Interventions (Actions)
Traitement de la dépression accompagnant la démence
Les risques reliés à un traitement soigneusement sélectionné sont minimes par rapport aux
risques d’une dépression non traitée, en termes de suicide, d’aggravation des difficultés
cognitives, de déclin fonctionnel et de complications médicales.
Afin de traiter une dépression avec succès, il est essentiel d’établir une alliance thérapeutique
avec le patient et sa famille ou ses soignants, afin de favoriser la conformité à l’égard du
traitement recommandé.
Des interventions thérapeutiques de soutien impliquent de rappeler au patient ses
réalisations précédentes et de l’amener à se concentrer sur ses talents et/ou sur les aspects
positifs de sa vie. Il est tout aussi important de lui inculquer de l’espoir et de lui rappeler que
ses symptômes dépressifs s’amélioreront avec le traitement et avec le temps, afin de prévenir
le découragement et les gestes suicidaires.
Il est également important d’encourager suffisamment d’activité physique afin de prévenir
une pneumonie et un déconditionnement sévère qui peuvent facilement découler d’une
dépression lorsqu’un patient demeure alité ou étendu sur un divan à cause de la fatigue et d’un
manque d’énergie. Il est également essentiel de maintenir une nutrition appropriée, surtout
si la perte d’appétit est importante : envisager de faire appel à des suppléments vitaminiques à
des repas plus petits et plus fréquents. L’isolation complète et la perte de contact social mènent
habituellement à une baisse d’estime de soi et à des craintes d’être abandonné : il est donc
important d’encourager les patients à maintenir le contact du moins avec quelques
personnes et d’encourager des membres de la famille à visiter le patient.
Pour terminer, lorsque les symptômes dépressifs ne reflètent pas clairement un épisode
dépressif important mais semblent être le résultat du début de la démence, on peut
envisager d’optimiser tout d’abord le traitement de la démence. L’un des avantages
importants des inhibiteurs de la cholinestérase est l’amélioration des symptômes tels que
l’apathie, l’agitation et l’humeur dépressive.
Une autre stratégie de traitement importante consiste à aborder la présence de sentiments
de culpabilité. Les patients ont tendance à se sentir coupables d’être un fardeau pour leurs
soignants ou de ne pas faire leur part, de se sentir irritables ou ingrats. Les membres de la
famille ont tendance à se sentir coupables d’être impatients, de ne pas avoir reconnu la
présence de la dépression au départ, d’être trop « durs » à l’égard du patient, ou de ne pas
réussir à le protéger contre les contraintes ou les mauvaises nouvelles. Il est important de
rappeler aux patients et aux familles que personne n’est à blâmer et qu’il est préférable de
consacrer son énergie à des activités plus positives.
On doit rappeler souvent aux patients, aux familles et aux prestataires de soins que les
symptômes dépressifs s’amélioreront ou disparaîtront au bout de 6 à 8 semaines de traitement
mais qu’une amélioration clinique se manifestera lentement. Nous devons les encourager à
poursuivre le traitement même lorsque les améliorations sont lentes à venir, afin d’éviter une
interruption prématurée du traitement. La dépression est « contagieuse » : il est normal de se
sentir quelque peu pessimiste, déprimé et fatigué en présence de quelqu’un qui souffre de
dépression. Il est cependant important de reconnaître que la situation n’est ni désespérée, ni
permanente et qu’elle s’améliorera avec le traitement.
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En reconnaissant qu’il est difficile de passer de longues périodes ou de vivre avec quelqu’un
atteint de dépression, on doit encourager les soignants à prendre du temps pour euxmêmes afin de « recharger leurs batteries » afin d’être en mesure de poursuivre leur rôle de
soignant en évitant l’épuisement.
Quand doit-on faire appel à des antidépresseurs afin de traiter des patients déprimés et
atteints de démence?
En présence des critères de dépression majeure DSM-IV, les lignes directrices récemment
publiées sur le traitement de la dépression par la Canadian Coalition for Seniors’ Mental Health
recommandent d’ajouter des antidépresseurs aux interventions psychothérapeutiques de
soutien décrites ci-dessus.
En présence de symptômes neuro-végétatifs précis de dépression, tels que diminution de
l’appétit, perte de poids, insomnie, variation diurne (pire le matin), agitation, même lorsque le
nombre de symptômes dépressifs est moindre que le nombre requis afin de répondre aux
critères de dépression majeure DSM IV, les médecins doivent envisager un essai attentif
d’antidépresseurs car cela présente moins de risques que de ne pas traiter la dépression.
Pour une dépression mineure et des troubles d’ajustement avec humeur dépressive, un
traitement non-pharmacologique est tout d’abord recommandé. Cependant, si une démarche
non-pharmacologique échoue et que les symptômes dépressifs s’aggravent, un essai attentif
d’antidépresseurs doit également être envisagé.
Sélectionner le meilleur traitement
Le type de dépression est important dans le cadre de la sélection du traitement. Nous
envisageons habituellement e 4 types de dépression, même chez les patients atteints de
démence :
1. Épisode de dépression majeur, alors qu’une combinaison d’antidépresseurs et
d’interventions psychothérapeutiques de soutien représente le traitement de choix.
2. Dépression psychotique, alors que le patient manifeste des idées délirantes
congruentes à l'humeur ou des symptômes psychotiques clairs dus à la dépression. La
thérapie électroconvulsive est habituellement le traitement de choix pour la dépression
psychotique, car c’est un traitement beaucoup plus efficace et rapide que le traitement
de second choix : une combinaison d’antidépresseurs et d’antipsychotiques.
3. Épisode dépressif de maladie bipolaire, alors que nous faisons tout d’abord appel à
un régulateur de l’humeur, pour ensuite ajouter un antidépresseur si le régulateur de
l’humeur n’élimine pas les symptômes dépressifs. Sans un régulateur de l’humeur, le
risque de précipiter un épisode maniaque est élevé.
4. Dysthymie ou dépression chronique, avec moins de symptômes que ceux requis
pour diagnostiquer un épisode de dépression majeur. Pour cette maladie, des
interventions psychothérapeutique spécifiques peuvent être nécessaires (au-delà des
interventions de soutien), quoique de récentes études suggèrent qu’un traitement avec
antidépresseurs seulement peut être plus efficace afin d’apporter une amélioration
importante et soutenue des symptômes dépressifs. Cliniquement, nous voyons souvent
des patients qui semblent être atteints de dysthymie mais qui en fait subisse un épisode
dépressif majeur partiellement amélioré grâce à un traitement. Dans le cas d’une telle «
dépression partiellement traitée », et pour les patients qui ont déjà été traités pour une
dépression, il est important d’examiner leur réaction à un traitement précédent.
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Si un antidépresseur en particulier leur a été bénéfique, on doit envisager d’y faire appel
à nouveau, à condition que cela demeure un choix raisonnable en présence de la
démence.
En plus de tenir compte du type de dépression, il est également essentiel de tenir compte de
la réaction à un traitement précédent avant de mettre au point notre choix de traitement.
Nous évitons les antidépresseurs qui ont clairement entraîné des effets secondaires ou qui
n’ont pas réussi à éliminer les symptômes dépressifs malgré un « bon essai thérapeutique »
(minimum de 4 semaines avec la dose maximum tolérée ou recommandée de CPS).
En présence de démence, nous évitons des modalités thérapeutiques qui rappellent au
patient ses problèmes cognitifs ou qui augmentent indûment son niveau d’anxiété.
Des psychothérapies spécifiques telles que la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) ou la
psychothérapie interpersonnelle (PIP) qui sont appropriées au traitement de la dépression
gériatrique exigent un fonctionnement cognitif relativement intact, y compris la capacité de
suivre des événements récents et de démontrer des aptitudes de bon raisonnement et de
résolution de problèmes. Ces psychothérapies ont donc une valeur limitée à moins que les
déficits cognitifs du patient soient très légers. De façon similaire, une psychothérapie
dynamique orientée sur la compréhension de soi, qui examine les conflits profondément
enracinés et qui augmente le niveau d’anxiété aura probablement pour effet d’aggraver la
dépression d’une personne atteinte de démence. Cependant, des études suggèrent que la
thérapie de réminiscence et l’intervention psychothérapeutique de soutien qui renforce l’estime
de soi peuvent être plus utiles dans le traitement de personnes déprimées atteintes de
démence (réf. : lignes directrices CCMHS). Une autre question importante est le besoin de
choisir un médicament qui est le moins susceptible d’aggraver les difficultés cognitives
du patient.
On doit ensuite tenir compte de problèmes médicaux concurrents, autres que la
démence. Certains antidépresseurs sont plus ou moins susceptibles d’aggraver ces
problèmes. Par exemple, en présence d’hypertension « difficile à contrôler », la venlafaxine ne
serait pas le premier choix étant donné qu’à des doses plus élevées, ce médicament peut
augmenter la pression artérielle. Pour les patients à risque élevé de crises épileptiques, le
bupropion n’est habituellement pas notre premier choix car il est plus susceptible d’abaisser le
seuil épileptogène que d’autres antidépresseurs.
On doit également tenir compte des interactions entre médicaments étant donné que la
majorité des patients prennent également d’autres médicaments afin de traiter différents
problèmes médicaux, y compris des inhibiteurs de la cholinestérase. Les antidépresseurs qui
inhibitent l’enzyme cytochrome P450 2D6 et 3A4 (fluoxétine, paroxétine et fluvoxamine)
peuvent interagir avec les inhibiteurs de la cholinestérase donepezil (Aricept) et galantamine
(Reminyl) (Réf. : Clinical handbook of Psychotropic Drugs, 12e édition, Bezchlibnyk-Butler & J.
Jeffries, pages 168-169). Nous évitons également les antidépresseurs qui ont une très longue
demi-vie d'élimination, tel que fluoxétine (Prozac), afin d’éviter les effets secondaires prolongés
ou les interactions médicamenteuses indésirables.
Bien que les benzodiazépines soient parfois utilisés lors du traitement initial de la dépression
chez des personnes déprimées plus jeunes et cognitivement intactes, il est important de se
rappeler que les benzodiazépines, tel que l’alcool, peuvent entraîner des problèmes de
mémoire importants et affaiblir le jugement en plus de contribuer à des chutes (par le biais de
l’ataxie) chez les aînés.
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Nous recommandons d’éviter les benzodiazépines et l’alcool en présence de démence.
Lorsque des patients prennent des benzodiazépines depuis longtemps, il est important de les
diminuer lentement, après avoir commencé un traitement avec un antidépresseur, en se
rappelant que la traitement présentement recommandé pour les troubles anxieux est l’usage
d’antidépresseurs, particulièrement les inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine.
Dans le même ordre d’idées, il est important d’éviter d’utiliser plusieurs médicaments pour
traiter des symptômes. Quoique des patients puissent demande des sédatifs hypnotiques
non barbituriques pour leurs troubles du sommeil, des anxiolytiques parce qu’ils se sentent
anxieux et/ou des stimulants afin d’améliorer leur niveau d’énergie, il est important d’expliquer
qu’un to essai adéquat d’un antidépresseur aura pour effet de contrôler tous les
symptômes, tandis que l’usage de médicaments qui traitent des symptômes précis rend
difficile la tâche d’atteindre une dose adéquate d’antidépresseur (interactions médicamenteuses
et effets secondaires), un traitement plus sécuritaire et prolongé de ces symptômes.
En dernier lieu, étant donné les déficits cholinergiques importants de la maladie d’Alzheimer,
combinaison de maladie d’Alzheimer/démence vasculaire ou la démence à corps de Lewy, il est
important de sélectionner des antidépresseurs avec de faibles propriétés anticholinergiques qui sont le moins susceptibles d’aggraver le déficit cholinergique de ces
démences. On sait depuis longtemps que les antidépresseurs tricycliques ont des propriétés
anti-cholinergiques importantes, plus particulièrement les amines tertiaires (amitriptyline,
imipramine, doxépine, etc).
Selon l’ouvrage Clinical Handbook of Psychotropic Drugs, 12e édition, les inhibiteurs spécifiques
du recaptage de la sérotonine, bien qu’ils aient généralement moins de propriétés anticholinergiques que les antidépresseurs tricycliques, peuvent également avoir des propriétés
anti-cholinergiques importantes. Par exemple, la paroxétine possède au moins autant, sinon
plus, d’activité anti-cholinergique que la désipramine, l’antidépresseur tricyclique le moins anticholinergique. Les antidépresseurs présentement disponibles qui semblent avoir les propriétés
anti-cholinergiques les moins importantes, incluent le citalopram (Celexa) et l’escitalopram
(Cipralex), la venlafaxine (Effexor), le bupropion (Welbutrin) et la moclobémide (Manerix). La
mirtazapine (Remeron) et la sertraline (Zoloft) ont de légères propriétés anti-cholinergiques.
Traitements de première ligne répandus
Le citalopram, l’escitalopram, la venlafaxine, la moclobémide, le bupropion, la sertraline et la
mirtazapine ont des propriétés anti-cholinergiques relativement légères et ont relativement peu
d’interactions avec les médicaments que nos patients sont susceptibles de prendre. Nous
recommandons aux médecins de famille de continuer à vérifier les interactions
médicamenteuses lorsqu’ils prescrivent l’un des antidépresseurs ci-dessus. Les
pharmaciens au sein de la communauté ou opérant à partir d’un hôpital se font souvent un
plaisir de donner un coup de main, car ils ont habituellement un programme à jour sur les
interactions médicamenteuses. Plusieurs programmes sur les interactions médicamenteuses
sont également disponibles sur Palm Pilot ou ordinateurs numériques personnels.
Les effets secondaires à surveiller chez les aînés sont : maux de tête, nausées et troubles
gastrointestinaux, particulièrement au début du traitement. Il est également important de
se rappeler que tous les antidépresseurs, et plus particulièrement les inhibiteurs spécifiques du
recaptage de la sérotonine peuvent causer de l’hyponatrémie, surtout chez les aînés qui
prennent d’autres médicaments (tels que des diurétiques), ce qui les prédisposent à cette
complication. On doit vérifier les électrolytes au début et au cours du traitement, si le
médicament semble être mal toléré ou inefficace.
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De plus, avec la venlafaxine et le bupropion, on doit habituellement surveiller la pression
artérielle lors des visites de suivi, particulièrement lorsque des doses plus élevées sont
prescrites (p. ex., plus de 150 mg par jour pour la venlafaxine). La moclobémide présente un
léger désavantage : elle doit être prise deux fois par jour. Le bupropion est également prescrit
en doses réparties afin de diminuer les risques de crises épileptiques.
Étant donné la courbe de la relation dose-effet en forme de cloche pour les patients
gériatriques, nous devons garder à l’esprit que certains patients tolèrent et exigent
seulement une faible dose afin de se sentir mieux, tandis que certains patients ont
besoin de doses plus élevées que la moyenne afin d’obtenir une réaction thérapeutique.
Une dose moyenne prescrite au début représente une surdose relative pour les patients qui
réagissent à de faibles doses, et entraînerait probablement des effets secondaires
problématiques et une mauvaise conformité. Dans le même ordre d’esprit, le fait de ne pas
augmenter la dose afin de réaliser un véritable essai thérapeutique entraîne plusieurs échecs
de traitement.
Comme pour le traitement du diabète, le traitement de la dépression exige un titrage et le
contrôle de la relation dose-effet pendant plusieurs semaines avant d’obtenir une rémission
complète des symptômes dépressifs. Il est donc important de documenter les symptômes
cibles et les symptômes qui peuvent être mépris plus tard pour des effets secondaires, au début
du traitement. Par exemple, la plupart des patients manifestent des maux de tête occasionnels
ou peuvent décrire une perte d’appétit ou des nausées au cours de leur dépression. Seule une
plus grande fréquence des maux de tête ou une aggravation importante des nausées indiquent
donc des effets secondaires des médicaments.
Lorsque des effets secondaires soutenus se manifestent, il est important d’essayer de
maintenir cette dose, ou une dose légèrement plus basse, pendant au moins 4 semaines
afin d’effectuer un essai adéquat. En l’absence d’une amélioration clinique, un essai
adéquat est donc défini comme étant d’une durée minimum de 4 semaines à la dose
maximum tolérée ou recommandée dans le CPS. S’il y a une amélioration partielle, l’essai
est prolongé à 8 semaines à la dose maximum tolérée ou recommandée avant qu’un
changement de traitement ne soit envisagé.
Suivi (Follow-up)
Durée du traitement
Il n’existe aucune preuve spécifique indiquant combien de temps doit durer un traitement avec
un antidépresseur, lorsque la dépression a été traitée avec succès dans le contexte de la
démence. Les données ci-dessous résument ce qui est recommandé pour les aînés.
Les psychiatres britanniques recommandent 2 ans. Les Américains recommandent 1 an après
une rémission complète des symptômes (ce qui prend habituellement au moins 3 mois) et une
diminution progressive au cours de quelques mois avant l’interruption.
Si les symptômes dépressifs réapparaissent, nous recommandons de retourner à une dose
complète pendant au moins 2 ans, ou de maintenir l’antidépresseur indéfiniment, en gardant à
l’esprit le fait que les risques d’un traitement prolongé avec un antidépresseur
anticholinergique léger soigneusement sélectionné sont minimes par comparaison aux
risques associés à une rechute ou une récurrence de la dépression.
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Chez le patient atteint de démence, il est important de noter que la présentation d’épisodes
dépressifs peut changer au fur et à mesure que la démence progresse. Les antécédents reliés
aux épisodes précédents sont des données importantes à retenir si les antidépresseurs sont
interrompus et si un épisode de détresse se manifeste à un moment donné au cours de la
démence.
Quand orienter le patient vers des services psychiatriques ou de santé mentale
Une orientation du patient vers des services psychiatriques ou de santé mentale gériatrique est
particulièrement importante lorsque la thérapie électroconvulsive devient nécessaire, par
exemple afin de traiter une dépression psychotique, une dépression agitante sévère ou une
dépression réfractaire à des tentatives de traitement sévère.
Les services de santé mentale gériatrique se font habituellement un plaisir d’aider les équipes
de soins primaires pour les patients qui doivent prendre du lithium, car un contrôle serré est
requis afin d’assurer un usage sécuritaire. Les services psychiatriques peuvent également
aider à clarifier un diagnostic lorsque les opinions sont divergentes parmi les membres de
l’équipe de soins au sujet de la présence d’une dépression.
Étude de cas typique, appliquant le cadre de travail U.R.A.F.
Mary, l’épouse de 78 ans d’un collègue à la retraite, est votre patiente depuis 20 ans. Elle
habite à la maison avec son mari. Les trois enfants du couple sont mariés et habitent dans
d’autres régions du pays, en gardant le contact par téléphone et par des visites occasionnelles.
Mary est relativement en santé, sauf en ce qui a trait à un problème d’hypertension et d’arthrose
légère. Elle prend du Ramipril pour son hypertension et de l’acétaminophène à libération
prolongée le matin et au coucher pour son arthrite, avec de courtes périodes de traitement avec
un inhibiteur Cox-2. Elle ne fume pas et ne consomme pas d’alcool, car elle a des «
antécédents catholiques stricts ».
Elle vient vous consulter car elle se sent plus anxieuse dernièrement. Elle vous explique que
son mari lui a prescrit de l’Ativan (lorazépam) au cours de votre absence le mois dernier, et que
bien qu’elle en prenne deux fois par jour, elle se sent toujours très anxieuse. Cette anxiété a
débuté graduellement au cours de plusieurs mois, mais elle s’aggrave; le mois dernier, elle a
éprouvé plus de difficulté à dormir et a connu des périodes de panique au point d’éprouver de la
difficulté à respirer. Bien que l’Ativan l’aide lors de ses attaques de panique, elle demeure
nerveuse et peu sûre d’elle-même. Elle ajoute que son mari se plaint qu’elle se répète.
Ceci semble être un changement important pour Mary. Elle a toujours été une personne sûre
d’elle-même et bien organisée qui prenait soin des enfants et offrait de l’aide à son mari dans le
cadre de sa pratique médicale. Elle éprouve maintenant de la difficulté à maintenir ses activités
et intérêts. Par exemple, elle a annulé certains matches de bridge car elle éprouve de la
difficulté à se concentrer et estime qu’elle n’est pas un bon partenaire de jeu étant donné qu’elle
ne se souvient pas des cartes qui ont été jouées; elle sent également qu’elle néglige ses tâches
ménagères à cause de son manque d’énergie et de sa nervosité.
Elle estime qu’elle échoue dans son rôle de maîtresse de maison. Elle éprouve de la difficulté à
organiser les repas et à faire la cuisine étant donné qu’elle perd l’appétit. Elle s’inquiète que
l’Ativan ne soit pas aussi efficace qu’elle l’avait espéré et hésite à le dire à son mari. Elle se
demande si vous allez être vexé du fait que son mari lui a prescrit ce médicament sans vous
demander votre opinion.
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1. Comprendre ce qui a changé et ce qui a contribué à ces changements
(Understanding)
Vous n’aviez pas prévu ce nouveau problème avec Mary. Elle s’est présentée aujourd’hui
pour sa « visite annuelle » et vous n’avez que quelques minutes afin d’essayer de
comprendre ce qui cause son anxiété. Vous l’interrogez au sujet de facteurs possibles mais
Mary ne signale aucun événement stressant ou troublant ayant mené à ce problème
d’anxiété. Vous savez que de nouvelles plaintes d’anxiété peuvent découler de situations
stressantes, d’une dépression ou d’un nouveau problème médical y compris la démence.
Vous notez rapidement les Sig: E Caps et vous vous rendez compte qu’elle a signalé des
difficultés à dormir, une baisse d’intérêt et d’énergie, des sentiments de culpabilité et
d’échec, une baisse de sa concentration et de son appétit.
Ses attaques de panique peuvent représenter des périodes d’agitation et vous supposez
que ses symptômes étaient assez pénibles pour son mari pour qu’il décide de lui prescrire
tout de suite un médicament, plutôt que d’attendre votre retour.... Elle semble présenter au
moins 6 symptômes de dépression, depuis plus d’un mois, ce qui peut indiquer une
dépression possible. Vous devez évaluer rapidement les risques reliés à cette dépression
et prendre des dispositions afin de déterminer si un nouveau problème médical peut être
responsable de ces symptômes.
Vous demandez à Mary si elle a vécu des périodes de découragement au point de souhaiter
mourir. Elle vous assure qu’elle ne songe pas à mourir et qu’elle sait que vous pouvez
probablement l’aider avec son état actuel. Elle est prête à tout faire afin de se sentir mieux
car elle est impatiente d’être en mesure de prendre soin de son foyer et de son mari.
2. Réflexion (Reflection)
Pourquoi les symptômes de Mary ont-ils poussé son mari à lui prescrire de l’Ativan sans
d’abord vous contacter? Est-il troublé au point de se comporter de façon non
caractéristique? A-t-il honte ou craint-il que sa femme souffre d’un « problème mental »?
Est-il en mesure de déterminer que ses symptômes peuvent être causés par une
dépression? Craint-il que sa dysfonction indique des signes précurseurs de démence?
Vous devez répondre à ces questions afin d’obtenir son appui pour Mary et pour le
traitement avec antidépresseur que vous désirez recommander si les examens physiques
ne révèlent rien d’anormal. Vous vous demandez également comment Mary peut avoir
développé une dépression à un âge aussi avancé? Cela annonce-t-il une démence? Elle
est atteinte d’hypertension qui est un facteur de risque vasculaire... Vous ne serez pas en
mesure de déterminer s’il s’agit de démence pendant qu’elle prend de l’Ativan ou se débat
avec les changements cognitifs de la dépression; vous devrez donc attendre avant
d’aborder cette possibilité, mais vous le noter dans son dossier.
3. Intervention (Action)
Vous examinez Mary et vous ne trouvez aucun changement physique autre que sa pression
artérielle étant légèrement plus élevée qu’à l’habitude.
Quelles devraient être vos interventions à cette étape-ci?
Vous devez vous assurer qu’il n’y a aucun nouveau problème médical tel qu’anémie,
perturbation de l'équilibre électrolytique, hypothyroïdie ou insuffisance rénale qui pourrait
expliquer ses symptômes actuels. Vous sentez que ses symptômes sont pénibles pour elle
et son mari et que la stratégie planifiée par son mari ne fonctionne pas. Vous devez obtenir
l’accord de Mary et de son mari (médecin) au sujet de la prochaine démarche de traitement,
et vous devez donc inclure son mari dans la prochaine visite.
SCPD – Médecins de famille
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Vous obtiendrez des données collatérales auprès de lui au sujet de problèmes cognitifs
possibles.
Vous prenez des dispositions pour : formule sanguine, électrolytes, TSH, azote uréique du
sang, créatinine et une autre visite dans 1 semaine afin d’examiner les résultats et le
problème de plus près. Vous demandez à Mary de tenir un journal sur ses symptômes
d’anxiété afin d’identifier des éléments déclencheurs possibles et de documenter son usage
d’Ativan (dose régulière et PRN). Vous demandez à Mary de continuer son traitement
actuel avec Ativan, en lui expliquant que vous recommanderez probablement un
changement lors de sa prochaine visite, dont vous aimeriez discuter avec elle et son mari, si
elle accepte qu’il soit présent lors de sa prochaine visite.
4. Suivi (Follow-up)
Qu’est-ce qui doit être fait afin d’effectuer un suivi approprié sur ce nouveau
problème?
Vous avez déjà pris des dispositions afin d’examiner les résultats de laboratoire. Vous
recueillerez de nouvelles données au sujet de ses symptômes dépressifs et anxieux en
examinant son journal et les données corroborantes avec son mari. Vous obtiendrez son
appui (et celui de son mari) de sorte que vous puissiez dresser un plan de traitement qui
convient à tous.
Vous opterez probablement pour un traitement avec un antidépresseur lors de sa prochaine
visite et vous fixerez des visites de suivi régulières afin de lui offrir votre soutien, de
surveiller sa réaction au traitement, y compris la possibilité d’une aggravation possible des
symptômes et l’apparition d’idées suicidaires, qui sont des effets secondaires et les
premiers signes d’une amélioration, et afin d’ajuster sa dose de médicament jusqu’à ce que
vous obteniez des bénéfices thérapeutiques ou la dose maximum tolérée ou recommandé
de l’antidépresseur. Vous espérez que ce traitement aura pour effet d’éliminer ses
symptômes dépressifs et anxieux, et vous planifiez également de diminuer progressivement
son Ativan lorsque ses symptômes dépressifs s’amélioreront. En dernier lieu, vous devrez
dépister/évaluer des problèmes cognitifs possibles qui peuvent être dus à un début de
démence, une fois que ses symptômes anxieux et dépressifs auront été éliminés.
Conclusion
•
•
•
•
•
•
La dépression est répandue à un âge avancé.
La dépression et la démence se chevauchent.
La dépression complique souvent la démence.
La démence peut modifier la présentation de la dépression, ce qui la rend plus difficile à
reconnaître.
La dépression peut être traitée avec succès, même chez les patients atteints de
démence.
On doit tenir compte de l’aspect sécuritaire et de l’efficacité lors du choix d’un
antidépresseur et d’un traitement anti-anxiété.
SCPD – Médecins de famille
Chapitre 7
SCPD : La psychose dans la démence
Dr Ken Le Clair
Dre Marie-France Rivard
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
Table des matières
Introduction........................................................................................... 1
Partie A : La psychose comme enjeu principal..................................... 3
Définition de la psychose ....................................................................................3
Le diagnostic différentiel (P.I.E.C.E.S.) ...............................................................3
Qu’est-ce qui rend un diagnostic différentiel plus complexe chez les personnes
atteintes de démence? ........................................................................................3
Exemples de psychoses dues aux changements du cerveau .............................4
Études de cas : Dilemme à l’égard d’un diagnostic différential ............ 5
Application de la démarche U.R.A.F. à l’étude de cas ........................................5
Partie B : Psychose secondaire à une maladie mentale comorbide ou
connexe.............................................................................................. 10
Les enjeux et la pertinence ...............................................................................10
Études de cas..................................................................................... 10
Cas 1.................................................................................................................10
Cas 2.................................................................................................................10
Application de la démarche U.R.A.F. aux études de cas ..................................10
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
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Introduction
Les médecins de famille qui travaillent dans des établissements de soins de longue durée
doivent souvent évaluer des patients âgés manifestant des symptômes psychotiques, tels que
comportements paranoïdes et hallucinations visuelles. Des symptômes psychotiques peuvent
également apparaître pour la première fois chez des patients âgés qui habitent dans leur propre
foyer; les médecins de famille qui travaillent dans tous les types de pratiques doivent parfois
évaluer ces symptômes pénibles. La psychose se manifeste :
•
•
•
au sein de la communauté, chez plus de 4% des personnes de plus de 65 ans
(Christenson 1984)
dans les établissements de soins de longue durée, chez environ 50% des résidents
(Wragg/Jeste)
chez 1/3 des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer modérée
Facteurs de risque pour la psychose à un âge avancé
Les facteurs de risque pour la psychose à un âge avancé incluent :
Déficience cognitive, particulièrement la démence si la psychose est chronique, et le
délire si la psychose est aiguë
• Déficience sensorielle
• Événement traumatisant à un jeune âge
• Sexe féminin
• Isolation sociale
•
L’évaluation et le traitement cliniques de la psychose, sans doute plus que tout autre état,
souligne l’importance d’un diagnostic différentiel, en recherchant des causes physiques,
intellectuelles et émotives (c.-à-d., psychiatriques) pour la psychose et les troubles
comportementaux reliés. Souvent, comme c’est le cas pour de nombreux individus avec des
besoins complexes, de multiples causes sont responsables de la psychose et/ou peuvent
contribuer à l’impact de la psychose sur le comportement, le risque pour soi-même et pour les
autres et le bien-être de la personne. Il est donc utilise de faire appel à la démarche
P.I.E.C.E.S., en l’utilisant à titre de liste de contrôle pour l’évaluation et le traitement, c’.-à-d.,
quelles sont les causes Physiques, Intellectuelles, Émotives (psychiatriques), Capacités
(fonctionnelles), Environnementales, et facteurs Sociaux, qui causent la psychose ou qui
contribuent à son impact et/ou à l’apparition de problèmes comportementaux.
Le défi que présente le diagnostic de la psychose en présence de SCPD donne un exemple de
l’importance des éléments suivants :
1. une démarche collaborative avec différents partenaires dans les soins
2. le besoin de comprendre comment la psychose et ses causes répandues peuvent
varier dans différents milieux et à différentes étapes de la maladie, par exemple :
• la psychose due à des causes médicales est répandue dans les hôpitaux et les
établissements de soins de longue durée
• la psychose due à des « causes intellectuelles », c’.-à-d., due à des changements au
cerveau, est plus répandue en présence de démence modérée
SCPD – Médecins de famille
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3. Une sélection soignée d’interventions non-pharmacologiques et
psychopharmacologiques afin de traiter les symptômes cibles et leur impact sur le
comportement.
4. Contrôle partagé de la réaction et des effets secondaires.
Le présent chapitre propose une démarche dans le but de comprendre et de traiter la psychose,
en examinant un diagnostic différentiel, en incluant la psychose due à des causes médicales,
c.-à-d. le délire (voir chapitre 4 ) et due à des changements au cerveau résultant directement de
la démence, qui modifient la façon dont une personne comprend, perçoit et interprète le monde
autour d’elle (voir chapitre 5).
Le chapitre est divisé en deux sections mettant l’accent sur :
A. Diagnostic différentiel de problèmes physiques/médicaux/intellectuels avec
symptômes psychotiques et leur traitement pharmacologique et non-pharmacologique
B. Troubles psychiatriques co-morbides ou récurrents qui précipitent la psychose chez
une personne atteinte de démence, c.-à-d., troubles de l’humeur et les syndromes
ressemblant à la schizophrénie.
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Partie A : La psychose comme enjeu principal
Définition de la psychose
La psychose est un terme utilisé par différents individus et fournisseurs de soins de santé
afin de définir une série de phénomènes. Aux fins du présent chapitre, la psychose est
définie comme étant « une perception erronée par l’individu qui ne correspond pas à la
réalité et/ou qui est incompatible avec les croyances et la culture de cette personne. » Il
s’agit donc d’un symptôme ou d’un phénomène pouvant être :
a) une hallucination visuelle ou auditive, c’.-à-d. un trouble de la perception qui n’est pas
déclenché par un stimulus dans l’environnement
b) une illusion, c.-à-d., une fausse interprétation d’un élément déclencheur
environnemental, tel que chez un patient délirant atteint de démence qui perçoit un
rideau comme étant un serpent
c) autres perceptions erronées de modalités, c.-à-d., perceptions erronées olfactives ou
tactiles/sensorielles, telles que des insectes rampant sous la peau
d) une idée délirante ou une fausse croyance fixe qui ne peut être dissipée par le
raisonnement.
Le diagnostic différentiel (P.I.E.C.E.S.)
La psychose (idées délirantes ou hallucinations) chez des personnes âgées atteintes de
démence peut être causée ou influencée par :
Cause physique
Une idée délirante causée par un problème médical tel que l’hypothyroïdie, la toxicité
d’un médicament ou le sevrage (p. ex., dose augmentée de Sinemet ou cessation rapide
de la benzodiazépine), un changement sensoriel important (p. ex., perte de la vision
menant à des hallucinations visuelles sans détresse du syndrome Charles Bonnet) ou
un « traumatisme » crânien aigu dû à un accident vasculaire ou à de l’hypoxie.
Changement intellectuel
Une idée délirante reliée à la démence; psychose due au trouble cérébral causant des
problèmes d’interprétation et de compréhension de l’environnement.
Trouble émotif
Les idées délirantes psychiatriques (psychose), reliées à des troubles psychiatriques
majeurs ou des perturbations telles que la dépression psychotique, le trouble délirant ou
le trouble bipolaire.
La gravité de l’idée délirante et/ou de la psychose et de son impact peut varier ou être
modifiée par la correspondance entre les contraintes et les Capacités de la personne et
l’Environnement et les soutiens Sociaux (C.E.S.).
Qu’est-ce qui rend un diagnostic différentiel plus complexe chez les
personnes atteintes de démence?
De nouveaux problèmes physiques ou des problèmes aigus, et la récurrence d’états
psychiatriques déjà diagnostiqués sont souvent considérés chez les patients non atteints de
démence. Cependant, les changements au cerveau dus à la démence rendent l’évaluation et le
traitement de la psychose plus complexes.
SCPD – Médecins de famille
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Les éléments de la démence décrits au chapitre 2 peuvent affecter la capacité d’un individu à
interpréter le monde autour de lui, menant ainsi à des symptômes psychotiques apparents. Par
exemple, l’agnosie peut mener à l’idée délirante que le conjoint est un imposteur, et l’amnésie
peut mener à des accusations paranoïdes de vol. Il peut être préférable de considérer ces «
psychoses » comme une psychose intellectuelle, c.-à-d. due à la démence elle-même. (Voir les
exemples au Tableau I).
Ce type de psychose survient à tous les stades mais a tendance à être plus prévalente dans la
phase modérée de la démence.
Certains symptômes psychotiques sont plus répandus dans différentes phases de la maladie,
c’.-à-d. des idées délirantes de vol peuvent être un signe précurseur de démence et un signal
d’alarme de déficience cognitive. Des idées délirantes à l’effet qu’un individu est en fait un
imposteur, ou l’interprétation erronée qu’un individu est quelqu’un d’autre ayant joué un rôle
important dans le passé du patient ont tendance à être plus répandues dans les stades
modérés de la démence, ou lorsque des dommages spécifiques surviennent, c’.-à-d., une
accident vasculaire dans le lobe pariétal. Lorsque la démence progresse au point d’affecter les
activités de la vie quotidienne (AVQ) et qu’elle est modérément avancée, la fréquence des
symptômes psychotiques secondaires aux changements du cerveau augmente. Il n’est donc
pas surprenant de découvrir ce type de psychose, plus particulièrement dans les
établissements de soins de longue durée où la démence modéré à sévère est plus prévalente.
Tableau 1
Exemples de psychoses dues aux changements du cerveau
•
Un homme de 82 ans qui ne se souvient pas où il a placé un objet accuse sa femme de
l’avoir volé (amnésie).
•
Une femme de 78 ans, une survivante de l’holocauste, crie lorsqu’une personne vêtue
d’un blouson de cuir s’approche d’elle (idées délirantes reliées à l’alignement temporel,
c.-à-d., la patiente vit dans le présent mais ses « termes de référence » sont dans le
passé).
•
Un homme de 85 ans se regarde dans le miroir de la salle de bains et accuse sa femme
de le tromper avec un autre homme (agnosie, c’.-à-d., il ne se reconnaît pas dans
l’homme reflété dans le miroir).
•
Une femme de 82 ans s’imagine que les émissions télévisées sont réelles, que les
personnages se trouvent dans la pièce avec elle et lui parlent (profondeur
altérée/perception visuospatiale)
•
Un homme de 78 ans essaie de se glisser dans le lit de sa fille de 52 ans (agnosie + vit
dans la réalité du passé – il s’imagine que sa fille, dont la physionomie ressemble à celle
de sa femme il y a plusieurs années, est en fait sa femme, étant donné qu’il s’imagine
être dans la cinquantaine lui aussi).
•
Un homme de 82 ans crie qu’il y a du sang sur son lit le matin.
(perception altérée – sa femme a récemment acheté un nouveau couvre-lit décoré d’un
motif de roses rouges.)
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Étude de cas : Dilemne à l’égard d’un diagnostic différentiel
Vous traitez un homme de 83 ans atteint de la maladie de Parkinson et de démence depuis
plusieurs années. Il a également des antécédents de cancer du sein et d’insuffisance
cardiaque congestive. Sa famille vous appelle afin de vous aviser qu’il se plaint de faire des
rêves d’apparence réelle et il souffre de troubles du sommeil depuis 3 semaines. Il a
maintenant pris l’habitude de verrouiller sa porte à double tour et il est très inquiet de se faire
attaquer. Sa femme indique qu’il s’imagine voir des petits animaux qui ne sont pas réels.
En examinant son dossier, vous déterminez qu’il prend du Sinemet et il y a deux semaines vous
lui avez prescrit du Paxil car il manifeste des symptômes dépressifs.
Sa femme a également identifié pour la première fois qu’il semble souffrir d’incontinence
urinaire le soir.
Application de la démarche U.R.A.F. à l’étude de cas
Compréhension (Understanding) (Qu’est-ce que je dois savoir?)
Le principal point en termes d’évaluation de la psychose chez les personnes âgées atteintes
de démence consiste à obtenir une appréciation des causes exactes, en répondant aux
questions suivantes lors d’un entretien avec l’individu et/ou son soignant.
1. Quelles sont les principales préoccupations et qu’est-ce qui a changé?
2. Quels sont les risques?
La psychose peut présenter des risques de blessures à soi-même ou aux autres.
L’acronyme anglais RISKS peut guider une évaluation complète des risques. On doit
tenir compte de ce qui suit :
• Qui est à risque?
• Blessures à soi-même?
Errance
(Roaming)
Plusieurs personnes atteintes de démence donnent suite à leurs symptômes
psychotiques; dans ce cas-ci, il verrouille la porte à double tour. Il pourrait également
quitter les lieux en s’imaginant qu’il pourrait être blessé s’il reste, ou en espérant trouver
l’individu qui lui cause des problèmes ou une personne qu’il s’imagine avoir entendue
appeler à l’aide.
Danger physique imminent (Imminent Physical Danger)
Lorsqu’une psychose survient suite à un problème médical/physique, il s’ensuit souvent
une agitation accrue. Suite à cette agitation, l’individu peut être moins prudent lorsqu’il
marche et tomber, ou lorsqu’il fume, ce qui augmente le risque d’incendies. Réagissant
aux symptômes psychotiques, un individu peut également utiliser des armes à feu qui
sont disponibles (par exemple, afin d’éloigner les « intrus »). On doit toujours s’informer
au sujet de la disponibilité d’armes à feu et assurer qu’ils sont hors de la portée du
patient.
SCPD – Médecins de famille
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Suicide
Une dépression psychotique ou sévère peut survenir au cours de la démence. Les
personnes qui, dans le cadre de leur dépression psychotique, estiment qu’elles «
méritent d’être punies pour des erreurs passées » sont à risque élevé de suicide (idée
délirante congruente à l’humeur). Les individus qui, dans le cadre de leur dépression,
sentent qu’ils se trouvent dans une situation insupportable et désespérée, sont
également à risque de blessure volontaire. Ceux qui vivent une dépression agitée sont
également à risque de blessure volontaire impulsive même s’ils nient avoir des
intentions suicidaires, s’ils estiment ne plus pouvoir endurer cette terrible agitation.
Parenté et blessures à autrui (Kinship and harm to others)
Afin d’évaluer le risque pour les autres, on doit identifier si les idées délirantes sont «
axées » sur une personne en particulier, et si la personne atteinte de psychose a déjà
posé des gestes en rapport avec des idées délirantes par le passé (p. ex., afin d’aborder
une persécution perçue).
Abus de substances et conduite sécuritaire (Substance Misuse and Safe
Driving)
L’abus de substances et d’alcool peut causer ou aggraver les symptômes psychotiques,
en plus d’accroître d’autres risques reliés à la psychose.
Les personnes en psychose, plus particulièrement dans le contexte de la démence,
peuvent être plus susceptibles d’avoir des problèmes d’attention et de concentration et
présentent donc un risque plus élevé en matière de conduite sécuritaire.
3. Quels sont les facteurs contributifs possibles dans ce cas?
Pensez à la liste de contrôle P.I.E.C.E.S. et vérifiez les causes dans les domaines
physique, intellectuel, émotif, fonctionnel, environnemental et social.
Dans l’étude de cas A, la psychose est apparue récemment et devrait déclencher une
recherche de causes médicales, c.-à-d., le délire. Les quatre causes principales d’un
déclin médical et/ou délire sont :
1. Médicament s (dans ce cas-ci, Sinemet, Paxil)
2. Infections microbiennes (une infection urinaire pourrait-elle expliquer une
incontinence récente?)
3. Maladies myocardiques ou respiratoires et autres maladies uniques à l’individu
4. Changements métaboliques (faible taux de sodium secondaire au Paxil,
hypoglycémie, hypothyroïdisme, hypo ou hypercalcémie)
Dans cette situation, et dans toute présentation psychotique, on doit également tenir
compte d’une déficience sensorielle et de la possibilité de crises épileptiques partielles.
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Réflexion (Reflection) (Comment puis-je expliquer ce qui se passe?)
1. Quelle est l’explication la plus plausible?
•
•
•
Une psychose médicale;
Une psychose intellectuelle, c’.-à-d., due à une association avec la démence ellemême; ou
Une psychose psychiatrique.
Dans ce cas, on soupçonne une psychose médicale, mais il est possible que les 3 types
se manifestent en même temps.
2. Trouver un terrain d’entente au sujet de la psychose, les résultats désirés et le
rôle/soutien du médecin de famille, de la personne, de la famille et des professionnels
de la santé.
Interventions (Actions) (Qu’est-ce qui doit être fait?)
1. Qu’est-ce qui doit être fait dès maintenant?
Dans ce cas, vous devez vous concentrer sur les risques pour le patient et les autres. Le
traitement du délire est alors un enjeu médical urgent.
Vous devez examiner les facteurs reliés au patient, sa capacité à adopter des stratégies
de soutien et les types de soutien disponibles. Ceci permet de déterminer le degré de
risque et les mesures à prendre immédiatement, et à préciser les domaines où des
interventions immédiates pourraient se faire.
Vous devez envisager la façon de collaborer avec la personne, la famille et d’autres
prestataires de soins dans le but d’assurer un traitement sécuritaire et efficace.
Vous devez en arriver à une série d’objectifs communs et de rôles clairement définis, en
maintenant le patient au centre de l’évaluation et de la stratégie de traitement.
2. Quels sont les tests ou les renseignements additionnels qui seraient
utiles?
Si vous soupçonnez une cause médicale, effectuez les examens et enquêtes appropriés
:
•
•
•
•
Médicaments (c’.-à-d., toxicité de la digoxine, ou Sinemet)
Changements métaboliques (fonction de la thyroïde, phosphore de calcium, B12 et
acide folique, reliés à la psychose à un âge avancé; dans ce cas, l’hyponatrémie
devrait particulièrement être envisagée).
Infections microbiennes (étant donné la récente apparition d’incontinence chez cette
personne en particulier, il est important d’inclure une analyse d’urine; des
radiographies pulmonaires peuvent être indiquées chez les personnes susceptibles
aux infections pulmonaires).
Maladies myocardiques et autres maladies à prendre en considération, telles que
l’aggravation de l’insuffisance cardiaque congestive, etc.)
SCPD – Médecins de famille
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En fait, dans ce cas-ci de « psychose médicale », la correction de problèmes médicaux
sous-jacents est pressante. Soyez conscient du fait qu’il existe habituellement plus
d’une cause médicale. Cependant, jusqu’à 30% des cas de délire clinique
n’impliquent aucune cause médicale précise. Même sans la présence d’une cause
précise, vous devez considérer le cas comme « une psychose médicale et/ou un délire »
et mettre en place des stratégies de soutient et des traitements efficaces.
3. Démarches non-pharmacologiques si la psychose est due au délire
Les principes généraux amenant à aider et à intervenir dans le cadre d’une démarche
non-pharmacologique pour une psychose due à une cause médicale et/ou au délire
peuvent être extraits du travail accompli par Inouye, tel qu’il est décrit au chapitre 4.
L’acronyme anglais CHAOS peut servir à retenir les éléments critiques du traitement :
o Cause (traiter)
o Hydratation (assurer la nutrition)
o Démarche (Approach) (les choses à faire et à ne pas faire; porter surtout
attention à la communication non-verbale)
o Orientation (assurer une structure appropriée)
o Soutien pour le soignant et évitement de la sédation
4. Démarches non-pharmacologiques, si la psychose est due à des
changements au cerveau
Dans cette situation, il peut être utile de faire appel à l’acronyme anglais ERRORS afin
de définir les démarches non-pharmacologiques.
Environnement : Que représente-t-il pour la personne? Par exemple, si l’environnement
déclenche un événement traumatisant passé, le fait d’enlever le stimulus peut aider, p.
ex., blouson de cuir qui déclenche la peur chez un survivant de l’holocauste.
Réception : Vision et ouïe
Régulation : Sur et sous-stimulation
Organisation : Comment dois-je aborder l’individu étant donné les changements
survenus dans son cerveau ou comportement? (Attention particulière aux interactions
non verbales)
Réalité : Causes variées et uniques à cette personne; pensez à P.I.E.C.E.S.
Soutien pour le soignant
5. Quelles autres interventions devraient être envisagées?
6. Qui d’autre pourrait être impliqué?
7. Interaction
Examinez les choses à faire et à ne pas faire lors de l’interaction avec une personne en
psychose :
• Veillez à votre sécurité et à celle de la personne
• Comprenez qu’il s’agit d’une réaction face à une perception « réelle » de l’individu
• Concentrez votre attention sur les effets sur la personne, non pas le contenu
(validez les sentiments, préoccupations)
• Distrayez la personne
• Ne confrontez pas les fausses croyances
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Suivi (Comment contrôler et ré-évaluer)
Afin de définir les risques et de contrôler la réaction, il est très utile de faire appel aux 7
éléments ci-dessous afin de caractériser la psychose. Ces éléments procurent un
mécanisme permettant de :
1. déterminer les mesures immédiates à prendre
2. contrôler la réaction
3. décider de prescrire ou non un médicament
Ces éléments caractérisent la psychose/idée délirante et son impact :
1. Dangerosité
2. Aspect pénible
Habituellement résolus initialement
3. Aspect troublant
4. Incapacité
5. Mesures à prendre
Résolus en deuxième
6. Distant ou présent
7. Défini (idée délirante fixe) Résolu en dernier ou ne disparaît pas complètement
La séquence des réactions à une psychose et aux problèmes comportementaux reliés suit
habituellement un modèle de résolution similaire. Souvent, les comportements pénibles et
troublants commencent à se manifester chez l’individu; il cesse d’agir sur l’idée délirante, p.
ex., verrouiller la porte à double tour à cause de la peur de persécution. La psychose peut
alors être perçue par l’individu comme étant dans son passé et l’idée délirante peut finir par
se résoudre elle-même.
Il est important de tenir compte de cette séquence habituelle car cela peut aider le clinicien
et ses collègues à mieux prévoir la réaction, à déterminer une augmentation d’un
médicament et à prévenir un arrêt prématuré de stratégies efficaces.
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Partie B - Psychose secondaire à une maladie mentale
comorbide ou connexe
(Troubles de l’humeur ou de l’anxiété ou perturbations de type schizophrénique)
Les enjeux et la pertinence
•
•
25% des personnes atteintes de démence manifestent des signes et symptômes d’un
trouble affectif majeur tout au long de leur maladie, c’.-à-d., des troubles majeurs de
l’anxiété et de l’humeur sont répandus.
Une maladie mentale majeure, telle que la schizophrénie ou le trouble bipolaire peut
accompagner la démence.
Études de cas
Cas 1
Une femme de 79 ans entend des voix qui lui disent qu’elle est pourrie et elle croit que les
voisins lui volent des choses et qu’ils mettent un gaz odorant dans son système de
ventilation. Elle déménage tous les 3 ou 4 ans et a récemment entrepris de verrouiller ses
portes à double tour et de sceller ses fenêtres. Elle éprouve des difficultés de mémoire
depuis environ 5 ans.
Cas 2
Une femme de 92 ans qui éprouve de légers problèmes de mémoire a perdu son mari il y a
huit mois après 40 ans de mariage. Elle est maintenant très irritable et se plaint de douleurs
à l’estomac. Elle estime avoir commis un péché et que les gens sont tournés contre elle.
Lorsqu’on l’interroge à ce sujet, elle répond qu’elle estime mériter ce genre de traitement.
Application de la démarche U.R.A.F. aux études de cas
Compréhension (Understanding) (Que dois-je savoir?)
1. Quelles sont les principales préoccupations et qu’est-ce qui a changé?
•
Le principal enjeu dans ces cas consiste à identifier à quel moment la psychose s’est
manifestée et depuis combien de temps elle est présente. Comme il a été mentionné
auparavant, une psychose à invasion brutale est le plus souvent reliée à une cause
médicale.
•
Une psychose progressive et plus lente et, si elle est reliée à des changements
fonctionnels et à une démence au stade « modéré », peut amener le médecin à
envisager une psychose reliée à la démence elle-même.
•
Les changements reliés à des maladies mentales majeures et/ou des grappes
psychiatriques ont tendance à survenir entre les deux. Lors d’une psychose de type
schizophrénique (cas 1), des troubles de personnalité prémorbides peuvent immerger,
ou s’aggraver s’ils sont déjà présents, causant ainsi des problèmes fonctionnels et
entraînant des perturbations dans les rapports avec les autres, et/ou comme pour le cas
2, des antécédents familiaux de troubles anxieux et/ou des antécédents personnels de
troubles de l’humeur ou troubles anxieux d’abus d’alcool ou de drogues.
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•
Identifiez à quel point les comportements sont pénibles. Plus particulièrement lors d’une
maladie de type schizophrénique, il peut arriver que la psychose n’entraîne pas de
détresse importante chez la personne. Ceci permet de mieux comprendre le type
d’intervention requise et comment procéder de façon opportune et sensible.
•
Faites appel aux 7 éléments d’une psychose de type schizophrénique (cas 1) afin de
caractériser le degré de détresse et d’incapacité relié à la psychose. Fiez-vous aux
résultats d’une discussion collaborative en utilisant ces 7 éléments à titre d’outil de
discussion, afin d’établir le taux de risque et d’urgence, et afin de comprendre la nature
pénible et troublante du comportement, pour l’individu ainsi que pour son soignant.
•
Dans le cas 2, des outils tels que SIG E CAPS et des questions provenant de l’échelle
Cornell en matière de dépression dans la démence, une échelle développée par
Alexopoulos et al pour les personnes atteintes de démence et de dépression, peuvent
aider à identifier la possibilité d’une psychose reliée à l’humeur. Il se peut que les
professionnels de la santé et les membres de la famille ne soient pas conscients du fait
qu’une psychose peut faire partie d’un trouble affectif important et qu’un traitement
approprié peut apporter un soulagement significatif.
2. Quels sont les risques et causes possibles?
•
Une évaluation soignée des risques, en utilisant l’acronyme anglais RISKS peut aider à
identifier la présence d’idées suicidaires et/ou de menaces à l’égard d’autrui.
Réflexion (Reflection) (Comment puis-je donner un sens à la situation?)
Une fois l’étape de la compréhension franchie, déterminez les objectifs et résultats désirés
qui sont adoptés d’un commun accord. Le fait de trouver un terrain d’entente et d’identifier
les priorités sera bénéfique pour le patient, les membres de la famille et d’autres
prestataires de soins. Un manque de compréhension et de collaboration entraîne souvent
un échec en matière d’évaluation et de traitement.
Interventions (Actions (Qu’est-ce qui doit être fait?)
Identifiez les rôles que chaque partenaire doit assumer afin de réaliser les objectifs et
d’atteindre les résultats désirés.
1. Qu’est-ce qui doit être fait dès maintenant?
Afin de déterminer ce qui doit être fait dès maintenant, on doit examiner les facteurs de
risque tels que le suicide, et les résultats de la caractérisation de la psychose à l’aide
des 7 éléments, surtout l’aspect de la dangerosité. De plus, ceci permettra d’investiguer
plus profondément et de contrôler les processus en collaboration avec l’individu et son
réseau de soignants.
Dans le cas d’une psychose aigue due au délire, lorsqu’il n’y a pas d’idées délirantes de
longue date ni de paranoïa, on peut considérer l’usage à très court terme d’halopéridol à
titre de mesure d’urgence afin de permettre des investigations appropriées (voir le
chapitre au sujet du délire).
Lorsqu’il est clair qu’un médicament antipsychotique sera nécessaire pendant au moins
plusieurs semaines, nous préférons utiliser des médicaments antipsychotiques
atypiques tels que Risperidone, Olanzapine ou Quetiapine.
SCPD – Médecins de famille
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Étant donné que tous les médicaments antipsychotiques peuvent entraîner des graves
effets secondaires, y compris un plus grand risque de décès, il est important de
documenter que le médicament est clairement indiqué (pour une psychose qui est
susceptible de continuer et d’entraîner beaucoup de détresse chez le patient), qu’il sera
utilisé pour une période aussi courte que possible (p. ex., avec un examen de son
utilisation et de la diminution possible de la dose ou de l’arrêt du médicament tous les 3
mois) et à la dose la plus basse possible (avec une légère diminution de la dose dès
l’apparition de légers effets secondaires ou de bénéfices clairs, afin d’éviter
l’accumulation et des effets secondaires importants).
Il est également important de documenter la façon dont un consentement éclairé a
été obtenu (discussion au sujet des risques et bénéfices) avec le patient ou la
personne désignée afin de prendre des décisions pour lui. Généralement, lorsqu’une
psychose survient suite à une démence, l’usage continu d’un antipsychotique n’est
habituellement pas requis et il est possible de cesser le médicament sans entraîner la
réapparition de symptômes psychotiques. Cependant, pour des maladies
psychiatriques telles que la schizophrénie, il peut être nécessaire de cesser indéfiniment
des médicaments antipsychotiques, quoiqu’une réduction de la dose puisse être
possible. Le laminé psychotrope donne des renseignements concis sur les doses
de départ, les doses maximum recommandées, les risques et les effets
secondaires, ainsi que des suggestions de contrôle.
2.
Investigations
Les investigations dépendent du type de trouble relié. S’il s’agit d’un trouble de l’humeur
ou de l’anxiété co-existant, consultez le chapitre 6. Remarque : le traitement d’une
psychose résultant d’une dépression exige souvent un antipsychotique et un
antidépresseur et peut aussi exiger la thérapie électroconvulsive. S’il s’agit d’un trouble
comorbide de type schizophrénique, parfois appelé paraphrénie à un âge avancé,
éliminez les causes médicales répandues qui peuvent ou qui ont été associées avec la
paranoïa à un âge avancé : il est donc utile de vérifier Ca, P, B12, acide folique, TSH.
3. Qui d’autre doit être impliqué?
Pour assurer le succès du traitement, il est nécessaire que toutes les personnes
impliquées trouvent un terrain d’entente lorsque la psychose est due à un trouble de
l’humeur ou de l’anxiété, ou une schizophrénie co-morbide à un âge avancé. La
démarche U.R.A.F. sera très utile afin de déterminer les causes et d’identifier et de
corriger les malentendus.
4. Interaction
•
•
•
•
N’oubliez pas les choses à faire et à ne pas faire.
Les clés de l’interaction sont la confiance, l’empathie et la compréhension.
Le comportement non-verbal représente 80% de la communication.
Il est fondamental d’établir des rapports de soutien, de confiance et thérapeutiques
continus avec le patient afin d’assurer l’efficacité des soins.
Suivi (Follow-up) (Comment les choses doivent-elles être contrôlées et
réévaluées?)
Avec le patient, la famille ou d’autres prestataires de soins, identifiez les résultats
prévus/désirés et le moment où ils devraient se manifester. Définissez les éléments
déclencheurs, ainsi que la réévaluation et les interventions nécessaires.
Chapitre 8
SCPD et utilisation de médicaments
psychotropes
Dr Ken Le Clair
Dre Marie-France Rivard
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
Table des matières
Introduction au traitement pharmacologique des SCPD …………….…...1
Questions clés par rapport à l’utilisation de psychotropes pour traiter
les SCPD....………………………………………………………………...… 2
Indications principales pour l’administration de
psychotropes ………………..……………………………………………..… 2
Principes généraux importants à considérer lors de la prescription de
médicaments pour le traitement des SCPD ………………………...….… 3
Choisir le bon médicament ……………..……………..……….………...… 4
Traitement des troubles/groupes de symptômes dépressifs et anxieux
…………………………………………….………………………………....… 5
Durée du traitement antidépresseur……………………………..……....… 8
Quelques mots sur l’utilisation des benzodiazépines dans le traitement
des troubles dépressifs et anxieux………………………………….…....… 9
Sommaire des antidépresseurs………………………………………...…. 10
Traitement des symptômes psychotiques persistants et de l’agitation
grave …………..………………………………………………………......…11
Les antipsychotiques atypiques plus récents (préoccupations
éventuelles) ……………………………………………………………… ... 11
Traitement de la démence : agents d’amélioration neurocognitive et
glutaminergique …………………………………………………………......12
Traitement de l’agitation grave probablement causée par le delirium
……………………………….…………………………………………..…... 13
Sommaire des antipsychotiques ……………………………….……...… 15
Traitement de problèmes de comportement causés par la démence à
corps de Lewy (DCL) …………………………………………………...… 16
Traitement de comportements sexuels inappropriés …………….....… 16
Traitement des troubles du sommeil .…………………….…………...… 17
Situations à risques élevés : la capacité pose un problème et les
psychotropes s’imposent ………………….…………………………….... 17
Conclusion ………………………………………………………………..... 18
Bibliographie ….………………………………………………………..…... 18
SCPD – Médecins de famille
SCPD – Médecins de famille
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Introduction au traitement pharmacologique des SCPD
Le but de ce chapitre est d’aider les médecins de famille à traiter efficacement les
personnes qui présentent des SCPD à l’aide de psychotropes. Nous passerons en revue
les points suivants :
1. Définition des troubles qui pourraient répondre à ces médicaments et ceux qui ne
peuvent être traités que par l’environnement et les soins.
2. Choix du bon médicament en fonction de la situation et de la personne, minimisant
ainsi le risque de manifestation d’effets secondaires et maximisant les avantages de
la médication.
3. Utilisation des traitements pharmacologiques recommandés pour des groupes
particuliers de symptômes.
L’approche par résolution de problèmes et de soins offerts en collaboration préconisant la
compréhension, la réflexion, les actions et le suivi (U.R.A.F.) offre un moyen de définir le
problème et d’en venir à une compréhension commune des causes de chaque problème, de
leurs répercussions et de leur gravité dans le contexte de la vie du patient et de sa famille, y
compris l’évaluation des risques (RISKS – errance, risque physique imminent, idéation de
suicide, relations de parenté, auto-négligence, conduite sécuritaire et abus de substances
psychoactives). Cette base aide les médecins à définir un ensemble d’objectifs communs,
les résultats anticipés et les rôles précis pour chaque fournisseur de soins concernant les
interventions qui doivent faites et le suivi nécessaire.
Tout au long de ce chapitre, il est important de garder les principes clés suivants en tête :



Prescrire des psychotropes dans le contexte de l’évaluation clinique globale décrite
au premier chapitre (U.R.A.F. et P.I.E.C.E.S.).
Administrer les psychotropes conjointement aux traitements non pharmacologiques
appropriés.
Administrer des psychotropes lorsque le patient et sa famille sont renseignés et
collaborent avec une équipe interdisciplinaire ou un cercle de soins informé.
Questions clés par rapport à l’utilisation de psychotropes pour traiter les SCPD
Les questions suivantes ont été utilisées dans le cadre de la formation P.I.E.C.E.S. afin
d’aider les professionnels de la santé à trouver les traitements pharmacologiques
appropriés. Les médecins ont la responsabilité de cerner une indication claire appuyant
l’administration de médicaments (diagnostic) avec l’aide de renseignements recueillis
auprès des partenaires dans la prestation de soins, de choisir le médicament approprié et
de surveiller la réaction et la manifestation d’effets secondaires.
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Questions clés par rapport à l’utilisation de psychotropes pour
traiter des SCPD
Trois questions pour déterminer le besoin de prescrire un psychotrope,
choisir le bon médicament, suivre son utilisation, ses risques et ses
bienfaits
1. Constater : Quand devrait-on considérer ou prescrire un psychotrope?
2. Choisir : Comment puis-je contribuer au choix du bon médicament?
3. Surveiller : Comment dois-je surveiller la réaction et les effets
secondaires?
Les fournisseurs de soins formés en fonction du programme P.I.E.C.E.S. peuvent fournir
aux médecins de famille des renseignements qui les aideront à distinguer les patients qui
pourraient répondre favorablement aux psychotropes, puis à définir la fréquence de base et
l’intensité des symptômes qui devront être suivis durant le traitement. La surveillance des
avantages et des réactions, de même que de la manifestation de nouveaux effets
secondaires ou d’effets dérangeants peut aussi être effectuée en collaboration, avec l’aide
des outils que vous trouverez dans la Boîte à outils.
Indications principales pour l’administration de psychotropes
On peut songer à administrer des psychotropes durant l’évolution de la démence pour les
raisons suivantes :
 Traitement particulier pour un trouble mental tel qu’un trouble dépressif majeur, un
trouble anxieux, ou encore une psychose ou un trouble délirant chronique;
 Traitement particulier pour un comportement ou un trouble mental connexe à la
démence tel qu’une agitation ou une psychose persistante qui n’est pas sensible aux
traitements non pharmaceutiques;
 Traitement d’appoint, temporaire tel que pour un delirium accompagné d’agitation grave
et de psychose qui peut nécessiter l’administration à court terme d’un médicament
antipsychotique.
Contemplez un traitement pharmacologique des SCPD dans les situations suivantes :
1. Le comportement est dangereux, désagréable, perturbant, dommageable pour les
relations sociales et persistant,
ET
2. n’a pas répondu à un plan de traitement non pharmaceutique complet, incluant le retrait
de médicaments pouvant être à la source du problème,
OU
3. la personne a besoin d’un traitement urgent afin de faciliter la recherche de problèmes
sous-jacents.
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Principes généraux importants à considérer lors de la
prescription de médicaments pour le traitement des SCPD
1. Les médecins doivent tenter de corriger ou d’optimiser le traitement en fonction de
troubles médicaux sous-jacents pouvant être diagnostiqués. Par exemple, si les
troubles comportementaux sont clairement attribuables aux défauts de mémoire qui
découle de la démence et ne semblent pas reliés à un autre trouble médical ou
psychique, le médecin pourrait songer à administrer un inhibiteur de la cholinestérase.
Si les troubles du comportement semblent être le résultat de dépression, le médecin
administrerait alors un traitement antidépresseur énergique. Dans le cas de problèmes
qui semblent reliés au delirium ou à la douleur, il faudrait tout d’abord trouver la cause et
traiter les problèmes médicaux sous-jacents. Non seulement le diagnostic et la
correction des problèmes sous-jacents, ou l’optimisation du traitement permettront-ils
d’améliorer le bien-être de la personne, mais cela permettra d’améliorer sa tolérabilité au
psychotrope dont elle peut avoir besoin.
2. Cessez d’administrer les médicaments qui peuvent contribuer aux SCPD : comme
nous l’avons signalé précédemment, bon nombre de médicaments peuvent aggraver les
troubles de comportement et on devrait en interrompre l’administration, graduellement
dans le cas de certains afin d’éviter les symptômes de sevrage.
3. Administrez un seul médicament à la fois, puis surveillez les effets sur les
symptômes ciblés. Il est habituellement possible d’obtenir l’effet désiré à l’aide d’un seul
médicament. Les associations de médicaments (halopéridol + lorazépam, par exemple)
ont tendance à être moins bien tolérées, à susciter plus d’effets secondaires et à
comporter un risque beaucoup plus élevé d’interaction médicamenteuse dangereuse
que l’administration d’un seul médicament. Si des effets secondaires se manifestent, il
peut aussi s’avérer difficile de déterminer lequel des médicaments de l’association doit
être cessé ou diminué.
4. Commencez par une faible dose et procédez lentement, mais optimisez la
posologie et la durée du traitement afin d’assurer un essai suffisant avant de changer
pour un autre médicament.
5. Choisissez des médicaments qui n’aggraveront pas la démence ou les autres
problèmes médicaux du patient. Surveillez tout particulièrement la charge
anticholinergique de la liste des médicaments du patient. Dans la mesure du possible,
dans chaque classe de psychotropes, il faut essayer de choisir les médicaments qui ont
la moins grande activité anticholinergique. Évitez, par exemple, les antidépresseurs
tricycliques et choisissez plutôt les inhibiteurs spécifiques du recaptage de la sérotonine
(ISRS) qui ont une plus faible charge anticholinergique. Parmi les ISRS, choisissez le
citalopram et la paroxétine.
6. Vérifiez les interactions possibles entre les médicaments avant de faire votre choix
final, ce qui est particulièrement important dans le cas des antidépresseurs. La plupart
des ISRS peuvent interagir avec les médicaments que les personnes âgées prennent
couramment, comme les anticoagulants, les autres antidépresseurs, les bêtabloquants,
les anti-arythmisants, les benzodiazépines et les inhibiteurs calciques.
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En plus de cerner une indication claire pour l’administration d’un médicament particulier
et ses avantages éventuels, les médecins doivent habituellement expliquer au patient, à
son mandataire et à ses fournisseurs de soins la période prévue avant la réaction au
médicament, les risques associés au traitement et au non traitement, la marge
posologique visée et les effets secondaires anticipés qui pourraient motiver une
réduction de la posologie ou l’arrêt du médicament. Les indications favorables à un
traitement comprennent la détermination des troubles qui ne réagiront pas aux
interventions pharmacologiques.
Comportements qui ne réagissent (habituellement) PAS à un traitement
pharmacologique
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
Errance sans but
Miction ou défécation inappropriée
Habillage/déshabillage inapproprié
Activités dérangeantes persistantes
Comportement vocal répétitif
Cacher/accumuler des objets
Pousser les autres patients confinés à un fauteuil roulant
Ingestion d’objets non comestibles
Tirer sur les contentions ou les retirer
Comportements qui peuvent réagir à un traitement pharmacologique
1.
2.
3.
4.
Agression physique
Agression verbale
Anxiété et agitation
Tristesse, pleurs, anorexie, insomnie et autres symptômes indicateurs d’une
dépression
5. Retrait et apathie
6. Troubles du sommeil
7. Errance accompagnée d’agitation ou d’agression
8. Exaltation, débit élocutoire rapide et hyperactivité (symptômes maniaques)
9. Hallucinations ou délire persistants
10. Comportement sexuel inapproprié accompagné d’agitation
Choisir le bon médicament
Les risques (RISKS - errance, risque physique imminent, idéation de suicide, relations de
parenté, auto-négligence, conduite sécuritaire et abus de substances psychoactives) et la
gravité des problèmes manifestés aideront à définir le besoin pour des interventions
particulières immédiates en vue de traiter les comportements qui pourraient être
préjudiciables au patient ou à l’aidant naturel. Par leur formation, les médecins détiennent
les compétences pour considérer un diagnostic différentiel complet, pour prendre les
démarches appropriées telles que l’examen et les investigations pour confirmer les
diagnostics les plus probables qui guideront ensuite le choix du traitement.
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Prenons, par exemple, une personne qui, dans le contexte d’une dépression compliquant la
démence, connait des troubles du sommeil importants. Il faudrait alors choisir un
antidépresseur à faible activité anticholinergique plutôt qu’un sédatif afin d’éviter d’aggraver
la démence, tout en tenant compte des interactions médicamenteuses possibles avec
l’inhibiteur de la cholinestérase. La personne serait surveillée de près afin de déceler
l’apparition de problèmes gastro-intestinaux ou d’effets secondaires qui pourraient découler
de l’association de l’antidépresseur et de l’inhibiteur de la cholinestérase.
Catégories de médicaments prescrits couramment pour traiter les SCPD :
1. Antidépresseurs
2. Anxiolytiques (surtout les ISRS et autres antidépresseurs)
3. Antipsychotiques
4. Médicaments améliorant la cognition
5. Normothymiques
Des tableaux des médicaments fréquemment utilisés dans le traitement des SCPD
sont disponibles dans la Boîte à outils. On y passé brièvement en revue les indications
principales, la dose d’attaque habituelle, les doses moyenne et maximale recommandées,
de même que les effets secondaires principaux qu’il faut gérer. Dans ces deux tableaux,
on retrouve un résumé des médicaments utilisés pour le traitement des troubles
dépressifs et anxieux, les symptômes psychotiques persistants et désagréables, le
delirium et la démence même.
Traitement des troubles/groupes de symptômes dépressifs et
anxieux
Lorsque le diagnostic de dépression est clair et satisfait aux critères du DSM-IV pour un
épisode du trouble dépressif majeur, il est recommandé de prescrire des antidépresseurs en
plus des interventions psychothérapeutiques de soutien. Dans le cas de patients qui
manifestent des symptômes de dépression qui sont clairement reliés à une réaction
d’ajustement à un récent événement bouleversant ou dans le cas de personnes chez qui le
diagnostic n’est pas clair, il faudrait considérer une période d’observation et la
documentation des symptômes avant d’administrer un traitement pharmacologique. La
durée de la période d’observation peut durer de 2 à 8 semaines, mais une décision devrait
être prise en temps opportun afin de ne pas retarder le traitement, surtout si les symptômes
s’aggravent. Il faudrait considérer la gamme complète de modalités de traitement, y
compris les interventions psychosociales comme l’éducation, la participation à des activités
sociales, la psychothérapie et les interventions pharmacologiques.
Vous trouverez une revue complète du traitement des troubles dépressifs, y compris du
traitement de la dépression dans le contexte de la démence sur le site de la Coalition
canadienne pour la santé mentale des personnes âgées (CCSMPA). Vous pouvez
télécharger les Lignes directrices nationales de la CCSMPA sur la santé mentale chez les
aînés – Évaluation et prise en charge de la dépression sur le site Web suivant :
www.ccsmh.ca.
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Le choix d’un antidépresseur approprié devrait reposer sur :
a) les réactions antérieures aux antidépresseurs (évitez les médicaments qui n’ont
clairement pas fonctionné ou qui ont causé des effets secondaires inacceptables);
b) les autres co-morbidités médicales (ex., choisir un médicament qui n’aggravera
pas la démence ou une vulnérabilité à la rétention urinaire);
c) le profil des effets secondaires de l’antidépresseur (ex., éviter les médicaments
qui peuvent causer de l’hypotension grave et des chutes, ou les médicaments qui
ont une activité anticholinergique élevée);
d) les interactions possibles entre divers médicaments, tenant compte des autres
médicaments que la personne doit prendre.
La présence de démence ou de déficience cognitive dicte qu’on choisisse des médicaments
qui n’aggraveront pas les troubles cognitifs de la personne et qui possèdent donc une faible
activité anticholinergique. Parmi les antidépresseurs actuellement disponibles, les suivants
ont le la plus faible activité anticholinergique :
 Venlafaxine (Effexor)
 Moclobémide (Manerix)
 Buproprion (Welbutrin)
 Citalopram (Celexa)
 Escitalopram (Cipralex)
 Sertraline (Zoloft) et mirtazapine (Remeron) sont aussi des choix acceptables, mais
ont probablement une activité anticholinergique plus prononcée (réf. : Clinical
Handbook of Psychotropic Drugs, 17e édition, 2007)
Il faut que le médecin décide lequel des médicaments ci-dessus est le mieux adapté
aux comorbidités médicales du patient. Par exemple, les personnes qui ont eu une
hypertension difficile à maîtriser peuvent avoir des problèmes avec la venlafaxine. Ainsi, un
ISRS tel que le citalopram peut s’avérer un meilleur choix pour celles-ci. Par contre, les
personnes qui ont des problèmes de douleur importants peuvent tirer avantage de l’activité
noradrénergique de l’Effexor. Voici un autre exemple : les personnes atteintes de la
maladie de Parkinson peuvent parfois connaître une aggravation de leurs symptômes
parkinsoniens en prenant un ISRS pur, bien que ce ne soit pas toujours le cas. Si, dans le
contexte des problèmes de santé de ces personnes, l’administration d’autres produits
s’avérait raisonnable, il serait alors préférable de prescrire des médicaments qui ont une
action combinée ou une plus grande activité adrénergique telle que la venlafaxine, le
bupropion ou le Manerix.
Il est également important de considérer les interactions médicamenteuses. Dans
l’exemple ci-dessus, si la personne atteinte de la maladie de Parkinson prend également de
l’Eldepryl, un inhibiteur de la MAO-B, il lui serait difficile de prendre du moclobémide, car il
lui faudrait alors suivre un régime IMAO complet afin d’en assurer la sécurité.
SCPD – Médecins de famille
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L’utilisation de plusieurs ISRS (ex., fluoxétine, fuvoxamine, paroxétine) s’avère
problématique chez les personnes âgées à cause des interactions médicamenteuses que
ces médicaments peuvent entraîner avec les autres médicaments que les patients âgés
doivent prendre.
Le tableau de la page suivante fournit la posologie initiale, la dose moyenne et la
dose maximale. Il faut surveiller les personnes qui commencent à prendre des
antidépresseurs sérotoninergiques pour détecter les effets secondaires courants comme
la nausée, les céphalées et la diarrhée, de même que les effets moins courants mais
potentiellement graves tels que l’hyponatrémie (qui provoque de la fatigue, le malaise, le
delirium) ou le syndrome sérotoninergique qui mène à de l’agitation, de la tachycardie, des
tremblements et de l’hyperréflexie. La venlafaxine peut accroître la tension artérielle
lorsqu’elle est prise à une marge posologique plus élevée (plus de 150 mg par jour). Les
risques de crises épileptiques sont accrus avec les posologies plus élevées de bupropion et
le gain de poids est courant avec la mirtazapine.
Même si le moclobémide n’est pas prescrit couramment au Canada, il y a des preuves
appuyant son utilisation comme médicament de première intention. Il est particulièrement
bien toléré et offre un profil d’effets secondaires très acceptables.
La mirtazapine est offerte en cachets qui fondent rapidement (Remeron-RD), ce qui peut
s’avérer utiles pour les personnes qui ont des problèmes de déglutition. L’escitalopram
(énantiomère S du citalopram) est maintenant offerte au Canada et peut s’avérer un ISRS
utile chez les personnes âgées. Toutefois, la dose d’attaque doit être basse.
Les antidépresseurs tricycliques (ADT) peuvent être prescrits dans de rares occasions à
une personne atteinte de démence qui vit une dépression « résistant au traitement » et qui
n’a pas réagi lors de l’essai adéquat d’autres antidépresseurs. La nortriptyline et la
désipramine ont moins de propriétés anticholinergiques et devraient être privilégiées aux
autres tricycliques. La concentration sanguine de ces médicaments devrait être
mesurée au moins une fois pour s’assurer de faire un essai thérapeutique adéquat et pour
vérifier que la concentration du médicament ne devient pas trop élevée (cardiotoxique)
parce que la personne « métabolise lentement » les antidépresseurs tricycliques. En effet,
un nombre important de gens métabolise ces médicaments beaucoup plus lentement que
d’autres. La concentration est également très utile pour déterminer si le médicament est
efficace ou non. Les ADT ne devraient pas être prescrits aux personnes qui ont des
anomalies de conduction cardiaque importantes. Les cliniciens devraient suivre les patients
qui prennent des ADT pour déceler les problèmes d’hypotension orthostatique, les
symptômes cardiaques et les effets secondaires anticholinergiques.
Finalement, il ne faut pas oublier que les électrochocs peuvent s’avérer un meilleur choix
pour les personnes qui font une dépression « résistant au traitement » ou une dépression
psychotique grave.
Les antidépresseurs peuvent précipiter des épisodes maniaques ou hypomaniaques chez
les personnes qui ont des antécédents de trouble bipolaire. Or, cela risque moins de se
produire si elles prennent un normothymique.
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Dans le cas de patients qui souffraient de trouble bipolaire avant la manifestation de
la démence, il est recommandé de continuer d’administrer les normothymiques dans
la mesure du possible. Le lithium demeure le normothymique le plus efficace, mais il faut
le contrôler de près, ajuster considérablement la posologie (plus petites doses prises une
fois par jour) et vérifier la concentration sanguine (0,4 à 0,7 mmoL/L). Les Lignes directrices
nationales de la CCSMPA sur la santé mentale chez les aînés – Évaluation et prise en
charge de la dépression publiées en 2006 offrent des recommandations détaillées sur
l’utilisation du carbonate de lithium. D’autres normothymiques qui peuvent être prescrits
comprennent le valproate de sodium (Epival), la carbamazépine (Tegretol), la gabapentine
(Neurontin, parfois prescrit pour le traitement de la douleur neuropathique), la lamotrigine
(Lamictal) et le topiramate (Topamax). Tous ces médicaments peuvent causer de la
somnolence, de l’ataxie, des nausées, des contusions et de l’érythème (syndrome de
Stevens-Johnson avec le Lamictal). La surveillance comprend la concentration sérique, les
tests de la fonction hépatique et la formule sanguine.
Durée du traitement antidépresseur
Lorsqu’on amorce un traitement antidépresseur, il faut au moins un mois, et parfois plus,
pour établir le dosage selon les avantages thérapeutiques et les effets secondaires. Un
essai adéquat est défini comme ayant obtenu une réponse thérapeutique ou ayant
passé quatre semaines à la dose maximale tolérée or recommandée sans avoir
obtenu de réponse. Dans le cas des personnes qui ont obtenu une réaction partielle après
4 semaines, il faut poursuivre l’essai durant quatre autres semaines à la dose maximale
tolérée ou recommandée avant de conclure qu’on a effectué un essai acceptable du
médicament.
Il y a des discussions concernant la période minimale recommandée pour le traitement de
stabilisation avec les antidépresseurs lorsqu’une personne vit un premier épisode de
dépression. Les lignes directrices de l’APC/CANMAT suggèrent un minimum de deux ans
chez les personnes plus âgées (réf. Association des psychiatres du Canada (APC),
Canadian Network for Mood and Anxiety Treatments (CANMAT). Lignes directrices
cliniques du traitement des troubles dépressifs, 2001-2CPG). Dans le Expert Consensus
Guidelines on pharmacotherapy of depresion, Alexopoulos et collègues préconise un
minimum de 12 mois (réf. Alexopoulos GS, IR Katz, CF Reynolds, D Carpenter, JP
Docherty. The Expert Consensus Guidelines Series. Using antipsychotic agents in older
patients. A Postgrad Med Special Report. New York: McGrawHill. 2001).
Cependant, tous s’entendent pour dire que les personnes qui vivent des épisodes
récurrents de dépression doivent recevoir un traitement indéfiniment, étant donné
que les risqué de rechute sont beaucoup plus élevé que les risques que présentent
un traitement antidépresseur bien toléré.
Trazodone pour le traitement de l’agitation chez les personnes atteintes de démence
Dans le cadre d’une étude comparant la trazodone à l’halopéridol, il a été signalé que ces
médicaments donnent les mêmes résultats pour améliorer l’agitation. (Sultzer, DL, Gray et
coll.
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A double-blind comparison of trazodone and haloperidol for treatment of agitation in patients
with dementia. Am J Geriatr Psychiatry 1997;5(1):60-9). On utilise actuellement la trazodone
principalement pour la sédation à l’heure du coucher, afin d’éviter dans la mesure du
possible d’utiliser des sédatifs et des benzodiazépines. Or, ce médicament est parfois
utilisé durant la journée chez les personnes à un stade avancé de démence comme choix
de remplacement d’autres interventions pharmacologiques. Ce médicament peut entraîner
une hypotension orthostatique, une sédation excessive et, rarement, le priapisme.
Quelques mots sur l’utilisation des benzodiazépines dans le
traitement des troubles dépressifs et anxieux
Les benzodiazépines ne sont plus recommandées pour le traitement à long terme des
troubles anxieux et de l’insomnie. Le profil des effets secondaires de ces médicaments est
particulièrement problématique chez les personnes plus âgées atteintes de démence, car ils
peuvent causer de la confusion, une perte de mémoire, de l’ataxie entraînant des chutes et
des fractures, de la somnolence et un comportement désinhibé, ce qui est une
préoccupation plus importante chez les personnes ayant une atteinte au lobe frontal. Les
risques d’aggraver les troubles du comportement ou de causer des effets secondaires
inacceptables sont beaucoup plus importants que les avantages que procurent ces
médicaments. On peut songer à les utiliser à court terme dans certaines situations
particulières comme lors du sevrage à l’alcool, par exemple, ou encore pour le soulagement
ponctuel et non continuel de l’anxiété particulière à une situation (crise de panique, réaction
catastrophique à une nouvelle situation).
À la page suivante, vous trouverez le tableau qui résume les traitements prescrits les plus
fréquemment pour les troubles dépressifs et anxieux.
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Sommaire des antidépresseurs : Conseillé lorsqu’un trouble dépressif ou anxieux se manifeste ou se poursuit durant l’évolution de la démence; pour éviter les
rechutes dans les troubles anxieux et de l’humeur récurrents ou persistants.
Choix privilégiés
(première intention) et
activité
anticholinergique
- /+ à ++
Dose
d’attaque
habituelle
Dose moyenne
(A) et dose
maximale (M)
recommandées
Surveillance de la réaction et des effets secondaires
Citalopram (ISRS)
+
10 mg
20-30 mg (A)
40 mg/jou (M)
Escitalopram (ISRS)
+
5 mg
10 mg (A)
20 mg (M)
•
•
•
•
•
•
•
Sertraline (ISRS)
++
25 mg
100 mg (A)
200 mg (M)
Venlafaxine (IRSN)
-
37,5 mg
150 mg (A)
225 mg (nouvelle
dose maximale.
Avant - 300 mg)
Céphalées, nausées, hypertension avec les posologies plus
élevées, peut aussi causer de l’hyponatrémie
Mirtazapine (IRND)
++
15 mg
30 mg (A)
45 mg (M)
Sécheresse de la bouche, somnolence, gain de poids,
étourdissement, faible activité anticholinergique
Bupropion (ISRND)
-/+
100 mg
Wellbutrin SR (M
=150 mg)
XL: M =150 BID
Crises épileptiques, céphalées, agitation, érythème,
vomissements, troubles du sommeil et possibilité d’hypertension
En présence de démence avancée, aussi
associé à un plus grand risque de crises
épileptiques
Moclobémide (IRMA)
-
150 mg
450 mg (A)
600 mg (M)
Surveiller l’hypotension. Lorsque administré conjointement avec
un MAO-B (Eldepryl), il faut suivre un régime IMAO et prendre
toutes les précautions nécessaires. Interactions : carbamazépine,
narcotiques, sympathomimétique
Pour une dose inférieure à 600 mg/jour, aucune
restriction alimentaire n’est requise
•
H – Céphalées, hyponatrémie
A - Agitation
“H.A.N.D.S.” N - Nausées
D - Diarrhée
S - Sudation
S - Somnolence
Au début, il faut surveiller l’apparition d’un accroissement de
l’agitation, l’insomnie, les idées suicidaires et la somnolence
excessive. Vérifier la valeur de base de la concentration
sérique de sodium, puis durant le premier mois de
traitement. Sertraline : faible activité anticholinergique
Les personnes ne se sentent habituellement pas
subjectivement mieux avant 6 à 8 semaines
La trazodone (AIRS) est actuellement prescrite pour induire la somnolence à l’heure du coucher plutôt que pour ses propriétés
antidépressives. Posologie initiale de 25 à 50 mg HS. Peut devoir être répétée à cause de la courte durée de la sédation. Parfois
prescrit durant la journée dans les cas de SCPD graves.
Notes
Autres ISRS: Paroxétine, fluoxétine, fluvoxamine
– provoquent des interactions médicamenteuses
plus souvent et plus graves; effets secondaires
prolongés (semaines) avec la fluoxétine à cause
de sa demi-vie d’élimination plus longue
Surveiller les risques de suicide lorsque la
personne a « plus d’énergie » mais continue
d’être dépressive
Surveiller l’hypotension
Habituellement pas un traitement de première intention : les tricycliques, car ils ont une plus grande activité anticholinergique et risquent davantage de causer de l’hypotension.
ISRS : inhibiteur spécifique du recaptage de la sérotonine; IRSN : inhibiteur du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline ; IRND : Inhibiteur du recaptage de la noradrénaline
et de la dopamine; ISRND : inhibiteur sélectif du recaptage de la noradrénaline et de la dopamine; IRMA : inhibiteur réversible de la monoamine oxydase de type A.
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Traitement des symptômes psychotiques persistants et de
l’agitation grave
Les nouveaux antipsychotiques atypiques (rispéridone, olanzapine, quétiapine) sont les
médicaments privilégiés pour le traitement des SCPD. Les antipsychotiques antérieurs
sont rarement indiqués, sauf pour un traitement de très courte durée du delirium lorsque
l’halopéridol (Haldol) en très faible dose (0,25 à 1 ou 3 mg par jour) peut s’avérer utile (voir
le chapitre sur le delirium). Ces antipsychotiques atypiques semblent avoir une bonne
efficacité et ont fait l’objet d’études auprès de patients résidant en établissement de soins de
longue durée et dans la communauté. Les données probantes des études contrôlées
menées dans des établissements de soins de longue durée appuient l’administration
d’antipsychotiques atypiques pour le traitement des symptômes psychotiques persistants ou
l’agitation grave (Brodaty et coll., J Clin Psychiatry 2003b;64:134-43; De Deyn et coll., Int J
Geriatr Psychiatry. 2004 Fév;19(2):115-26). Les études portaient sur une comparaison de
l’olanzapine ou du rispéridone à un placébo. Une revue Cochrane récente portant sur
l’efficacité des antipsychotiques atypiques pour le traitement de l’agression et de la
psychose chez les personnes atteintes de la maladie Alzheimer a vérifié 16 études
contrôlées et en a inclus 9 dans la méta-analyse (Ballard et Waite, Cochrane Database Syst
Rev. 2006 Jan 25;(1):CD003476). Cette revue a conclu que la rispéridone et l’olanzapine
sont des médicaments utiles pour réduire l’agressivité et que la rispéridone permet aussi de
réduire la psychose. Malgré leur faible efficacité, le nombre important d’événements
indésirables comparativement au placebo suggèrent que ni la rispéridone ou l’olanzapine
ne devrait pas être administrée systématiquement pour traiter les patients agressifs
ou souffrant de psychose, sauf en présence d’un risque important ou de détresse
grave. Cet élément s’avère particulièrement vrai, car tous les antipsychotiques sont
associés à une augmentation de l’ordre de 1,6 du risque de mort subite.
Les antipsychotiques atypiques comportent leur propre profil d’effets secondaires, car il
n’existe aucun antipsychotique parfait. Il ne faut donc pas administrer ces médicaments
sans suivre les directives, la posologie, la durée et la surveillance des effets indésirables
appropriées. De plus, l’évaluation particulière des risques inhérents du traitement doit être
soupesée contre les risques que la non administration d’un traitement lorsqu’ils sont
indiqués. Ces risques doivent être discutés avec les personnes capables, soit le patient ou
son mandataire (habituellement un proche parent).
Les antipsychotiques atypiques plus récents
(préoccupations éventuelles)
•
•
•
Gain de poids, perte de la maîtrise du diabète, hypercholestérolémie et risque accru par
rapport aux accidents vasculaires cérébraux.
Augmentation associée d’instabilité et d’événements cardiovasculaires qui doivent être
soupesés attentivement contre les risques qu’entraînerait le fait de ne pas administrer un
antipsychotique lorsque nécessaire. (Veuillez noter que tous les antipsychotiques sont
associés à un taux plus élevé de mortalité, mais une agitation grave non maîtrisée peut
aussi mener à la mort et à la morbidité chez ces personnes et leur entourage.)
Tous ces médicaments peuvent causer des étourdissements, de l’acathésie, de la
somnolence et de l’hypotension (régime DASH).
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Antipsychotiques
plus récents
Effets secondaires à prendre en considération lors du choix
d’un antipsychotique atypique
Pour tous les antipsychotiques atypiques : étourdissements,
acathésie, somnolence, hypotension (DASH)
Olanzapine
Surveiller la glycémie!
Gain de poids
Hypotension, activité anticholinergique importante avec les doses
supérieures à 10 mg par jour
Rispéridone
Surveillance des effets secondaires extrapyramidaux!
Hypotension et somnolence avec doses supérieures à 2 mg par
jour : symptômes extrapyramidaux et acathésie (agitation)
Quétiapine
Surveillance de la sédation!
Hypotension orthostatique, somnolence excessive
Traitement de la démence : agents d’amélioration
neurocognitive et glutaminergique
Des données probantes démontrent que les inhibiteurs de la cholinestérase (ex., donépézil,
galantamine et rivastigmine) et la mémantine peuvent permettre de retarder l’apparition de
symptômes comportementaux chez les personnes atteintes de la maladie Alzheimer et
d’autres démences. Une méta-analyse récente de l’administration d’inhibiteurs de la
cholinestérase à des personnes plus âgées atteintes de la maladie Alzheimer suggère la
présence d’une amélioration petite mais statistiquement importante dans les études qui
utilisaient le NPI (inventaire neuropsychiatrique) pour mesurer les résultats. On note
également une tendance vers les avantages dans les études qui ont fait appel à l’ADASnoncog (Trinh et coll., Efficacy of cholinesterase inhibitors in the treatment of
neuropsychiatric symptoms and functional impairment in Alzheimer’s disease: a metaanalysis. JAMA 2003;289(2):210-6.)
Les SCPD fréquents dans les stades moyens à tardifs de la démence peuvent être
minimisés ou retardés en faisant appel à un traitement adéquat de la démence sousjacente. Cette approche s’applique plus particulièrement dans les stades précoces de la
maladie Alzheimer et la démence à corps de Lewy. Les inhibiteurs de la cholinestérase tels
que le donépézil (Aricept), la rivastigmine (Exelon) et la galantamine (Reminyl) sont
actuellement utilisés comme traitement de première intention, préférablement amorcé alors
que la démence et les pertes cognitives sont encore légères. Avant d’administrer un
inhibiteur de la cholinestérase, il faut prendre en considération les « contre-indications »
éventuelles comme l’asthme et les troubles épileptiques que ces médicaments peuvent
aggravés, sans oublier le pouls lent et les blocs atrioventriculaires de second degré qui
peuvent mener à des épisodes de syncope, des chutes et des fractures.
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Les inhibiteurs de la cholinestérase peuvent provoquer ou aggraver les
problèmes suivants :
Asthme
Crises
épileptiques
Dysrythmies supraventriculaires;
maladie du sinus
Pouls lent (bradycardie)
Nausées et ulcère gastroduodénal (éviter les AINS) Les effets secondaires courants des agents d’amélioration neurocognitive comprennent les
crampes Musculaires, l’Insomnie, la Nausée et la Diarrhée, connus sous l’acronyme MIND.
Toutefois, les effets secondaires les plus souvent signalés sont les effets gastro-intestinaux
et les rêves d’apparence réelle.
Les agents glutaminergiques (NMDA) comme la mémantine sont prescrits dans le stade
moyen de la démence et souvent conjointement avec un inhibiteur de la cholinestérase.
Les effets secondaires courants suivants peuvent se manifester :
• confusion, céphalées, équilibre, constipation, fonction rénale
Pour la surveillance des réactions à la mémantine, C - SHAPE est un acronyme
mnémonique qui pourrait s’avérer utile :
Amélioration Cognitive (éveil)
Socialisation: apathie et communication souvent présentes après 1 mois
Tâches domestiques (Household tasks) : comme mettre la table, sortir les vidanges,
trouver des objets
AVQ : comme aller à la toilette, se laver, l’alimenter
Idéation Persécutoire : idées délirantes
Activité Excessive (agitation)
N’oubliez pas que l’avantage thérapeutique prévu est le maintien de la fonction ainsi que
l’amélioration et la prévention de la manifestation d’incapacités dans les domaines cités cidessus.
Traitement de l’agitation grave probablement causée par le
delirium
Lorsqu’il est nécessaire d’assurer une prise en charge pharmacologique du delirium, il est
important d’administrer la plus faible dose possible du médicament. Malheureusement, la
posologie des psychotropes utilisés pour le traitement du delirium aigu est souvent
excessive et administrée bien au-delà de la période de traitement désirée, ce qui mène à
une baisse de la conscience et des retards du rétablissement du delirium.
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Les données les plus probantes à date, résumée dans les Lignes directrices cliniques du
traitement des troubles dépressifs (2006) de la Canadian Coalition for Seniors Mental
Health, suggèrent d’administrer pendant une brève période de faibles doses
d’halopéridol (dose de 0,25 à 1 mg par voie intramusculaire ou 1 à 2 mg par jour) pour
traiter le delirium aigu causé par le sevrage de l’alcool ou d’une benzodiazépine. Il est
recommandé de faire un électrocardiogramme de contrôle afin de repérer les intervalles
QTC supérieurs à 450 msec ou supérieurs à 25 % des valeurs de contrôle pour déterminer
le besoin de demander une consultation en cardiologie ou pour déterminer le besoin de
discontinuer le traitement. Bien que l’administration prolongée d’halopéridol provoquera fort
probablement des symptômes parkinsoniens inacceptables, le benztropine mésylate ne
devrait pas être administré en guise de prophylaxie à cause de ses propriétés
anticholinergiques. L’acathésie est un autre effet secondaire courant et insuffisamment
reconnu des antipsychotiques. Ces symptômes peuvent être confus pour la continuation du
delirium ou encore ils peuvent l’aggraver. Il faut toutefois éviter entièrement
d’administrer de l’halopéridol si la personne a un diagnostic de démence à corps de
Lewy.
Alors que les antipsychotiques atypiques sont devenus les traitements de première
intention de l’agitation grave et persistante et de la psychose dans les cas de démence, il y
a encore peu de données sur leur utilisation pour le traitement spécifique de l’agitation due
au delirium. On peut les considérer comme choix de rechange pour les personnes qui
sont déjà atteintes de la maladie de Parkinson et pour celles qui ont des antécédents
d’effets indésirables graves à l’halopéridol. La posologie devrait être basse (ex., 0,5 mg de
rispéridone par jour, 25 mg de quétiapine une ou deux fois par jour, ou 2,5 mg d’olanzapine
par jour). En présence d’une démence à corps de Lewy possible, il est préférable
d’administrer de la quétiapine (Seroquel) car il est moins probable que ce médicament
causera des symptômes extrapyramidaux comparativement à la rispéridone et à
l’olanzapine.
Pour traiter le delirium aigu due au sevrage à l’alcool ou à la benzodiazepine, il est
recommandé d’administrer une benzodiazepine à action plus brève comme le
lorazépame car il est facile à administrer (par voie parentérale ou sublinguale). De plus, sa
demi-vie d’élimination permet un titrage plus sécuritaire à une faible somnolence tout en
minimisant les risques de sursédation prolongée. On peut ajouter des antipsychotiques,
mais uniquement si l’agitation et les symptômes psychotiques attribuables au sevrage
alcoolique ne peuvent pas être maîtrisés adéquatement avec la benzodiazépine seule. Il
est important de noter que certains patients délirants deviennent encore plus agités
lorsqu’on leur administre des benzodiazépine, et que ces médicaments peuvent aggraver
certains états de delirium (ex., le delirium du à une insuffisance hépatique). Il est donc
important de surveiller de près la réaction au traitement.
Selon la documentation, l’utilisation des inhibiteurs de cholinestérase a des effets variables.
Certains rapports signalent la réussite du traitement au donézépile du delirium qui s’ajoute à
la maladie Alzheimer préexistante chez certaines personnes. Les inhibiteurs de la
cholinestérase peuvent s’avérer particulièrement utiles pour le traitement d’épisodes
répétitifs de delirium qui peuvent se manifester chez les personnes atteintes de démence à
corps de Lewy qui n’ont aucun autre problème physique.
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Sommaire des antipsychotiques: 1. pour les symptômes psychotiques persistants et pénibles ou pour l’agitation qui ne réagit pas aux interventions non pharmacologiques; 2. pour le maintien
traitement de la schizophrénie et des troubles délirants qui ont précédé la démence
Tous ces médicaments sont associés à un taux
Dose moyenne (A) et dose
Surveillance de la réaction et des effets secondaires
Dose
Médicaments privilégiés (de
plus élevé de mortalité, mais ils peuvent aussi
maximale (M)
Tous les antipsychotiques atypiques peuvent causer des effets
d’atta
première intention) et à activité
permettre d’éviter les blessures. Discutez des
recommandées
secondaires. Les effets secondaires qui se manifestent le plus
que
anticholinergique
avantages et des risques pour assurer une prise
fréquemment avec certains médicaments particuliers sont
habitu
-/+ à ++
de décision et un consentement éclairés.
indiqués ci-dessous.
elle
Gamme de titrage étendue. Si aucun effet avec une
Quétiapine
25-50
(A) et (M) indéterminées
Hypotension et sursédation, légère activité anticholinergique avec
dose allant jusqu’à 150 mg/jour, peut songer à
+
mg
les doses plus élevées, un certain gain de poids. La sédation peut
changer de médicament
se manifester au début, mais il faut plusieurs semaines pour que
l’effet antipsychotique complet se manifeste
Rispéridone
0,5
1 mg par jour (A)
Hypotension et effets secondaires extrapyramidaux
+/mg
2 à 3 mg par jour (M)
Au-delà de 10 mg par jour, l’activité antiOlanzapine
2,5
5 à 7,5 mg (A)
Gain de poids et facteurs de risque vasculaires accrus (profil
cholinergique peut aggraver la démence et
++
mg
10 mg (M)
lipidique, diabète). Hypertension, effets secondaires
provoquer le delirium
anticholinergiques (sécheresse de la bouche, constipation, etc.)
0,5
1 à 2 mg (A)
Symptômes extrapyramidaux (rigidité, syndrome de la tour de Pise,
Administré surtout pour la gestion du delirium aigu
Halopéridol
mg
5 mg par jour (M)
démarche traînante, tremblements, etc.) si pris pendant plus que
lorsqu’il n’y a pas de démence à corps de Lewy.
quelques jours à la fois
En cas de DCL, privilégier la quétiapine ou la
ADMINISTRÉ À COURT TERME
trazodone pour une sédation de courte durée
POUR LE DELIRIUM AIGU
Habituellement pas un traitement de première intention : La chlorpromazine a une grande activité anticholinergique et cause de l’hypertension. Il peut s’avérer approprié de poursuivre l’administration
de neuroleptiques plus anciens chez certaines personnes atteintes de schizophrénie, surtout lorsque le changement à un antipsychotique plus récent (atypique) n’a pas permis de maîtriser la
schizophrénie. Peut considérer l’administration de loxapine ou de perphénazine si les antipsychotiques atypiques ne fonctionnent pas.
Traitement pharmacologique du delirium : Administrer de l’halopéridol, sauf en présence de démence à corps de Lewy (voir les notes ci-dessus) ou de delirium causé par le sevrage à l’alcool ou
aux benzodiazépines. Nous recommandons alors d’administrer en premier lieu une benzodiazépine telle que le lorazépam à raison de 1 ou 2 mg toutes les 2 heures jusqu’à ce que les symptômes
s’améliorent ou qu’il y a sédation. Le premier jour, réévaluer toutes les 6 à 8 heures et ajuster la posologie et ainsi assurer la prise en charge des symptômes sans sursédation et pour évaluer la dose à
partir de laquelle il faudra diminuer. Prendre plus de deux fois le temps requis pour un jeune patient pour réduire les benzodiazépines.
Traitement de la démence : agents d’amélioration cognitive (donépézil, rivastigmine, galantamine et agents glutaminergiques (mémantine)
Choix Évaluation
des risques et contre-indications
Dose d’attaque habituelle
Dose maximale
Surveillance et effets secondaires
éventuelles
recommandée
Peut améliorer la cognition et la socialisation. Peut prévenir le déclin
Donéprézil (Aricept)
5 mg par jour pendant 4 à
10 mg par jour
Troubles respiratoires (asthme, MPOC)
dans les AVQ. Peut épargner du temps à l’aidant naturel.
6 semaines
Ulcères gastro-duodénaux (surtout la
personne prend aussi de l’AAS et des AINS)
6 mg BID avec les repas
Rivastigmine
1,5 mg BID pendant 4
Surveiller les symptômes « MIND » :
Crises épileptiques
(Exelon)
semaines, puis
Syncope, bradycardie et bloc de second
• crampes
Musculaires
augmenter de 1,5 mg BID
degré à l’ECG (bêta-bloquant)
•
Insomnie
pendant 4 semaines
Maladies cardiaques (les anticholinergiques
•
Nausées et vomissements (si le titrage est trop rapide);
ER 24 mg le matin
ER 8 mg le matin pendant
Galantamine
réduisent l’efficacité et certains ISRS
(examiner la possibilité d’administrer 7,5 à 15 mg de
4 semaine, puis 16 mg le
(Reminyl)
augmentent la concentration sanguine (ex.,
propanthéline ou 10 mg de dompéridone TID si grave)
matin pendant 4 autres
parozétine, fluozétine et fluvoxamine
•
Diarrhée
semaines et 24 mg s’il n’y
a pas d’effets secondaires
•
Perte de poids avec l’usage à plus long terme
Mémantine (Ebixa)
Déconseillée si la personne a une déficience
rénale grave
Les antiacides peuvent accroître la
concentration sanguine
5 mg par jour X 1 sem
5 mg BID X 1 sem
10 mg le matin et 5 mg le
soir X 1 sem
10 mg BID
10 mg BID
*5 mg BID si la CrCl est
inférieur à 60
SCPD – Médecins de famille
Peut améliorer la cognition, la socialisation et les AVQ. Peut diminuer
les SCPD chez les personnes à un stade modéré à grave de la
maladie Alzheimer et de démence vasculaire.
Effets secondaires les plus fréquents :
Confusion, céphalées, agitation, insomnie et étourdissements. La
personne peut souffrir d’incontinence urinaire et d’infections urinaires.
Hallucinations avec des doses élevées.
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Traitement de problèmes de comportement causés par la
démence à corps de Lewy (DCL)
Les antipsychotiques devraient être généralement évités avec les pensionnaires
atteints de la DCL, car ils peuvent développer des effets secondaires graves. Si un
antipsychotique doit absolument être prescrit à un pensionnaire atteint de la maladie de
Parkinson, la quétiapine risque moins que d’autres d’exacerber les symptômes moteurs
(Friedman & Factor, Mov Disord; 15(2):201-11; 2000). Un essai clinique contrôlé et
aléatoire sur la rivastigmine (un inhibiteur de la cholinestérase) auprès des personnes
atteintes de démence à corps de Lewy a mis en relief les avantages des symptômes
comportementaux, y compris des hallucinations (McKeith et coll., Lancet 2000;356:2031-6).
•
•
•
Les inhibiteurs de la cholinestérase constituent désormais le traitement de
première ligne pour les SCPD de la démence du corps de Lewy. Il faut plusieurs
semaines pour évaluer leur efficacité thérapeutique.
Si les inhibiteurs de cholinestérase sont inefficaces ou s’il est trop tôt dans le traitement,
songer à des faibles doses de trazodone comme sédatifs (surveiller la TA).
Si des antipsychotiques sont absolument nécessaires, documenter les risques avec la
personne mandataire et songer à des faibles doses de quétiapine (Seroquel).
Traitement de comportements sexuels inappropriés
Il n’existe que très peu de preuve, essentiellement des exposés de cas, à l’appui des
traitements pharmacologiques pour les cas de comportements sexuels inappropriés. En fait,
il est rarement nécessaire d’avoir recours à des médicaments pour résoudre ces problèmes.
Il est donc primordial d’utiliser les grandes lignes présentées dans les chapitres précédents
pour veiller à ce que l’équipe de soins comprenne les causes de ces comportements avant
de conclure qu’il faut diminuer la libido. Les antidépresseurs sérotoninergiques (ISRS), les
antipsychotiques ou les antiandrogènes font partie des possibilités de traitements. Lorsque
d’autres interventions ont échoué, l’hormonothérapie peut également être envisagée pour
les hommes qui mettent d’autres personnes à risque. La prise de poids, une sensibilité aux
seins, la dépression et l’œdème font partie des effets secondaires fréquents. Il peut
également y avoir un risque accru de thromboembolie. Black et ses collègues (Journal of
Geriatric Psychiatry and Neurology; 2005; 18: 155-62) ont récemment passé ces
comportements et les traitements disponibles en revue.
Dans la prise en charge des comportements sexuels inappropriés, il est important d’éviter
(ou d’enlever) les benzodiazépines, car ils causent une désinhibition, ce qui aggrave ces
difficultés. Il est également utile de se rappeler que le trazodone peut parfois provoquer le
priapisme, ce qui peut être faussement interprété comme un comportement sexuel
inapproprié.
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Traitement des troubles du sommeil
Avant d’envisager un traitement symptomatique spécifique pour des troubles du
sommeil, il faut évaluer et comprendre les facteurs sous-jacents et les causes possibles
d’inconfort et de dérèglement du sommeil. La douleur, la nycturie et l’incontinence
représentent les causes physiques les plus communes. Il faut également réfléchir à la
possibilité d’apnée du sommeil, de début d’insuffisance cardiaque, du syndrome des
jambes sans repos, de mouvement involontaire de la jambe ainsi que du trouble du
comportement du REM et des crises d’épilepsie.
De plus, dans les établissements de soin de longue durée en particulier, des causes
fréquentes incluraient un manque d’activité physique, trop de siestes pendant le jour, un
milieu trop bruyant ou trop éclairé la nuit. D’autres causes, comme des troubles
psychiatriques spécifiques tels que la dépression et la bipolarité doivent également être
envisagées. Le traitement commence donc par une étude de ces facteurs contributifs
sous-jacents, abordés de la façon la plus précise possible.
Lorsqu’une prise en charge pharmacologique s’impose, il peut s’avérer utile de
prendre en considération le trazodone, de 25 à 50 mg au coucher, pour ses effets
sédatifs. Ce médicament peut toutefois provoquer une hypotension posturale qui devra
être suivie. Si la dépression est l’une des causes sous-jacentes, on peut alors envisager
l’utilisation de mirtazapine pour ses propriétés sédatives, en faisant attention de ne
prescrire que des doses faibles afin d’éviter l’activité anticholinergique.
Lorsque la cause de l’insomnie sera clairement temporaire (seulement quelques jours)
et qu’aucune contre-indication (ex. apnée du sommeil) ne sera donnée à l’égard de leur
utilisation, des doses faibles de benzodiazépines à action brève (oxazépam, lorazépam)
ou de zopiclone peuvent être envisagées, en se rappelant des risques d’ataxie, de
chutes, d’intensification de la confusion et de la désinhibition.
Situations à risques élevés : la capacité pose un problème
et les psychotropes s’imposent
Tel que clairement présenté dans ce chapitre, la prise en charge pharmacologique des
troubles comportementaux nécessite une bonne connaissance des médicaments, incluant
leur utilisation appropriée, les indications et leurs effets secondaires.
Les médecins doivent expliquer les risques et les avantages aux patients mentalement
compétents, à leur mandataire ou à leur parent proche. Quand les effets secondaires sont
rares, mais graves, il faut prendre les risques de se faire du mal, à soi et aux autres si les
SCPD ne sont pas traités, puis les comparer aux risques encourus (ex. augmentation des
risques d’AVC ou de mort subite avec la prise d’ antipsychotiques).
Au cours de cette discussion, il sera important de souligner les autres solutions possibles et
les interventions non pharmacologiques qui ont été essayées jusqu’à présent. Il est plus
facile de souscrire la participation des familles et des mandataires tôt dans le processus,
plutôt que d’avoir à se pencher sur leurs préoccupations au sujet d’une ordonnance qui a
déjà été écrite, sauf, évidemment, lorsqu’un traitement d’urgence était clairement requis
(comme en cas de delirium).
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Conclusion
La prise en charge pharmacologique des SCPD requiert une compréhension approfondie
des indications appropriées régissant l’utilisation des médicaments et une réflexion sur les
problèmes qui peuvent influer sur les raisons de leur prescription. Sauf en cas d’urgence, la
prise en charge pharmacologique ne devrait se produire qu’après l’instauration des
approches non pharmacologiques, même si des médicaments sont souvent requis lorsqu’un
diagnostic psychiatrique spécifique est rendu (ex. dépression ou trouble d’anxiété). Les
interventions non pharmacologiques doivent être poursuivies pendant la mise en application
du traitement pharmacologique.
Finalement, lorsque des médicaments ne doivent être prescrits que pendant une période de
temps limité (ex. symptômes psychotiques ou troubles du sommeil), il sera important de
fixer une date de révision appropriée (de 3 à 6 mois pour les symptômes psychotiques
persistants, puis de 1 à 2 semaines pour les troubles du sommeil), pour ensuite diminuer
graduellement la posologie ou cesser le traitement lorsque cela est possible. D’un autre
côté, certains troubles nécessiteront un traitement de maintien continu (ex. épisodes
dépressifs récurrents ou maladie bipolaire). Une supervision continue de ces traitements
s’imposera alors.
Bibliographie
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SCPD – Médecins de famille
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