ÉDITORIAL
Ce numéro de la Revue canadienne de la maladie
d’Alzheimer vous propose un regard neuf sur quelques
concepts classiques. Ainsi, les Drs Mary Gorman et
Kenneth Rockwood présentent une démarche formelle
qui permet d’établir les objectifs thérapeutiques pour
un patient donné à l’aide d’une échelle d’évaluation
appelée Goal Attainment Scaling (GAS), surtout sur le
plan de l’évaluation de la réponse au traitement par les
inhibiteurs de la cholinestérase. Leur article (page 4),
décrit chaque étape de l’établissement d’objectifs thé-
rapeutiques pratiques, pertinents et réalistes pour
chacun des patients qui commencent à prendre un
agent de cette classe. Au lieu d’employer des
paramètres d’évaluation définis par un chercheur dans
un contexte géographique ou culturel différent de celui
du patient, pourquoi ne pas confier cette tâche à
l’équipe soignante, au patient et à l’aidant? Toute la
démarche est fondée sur la définition des attentes réa-
listes au sujet du traitement dans les domaines de la
cognition, de la capacité fonctionnelle, du comporte-
ment, des loisirs et des interactions sociales. L’atteinte
des objectifs est mesurée comme suit : « amélioration
légère », « amélioration importante » ou, à l’opposé,
« détérioration légère », « détérioration importante ».
Les auteurs expliquent la formule mathématique pour
calculer le résultat par rapport au pointage de départ.
De plus, dans un souci d’objectivité, ils ne craignent
pas de souligner les objections d’ordre pratique et les
lacunes d’une telle démarche.
De son côté, le DrChris MacKnight examine la
question complexe de l’incidence et de la prévalence
de la démence chez les personnes âgées de 90 ans et
plus (page 10). Il déplore le peu de patients de plus de
95 ans inclus dans les études épidémiologiques sur la
démence et suggère que des études conçues spéciale-
ment pour évaluer des patients très âgés souffrant de
démence contribueraient à prévenir le biais de non-
réponse au traitement et amélioreraient la pertinence
des instruments d’évaluation de la cognition. Le
DrMacKnight souligne aussi l’écart croissant entre
l’étendue des changements neuropathologiques
observés à l’autopsie et le degré d’atteinte cognitive
immédiatement avant la mort. Il rappelle que l’inci-
dence de la maladie d’Alzheimer (MA) est moins
élevée chez les centenaires, ce qui est étonnant, alors que
la prévalence des autres formes de démence augmente. Il
note une autre différence dans cette population : le rôle
moins grand de l’allèle 4 de l’apolipoprotéine E dans
l’expression de la MA chez les sujets très âgés.
Le DrTimothy D. Epp, pour sa part, présente le
concept de soins centrés sur la personne dans la prise en
charge de la démence (page 14). Ce concept se fonde
sur le principe suivant : le personnel de soins de santé
doit tenir compte du vécu, de la personnalité et du
réseau de soutien du patient dans la prise en charge de
ce dernier. Le DrEpp explique de façon détaillée
comment préserver un environnement social positif et
encourageant pour les personnes qui souffrent de dé-
mence, sans négliger de souligner les difficultés de
cette tâche, notamment l’absence de stratégies adaptées
aux changements qui surviennent aux différents stades
de la démence.
Ensuite, on vous propose la première partie des
réflexions personnelles de Mme Roberta Bédard, une
aidante (page 20). Cette première partie se penche sur
les débuts de ce qui devenu pour elle une véritable
croisade contre la progression inéluctable de la MA
chez son conjoint et sur comment elle tente de
s’adapter à cette réalité.
Enfin, la rubrique de la Société Alzheimer (page 22)
porte sur l’évolution des préoccupations de cette
dernière au cours des 25 années de son histoire. On vous
raconte comment la Société Alzheimer a d’abord pro-
posé des programmes de soutien et d’information à l’in-
tention des aidants et des familles des patients atteints de
MA, avant de créer des groupes de discussion pour les
patients souffrant de MA au stade précoce. Ces groupes
accueillent les patients alors qu’ils sont encore en
mesure de bien comprendre les changements de leur état
cognitif et d’exprimer leurs réactions et leurs senti-
ments. Ce nouveau partenariat avec les patients con-
tribue grandement à enrichir l’information que la
Société Alzheimer transmet aux aidants et aux patients.
Peter N. McCracken, M.D., FRCPC
Professeur de médecine, Université de l’Alberta
Edmonton (Alberta)
Un regard neuf
par Peter N. McCracken, M.D., FRCPC
La Revue canadienne de la maladie d’Alzheimer • Avril 2003 • 3