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Céphalées
Céphalées
Dans le domaine des céphalées,
l’année 2002 a été marquée par les
progrès de la biologie, l’arrivée à
maturité des triptans, les progrès de
l’imagerie et la place des phénomènes
centraux dans la genèse des céphalées
primaires.
Avec sept molécules, dont six
présentes sur le marché mondial, et
plus de 53 essais cliniques effectués à
ce jour, les agonistes des récepteurs
1B/1Dde la sérotonine – ou triptans –
ont définitivement acquis leurs lettres
de noblesse (1). Ils ont beaucoup
apporté à la connaissance de la physio-
pathologie de la douleur dans les
céphalées primaires en général, et dans
la migraine en particulier. Car la
migraine a longtemps souffert de l’in-
existence de modèle animal pouvant
permettre l’étude de sa physiopatho-
logie, jusqu’à ce que Moskowitz
démontre que l’activation du système
trigémino-vasculaire, impliquant les
récepteurs 1B/1Dde la sérotonine,
entraîne à la fois une dilatation des
vaisseaux intracrâniens et extra-céré-
braux, et une extravasation des
protéines plasmatiques sans proliféra-
tion cellulaire appelée inflammation
neurogène (figure 1). Actuellement, il
est définitivement admis, que l’effica-
cité des triptans passe par le blocage de
ces phénomènes (2). Cela établit ainsi
un lien entre la manifestation la plus
importante de la crise (la douleur) et
une pathogénie précise (activation de
récepteurs spécifiques de la séroto-
nine), et entre la clinique et la biologie.
Une meilleure connaissance des effets
ciblés et la multiplication des molé-
cules (concurrence oblige !) ont
imposé des critères de jugement de
plus en plus sévères et plus proches
des souhaits des patients dans le traite-
ment de la crise de migraine. La
bataille des chiffres aidant, on voit
reculer à chaque nouvelle molécule les
taux d’efficacité observés : autour de
60 % lorsqu’on ne considère que
l’amélioration des céphalées à
2heures, autour de 30 % pour la dispa-
rition des céphalées à 2 heures, pour
tomber autour de 20 % (30 % en cas de
céphalées modérées versus 10 % pour
le placebo) pour la disparition à
2heures sans récurrence ni traitement
de secours dans les 24 heures. Ce
dernier critère, plus proche du souhait
des patients, ramène aux progrès qu’il
reste à faire malgré les succès de ces
dernières années. On voit apparaître,
avec chaque nouvelle molécule, un
discours de plus en plus pharmaco-
clinique : le lien éventuel entre demi-
vie plasmatique longue (supérieure à
2heures ?) et faible taux de récur-
rences (autour de 20 % versus 30 %
pour les autres) est avancé. Cela reste,
à mon avis, à démontrer dans une
classe thérapeutique caractérisée par
son affinité avec des récepteurs spéci-
fiques vasculaires ou neuronaux. On
rapproche aussi une absorption plas-
matique rapide (tmax inférieur à
1heure) d’un produit et un taux de
réponse élevé au cours de la première
Act. Méd. Int. - Neurologie (4) n° 2, mars 2003
l n’est jamais aisé de choisir,
parmi la multitude de
données publiées en une
année, celles qui semblent être
les plus marquantes. C’est pour
cette raison qu’au lieu de faire
un choix d’articles, forcément
personnel, non exhaustif et non
objectif, j’ai préféré parler des
tendances qui ont retenu mon
attention.
A.D. Tehindrazanarivelo
Céphalées en 2002 :
la biologie et l’imagerie
entrouvrent une porte à la clinique
A. D. Tehindrazanarivelo*
* Alain Tehindrazanarivelo est malgache,
neurologue, professeur agrégé de
neurologie à la faculté de médecine
d’Antananarivo. Il est chef de service de
neuropsychiatrie à l’hôpital Befelatanana
(CHU Antananarivo). Il a occupé les
fonctions de vice-doyen à la faculté de
médecine d’Antananarivo, de 1998 à
2002. Il a également été secrétaire
général au ministère de la Recherche
scientifique de Madagascar de 1998
à 2002 et président du conseil
d’administration de six centres
nationaux de recherche durant cette
période. Il est actuellement en année
sabbatique en France et travaille à
l’hôpital Tenon (service du Pr Roullet)
et à l’hôpital Lariboisière (service du
Pr Bousser). Il a particulièrement
travaillé sur les céphalées, les accidents
vasculaires cérébraux et l’épilepsie. Il est
membre de l’équipe éditoriale de Stroke.
I
Figure 1. Vue schématique du système
trigémino-vasculaire et de son fonction-
nement (d’après : Silberstein SD, Lipton
RB, Goadsby PJ. Headache in clinical prac-
tice. Oxford : Isis Medical Media ed., 1998).
Modèle d’extravasation des protéines
plasmatiques neuro-induites.
Vaisseau
sanguin
Noyau trigéminé
caudal
trigéminé
Ganglion
sphenopalatin
Ganglion
Noyau salivaire
supérieur
5-HT1D
5-HT1B
NK1
GABAA
Récepteurs
cible
NK1 : neurokinine 1.
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Céphalées
Céphalées
heure, une biodisponibilité par voie
orale élevée (autour de 70 % versus
moins de 20 % pour certains) et un
taux de réponse élevé, ou encore une
élimination rapide (autour de 50 % en
24 heures) et une bonne tolérance.
Même si tout cela reste à démontrer de
façon indiscutable, il est rassurant de
voir, à travers ces discours un passage
d’une stratégie thérapeutique en pas-à-
pas et centrée sur la maladie (essayons-
les les unes après les autres, et nous
finirons bien par en trouver une qui va
marcher !), à une stratégie centrée sur les
caractéristiques de la maladie propres au
patient, ce qui augure d’une meilleure
prise en charge des migraineux.
Néanmoins, ces nouvelles connais-
sances, portant essentiellement sur les
phénomènes d’origine périphérique,
n’expliquent toujours pas pourquoi
ces crises douloureuses se déclenchent
à un moment ou à un autre ni par quels
mécanismes, pour pouvoir espérer
faire mieux encore que de bloquer les
crises, en empêchant leur survenue.
Les éléments de réponse sur l’implica-
tion des phénomènes d’origine
centrale viendraient peut-être des
connaissances obtenues dans la
physiopathologie de l’algie vasculaire
de la face grâce à l’imagerie. Deux
revues ont été consacrées en 2002 à
l’hypothèse qui semble actuellement
la plus avancée dans ce domaine, et
qui implique la participation de l’hy-
pothalamus postérieur (3, 4). Dans
cette variété de céphalées primaires, la
stimulation – à l’aide de la capsai-
cine des fibres douloureuses appar-
tenant à la branche ophtalmique du
trijumeau entraîne à la fois une dilatation
de la carotide interne homolatérale et
l’apparition des signes végétatifs habi-
tuels de la crise d’algie vasculaire de la
face du côté stimulé, démontrant le rôle
du sytème trigémino-vasculaire dans la
genèse de ces phénomènes. Toutefois, la
persistance des crises douloureuses,
après destruction thermique confirmée
(hypoesthésie, blink reflex, thermogra-
phie) de la branche ophtalmique du triju-
meau, montre que l’intégrité de ce
système n’est pas indispensable à la
survenue de la douleur elle-même.
Des arguments cliniques (périodicité
circadienne et circannuelle) et biolo-
giques (modifications endocriniennes
au moment des épisodes), associés à
des expérimentations animales, ont
orienté les recherches vers une origine
centrale de la douleur. Des examens en
tomographie par émission de positons
ont été effectués sur des patients en
crise et hors crise d’algie vasculaire de
la face. Au cours de la crise, on
observe une activation de la région
cingulaire antérieure (comme dans
toute douleur), du cortex frontal, du
cortex insulaire et du noyau ventral
postérieur du thalamus controlatéraux,
et des noyaux gris centraux homolaté-
raux (comme dans “toute” céphalée),
mais surtout dans la base de la paroi
latérale du troisième ventricule homo-
latéral, où siège la substance grise de
l’hypothalamus postérieur (localisa-
tion propre aux algies vasculaires de la
face) (figure 2). Ces données ont
confirmé l’origine centrale de la
douleur, et la disparition des crises après
stimulation de la région de l’hypo-
thalamus postérieur chez un patient
(5) a renforcé, dans l’algie vasculaire
de la face, le rôle de l’hypothalamus
postérieur en général, et du noyau
supra-chiasmatique en particulier,
dans l’apparition de la douleur et des
phénomènes qui l’accompagnent.
L’apport de ces nouvelles connais-
sances dans la prise en charge des
patients reste encore à démontrer. Car
elles ne nous permettent pas encore de
comprendre les causes du dérèglement
central observé, et les mécanismes
éventuels de son retour à la normale,
de même que le caractère spontané, ou
pas, de ce retour à la normale. Elles
n’expliquent pas non plus la capacité
qu’a le vérapamil à forte dose à réduire,
voire à supprimer, la survenue des crises.
Quelles conclusions pouvons-nous en
tirer ?
Le fait que les critères stricts d’effica-
cité des traitements de la crise soient
encore à un taux de réponse assez
faible, et le fait que les progrès dans
l’étude des phénomènes d’origine
centrale des céphalées ont encore peu
d’applications thérapeutiques devraient
nous amener à nous poser des ques-
tions sur la pertinence de la caractéri-
sation clinique actuelle des patients.
Ces constatations devraient nous
inciter à envisager de nouveaux
regroupements syndromiques fondés
sur la connaissance des mécanismes
impliqués, à rechercher de façon plus
systématique encore certaines mani-
festations cliniques, biologiques ou en
imagerie liées à ces mécanismes, afin
d’aboutir à une meilleure sélection des
malades dans les futures études à
orientation physiopathologique.
Malgré les progrès indéniables que la
biologie et l’imagerie ont apportés ces
derniers temps dans le domaine des
céphalées, beaucoup reste encore à faire et
la clinique a encore une belle carte à jouer.
Références
1. Ferrari MD et al. Triptans (serotonin,
5-HT1B/1Dagonists) in migraine : detailed
results and methods of a meta-analysis of 53
trials. Cephalalgia 2002 ; 22 (8) : 633-58.
2. Tepper SJ, Rapoport AM, Sheftell FD.
Mechanisms of action of the 5-HT1B/1D
receptor agonists. Arch Neurol 2002 ; 59 : 1084-8.
3. Goadsby, P. Pathophysiology of cluster
headache. Lancet Neurology 2002 ; 1 : 253-7.
4. Overeem S et al. The hypothalamus in
episodic brain disorders. Lancet Neurology
2002 ; 1 : 437-44
5. Leone M, Franzini A, Bussone G.
Stereotactic stimulation of posterior hypo-
thalamic gray matter in a patient with
intractable cluster headache. N Engl J
Med 2001 ; 345 (10) : 1428-35.
Figure 2. Comparaison d’une crise
d’AVF déclenchée par la nitroglycérine
et du repos chez 9 patients souffrant
d’AVF chronique (d’après : May A et al.
Neurology 2002 ; 55 : 1328-35).
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