cours 2010

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Analyse fonctionnelle.
Master M1. Année 2010/2011.
Richard Zekri
13 septembre 2010
2
Table des matières
1 Espaces métriques complets.
5
1.1
Rappels sur les distances et les suites de Cauchy . . . . . . . . . . . . . .
5
1.2
Espaces fonctionnels. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
6
2 Les théorèmes de Hahn-Banach.
13
2.1
Ensembles inductifs et lemme de Zorn. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
13
2.2
Théorème de Hahn-Banach du type prolongement. . . . . . . . . . . . . .
14
3
4
Chapitre 1
Espaces métriques complets.
1.1
Rappels sur les distances et les suites de Cauchy
Définition 1.1.1 Soit E un ensemble. Une distance sur E est une application d :
E × E → R+ , telle que :
1. ∀x ∈ E, y ∈ E, d(x, y) = 0 ⇐⇒ x = y. (d sépare les points de E.)
2. ∀x ∈ E, y ∈ E, z ∈ E, d(x, z) ≤ d(x, y) + d(y, z). (Inégalité triangulaire.)
Une distance d, sur un ensemble E, définit une topologie, dont les ouverts sont les
réunions des boules ouvertes B(x, ) = {y ∈ E/d(x, y) < }, centrées en un point x ∈ E
quelconque, de rayon > 0 quelconque. Muni de cette topologie, E est appelé un espace
métrique. On utilise les notations (E, d) ou E pour le désigner.
Définition 1.1.2 Soit (E, d) un espace métrique. Une suite de Cauchy dans E est
une suite de points (xn )n∈N , contenue dans E, et satisfaisant le critère de Cauchy :
∀ > 0, ∃N ∈ N/∀p, q > N, d(xp , xq ) < .
Définition 1.1.3 Soit (E, d) un espace métrique. On dit qu’une suite (xn )n∈N , de points
de E, converge vers un point x ∈ E, si d(xn , x) → 0, n tendant vers l’infini. C’est à
dire :
∀ > 0, ∃N ∈ N/∀n > N, d(xn , x) < .
L’inégalité triangulaire montre que toute suite convergente est une suite de Cauchy. La
réciproque n’est pas toujours vraie. Il faut pour cela que l’espace E possède la propriété
d’être un espace complet.
Exemple 1.1.4 Soit E = Cc (N), l’espace des fonctions à support fini sur N. On munit
E de la distance : d(f, g) = M ax{|f (p) − g(p)|, p ∈ N}, ∀f, g ∈ E. On définit, pour
chaque entier naturel n, la fonction fn ∈ E, par :
1. fn (0) = 0.
2. fn (p) = 1/p si p ≤ n.
5
3. fn (p) = 0 si p > n.
La suite (fn )n∈N est une suite de Cauchy dans E, qui, cependant, ne converge pas dans
E.
Définition 1.1.5 Un espace métrique E est dit complet si toute suite de Cauchy dans
E converge dans E.
1.2
1.2.1
Espaces fonctionnels.
Espaces de fonctions continues.
Dans ce paragraphe, on considèrera un espace topologique X, et E sera un espace de
fonctions possédant, suivant le cas, diverses propriétés (continues, à support compact,
tendant vers 0 à l’infini, etc...). Eventuellement, X sera un espace métrique. Dans ce
cas, on notera dX la distance sur X, afin de la distinguer de la distance d, sur E qui sera
introduite plus loin.
Définition 1.2.1 Soit X un espace topologique localement compact. On utilisera les
notations suivantes :
1. C(X) pour l’espace des fonctions continues sur X.
2. Cb (X) pour l’espace des fonctions continues bornées sur X.
3. C0 (X) pour l’espace des fonctions continues sur X, tendant vers 0 à l’infini (si X
n’est pas compact.)
4. Cc (X) pour l’espace des fonctions continues sur X, à support compact.
De façon équivalente :
1. C(X) est l’espace des applications f : X → C, continues en chaque point x ∈ X.
2. Cb (X) = {f ∈ C(X)/∃r ∈ R : |f (x)| < r, ∀x ∈ X}.
3. C0 (X) = {f ∈ C(X)/∀ > 0, ∃K, compact contenu dans X, tel que : |f (x)| <
, ∀x ∈
/ K}
4. Cc (X) = {f ∈ C(X)/∃K, compact contenu dans X, tel que : f (x) = 0, ∀x ∈
/ K}
On a les inclusions : Cc (X) ⊂ C0 (X) ⊂ Cb (X) ⊂ C(X). Si X est compact, on a
C(X) = Cc (X), et donc l’égalité de ces quatre espaces.
Définition 1.2.2 Sur Cb (X), on définit une distance d, par :
∀f, g ∈ Cb (X), d(f, g) = Sup{|f (x) − g(x)|, x ∈ X}.
Noter que si X est compact, le Sup est atteint (c’est en fait un M ax.)
La topologie associée à cette distance est appelée la topologie de la convergence uniforme. Une suite convergeant pour cette distance est dite uniformément convergente. Le critère de Cauchy pour cette distance est parfois appelé le critére de Cauchy uniforme. Nous verrons par la suite que cette distance dérive d’une norme, et que
les espaces Cb (X) et C0 (X) sont des espaces de Banach, objet principal de ce cours. De
façon équivalente :
6
Définition 1.2.3 Une suite (fn )n∈N converge uniformément vers une fonction f si :
∀ > 0, ∃N ∈ N/∀n > N, ∀x ∈ X, |fn (x) − f (x)| < .
Rappelons qu’une limite uniforme de fonctions continues est également une fonction
continue.
1.2.2
Parties équicontinues de C(X).
Définition 1.2.4 Soit (X, dX ) un espace métrique. Soit P une partie de C(X). Soit x
un point de X. On dit que P est une famille équicontinue en x si :
∀ > 0, ∃α > 0/∀y ∈ X, d(x, y) < α =⇒ |f (x) − f (y)| < , ∀f ∈ P.
Définition 1.2.5 Soit (X, dX ) un espace métrique. Soit P une partie de C(X). On dit
que P est équicontinue sur X si P est équicontinue en chaque point x, de X.
Il existe une variante uniforme de la notion d’équicontinuité (qui correspond à celle de
continuité uniforme.)
Définition 1.2.6 Soit (X, dX ) un espace métrique. Soit P une partie de C(X). On dit
que P est uniformément équicontinue sur X si :
∀ > 0, ∃α > 0/∀x, y ∈ X, d(x, y) < α =⇒ |f (x) − f (y)| < , ∀f ∈ P.
On sait qu’une fonction continue sur un espace compact X est uniformément continue.
La démonstration de ce fait se généralise sans difficulté aux suites équicontinues. On a :
Lemme 1.2.7 Soit X un espace métrique compact. Soit P une partie équicontinue de
C(X). Alors P est uniformément équicontinue sur X.
Démonstration. Soit α > 0, donné. Pour chaque x ∈ X, notons x un réel strictement
positif, tel que :
∀y ∈ X, d(x, y) < 2x =⇒ |f (x) − f (y)| < α, ∀f ∈ P.
Soit R un recouvrement fini de X, constitué de boules ouvertes centrées en les points
x1 , x2 , . . . , xn , de rayons respectifs x1 , x2 , . . . , xn . Soit = M in{x1 , x2 , . . . , xn }. Considérons
maintenant deux points, x, y, de X. Supposons que d(x, y) < . Soit k, tels que x ∈
B(xk , xk ). L’inégalité triangulaire montre alors que y ∈ B(xk , 2xk ). On a donc : ∀f ∈
P, |f (x) − f (y)| ≤ |f (x) − f (xk )| + |f (xk ) − f (y)| < 2α.
•
Définition 1.2.8 Soit (X, dX ) un espace métrique. Soit P une partie de C(X). On dit
que la suite P est bornée s’il existe un réel positif r, tel que :
∀x ∈ X, f ∈ P, |f (x)| < r.
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1.2.3
Théorème d’Ascoli.
Les deux lemmes suivants seront utiles pour la démonstration du théorème d’Ascoli.
Lemme 1.2.9 Soit X un espace métrique compact. Alors X contient une suite dense.
Démonstration. Pour chaque entier n > 0, on considère le recouvrement ouvert de
X, Rn = {B(x, 1/n), x ∈ X}. Comme X est compact, on peut extraire de Rn un sousrecouvrement fini Fn . Pour chaque n ∈ N, notons x(n, 1), x(n, 2), . . . , x(n, pn ) les centres
des boules ouvertes appartenant à Fn . On vérifie que {x(n, j), n ∈ N, 1 ≤ j ≤ pn } est
une suite dense dans X.
•
Lemme 1.2.10 Soit (X, d) un espace métrique compact. Soit (gn )n∈N une suite équicontinue
dans C(X). On suppose que la suite (gn )n∈N converge simplement vers une fonction g
(non supposée continue) sur X. Alors la suite (gn )n∈N converge uniformément vers g.
(En conséquence, g est continue.)
Démonstration. Soit α > 0. Par équicontinuité uniforme de la suite (gn )n∈N , on peut
trouver > 0, tel que :
∀n ∈ N, ∀x, y ∈ X, d(x, y) < =⇒ |gn (x) − gn (y)| < α.
Soit R un recouvrement fini de X, constitué de boules ouvertes centrées en les points
x1 , x2 , . . . , xp , de rayon /2. Il existe N ∈ N, tel que |gn (xj ) − g(xj )| < α, pour tout
j ∈ {1, 2, . . . , p}. Soit y ∈ X. Supposons que y soit dans la boule centrée en xk , du
recouvrement R. On a |g(y) − g(xk )| = limq |gq (y) − gq (xk )|, ce qui montre que |g(y) −
g(xk )| ≤ α. Enfin, |g(y)−gn (y)| ≤ |g(y)−g(xk )|+|g(xk )−gn (xk )|+|gn (xk )−gn (y)| ≤ 3α,
pour tout entier n > N .
•
Théorème 1.2.11 (Théorème d’Ascoli.) Soit X un espace métrique compact. Toute
suite (fn )n∈N , dans C(X), qui est équicontinue et bornée contient une sous-suite uniformément convergente. (Voir plus haut pour la définition de la convergence uniforme.)
Démonstration. En utilisant le lemme précédent, il suffit de trouver une sous-suite
convergeant simplement sur X. La construction de cette sous-suite utilise un procédé
diagonal. On procédera en deux étapes :
1- Soit (xn )n∈N une suite dense dans X. La suite (fn (x0 ))n∈N étant bornée, contient une
sous-suite convergente. Notons (gn (x0 ))n∈N cette sous-suite. Les fonctions gn sont des
fonctions (bien choisies) dans la suite (fn )n∈N . On a procédé ensuite à une réindexation
de la sous-suite. On extrait de même une sous suite (hn )n∈N de la suite (gn )n∈N , telle
que (hn (x0 ))n∈N et (hn (x1 ))n∈N convergent. Par induction, on sait donc construire, pour
(k)
(k)
(k)
chaque entier naturel k, une suite S (k) = (S0 , S1 , . . . , Sn , . . .), extraite de la suite
(fn )n∈N , telle que :
(k)
(k)
∀0 ≤ j ≤ k, la suite (S0 (xj ), S1 (xj ), . . . , Sn(k) (xj ), . . .) est convergente.
(0)
(1)
(n)
On vérifie alors que la suite diagonale (S0 , S1 , . . . , Sn , . . .) est une suite de fonctions
convergeant simplement en chacun des points {xn , n ∈ N}.
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(n)
2- Pour alléger les notations, notons simplement Sn les fonctions Sn déterminées
au 1. La suite (Sn )n∈N est donc une suite des fonctions, extraite de la suite (fn )n∈N ,
convergeant simplement en chacun des points du sous-ensemble dense E = {xn , n ∈ N},
de X. On va montrer que la suite (Sn )n∈N converge simplement en chaque point de X.
Soit y ∈ X. Soit α > 0. Par équicontinuité en y, il existe > 0, tel que pour tout entier
q, et pour tout point x, de X, avec d(x, y) < , on ait : |Sq (x) − Sq (y)| < α. On peut, en
particulier, supposer que x est un point xp ∈ E, bien choisi (car E est dense dans X).
Par convergence simple en xp , on a, pour tous k, l > M , avec M suffisamment grand,
on a : |Sk (xp ) − Sl (xp )| < α. On a alors, pour ces mêmes k et l : |Sk (y) − Sl (y)| ≤
|Sk (y) − Sk (xp )| + |Sk (xp ) − Sl (xp )| + |Sl (xp ) − Sl (y)| ≤ 3α.
•
La proposition suivante est une réciproque partielle du théorème d’Ascoli. La démonstration,
qui repose sur l’utilisation de l’inégalité triangulaire, est laissée au lecteur, à titre d’exercice.
Proposition 1.2.12 Soit X un espace métrique. Soit (fn )n∈N une suite de fonctions
dans C(X). On suppose que la suite (fn )n∈N converge uniformément vers une fonction
f . (Qui est alors automatiquement continue.) Alors, la suite (fn )n∈N est équicontinue.
•
9
Exercices du chapitre 1.
Exercice 1 Soit X = [−1, 1], muni de la métrique habituelle. On définit les fonctions
(fn )n∈N par :

 fn (t) = 0, ∀t ∈ [−1, −1/n]
fn (t) = 1, ∀t ∈ [1/n, 1]
fn :

fn (t) = (1 + nt)/2, ∀t ∈ [−1/n, 1/n]
1. Dessiner le graphe de fn
2. La suite (fn )n∈N est-elle équicontinue ?
3. Donner la limite de la suite (fn )n∈N . Préciser s’il s’agit d’une limite simple ou
uniforme.
Mêmes questions avec la suite :

 fn (t) = n(t + 1), ∀t ∈ [−1, −1 + 1/n]
fn (t) = n(1 − t), ∀t ∈ [1 − 1/n, 1]
fn :

fn (t) = 1, ∀t ∈ [−1 + 1/n, 1 − 1/n]
Exercice 2 Sur X = [0, 1], on définit, pour n > 0, fn (x) = xn . En quels points de X la
suite (fn )n∈N est-elle équicontinue ?
Exercice 3 Sur R+ , on définit la suite (fn )n>0 par :
fn :
fn (0) = 1
fn (t) = M in(1, n/t), ∀t > 0
1. Dessiner le graphe de fn
2. La suite (fn )n∈N est-elle équicontinue ? Est-elle bornée ?
3. Donner la limite de la suite (fn )n∈N . Préciser s’il s’agit d’une limite simple ou
uniforme.
4. Dire pourquoi le théorème d’Ascoli ne s’applique pas ici.
Exercice 4
1. Soient X un espaces métrique, et (fn )n∈N une suite dans C(X). Montrer que si (fn )n∈N est équicontinue en x ∈ X, alors, pour toute suite (xn )n∈N
convergeant vers x dans X, fn (x) − fn (xn ) tend vers 0, quand n tend vers l’infini.
2. Soit fn (x) = sin(nx). En déduire que la suite (fn )n∈N n’est équicontinue en aucun
π
).
point de R (considérer xn = x + 2n
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Exercice 5 Soit X un espace métrique compact. Soit (fn )n∈N une suite équicontinue
dans C(X). On définit E comme l’ensemble des points x ∈ X, tels que {fn (x), n ∈ N}
soit borné. Montrer que E est à la fois ouvert et fermé dans X.
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Chapitre 2
Les théorèmes de Hahn-Banach.
Il existe deux types de théorèmes de Hanh-Banach. La forme analytique concerne le prolongements des formes linéaires sur un espace vectoriel. La forme géométrique concerne la
séparation des parties convexes d’un espace vectoriel par un hyperplan. La démonstration
de ces théorèmes utilise le lemme de Zorn, que l’on commence par rappeler.
2.1
Ensembles inductifs et lemme de Zorn.
Définition 2.1.1 Soit E un ensemble. Une relation d’ordre partiel sur E est une
relation sur E, satisfaisant les trois conditions ci-dessous :
1. est réflexive : ∀a ∈ E, a a.
2. est anti-symétrique : ∀a, b ∈ E, (a b et b a) ⇐⇒ a = b.
3. est transitive : ∀a, b, c ∈ E, (a b et b c) =⇒ a c.
Un ensemble E, muni d’une relation d’ordre, est dit (partiellement) ordonné.
Définition 2.1.2 Soit E un ensemble muni d’une relation d’ordre . Une partie P , de
E, est dite totalement ordonnée si ∀a, b ∈ P , on a : a b, ou b a. (On dit
également que l’ordre est total sur P , ou que P est totalement ordonné.
Définition 2.1.3 Soit P une partie d’un ensemble ordonné E. Un élement b ∈ E est
appelé un majorant de P si, pour tout a ∈ P , on a : a b.
Définition 2.1.4 Soit E un ensemble ordonné. On dit qu’un élément M ∈ E est un
élément maximal de E si : ∀a ∈ E, M a =⇒ M = a.
Définition 2.1.5 Soit (E, ) un ensemble ordonné. On dit que E est un ensemble
inductif (ou que la relation est inductive) si toute partie totalement ordonnée de E
admet un majorant (dans E).
On peut maintenant énoncer le lemme de Zorn :
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Lemme 2.1.6 (Lemme de Zorn.) Soit E un ensemble ordonné. Si E est inductif et
non vide, alors E contient un élément maximal.
Ce lemme repose sur l’axiome du choix. Il n’est pas nécessaire d’en donner ici une
démonstration. Il va cependant jouer un rle crucial dans la démonstration du théorème
de Hahn-Banach.
2.2
Théorème de Hahn-Banach du type prolongement.
On s’intéresse dans ce paragraphe à la forme analytique du théorème de Hahn-Banach
2.2.1
Enoncé et démonstration du théorème de prolongement.
Théorème 2.2.1 (Théorème de prolongement de Hahn-Banach.) Soient E un espace vectoriel réel, et p : E → R une application, vérifiant les propriétés suivantes :
1. ∀x ∈ E, ∀λ > 0, p(λx) = λp(x). (On dit que p est positivement homogéne.)
2. ∀x, y ∈ E, p(x + y) ≤ p(x) + p(y). (On dit que p est sous-additive.)
Soit Y ⊂ X un sous-espace vectoriel de E. Soit ρ : Y → R une forme linéaire sur Y . On
suppose que ∀y ∈ Y, ρ(y) ≤ p(y). (On dit que ρ est majorée par p.) Alors ρ se prolonge
en une forme linéaire ϕ : E → R, définie sur E, telle que ∀x ∈ E, ϕ(x) ≤ p(x).
Le principe de la démonstration est le suivant : on suppose que Y est strictement contenu
dans E, le cas Y = E étant trivial. On choisit x0 ∈ E, n’appartenant pas à Y . On montre
que ρ se prolonge, avec les propriétés demandées, au sous-espace Y +Rx0 , de E, engendré
par Y et x0 . On utilise ensuite le lemme de Zorn sur la famille F des sous espaces de
E, contenant Y , sur lesquels on peut prolonger la forme linéaire ρ avec les propriétés
demandées. On montre que F est inductive et non vide. On montre enfin que l’élément
maximal de F ne peut être que l’espace E lui-même. Voici la démonstration en détail :
Démonstration. i) [Prolongement partiel de ρ.] Soient E, Y, ρ comme dans l’énoncé.
Soit x0 ∈ E, x0 ∈
/ Y . Soit y+tx0 ∈ Y +Rx0 , avec t ∈ R. On définit ϕ(y+tx0 ) = ρ(y)+tα.
Ici,α est une constante bien choisie.
Choix de la constante α : On remarque d’abord que ∀x, y ∈ Y, ρ(x) + ρ(y) = ρ(x + y) ≤
p(x + y) ≤ p(x + x0 ) + p(y − x0 ). Ceci montre que : ρ(y) − p(y − x0 ) ≤ p(x + x0 ) − ρ(x).
On peut donc choisir α ∈ R, tel que :
Sup{ρ(y) − p(y − x0 ), y ∈ Y } ≤ α ≤ Inf {p(x + x0 ) − ρ(x), x ∈ Y }.
Un tel α satisfait les inégalités :
ρ(x) + α ≤ p(x + x0 ), ∀x ∈ Y.
ρ(y) − α ≤ p(y − x0 ), ∀y ∈ Y.
Rappelons que ϕ(y + tx0 ) = ρ(y) + tα ; ϕ est bien une forme linéaire sur Y + Rx0 ,
qui prolonge ρ. Les inégalités précedentes montrent que : pour t > 0, ϕ(y + tx0 ) =
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ρ(y) + tα = t(ρ(y/t) + α) ≤ tp(y/t + x0 ) = p(y + tx0 ). Pour t < 0 : ϕ(y + tx0 ) =
ρ(y) + tα = |t|(ρ(−y/t) − α)) ≤ |t|p(−y/t − x0 ) = p(y + tx0 ). La forme linéaire ϕ, définie
sur Y + R0 , est donc bien majorée par p.
ii) [Utilisation du lemme de Zorn.] On considère la famille E, des sous espaces vectoriels
Z, de E, qui contiennent Y , et sur lesquels il existe une forme linéaire ϕZ , qui prolonge
ρ, et qui est majorée par p. On munit E de l’ordre partiel : Z1 Z2 ⇐⇒ Z1 ⊂
Z2 , et ϕZ2 (z) = ϕZ1 (z), ∀z ∈ Z1 . Alors E est non vide, car Y ∈ E.SDe plus E est
inductif : Si P est une partie totalement ordonnée de E, la réunion X = Z∈P Z est bien
un sous-espace vectoriel de E. On définit, sur X, la forme linéaire ϕX par ϕX (z) = ϕZ (x),
avec Z ∈ P , tel que z ∈ Z. Par le lemme de Zorn, il existe donc un élément maximal
M , de E. Si M 6= E, on applique de nouveau (i), en remplaçant Y par M , pour obtenir
un élément M + Rx0 , de E, qui majore strictement M , ce qui est une contradiction. •
2.2.2
Applications à l’étude des formes linéaires continues.
On va montrer, dans ce paragraphe, une application du théorème de Hahn-Banach analytique à la construction de formes linéaires continues sur un espace normé. Ce thème
sera repris en détail lors des chapitres suivants, notamment lors de l’étude des propriétés
de dualité des les espace de Banach. On commence par donner quelques définitions et
propriétés, qui seront démontrées, dans un cadre plus général, dans un chapitre ultérieur.
Théorème 2.2.2 Soit E un espace vectoriel normé, sur K (K = R ou C). Soit ϕ :
E → K une forme linéaire sur K. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
1. ϕ est continue sur E.
2. ϕ est continue en 0 ∈ E.
3. Il existe une constante C > 0, telle que ∀x ∈ E, |ϕ(x)| ≤ Ckxk. (On dit que ϕ est
bornée.)
•
Définition 2.2.3 On note E ∗ l’espace vectoriel des formes linéaires continues sur l’
espace vectoriel normé E. On appelle E ∗ le dual topologique de E (par opposition au
dual algébrique, dans lequel les formes linéaires ne sont pas supposées être obligatoirement continues). Soit ϕ ∈ E ∗ . On définit kϕk = Inf {C > 0/∀x ∈ E, |ϕ(x)| ≤ Ckxk}.
On vérifie sans difficulté que ϕ → kϕk, ainsi définie, est bien une norme sur E ∗ . On peut
maintenant énoncer une forme analytique du théorème de Hahn-Banach :
Théorème 2.2.4 (Forme analytique du théorème de Hahn-Banach.) Soit E un
K-espace vectoriel normé, avec K = R ou C. Soit Y un sous-espace vectoriel de E. Soit
ρ une forme linéaire sur Y , telle que pour tout y ∈ Y , |ρ(y)| ≤ kyk. Il existe une forme
linéaire ϕ ∈ E ∗ , prolongeant ρ, telle que kϕk ≤ 1.
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Démonstration. Si K = R, il suffit d’appliquer le théorème de prolongement de HahnBanach, avec p(x) = kxk, pour tout x ∈ E. Supposons que K = C. Soit ψ = Re(ρ)
la partie réelle de ρ. On vérifie sans peine que ψ est R-linéaire, et que ρ(y) = ψ(y) −
iψ(iy), ∀y ∈ Y . On applique le théorème de prolongement à ψ, considérée comme une
R-forme linéaire, et l’on prolonge ψ en ψ̃, forme R-linéaire sur E. On pose ϕ(x) =
ψ̃(x) − iψ̃(ix), ∀x ∈ E. Alors, ϕ est une forme C-linéaire sur E, prolongeant ρ. Il reste à
vérifier que kϕk ≤ 1. Pour cela, x ∈ E étant donné, on remarque que l’on peut trouver
θ, tel que |ϕ(x)| = eiθ ϕ(x) = Re(eiθ ϕ(x)) = Re(ϕ(eiθ x)) = ψ̃(eiθ x) ≤ keiθ xk = kxk.
Corollaire 2.2.5 Soit E un espace vectoriel normé sur K. Soit y0 ∈ E un vecteur non
nul de E. Il existe ϕ ∈ E ∗ , telle que ϕ(y0 ) = ky0 k, et kϕk = 1.
Démonstration. On applique le théorème de Hahn-Banach analytique, avec Y = Ky0 ,
et ρ(λy0 ) = λky0 k.
•
16
Exercices du chapitre 2.
Exercice 6 On note l∞ l’espace des suites bornées à valeursPréelles, muni de la norme
k(xn )n∈N k∞ = Sup{|xn |, n ∈ N}. Soit F = {x ∈ l∞ /Supn | nk=0 xk | < ∞}. On note e
la suite (en )n∈N de l∞ , telle que en = 1, ∀n ∈ N.
1. Montrer que d(e, F ) = 1. En déduire l’existence d’une forme linéaire L ∈ (l∞ )∗ ,
telle que kLk = 1, L(x) = 0, ∀x ∈ F, et L(e) = 1. Une telle forme linéaire sera
appelée une limite généralisée, ou limite de Banach.
2. Montrer que toute suite x = (xn )n∈N , tendant vers 0 est dans l’adhérence F de
F . En déduire plus généralement, que si la suite x = (xn )n∈N converge, alors
L(x) = limn→∞ xn .
3. On suppose que x = (xn )n∈N est une suite de réels positifs. On pose y = x − kxk2 ∞ .
Montrer que |L(y)| ≤ kxk2 ∞ . Déduire de la question précédente que L(x) est positif.
4. En utilisant la question précédente, montrer que pour toute suite x = (xn )n∈N ∈
l∞ , on a lim infn xn ≤ L(x) ≤ lim supn xn .
17
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