REVUE DE PRESSE
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La Lettre du Sénologue - n° 9 - juin 2000
THS ET SEIN
THS et risque de cancer du sein
Le THS augmente-t-il le risque de cancer du sein ? Cette ques-
tion, débattue depuis de nombreuses années, ne semble pas
encore résolue malgré les nombreuses publications qui parais-
sent régulièrement. C’est l’article suivant qui a permis au jour-
nal Le Monde de lancer la polémique récente dont la plupart
des médias se sont fait l’écho :
Schairer C et al. Menopausal estrogen and estrogen proges-
tin replacement therapy and breast cancer risk. JAMA 2000 ;
283 : 485.
L’objectif des auteurs était initialement de comparer le risque
entre traitement par estrogènes seuls et traitement combinant
estrogènes et progestatifs, avec inclusion de 46 355 femmes
ménopausées. L’estrogène choisi est Prémarin®et, dans la plu-
part des cas, le progestatif est représenté par l’acétate de
médroxyprogestérone. Le nombre des patientes est relié au
nombre d’années d’utilisation, et la répartition des différentes
possibilités est la suivante : 44 % sans THS, 38 % avec estro-
gènes seuls, 4 % avec THS combiné, le pourcentage restant
regroupant divers cas. Après quatre années d’utilisation, le
risque relatif (RR) est passé, pour les estrogènes seuls, à 1,2 et,
pour le THS combiné, à 1,4. Si l’on évalue le risque par rap-
port à l’indice de masse corporelle, on s’aperçoit que l’aug-
mentation du risque ne concerne que les femmes minces, ayant
un indice inférieur à 24,4 kg/m2. En résumé, les auteurs ont
conclu qu’il y avait une augmentation du risque de cancer du
sein liée au THS, et ce d’autant plus que les progestatifs sont
associés aux estrogènes.
C’est cette conclusion que les journalistes ont reprise, sans
nuancer leurs propos, et avec une certaine confusion dans
l’interprétation du risque relatif. Cela a affolé non seulement
de nombreuses femmes mais aussi leurs médecins, alors que
ces résultats sont identiques à ceux d’une méta-analyse publiée
dans The Lancet en1997 par le Collaborative Group on Hor-
monal Factors in Breast Cancer. La polémique a été telle que
l’Association française pour l’étude de la ménopause (AFEM)
a tenu une conférence de presse de façon à remettre les choses
au point et à calmer les esprits, tout en reconnaissant que l’on
ne pouvait pas répondre à toutes les questions soulevées par ce
sujet. Le résumé de cette conférence est proposé dans l’article
ci-après.
Rozenbaum H. Président de l’AFEM. Le THS et le risque de
cancer du sein. Conférence de presse de l’AFEM du
17 février 2000. Rev Prat Gynec Obstet 2000 ; 42 : 41.
Les points importants :
– Interprétation d’un risque relatif. De nombreux méthodolo-
gistes estiment qu’un RR inférieur à 2 est peu significatif et
peut être lié à des biais (par exemple, les RR pour le tabac sont
de 10 à 30).
– Disparition de l’augmentation du risque après deux à cinq
ans d’interruption, ce qui suggère que le THS pourrait avoir un
rôle promoteur, en accélérant la croissance, mais non initia-
teur.
– Multiples biais possibles : incidence élevée du cancer du sein
aux États-Unis, haut niveau socio-économique des femmes
traitées, et surtout augmentation du nombre des mammogra-
phies de dépistage, ce qui permet de trouver plus de cancers
que chez les femmes non traitées n’ayant pas de dépistage.
– Absence d’augmentation ou même diminution de la morta-
lité, dans toutes les études publiées.
– Traitements différents d’un pays à l’autre, avec estrogènes
conjugués, comme Prémarin®aux États-Unis et 17 bêta-estra-
diol en France, acétate de médroxyprogestérone aux États-
Unis, dérivés de la testostérone en Suède, ces derniers étant
très peu utilisés chez nous (l’article de Magnusson cité plus
loin fait en effet état d’un risque différent selon les progestatifs
utilisés, risque qui serait nul avec les dérivés directs de la pro-
gestérone).
Willett WC et al. Postmenopausal estrogens. Opposed, unop-
posed, or none of the above. JAMA 2000 ; 283 : 534.
Éditorial concernant l’article précédent. Des biais sont pos-
sibles, car il s’agit d’une étude de cohorte rétrospective. Même
si l’addition des progestatifs semble augmenter le risque, ce
n’est pas prouvé. Il faut regarder non seulement l’incidence,
mais aussi la mortalité. Enfin, il faut mieux étudier les modali-
tés d’administration des progestatifs.
Magnusson C et al. Breast cancer risk following long term
oestrogen and oestrogen progestin replacement therapy. Int J
Cancer 1999 ; 81 : 339.
Étude épidémiologique en Suède avec 3 345 femmes atteintes
d’un cancer invasif et 3 454 témoins. Le risque augmente avec
la durée, en particulier après 10 ans, mais seulement chez les
femmes ayant un indice de masse corporelle inférieur à
27 kg/m2. L’augmentation est plus importante lorsque le THS
est combiné et continu. L’intérêt de cette étude est de montrer
Revue de presse
A. Travade*
* Centre de sénologie République, 63000 Clermont-Ferrand.
une différence de risque en fonction du type de progestatif uti-
lisé. Cette différence est nette avec les progestatifs dérivés de
la testostérone : noréthistérone, lévonorgestrel, lynestrénol,
surtout s’ils sont donnés en continu (19 à 28 jours). Cet effet
n’est pas observé avec les dérivés de la progestérone :
17-hydroxyprogestérone, acétate de médroxyprogestérone.
Lê MG. Traitement hormonal substitutif et cancer du sein. Le
point de vue d’une épidémiologiste. Genesis 1999 ; 49 : 26.
Étude publiée avant la polémique induite par l’article de
Schairer, mais très bien documentée et permettant de répondre
à de nombreuses questions : effet-durée, délai depuis la der-
nière utilisation, influence du poids, etc. Le risque est faible,
estimé à 1,4, et ne devient significatif qu’après la quinzième
année ; il régresse après cinq ans d’interruption. En conclu-
sion, l’auteur pense qu’ “il n’est pas possible d’acquérir la cer-
titude que le THS augmente le risque de cancer du sein, et ce
en raison principalement d’un biais de dépistage par la mam-
mographie…”
Pintiaux A et al. Le traitement hormonal substitutif de la
ménopause. Ref Gynecol Obstet 1999 ; 6 : 287.
Mise au point se rapprochant de l’article précédent et répon-
dant à bien des questions que se posent les gynécologues et
leurs patientes en début de THS.
THS et densité radiologique
Van Gils CH. Mammographic density and breast cancer risk.
Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol 1999 ; 86 : 127.
Les femmes ayant des seins denses (au moins le quart de la
surface mammaire contenant des tissus denses) auraient un
risque de cancer du sein multiplié par 4. La densité dépend de
l’âge, de l’apparition de la ménopause, du poids, du nombre
d’enfants et, dans 10 à 30 % des cas, de la prise d’un THS.
Certaines études, mais pas toutes, montrent une diminution de
la sensibilité et de la spécificité de la mammographie chez les
patientes sous THS. Que peut-on faire pour diminuer la
densité ? Arrêter le THS, prescrire des agonistes de la LH-RH,
du tamoxifène, suivre un régime pauvre en graisses et riche en
hydrates de carbone. L’autre solution est de mieux examiner
les femmes ayant les seins denses, en rapprochant les mammo-
graphies et en en améliorant la qualité avec des incidences
complémentaires, la mammographie numérique et l’IRM.
Lundström E. Mammographic breast density during hor-
mone replacement therapy : differences according to treat-
ment. Am J Obstet Gynecol 1999 ; 181 : 348-52.
Les auteurs ont comparé la densité mammographique avant et
après plusieurs types de THS. L’augmentation de densité est
de 52 % avec THS combiné continu, de 13 % avec THS
cyclique et de 18 % avec estrogènes seuls. Elle apparaît dès la
première mammographie de contrôle et reste ensuite stable.
Elle peut être associée aux éventuels effets secondaires tels
que douleurs et congestion, qui diminuent avec la réduction
des doses. En fait, une densité accrue peut rendre la détection
des cancers plus difficile, mais certaines études suggèrent que
la densité élevée est un facteur de risque indépendant.
Kavanagh AM. Hormone replacement therapy and accuracy
of mammographic screening. Lancet 2000 ; 355.
Les auteurs ont évalué la mammographie de dépistage orga-
nisé chez 103 770 patientes prenant un THS à Victoria, Aus-
tralie (dépistage tous les deux ans à partir de 40 ans, deux inci-
dences et double ou triple lecture). La sensibilité est diminuée
dans le groupe des femmes traitées. Après évaluation des can-
cers de l’intervalle, on retrouve plus de faux négatifs. La spéci-
ficité est plus basse et il y a plus de faux positifs. Les auteurs
craignent donc que l’on ne puisse observer de diminution de la
mortalité chez les femmes traitées soumises à un dépistage de
masse.
MICROBIOPSIE
L’évolution des techniques stéréotaxiques et de la numérisa-
tion a permis des progrès notables ces dernières années dans
l’évaluation non chirurgicale des lésions impalpables.
Hagay C et al. Évolution des biopsies stéréotaxiques des
lésions mammaires non palpables. Premiers résultats sur
table dédiée numérisée avec aiguilles de 14 G. Ref Gynecol
Obstet 1999 ; 6 : 219.
Les auteurs présentent leur expérience des microbiopsies sté-
réotaxiques avec table dédiée numérique et système assisté par
le vide, type Mammotome*. Avec l’aiguille de 14 G ici utili-
sée, les résultats sont très satisfaisants sur les 160 examens réa-
lisés : sensibilité de 90 %, spécificité de 100 %. La fiabilité de
cette technique permet d’éviter la chirurgie des lésions
bénignes. Grâce au système d’aspiration couplé à l’aiguille de
ponction, dont l’encoche tourne sur elle-même, 360°, la
patiente n’est ponctionnée qu’une seule fois, sous anesthésie
locale, et la tolérance est excellente. Si l’on utilise une aiguille
plus grosse, de 11 G, l’examen est tout aussi bien toléré, mais
la fiabilité augmente, et l’on peut ainsi enlever totalement les
petites images (94 % des lésions de moins de 1 cm ont disparu
dans l’étude de Heywang-Köbrunner, Eur Radiol 1998 ; 8 :
377).
Diaz LK et al. Are malignant cells displaced by large gauge
needle core biopsy of the breast ? AJR 1999 ; 173 : 1303.
L’un des reproches faits à la méthode des biopsies stéréo-
taxiques sous anesthésie locale est le risque de déplacement
des cellules épithéliales. Il est en effet possible de trouver des
cellules néoplasiques sur le trajet de ponction, ce qui impose la
prudence dans l’analyse histologique, ces tissus déplacés ne
devant pas être pris pour une invasion. En revanche, le risque
de greffe tumorale est hypothétique, ces amas de cellules
déplacées étant probablement non “viables”. Dans cette étude,
les auteurs ont montré que la fréquence des tissus tumoraux
déplacés diminue si le délai entre la biopsie et la chirurgie aug-
mente, ce qui suggère la régression spontanée de ces cellules
déplacées. Au total, un déplacement a été retrouvé, qu’il soit
“a minima”, c’est-à-dire un ou deux petits amas cellulaires, ou
plus important, chez un tiers des patientes. À noter que le
risque de déplacement est moins important lorsqu’on utilise un
système avec aspiration de type Mammotome* qu’avec le pis-
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La Lettre du Sénologue - n° 9 - juin 2000
tolet automatique et l’aiguille traditionnelle de 14 G. Dans le
premier cas, on trouve 19 % de tissu déplacé a minima et 4 %
de déplacement important, contre 23 % et 13 % dans le
deuxième cas. Toutefois, la différence n’est pas statistique-
ment significative.
Rosen EL et al. Focal fibrosis : a common breast lesion dia-
gnosed at imaging guided core biopsy. AJR 1999 ; 173 :
1657.
La mastose fibreuse localisée est une lésion rare et bénigne.
Elle correspond à une entité le plus souvent palpable associant
un stroma fibreux et une atrophie des canaux et des lobules. Il
peut aussi s’agir d’une lésion impalpable ; les auteurs en ont
fait le diagnostic par microbiopsie écho- ou stéréoguidée sous
anesthésie locale. Cela représente 9 % des 894 biopsies qu’ils
ont analysées. L’aspect échographique et mammographique
n’est pas toujours typiquement bénin, mais, si le diagnostic est
posé sur les microbiopsies, une simple surveillance est
conseillée, car il n’y a pas eu de faux négatif. Une bonne ico-
nographie accompagne la description des signes mammogra-
phiques, échographiques et histologiques.
Liberman L et al. Complete percutaneous excision of infiltra-
ting carcinoma at stereotactic breast biopsy : how can tumor
size be assessed ? AJR 1999 ; 173 : 1315.
Avec le système Mammotome* et l’aiguille de 11 G, il est
possible de faire l’exérèse complète d’un petit cancer invasif ;
dans ces cas, l’exérèse chirurgicale ne retrouve plus de lésion
résiduelle. Le problème se pose alors de connaître les dimen-
sions de la lésion initiale. Lorsqu’il n’y a pas d’envahissement
ganglionnaire, l’évaluation des dimensions est importante dans
les petites lésions inférieures à 1 cm pour déterminer s’il y
aura besoin ou non d’une chimiothérapie adjuvante. On
mesure alors la dimension maximale observée sur la carotte
avec un oculaire micrométrique, mais il y a bien entendu un
risque important de sous-évaluer les dimensions réelles de la
tumeur. Cette étude montre de plus, et cela est bien connu, que
la taille histologique n’est pas toujours corrélée à la taille
radiologique. Elle est, en particulier, inférieure dans six des
huit lésions étudiées. Malgré l’absence de corrélation stricte, il
est important d’avoir, avant la microbiopsie, une imagerie
d’excellente qualité permettant des mesures précises, puisque
la taille évaluée sur les carottes prélevées n’est pas non plus
fiable.
Parker SH et al. Sonographically guided mammotome extra-
ction of retained localization wire. AJR 1999 ; 173 : 903.
Le système Mammotome* de microbiopsie avec aspiration
peut être utilisé sous guidage échographique. Les auteurs ont
utilisé cette technique pour enlever un fragment de harpon
métallique laissé malencontreusement après un repérage chi-
rurgical, évitant ainsi à la patiente une nouvelle intervention.
EXAMEN CLINIQUE, KYSTES ET CALCIFICATIONS
Les progrès dans les techniques d’exploration mammaire ne
doivent pas faire oublier le rôle majeur de l’examen clinique.
Salvat J et al. L’examen clinique systématique des seins
féminins est-il toujours d’actualité ? J Gynecol Obstet Biol
Reprod 1999 ; 28 : 212.
Le dépistage de masse par la mammographie n’est pas encore
diffusé à tous les départements et, même s’il l’était, il ne dis-
penserait pas de l’examen clinique systématique à l’occasion
d’une consultation médicale, ne serait-ce que pour rechercher
un cancer de l’intervalle. Les auteurs montrent, dans cette
étude, l’amélioration du stade de découverte avec augmenta-
tion du taux de conservateur lié à la pratique de l’examen cli-
nique. En revanche, le taux des grosses tumeurs est important
et le restera probablement, car il s’agit souvent de patientes ne
voulant pas admettre leur maladie et refusant l’idée d’une
exploration.
Venta LA et al. Management of complex breast cysts. AJR
1999 ; 173 : 1331.
Conduite à tenir devant la découverte d’une structure échogra-
phique que les auteurs appellent complex cyst. Celle-ci corres-
pond en fait à une structure échographique liquidienne non
typique. Un kyste “simple” ou typique est représenté par une
structure anéchogène bien circonscrite, sans paroi perceptible,
et avec un renforcement acoustique postérieur. Un kyste
“complexe” est caractérisé, dans cette étude, soit par
l’absence de renforcement postérieur soit par la présence
d’échos internes, à l’exclusion des végétations intrakystiques,
de fines cloisons ou d’une paroi épaissie. En fait, ces images
peuvent englober des diagnostics aussi divers que des kystes
liquidiens bénins, des fibroadénomes, des ganglions intra-
mammaires ou des zones de mastose fibreuse localisée. Le
taux de malignité étant de 0,3 %, c’est-à-dire inférieur à celui
des lésions “probablement bénignes” de la classification III
BI-RADS de l’ACR, les auteurs en concluent qu’une simple
surveillance suffit, de façon à éviter les procédures interven-
tionnelles. En cas de kyste typique asymptomatique, aucune
ponction n’est nécessaire. Lorsqu’une ponction est réalisée,
l’analyse cytologique est inutile, à moins que le liquide ne soit
sanglant.
Tabar L et al. A novel method for prediction of long term
outcome of women with T1a, T1b, and 10-14 mm invasive
breast cancers : a prospective study. Lancet 2000 ; 355 : 429.
Bien que les petits cancers révélés par une mammographie de
dépistage soient généralement de bon pronostic, le taux de
mortalité n’est pas nul, même dans les lésions de 10 mm ou
moins. Les auteurs ont étudié la survie à 25 ans des lésions
invasives de 1 à 14 mm. Ils ont constaté que la survie n’est que
de 55 % dans les lésions de moins de 10 mm lorsque l’aspect
mammographique comprend des microcalcifications de type
linéaire et branché (casting), alors que la plupart des femmes
concernées n’ont pas eu d’envahissement ganglionnaire. En
revanche, la survie des femmes ayant des tumeurs de 1 à 9 mm
sans calcification de ce type est de 95 %. Si ces résultats sont
confirmés, il pourrait s’agir d’un moyen de différencier les
petites tumeurs N– de bon et de mauvais pronostic et d’adapter
une thérapeutique adjuvante.
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