Céphalées aiguës de l’enfant : conduite à tenir
Dr Richard Baronnet
Cabinet de pédiatrie - 88 avenue Pasteur - 33600 Pessac
Hôpital Pellegrin Enfants, Service de Neuropédiatrie, place Amélie Raba-Léon -
33076 Bordeaux cedex
Les céphalées constituent un symptôme fréquent à l’origine de consultations aux urgences
pédiatriques. La conduite à tenir consiste à évaluer et traiter la douleur. La démarche clinique :
interrogatoire et examen à la recherche de signes associés permet d’intégrer ce symptôme dans un
syndrome méningé (fébrile ou non) ou d’hypertension intracrânienne (HIC) en particulier.
Epidémiologie : enquête aux urgences pédiatriques de l’hôpital des enfants de Bordeaux
concernant les enfants admis pour céphalées durant 6 mois, du 15/02 au 15/08/2003
- 217 enfants inclus de 2 à 16 ans en médecine, soit : 1.41% des admissions dont 156 pour des
céphalées aigues. Au moins un enfant par jour consulte pour des céphalées comme motif principal.
- Age moyen : 7 ans 7 mois pour les C.aiguës ,10 ans pour les C.chroniques.
- 1 enfant sur 3 est adressé par médecin.
- Pour les C.aiguës : 12.3% des enfants sont admis en lit porte et 14.7% sont hospitalisés.
- Pour les C.chroniques : 6% en lit porte et 36% hospitalisés.
Conduite à tenir :
A l’admission : interrogatoire (++)
- Evaluer l’intensité de la douleur (échelle visuelle analogique) et la soulager : Paracetamol per os ou
IV, Ibuproféne ou traitement spécifique chez un migraineux.
- Prise de la température.
- Mesure de la tension artérielle (intérêt pendant l’épisode de céphalée).
- Rechercher un trouble de la conscience : score de Glasgow ou équivalent.
Interrogatoire (++ capital, exhaustif) : faire décrire l’enfant si possible.
-Caractéristiques des céphalées : Horaire, siège, nature (pulsatile…), durée.
-Comportement de l’enfant, caractère empêchant.
-Mode de début, prodromes éventuels.
-Symptômes associés : visuels, auditifs, digestifs, sensitifs, moteurs(déficit..)
-Facteurs favorisants : effort physique….
-Contexte particulier : traumatisme cranien, prise de médicaments. Troubles psychologiques.
-Episodes antérieurs et age de début.
-Terrain particulier : antécédents personnels et familiaux (migraine).
-Traitement déjà reçu et effet.
Différents types de céphalées :
-Aiguës
-Aiguës récurrentes : épisodes antérieurs avec intervalle libre (ex : migraines , céphalées de tension)
-Chroniques progressives : aggravation et accentuation dans le temps (ex : processus expansif
intracrânien…)
-Chroniques stables : permanentes dans leur caractère et leur intensité (ex : abus de médicaments,
troubles ophtalmologiques, psychogènes….)
Examen clinique (complet) :
On recherche : des signes méningés (raideur de la nuque…), des signes neurologiques déficitaires,
cérébelleux…,un foyer infectieux ( ORL…),des troubles visuels, occulomoteur.
Auscultation du crâne et des vaisseaux du cou .Signes cutanés. Examen du rachis.
Mesure du périmètre crânien.
Au terme de l’examen le diagnostic le plus fréquent est celui d’une infection aiguë virale le plus
souvent ORL à l’origine des céphalées (2 cas sur 3 dans l’enquête).
A l’opposé aucun cas d’hypertension artérielle dans notre enquête. Des céphalées aigues associées à
des nausées, des sueurs, des palpitations, un flush, une HTA, fait rechercher un phéochromocytome.
Orientation diagnostique : en fonction du caractère des céphalées, des signes cliniques
associés, d’un contexte particulier, d’un terrain particulier.
Céphalées aiguës inhabituelles par leur caractère :
Installation brutale, violente, très intense, isolée ou associée à un syndrome méningé (vomissements,
obnubilation, agitation, raideur méningée) nécessite une imagerie : scanner cérébral qui fera le
diagnostic d’hémorragie méningée (dans plus de 90% des cas) qui sera confirmée par la ponction
lombaire .Un cas dans notre série avec scanner normal le diagnostic a été fait à la PL.
Signes d’hypertension intracrânienne (HIC) :
Céphalées intenses de la deuxième partie de la nuit, du matin, accentuées par la toux, l’effort,
associées à des vomissements en jet, facile. Des troubles de la conscience, visuels, des fonctions
supérieures,des signes neurologiques associés feront demander une imagerie cérébrale en
urgence : un scanner ou une IRM cérébrale qui fera le diagnostic devant :
- Des signes neurologiques déficitaires (hémiplégie le plus souvent) : d’hémorragie intra cérébrale et
dans un deuxième temps l’angio IRM fera le diagnostic de malformation artério veineuse, de rupture
d’un anévrisme artériel pus rarement. Le bilan ultérieur dépend de la localisation de la lésion, de son
type : une angiographie à visée interventionnelle est le cas échéant discutée.
Un accident vasculaire cérébral peut se révéler par des céphalées et des vomissements puis
rapidement des signes déficitaires apparaissent.
- Des crises convulsives associées feront rechercher une thrombose veineuse cérébrale.
- Des signes visuels, un syndrome cérébelleux, la notion de céphalées subaiguës progressives feront
rechercher une tumeur cérébrale (4 cas dans notre enquête).
- Autres pathologies : une hydrocéphalie (un cas chez un enfant présentant une achondroplasie),
un abcès cérébral (un cas chez un garçon de 14 ans traité pour une sinusite un mois auparavant).
A côté de ces pathologies rares mais graves peut se poser le problème devant un enfant présentant
un épisode de céphalées aigues intense parfois associées à des signes neurologiques
(moteur,sensitif ,visuel,confusionnel) avec une imagerie normale, une régression en quelques heures
du diagnostic d’une première crise de migraine. La notion d’antécédents familiaux de migraine est
importante dans ce cas-là.
Penser à rechercher une crise épileptique (en particulier partielle) qui a pu passer inaperçue, qu’un
jeune enfant ne décrit pas, car les céphalées post critique sont fréquentes. Elles apparaissent parfois
comme prodrome ou aura de crises d’épilepsie.
Une hypertension intracrânienne bénigne sera évoquée devant des céphalées évoluant depuis
plusieurs jours, un fond d’œil sera réalisé à la recherche d’un oedème papillaire. On recherchera la
prise de médicaments (vitamine A, cycline, corticothérapie…), une pathologie inflammatoire ou
endocrinienne. Une néoplasie (lymphome) sera éliminée.
Les algies vasculaires de la face sont rares chez l’enfant.
Céphalées + fièvre :
Il faut rechercher un syndrome méningé et éliminer une infection du système nerveux central.
Une méningite virale a été diagnostiquée 5 fois dans notre enquête, confirmée par le résultat de la
ponction lombaire.
Il faut penser au tableau pseudo méningé d’une éventuelle pneumonie à pneumocoque (1 cas).
Le plus souvent, il s’agit d’infection bénigne mais l’association fièvre et céphalées inquiète les parents
et les amène à consulter dans un service d’urgence.
Céphalées aiguës et contexte particulier :
Traumatisme crânien récent : les céphalées sont souvent en rapport avec une contusion des parties
molles. Des céphalées intenses résistantes aux antalgiques associées à des troubles de la
conscience, des signes neurologiques feront pratiquer un scanner cérébral pour rechercher une
hémorragie méningée, un oedème cérébral, un hématome extradural.
Plusieurs cas dans la famille en hiver : intoxication au CO possible.
Céphalées post ponction lombaire dans les heures ou les jours suivant.( 25% des cas dans l’étude de
A.Leblanc.)
Céphalées et terrain particulier :
Jeune age (avant 5 ans) : une imagerie cérébrale sera plus facilement demandée en l’absence
d’étiologie évidente.
Enfant porteur d’une valve de dérivation ventriculo-péritonéale : un scanner recherche des signes
de dysfonctionnement de la valve (2 cas dans notre série) . Urgence neuro-chirurgicale.
Neurofibromatose. Sclérose tubéreuse de Bourneville : un astrocytome à cellules géantes a été
diagnostiqué chez un garçon de 14 ans .
Des céphalées chez un hémophile ou un enfant thrombopénique à la suite d’un traumatisme
crânien feront rechercher une hémorragie intracrânienne.
En l’absence de cause évidente aux céphalées une recherche de toxique sera réalisée, une
hypoglycémie sera éliminée.
Indication d’une imagerie (scanner ou IRM ) en urgence chez un céphalalgique ;
Céphalées aigues inhabituelles par :
-leur intensité,
-leur résistance aux antalgiques,
-non calmées par le sommeil.`
L’association :
-à des vomissements matinaux ou persistants,
-des troubles de la conscience,
-un syndrome méningé sans syndrome infectieux,
-des anomalies neurologiques transitoires ou persistantes,
-une diplopie ou un oedème papillaire,
-un torticolis.
Un terrain particulier, un contexte particulier seront considérés dans l’indication.
Place du fond d’œil ?
Il n’a été réalisé que 4 fois dans notre série. Il a été peu utilisé car sans doute pas maîtrisé par la
majorité des médecins intervenant aux urgences pédiatriques et du fait de l’accessibilité facile au
scanner cérébral.
Un oedème papillaire sera recherché devant des signes d’HIC.
Bibliographie :
1 A.Leblanc et al. Les céphalées après ponction lombaire en pédiatrie générale : étude prospective
multicentrique .Archives de pédiatrie 12 (2005) 1199-1203.
2 C.Christophe et al. Céphalées chez l’enfant : quand et quelle imagerie ? Archives de pédiatrie 11 (2004)
1389-1397.
3 Lewis DW et al. Acute headache in children and adolescents presenting to the emergency departement.
Headache 40 : 200-203 (2000).
4 Kan Let al. Headaches in a pediatric emergency department: etiology, imaging, and treatment.
Headache 40: 25-29 (2000).
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