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Le corps Cdes nombres complexes
Les ensembles Zd’entiers relatifs et Qde nombres rationnels peuvent être construits à partir
de problèmes analogues. Pour l’ensemble Zil s’agit des équations x+a= 0 qui n’ont pas de
solution dans Npour aentier naturel non nul et pour l’ensemble Qil s’agit des équations
ax = 1 qui n’ont pas de solution dans Zpour aentier relatif différent de 1,0et 1.Le passage
de l’ensemble Qde nombres rationnels à l’ensemble Rde nombres réels est plus délicat. Les
problèmes sont de nature algébrique (par exemple l’équation x2= 2 n’a pas de solution dans
Q) mais aussi de nature topologique : l’existence de borne supérieure pour les ensembles non
vides et majorés n’est pas assurée dans Qalors qu’elle l’est dans R(par exemple l’ensemble
A={rQ|r22}n’a pas de borne supérieure dans Q). On consultera le cours d’analyse
pour de plus amples détails sur la construction de l’ensemble Rdes nombres réels.
La construction de l’ensemble des nombres complexes est motivée par le fait que certaines
équations polynomiales telles que l’équation x2+ 1 = 0 n’ont pas de solutions réelles.
Le but de ce chapitre est de construire un ensemble que nous noterons Cqui contient R
et qui est muni d’opérations d’addition et de multiplication ayant les mêmes propriétés que
leurs analogues sur R,ce qui se traduira en disant que Cest un corps commutatif. De plus
dans cet ensemble Ctoute équation algébrique P(x) = 0,Pest un polynôme non constant,
a des solutions, ce qui se traduira en disant que Cest algébriquement clos. Dans un premier
temps, on se contentera de décrire les solutions des équations de degré 2, x2+bx +c= 0.Pour
les équations de degré supérieur, on dispose du théorème de d’Alembert-Gauss dit théorème
fondamental de l’algèbre dont la démonstration classique nécessite des outils d’analyse réelle tels
que le fait qu’une fonction continue sur un compact de Cest bornée et atteint ses bornes (voir
le cours d’analyse et le problème du paragraphe 24). Nous verrons aussi que contrairement à R,
l’ensemble Cque nous aurons construit ne peut pas être muni d’une relation d’ordre compatible
avec la multiplication, c’est-à-dire telle que si xyet 0z, alors x·zy·z.
7.1 Conditions nécessaires à la construction de C
Supposons que nous ayons construit un ensemble Ccontenant Rmuni d’opérations d’addi-
tion et multiplication qui prolongent celles que nous connaissons sur les réels avec les même
propriétés (mises à part celle relatives à la relation d’ordre sur R) et tel que l’équation
x2+ 1 = 0 admette au moins une solution idans C.
Pour tous réels x, y, le nombre z=x+iy sera alors dans Cet l’égalité z= 0 est réalisée si,
et seulement si, x=y= 0.En effet, si y= 0,alors x= 0 et si y6= 0,alors i=x
yest réel,
ce qui n’est pas possible puisque l’équation x2+ 1 n’a pas de solution réelle. Il en résulte que
pour x, x0, y, y0réels l’égalité x+iy =x0+iy0est réalisée si, et seulement si, x=x0et y=y0.
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52 Le corps Cdes nombres complexes
De plus pour l’addition et la multiplication de deux éléments z=x+iy et z0=x0+iy0de
C,on doit avoir : ½z+z0= (x+x0) + i(y+y0)
zz0= (xx0yy0) + i(xy0+yx0)
7.2 Construction de C
Les considérations précédentes nous conduisent à définir sur l’ensemble R2des couples de
réels les opérations d’addition et de multiplication suivantes, où z= (x, y)et z0= (x0, y0)sont
deux éléments quelconques de R2:
½z+z0= (x+x0, y +y0)
z·z0= (xx0yy0, xy0+yx0)
On notera Cl’ensemble R2muni de ces deux opérations (ou lois de composition interne) et
on l’appelle ensemble des nombres complexes.
La multiplication de deux nombres complexes zet z0sera notée z·z0ou plus simplement
zz0.
L’égalité de deux nombres complexes z= (x, y)et z0= (x0, y0)est réalisée si, et seulement
si, on a les égalités x=x0et y=y0(c’est ce qui se passe dans tout produit cartésien E×F).
En particulier, pour y=y0= 0,on a (x, 0) = (x0,0) si, et seulement si x=x0,ce qui signifie
que l’application :
RC
x7→ (x, 0)
est injective, ce qui permet de réaliser une bijection de Rsur le sous ensemble R0de Cformé
des couples (x, 0) .Cette bijection permet d’identifier RàR0,ce qui signifie qu’un nombre réel
xest identifié à son image (x, 0) dans C.Cette identification x= (x, 0) est bien compatible
avec les opérations d’addition et de multiplication des réels dans le sens où :
½x+x0= (x, 0) + (x0,0) = (x+x0,0) = x+x0
xx0= (x, 0) (x0,0) = (xx0,0) = xx0
L’opération d’addition vérifie les propriétés suivantes, déduites des propriétés analogues sur
R:
elle est commutative, c’est-à-dire que pour tous nombres complexes z= (x, y)et z0=
(x0, y0),on a :
z+z0= (x+x0, y +y0) = (x0+x, y0+y) = z0+z
elle est associative, c’est-à-dire que pour tous nombres complexes z= (x, y), z0= (x0, y0)
et z00 = (x00, y00),on a :
z+ (z0+z00) = (x, y)+(x0+x00, y0+y00) = (x+x0+x00, y +y0+y00)
= ((x+x0) + x00,(y+y0) + y00) = (x+x0, y +y0)+(x00, y00)
= (z+z0) + z00
le réel 0 = (0,0) est un élément neutre, c’est-à-dire que pour tout nombre complexe
z= (x, y),on a :
z+ 0 = 0 + z=z
Construction de C53
tout nombre complexe z= (x, y)admet un opposé donné par z0= (x, y),ce qui signifie
que :
z+z0=z0+z= 0
On note zcet opposé.
Tout cela se traduit en disant que (C,+) est un groupe commutatif comme (R,+) ,(Q,+)
et (Z,+) .
La notion de groupe est étudiée plus en détails au chapitre suivant.
Comme pour n’importe quel groupe, on peut vérifier que :
l’élément neutre est unique ;
pour tout zC,l’opposé est unique ;
tout élément de Cest simplifiable (ou régulier) pour l’addition, c’est-à-dire que si z+z0=
z+z00,alors z0=z00.
Pour ce qui est de l’autre opération de multiplication, on a les propriétés suivantes, encore
déduites des propriétés analogues sur R:
elle est commutative, c’est-à-dire que pour tous nombres complexes z= (x, y)et z0=
(x0, y0),on a :
zz0= (xx0yy0, xy0+yx0) = (x0xy0y, y0x+x0y) = z0z
elle est associative, c’est-à-dire que pour tous nombres complexes z= (x, y), z0= (x0, y0)
et z00 = (x00, y00),on a z(z0z00) = (zz0)z00.En effet, on a :
z(z0z00) = (x, y) (x0x00 y0y00, x0y00 +y0x00)
= (x(x0x00 y0y00)y(x0y00 +y0x00), x (x0y00 +y0x00) + y(x0x00 y0y00))
= (xx0x00 xy0y00 yx0y00 yy0x00, xx0y00 +xy0x00 +yx0x00 yy0y00)
et :
(zz0)z00 = (xx0yy0, xy0+yx0) (x00, y00)
= ((xx0yy0)x00 (xy0+yx0)y00,(xx0yy0)y00 + (xy0+yx0)x00)
= (xx0x00 xy0y00 yx0y00 yy0x00, xx0y00 +xy0x00 +yx0x00 yy0y00)
=z(z0z00)
On peut remarquer que seule la commutativité de l’addition des réels a été utilisée ici.
elle est distributive par rapport à l’addition, c’est-à-dire que pour tous nombres complexes
z, z0et z00,on a z(z0+z00) = zz0+zz00,ce qui se vérifie encore sans problème.
le réel 1 = (1,0) est un élément neutre, c’est-à-dire que pour tout nombre complexe
z= (x, y),on a :
z·1 = 1 ·z=z
tout nombre complexe z= (x, y)différent de 0admet un inverse donné par :
z0=µx
x2+y2,y
x2+y2,
ce qui signifie que zz0=z0z= 1.En effet l’égalité zz0= 1 équivaut à :
½xx0yy0= 1
xy0+yx0= 0
54 Le corps Cdes nombres complexes
ce qui entraîne : ½x2x0xyy0=x
yxy0+y2x0= 0 et ½yxx0y2y0=y
x2y0+xyx0= 0
et en additionnant les deux premières égalités [resp. en soustrayant les deux dernières], on
obtient (x2+y2)x0=x, (x2+y2)y0=y, ce qui donne compte tenu de x2+y26= 0 pour
z6= 0, x0=x
x2+y2et y0=y
x2+y2.Réciproquement, on vérifie facilement que cette
solution convient. On note z1ou 1
zcet inverse.
On peut remarquer qu’on a utilisé ici la commutativité du produit des réels.
Tout cela se traduit en disant que (C,+,·)est un corps commutatif comme (R,+,·),
(Q,+,·).
La notion de corps est étudiée plus en détails au chapitre suivant.
Là encore le neutre et l’inverse sont uniques et tout nombre complexe non nul est simplifiable
pour le produit.
On note C=C\ {0}et ce qui précède nous dit que (C,·)est un groupe commutatif.
On peut remarquer que pour tout réel non nul x, on a bien :
1
x=µ1
x,0=1
(x, 0)
Ces opérations d’addition et multiplication prolongent bien celles de R.
L’associativité de la multiplication permet de définir les puissances n-ièmes d’un nombre
complexe zpar : ½z0= 1
nN, zn+1 =zn·z
Pour z6= 0 et nN,on a zn6= 0 et :
(zn)1=1
zn=¡z1¢n
On note alors zn=1
zn.
Comme sur R,on a zp+q=zpzqet (zp)q=zpq pour tous entiers relatifs pet q.
Comme sur R,une égalité zz0= 0 équivaut à z= 0 ou z0= 0.En effet si z6= 0,il admet un
inverse et 0 = z1·0 = z1zz0=z0.
En posant i= (0,1) ,on a :
i2= (0,1) (0,1) = (1,0) = 1
De cette égalité, on déduit que 1
i=i.
Le nombre complexe iest aussi solution de l’équation x2+1 = 0 et i, isont les seules solu-
tions de cette équation. En effet si α2+1 = 0,on a α2=1 = i2et α2i2= (αi) (α+i) = 0
de sorte que α=iou α=i.
Théorème 7.1 Tout nombre complexe s’écrit de manière unique z=x+iy, xet ysont
deux réels.
Démonstration. Un nombre complexe s’écrit de manière unique :
z= (x, y) = (x, 0) + (0, y)
= (x, 0) (1,0) + (y, 0) (0,1)
=x·1 + y·i=x+iy
Construction de C55
Définition 7.1 Avec les notations du théorème qui précède, on dit que xest la partie réelle de
zet ysa partie imaginaire, ce qui se note x=<(z)et y==(z).
Définition 7.2 On dit qu’un nombre complexe est un imaginaire pur si sa partie réelle est
nulle.
En résumé un nombre complexe s’écrit z=x+iy i2=1et pour z=x+iy, z0=x0+iy0
dans C,on a :
z=z0x=x0et y=y0
zRy==(z) = 0
z+z0= (x+x0) + i(y+y0)
zz0= (xx0yy0) + i(xy0+x0y)
1
z=x
x2+y2y
x2+y2isi z6= 0
Exercice 7.1 Écrire sous la forme x+iy les nombres complexes suivants :
u=Ã3i
1 + i3!27
,Ã3 + i
3i+3i
3 + i1!111
, w =¡1 + i3¢4
(1 + i)3.
Solution 7.1 On a 3i
1 + i3=3i
i¡3i¢=1
i=iet u=i27 =(i4)71
i=i.
On a
3 + i
3i+3i
3 + i=¡3 + i¢2+¡3i¢2
3i2
=2 (3 + i2)
3i2= 1
et z= 0.
On a : ³1 + i3´4=8³1 + i3´et (1 + i)3=2 (1 i)
et :
w= 41 + i3
1i= 4¡1 + i3¢(1 + i)
(1 i) (1 + i)= 2 ³13´+ 2i³1 + 3´
Exercice 7.2 Calculer inpour tout entier relatif n.
Solution 7.2 Pour n= 0,on a i0= 1.
Tout entier relatif s’écrit n= 4q+ravec r= 0,1,2ou 3et :
in=¡i4¢qir=ir=
1si r= 0
isi r= 1
1si r= 2
isi r= 3
Exercice 7.3 Montrer qu’il n’existe pas de relation d’ordre sur Cqui prolonge la relation
de Ret qui soit compatible avec la somme et le produit, c’est à dire telle que abet cd
entraîne a+cb+det abet 0centraîne ac bc.
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