Des liens entre une insuffisance cardiaque et la présence
de troubles cognitifs ont été retrouvés dans plusieurs études,
indépendamment des troubles vasculaires concomitants.
Cependant aucune d’entre elles n’a étudié la relation entre la
présence d’une insuffisance cardiaque et le risque de
développer une démence.
Il s’agit d’une étude suédoise prospective de cohorte,
portant sur 1301 personnes non démentes de 75 ans. Les
sujets ont été vus 3 fois sur une période de 9 ans, pour
dépister la survenue de troubles démentiels suivant les
critères du DSM-III. L’insuffisance cardiaque était définie
selon les recommandations de la Société Européenne de
Cardiologie.
Initialement, 205 (15,8%) des 1301 patients avaient une
insuffisance cardiaque. Ces patients étaient plus âgés (âge
moyen 83,3±5,4 versus 81,2±4,8 ans ; p<0,001), avaient un
MMS plus bas (26,2±3 versus 26,7±2,6), plus de diabète et
une pression diastolique plus basse que ceux qui n’avaient
pas d’insuffisance cardiaque. Le suivi a été en moyenne de
5,02 années/personne. Sur les 1301 patients initiaux, 440 ont
eu un diagnostic de démence, dont 333 un diagnostic de
maladie d’Alzheimer.
Le risque de développer une démence ou une maladie
d’Alzheimer chez les sujets de cette cohorte qui présentaient
une insuffisance cardiaque était respectivement de 1,84 (IC à
95% = 1,35-2,51) et de 1,80 (IC à 95% = 1,25-2,61).
L’utilisation de médicaments antihypertenseurs, dont 83 %
étaient des diurétiques, semblait réduire le risque de survenue
de démence lié à l’insuffisance cardiaque (risque relatif =
1,38 ; IC à 95% = 0,99-1,94).
Une pression diastolique basse (<70mmHg) avait des
effets aggravants sur l’insuffisance cardiaque : risque relatif =
3,07 (IC à 95% = 1,67-5,61).
Cette étude est la première qui montre une association
entre l’insuffisance cardiaque et le risque de développer une
démence, et en particulier une maladie d’Alzheimer, ainsi que
le facteur aggravant indépendant que constitue une pression
diastolique basse. Ces résultats sont importants du fait de
leurs répercussions. On considère en effet actuellement que la
prévalence de l’insuffisance cardiaque chez les plus de 75 ans
est de 13%, ce qui est proche du pourcentage observé dans
cette population.
Cependant dans cette étude, la prévalence de
l’insuffisance cardiaque était probablement sous-estimée car
uniquement évaluée en début d’étude. On peut penser qu’en 9
ans le nombre d’insuffisants cardiaques avait augmenté. De
fait, le nombre de patients déments et insuffisants cardiaques
était probablement plus élevé. De plus, les auteurs n’ont pas
fait la différence entre insuffisance cardiaque diastolique et
insuffisance cardiaque systolique, ce qui est dommage dans
une population âgée. Les différentes causes d’insuffisance
cardiaque n’ont pas non plus été prises en compte dans
l’analyse.
Au total cette étude renforce l’idée que les patients ayant
des troubles cardiovasculaires de type insuffisance cardiaque,
diabète, hypertension artérielle, ou coronaropathie, ont un
risque augmenté de développer une démence et en particulier
une maladie d’Alzheimer.
S. Moulias
Hôpital Ambroise Paré, Boulogne
Insuffisance cardiaque, risque de démence et maladie
d’Alzheimer
©2006 Successful Aging SA
Qiu C, Winblad B, Marengoni A, Klarin I, Fastbom J, Fratiglioni L. Heart failure and risk of dementia and Alzheimer
disease. A population-based cohort study. Arch Intern Med. 2006;166:1003-1008.
Af 439-2006