E-commerce : quand l`exigence légale devient un atout marketing

Evry, Avril 2013
E-commerce : quand l’exigence légale devient un
atout marketing
Le droit n'est pas nécessairement l’ennemi du spécialiste du marketing. Au
contraire, il peut améliorer l’efficacité des sites de vente en ligne.
Par Romain Gola, maître de conférences en droit des affaires et du commerce
électronique à Télécom Ecole de Management
Auteur de « Droit du commerce électronique » chez Gualino (mars 2013)
Le commerce électronique en France se porte plutôt bien malgré le contexte
économique difficile : 45 milliards d'euros de CA en 2012 pour la France, soit 19 % de plus
qu'en 2011 (source : FEVAD, Fédération e-commerce et vente à distance).
En France, les sites de commerce en ligne pourraient être plus « vendeurs »
Mais pour l'instant, il ne représente en France que 8% des ventes de détail et révèle des
taux de transformation (pourcentage d'acheteurs sur le nombre total de visiteurs sur un site
web pendant une période de référence) relativement faibles. Le taux de transformation des
sites marchands BtoC en France était seulement de 2,4% au premier trimestre 2012 selon
la FEVAD qui base ses calculs sur 40 sites leaders de l'e-commerce hexagonal.
La dernière enquête de l'association « Que choisir » (« Surfer en tout tranquillité », mars
2013) montre que le taux de satisfaction sur les sites marchands est en légère baisse (-
2.6% par rapport à 2010). Les reproches les plus souvent invoqués par les consommateurs
concernent la protection des données personnelles, la sécurité des paiements, le droit de
rétractation, les délais de livraison et les coûts cachés. L'enquête révèle aussi les difficultés
rencontrées par les consommateurs pour identifier et contacter les cybermarchands.
Difficultés exacerbées par l'apparition des places de marché ou « market places » (Amazon,
CDiscount, Fnac, etc.).
Renforcement des contraintes juridiques en faveur du consommateur
Les articles L.121-18 et L.121-19 du code de la consommation imposent au commerçant en
ligne une obligation générale d'information portant sur de nombreux points : description des
caractères essentiels des biens et services, nom du vendeur, modalités de paiement et de
livraison, existence du droit de rétractation, etc.
Cette exigence légale va d'ailleurs se renforcer. En effet, la directive européenne
2011/83/UE qui entrera en vigueur au plus tard le 13 juin 2014, imposera un cadre juridique
encore plus stricte concernant l'information et la défense des droits des consommateurs.
Aucun professionnel du marketing ne peut aujourd'hui ignorer le cadre juridique devenu
complexe et multiforme du commerce électronique.
Le droit n'est pas l'ennemi du « marketing»... bien au contraire !
Mais cela ne signifie pas pour autant que le droit est l'ennemi du «marketing », bien au
contraire... Le respect des règles de droit a pour principal avantage de rassurer le
consommateur et peut améliorer indirectement le taux de transformation.
Pour conserver une bonne e-réputation, améliorer son taux de transformation et fidéliser
ses clients, un site de commerce en ligne a tout intérêt à davantage respecter les droits des
consommateurs en les informant le plus possible sur ses conditions générales de vente et
sa politique de confidentialité. Ceci est d'autant plus vrai que le consommateur est de plus
en plus informé et voit son pouvoir renforcé par le développement du web 2.0 à travers les
blogs et les réseaux sociaux.
Quand l'exigence légale devient un atout marketing
De fait, certaines obligations juridiques sont devenues autant de bonnes pratiques de
marketing :
L'identification du cybervendeur, notamment dans les conditions générales de vente est
une obligation primordiale pour rassurer le consommateur. formulée notamment dans la Loi
pour la Confiance Numérique (art. 6 III et 19) et le code de la consommation (art. L.121-18
et 19) .
Respecter les données personnelles, notamment l'« opt-in », qui soumet la collecte des
données personnelles et l'envoi de prospections commerciales au consentement clair et
préalable de l'internaute (article 22 de la Loi pour la Confiance Numérique). La législation
sur les données personnelles étant fort complexe, il sera judicieux de procéder à un audit
juridique de la gestion de ces données par un professionnel ayant obtenu le label CNIL pour
sa procédure d’audit.
En matière de sécurité de paiement, il est important de rappeler les dispositions
protectrices du code monétaire et financier (art. L.133-24) qui donnent au titulaire de la carte
bancaire 13 mois à compter du débit pour contester un achat litigieux et se faire
rembourser. L'achat en ligne ne constitue pas un espace particulier de risque pour le
particulier. L'usurpation d'identité se fait dans le monde physique. Elle concerne donc
potentiellement tous les possesseurs de carte bancaire, acheteurs en ligne ou non.
Faciliter le droit de rétractation : il est peu judicieux de compliquer l'exercice de ce droit,
les clients privilégiant les sites qui facilitent leur démarche. De nombreux sites proposent
des délais de rétractation à 30 jours, voire 100 jours. Certains prennent également à leur
charge les frais de retour, ce qui va au-delà des exigences légales du droit de rétractation
mais qui constitue, par contre, un formidable argument marketing. Notons que la directive
2011/83/UE qui entrera en vigueur au plus tard le 13 juin 2014 prévoit de modifier le délai
légal de 7 à 14 jours.
Les pratiques à éviter
A contrario, certaines pratiques qui ont accompagné les débuts du e-commerce, et qui
consistent à jouer avec les contraintes juridiques, sont désormais à proscrire en terme de
marketing :
Les coûts cachés : l'article 19 al. 2 de la LCEN précise que le cybermarchand dès lors
qu'il mentionne un prix, doit « indiquer celui-ci de manière claire et non ambiguë et
notamment si les taxes et les frais de livraison sont inclus. » Il est surprenant de voir parfois
perdurer la pratique des coûts cachés (garanties ou assurances supplémentaires ajoutées
d'office, coût de l'éco-participation ajoutée après coup, etc.). Cette « vente forcée » est peu
appréciée des consommateurs et pourrait s'apparenter à une pratique commerciale déloyale
au titre de l'article L.120-1 du code de la consommation.
Le flou sur les délais de livraison : certains sites indiquent seulement une date
d'expédition des marchandises commandées, considérant ne pas pouvoir s'engager sur le
délai de livraison qui dépend d'un prestataire. Cependant l'obligation légale « est bien
d'indiquer la date limite de livraison et non celle d'expédition des produits » (article L.121-20-
3 al.. 1du code de la consommation). Si les frais de livraison sont inclus dans le prix, cela
devra être évidemment spécifié (ex : frais de transport gratuits).
Les faux avis de consommateurs : conscients qu'ils peuvent être déterminants pour
décider l'internaute à passer à l'achat ou l'en dissuader, des sociétés de commerce en ligne
n'hésitent plus à rédiger des commentaires falsifiés. Cette pratique peut être qualifiée de
pratique commerciale trompeuse, lourdement sanctionnée par le Code de la
Consommation. Malgré cela, cette pratique perdure et il est difficile en pratique de déceler
un faux avis de consommateur.
Pour lutter contre ce phénomène, l'AFNOR, (Association Française de Normalisation) a
souhaité établir une norme pour « fiabiliser les méthodes de collecte et d'affichage des avis
de consommateurs en ligne ». La norme pourra ensuite être librement adoptée par tout site
proposant des avis à certaines conditions : la vérification de l'identité numérique de
l'émetteur, la possibilité de contacter l'auteur d'un avis, de consulter l'historique de ses
commentaires. En revanche, aucune exigence de fourniture de preuve d'achat n'est prévue
dans la version actuelle de la norme ce qui aurait pu donner une plus grande crédibilité à
l'avis. Le dispositif devrait être disponible au cours de cette année
Utilité des « Labels » et certificats de confiance
Pour améliorer le taux de transformation, le recours à des « labels » ou des certificats de
confiance comme Trustedshops, Fianet ou encore l'adhésion à la FEVAD peut rassurer
l'internaute et l'inciter à acheter. Il est urgent de rapprocher le droit et le marketing dont les
objectifs sont loin d'être inconciliables, contrairement à une idée longtemps répandue. Le
respect des règles juridiques donne confiance au consommateur et constitue un argument
marketing susceptible d'améliorer le taux de transformation des sites web à vocation
commerciale et permet de fidéliser un client.
Romain Gola est maître de conférences en droit des affaires et du commerce électronique à
Télécom Ecole de Management et avocat inscrit au barreau de l’Ontario (Toronto). Il travaille
également à la Faculté de Droit d’Aix- Marseille III et au CNAM. Il a publié « Droit du commerce
électronique » aux éditions Gualino en mars 2013.
Editions Gualino, mars 2013
624 pages, 39 € TTC
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Fondée en 1979, Télécom Ecole de Management est l’école de commerce leader en France sur le
management de l’économie numérique. Accréditée AACSB et AMBA, l’école est 41e au classement
mondial du Financial Times des meilleurs masters en management. Etablissement public, elle est la
business school de l’Institut Mines-Télécom, premier groupe d’écoles d’ingénieurs de France, sous
tutelle conjointe des ministères du Redressement Productif et de l’Economie Numérique. Dirigée par
Denis Lapert, lécole compte 1200 étudiants, 76 enseignants-chercheurs et 5000 diplômés.
www.telecom-em.eu
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