F - FONCTION D’UNE MATRICE
Soit m1, . . . , mrdes entiers strictement positifs et nleur somme. Soit λ1, . . . , λrdes nombres complexes
distincts. On pose
P0(X) =
r
Y
i=1
(Xλi)mi.
Soit Aune matrice dont le polynôme minimal est P0, et τun endomorphisme dont la matrice est A
dans une base donnée.
En plus de la structure d’espace vectoriel de Cn, on muni cet espace d’un produit défini de la manière
suivante : si l’on désigne par a= (aij )et b= (bij )1iret 0jmi1deux éléments de
Cn, on pose
a·b=c
cij =
j
X
k=0 j
kaikbi,jk.
Théorème 1 Les ensembles suivants sont des algèbres monogènes de dimension n.
i) Cnmuni de la structure ci-dessus
ii) EP0=C[X]/P0[X]
iii) MA={P(A)|PC[X]}
iv) Pτ={P(τ)|PC[X]}
Soit ϕl’application de C[X]dans Cndéfinie par
ϕ(P)=(P(j)(λi)) .
Cette application est linéaire. La multiplication sur Cna été choisie pour que ϕsoit multiplicative,
grâce à la formule de Leibniz, puisque
ϕ(P Q) = ((P Q)(j)(λi)) = j
X
k=0 j
kP(k)(λi)Q(jk)(λi)!=ϕ(P)ϕ(Q).
D’autre part, comme un polynôme s’annule en λiainsi que toutes ses dérivées jusqu’à l’ordre mi1
si et seulement si il est divisible par (Xλi)mi, il en résulte que ϕ(P)est nul si et seulement si Pest
un multiple de P0.
Il résulte de cette propriété que ϕ(P)ne dépend que de la classe de Pmodulo P0, et l’application ˙ϕ
induite sur EP0par ϕest injective, et par passage au quotient ˙ϕest un morphisme injectif d’algèbres.
Comme elles sont de dimension n, c’est en fait un isomorphisme. Enfin, comme EP0est engendré par
la classe de X, on a des algèbres monogènes (donc commutatives et unitaires).
F 2
Soit ψl’application de C[X]dans MAdéfinie par
ψ(P) = P(A).
On a encore une application linéaire multiplicative, et, en raison de la définition du polynôme mini-
mal, la matrice ψ(P)est nulle si et seulement si Pest un multiple de P0. On définit donc, là aussi, un
morphisme d’algèbres de EP0dans MA, qui est en fait une bijection, puisque les dimensions sont égales.
Enfin MAet Pτsont clairement isomorphes.
Remarques :
1) Si Aet Bsont des matrices équivalentes telles que
A=Q1BQ
les espaces MAet MBsont isomorphes, et pour tout polynôme P
P(A) = Q1P(B)Q .
2) Si P1est le polynôme
P1(X) =
r
Y
i=1
(Xλ0
i)mi
(λ0
1, . . . , λ0
r)sont des nombres complexes distincts, les espaces EP0et EP1sont isomorphes.
On veut définir maintenant f(A)pour une classe de fonctions assez vaste.
Les fonctions envisagées possèderont la propriété (?)suivante :
Pour tout itel que 1ir, la fonction fpossède des dérivées d’ordre mi1en λi.
Par exemple :
la fonction fest holomorphe dans un ouvert contenant les λi;
si les λisont réels, la fonction fest dérivable mi1fois en tout λi;
si les misont tous égaux à 1, la fonction fest définie en λi.
Théorème 2 Soit Eune algèbre de fonctions possédant la propriété (?)et contenant les polynômes.
Il existe un morphisme χd’algèbres de Edans MA, tel que, pour tout polynôme P, on ait
χ(P) = P(A).
Les valeurs propres de χ(f)sont les nombres f(λi), associés aux mêmes sous-espaces propres que
ceux de A(en prenant éventuellement la somme directe des sous-espaces propres associés à des
valeurs propres ayant la même image par f).
F 3
Notons encore ϕl’application de Edans Cndéfinie par
ϕ(f)=(f(j)(λi)) .
C’est un morphisme d’algèbres et l’on pose
χ=˙
ψ˙ϕ1ϕ .
On obtient ainsi un morphisme d’algèbres de Edans MA, et pour un polynôme P, on a bien
χ(P) = P(A).
D’autre part, si
χ(f) = P(A),
on a
ϕ(f) = ϕ(P)
et donc
f(λi) = P(λi).
La seconde propriété est vraie, puisqu’elle l’est pour les polynômes.
On notera dans la suite
χ(f) = f(A).
Remarques :
1) Ce qui précède permet de définir f(τ)pour un endomorphisme τde matrice A.
2) A toute relation fonctionnelle correspond une relation matricielle analogue. Par exemple
etAesA =e(t+s)A
ou
sin2A+ cos2A=I .
Quelques cas particuliers
1. Si fest une fonction continue en λ
f(λI) = f(λ)I .
2. Si Aa pour valeur propre unique λd’ordre m, et si fest m1fois dérivable en λ, on a
f(A) =
m1
X
p=0
f(p)(λ)
p!(AλI)p,
F 4
car le polynôme
P(X) =
m1
X
p=0
f(p)(λ)
p!(Xλ)p,
est tel que, si 0jm1,
P(j)(λ) = f(j)(λ).
3. Si les racines de P0sont toutes simples, on a
f(A) =
r
X
i=1
f(λi)(Aλ1I)···(Aλi1I)(Aλi+1I)···(AλrI)
(λiλ1)···(λiλi1)(λiλi+1)···(λiλr)
en partant du polynôme d’interpolation de Lagrange.
4. Si Aest inversibble et si f(x)=1/x, on a f(A) = A1
5. Si f=P/Q est une fraction rationnelle n’ayant pas de pôles en λi, alors
f(A) = P(A).Q(A)1.
Théorème 3 Soit fune fonction possédant la propriété (?)en λiet gune fonction possédant la
propriété (?)en f(λi). Alors gfposséde la propriété (?)en λiet
gf(A) = g(f(A)) .
Il suffit de remarquer que si Pest un polynôme tel que, pour iet jtels que 1iret 0jmi1,
on a
f(j)(λi) = P(j)(λi)
et que si Qest un polynôme tel que, pour iet jtels que 1iret 0jmi1, on a
g(j)(f(λi)) = Q(j)(f(λi)) = Q(j)(P(λi)) .
Alors
(gf)(j)λi)=(QP)(j)(λi)
et donc
(gf)(A)=(QP)(A) = Q(P(A)) = g(f(A)) .
Corollaire Si fadmet une fonction réciproque f1avec les conditions de dérivabilité voulues,
alors
f1(f(A)) = A .
F 5
Exemples :
1) Si les λisont positifs et si 0est au plus racine simple de P0, on peut définir A, et l’on aura
(A)2=A.
2) Si les λisont positifs et si 0est au plus racine simple de P0, on peut définir |A|, et l’on aura A2=|A|.
Théorème 4 Soit Aet Bdeux matrices semblables telles que A=Q1BQ, et fune fonction
telle que, pour tout icompris entre 1et r,fsoit mi1fois dérivable en λi. Alors
f(A) = Q1f(B)Q .
Cette propriété étant vrai pour les polynômes, elle l’est encore pour une fonction satisfaisant la condi-
tion (?).
Cas des fonctions holomorphes
Notons Ol’algèbre des fonctions holomorphes dans un disque D(0, R)contenant les λi. Posons
s= max
1jr(mj1) et ||h||= sup
|x|≤λ|h(x)|
λest un nombre fixé compris entre Ret max
1ir|λi|. Posons encore
kgk= sup
0ks||g(k)||.
Enfin, si
g(z) =
X
n=0
anzn,
on notera
gn(z) =
n
X
p=0
apzp.
Comme la suite (g(k)
n)n0converge uniformément vers g(k)dans le disque D(0, λ), la suite gnconverge
vers gdans Omuni de la norme k.k.
D’autre part, si l’on munit Cnde la norme infinie usuelle, on a
|ϕ(g)|= sup
i,j |g(j)(λi)| ≤ kgk.
Donc ϕest continue. Par ailleurs ˙
ψet ˙ϕ1dont des isomorphismes d’espaces de dimension finie donc
sont continues. Il en résulte que χest continue et que la suite (gn(A)) converge vers g(A), et l’on a
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