CANCERS COLORECTAUX Traitement adjuvant (4)

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Actualités dans les cancers digestifs en 1999
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C. Louvet*
CANCERS COLORECTAUX
Traitement adjuvant
Le débat sur l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante dans les
cancers coliques Dukes B2 est de plus en plus d’actualité.
Alors que la démonstration n’est toujours pas faite de manière
scientifiquement irréprochable, force est de constater que la
plupart des études en cours n’ont pas de bras contrôle pour ces
formes. Ce débat a été alimenté par plusieurs études : dans le
numéro de mai 1999 du Journal of Clinical Oncology, deux
articles aux conclusions contradictoires ont été publiés. Une
méta-analyse du sous-groupe des 1 016 patients B2 de 5 essais
randomisés comparant chirurgie + FUFOL à chirurgie seule,
avec un recul médian de 5,7 ans, montre que la survie sans
progression et la survie globale sont supérieures pour les
patients ayant reçu une chimiothérapie comparativement aux
patients seulement opérés, mais ces différences ne sont pas
significatives (76 % versus 73 %, p = 0,061 ; 82 % versus
80 %, p = 0,057). La conclusion des auteurs est que le gain
brut de survie de 2 % ne justifie pas une chimiothérapie adjuvante systématique (1). À l’inverse, le NSABP (2) rapporte
son expérience sur les 3 820 patients inclus dans quatre protocoles successifs de patients C et B2 (MOF versus chirurgie
seule, 5-FU i.p. versus chirurgie seule, FUFOL versus MOF,
FUFOL versus 5-FU + lévamisole) ; un avantage significatif
de survie sur l’ensemble de la population B2 + C en faveur du
premier bras de chaque étude a été rapporté. Parmi ces
patients, 1 565 présentaient une forme B2. L’amélioration de
la survie brute des B2 était montrée dans chacune des études,
mais n’était significative que pour deux d’entre elles (5-FU i.p.
versus chirurgie seule et FUFOL versus MOF). La méta-analyse de ces quatre études montre un avantage de survie brute
de l’ordre de 6,5 %, plaidant selon les auteurs pour une chimiothérapie adjuvante systématique. Cette démonstration est
cependant critiquable en raison de la méthodologie utilisée.
Deux grandes études adjuvantes dont les résultats avaient déjà
été communiqués ont été publiées : l’étude C05 du NSABP (3)
comparait un traitement postopératoire par acide folinique et
5-FU associé ou non à de l’interféron alpha chez 2 176
patients. Les résultats sont identiques entre les deux bras (survie à 4 ans de 69 % et 70 %), mais l’interféron apporte une
toxicité supplémentaire (> grade 2 : 72,1 % versus 61,8 %).
* Hôpital Saint-Antoine, Paris.
218
L’étude GIVIO-SITAC 01 (4) comparait un FUFOL type
Machover à un bras chirurgie seule chez 881 patients. La mortalité à 5 ans dans le bras FUFOL a été diminuée de 25 %
(p < 0,02), la qualité de vie était identique dans les deux bras.
La différence de taux de survie à 5 ans n’était pas significative
dans le sous-groupe des patients B2. Il s’agit en fait des résultats de l’étude italienne qui avait déjà été prise en compte dans
l’étude IMPACT regroupant 1 500 patients et publiée dans The
Lancet en 1995.
Les résultats préliminaires d’une étude hollandaise ont été
communiqués au congrès de l’ASCO 1999 (5). Mille vingtneuf patients ont été inclus et randomisés entre chirurgie seule
et chirurgie suivie d'un traitement par 5-FU + lévamisole
(Moertel). La survie à 3 ans est significativement augmentée
chez les patients ayant reçu une chimiothérapie adjuvante
(74,3 % versus 66,9 %, p = 0,05). Le détail de l’analyse des
différents sous-groupes permet de constater que cet avantage
existe pour les côlons de stade III (69,2 % versus 56,9 %,
p = 0,01) mais aussi pour les côlons de stade II (85,5 % versus
76,9 %, p = 0,01). Le bénéfice de survie brute est de 8 % pour
ce sous-groupe à 3 ans. À l’inverse, aucun bénéfice n’est
observé pour les rectums (67,8 % versus 68,7 %, p = 0,83).
Deux études d’immunothérapie adjuvante ont été publiées : la
première est l’actualisation de l’essai autrichien comparant
chirurgie à chirurgie + anticorps monoclonal 17-1A (6). Les
résultats intermédiaires déjà publiés sont confirmés avec un
recul de 7 ans : la mortalité a été diminuée de 32 % (p < 0,01)
et aucune toxicité à long terme n’a été décrite avec cet anticorps. La seconde fait appel à une immunothérapie active spécifique : les patients ont été traités ou non après chirurgie par
injection de cellules tumorales autologues irradiées associées
au BCG (7). La réduction du risque de récidive était de 44 %
chez les patients traités comparativement aux patients seulement opérés. Cette différence n’est pas significative pour
l’ensemble des patients, mais elle l’est pour le sous-groupe des
formes B2.
Deux communications portant sur l’intérêt d’une chimiothérapie adjuvante après résection à visée curative de métastases
hépatiques exclusives ont été présentées au congrès de
l’ASCO 1999 : la première (8) concernait 109 patients ayant
présenté un cancer colorectal avec métastases hépatiques résécables, randomisés entre chirurgie seule et chirurgie suivie de
chimiothérapie intra-artérielle hépatique par FUDR et de 5-FU
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
systémique. Trente-deux patients ont été exclus de l’étude
(plus de trois métastases retrouvées lors de l’intervention, ou
métastases extrahépatiques). La survie sans récidive à 3 ans
était de 34 % dans le bras chirurgie seule et de 58 % dans le
bras chirurgie + chimiothérapie (p = 0,039). Les récidives ont
été hépatiques chez 24 patients du groupe chirurgie et chez
8 patients du groupe chirurgie + chimiothérapie (p = 0,035).
Les courbes de survie globale sont très voisines pendant les
trois premières années, mais s’écartent nettement par la suite.
Cependant, la différence entre les courbes de survie n’est, pour
l’instant, pas significative. La deuxième étude (9) comparait
6 cycles de chimiothérapie intra-artérielle hépatique (FUDR
0,25 mg/kg/j de J15 à J29) combinée à une chimiothérapie systémique (5-FU 325 mg/m2 + acide folinique 200 mg/m2 J1-J5)
à 6 cycles de chimiothérapie systémique (5-FU 370 mg/m2 +
acide folinique 200 mg/m2 J1-J5) après chirurgie à visée curative de métastases hépatiques. Dans une population de
514 patients opérés, 391 ont pu bénéficier d’une résection à
visée curative ; 156 ont été inclus dans cette étude (235 ne
l’ont pas été, principalement en raison d’un refus du patient ou
du chirurgien). La survie à deux ans était significativement
augmentée dans le bras CIAH + CT i.v. (85 % versus 69 %,
p = 0,02). Avec un recul moyen de 50 mois, la médiane de survie n’est pas atteinte dans le premier bras ; elle est de 49 mois
dans le second. La survie sans récidive à deux ans n’est cependant pas significativement différente (57 % versus 41 %,
p = 0,07). Ces deux études semblent montrer un avantage du
traitement adjuvant intra-artériel après résection de métastases
hépatiques. Cependant, un nombre important de patients éligibles ont été exclus, et le recul est faible. Avant de retenir
cette modalité de traitement comme standard, si ces résultats
se confirment, il faudra également la comparer aux chimiothérapies systémiques.
Tableau I. Résultats de l’étude américaine.
CPT-11/LV/5-FU
Mayo Clinic
225 patients
219 patients
SSP (médiane)
6,9 mois p = 0,008 4,9 mois
SSP (6 mois)
52 %
35 %
Réponse confirmée
40 %
p < 0,001
22 %
Survie globale
14,4 mois p = 0,173 12,6 mois
Diarrhée grades 3-4
23 %
13 %
Neutropénie grades 3-4
24 %
42 %
Neutropénie fébrile
7%
15 %
Mucites grades 3-4
<1%
10 %
Décès toxique
<1%
1%
CPT-11
223 patients
4,2 mois
31 %
18 %
12,0 mois
31 %
12 %
6%
<1%
<1%
La deuxième étude (13), européenne, comparait un schéma de
5-FU modulé infusionnel (LV5FU2 toutes les deux semaines
ou schéma allemand AIO hebdomadaire 6 semaines sur 7) au
même traitement, auquel était ajouté le CPT-11 (à 180 mg/m2
tous les 15 jours avec le LV5FU2 ou 80 mg/m2 hebdomadaire
avec l’AIO). Trois cent quatre-vingt-sept patients ont été randomisés, 338 (169 dans chaque bras) étant éligibles pour l’analyse. Les trois quarts des patients ont reçu un traitement de
type LV5FU2 ± CPT-11 et un quart le schéma AIO ± CPT-11.
Les résultats de cette étude sont résumés dans le tableau II.
L’étude de qualité de vie n’a pas montré de différence significative entre les deux bras. Ces deux études montrent donc de
manière indiscutable l’intérêt d’une chimiothérapie de première ligne à base de CPT-11 associé au 5-FU modulé par rapport au 5-FU modulé seul, au prix d’une augmentation acceptable de la toxicité sans détérioration de la qualité de vie.
Tableau II. Résultats de l’étude européenne (patients évaluables).
Traitement des formes métastatiques
L’année 1999 restera certainement celle du CPT-11 pour les
cancers colorectaux métastatiques. Les résultats définitifs des
deux études présentées à l’ASCO 1998, établissant l’intérêt du
CPT-11 en monothérapie de deuxième ligne après échec du 5FU, ont été publiés dans The Lancet (10, 11). L’intérêt du
CPT-11 en première ligne est désormais établi par deux études
randomisées communiquées à l’ASCO 1999. La première
étude (12), américaine, comparait le schéma Mayo Clinic (5FU + acide folinique bolus mensuel) au CPT-11 monothérapie
125 mg/m2 hebdomadaire 4 semaines sur 6 et à une association
CPT-11 125 mg/m2 + 5-FU 500 mg/m2 bolus + acide folinique
20 mg/m 2 bolus hebdomadaire 4 semaines sur 6. Six cent
quatre-vingt-trois patients ont été inclus, les caractéristiques
pronostiques principales étant bien réparties, en raison d’une
stratification en particulier sur l’indice de performance, l’âge
et l’existence d’un traitement adjuvant antérieur. Parmi ces
683 patients, 667 ont été effectivement traités. Les résultats de
cette étude sont résumés dans le tableau I. L’étude de qualité
de vie n’a pas montré de différence significative entre les trois
traitements. La conclusion des auteurs est que le traitement
combiné doit être considéré comme un traitement standard des
cancers colorectaux métastatiques.
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
CPT-11/LV/5-FU
LV/5-FU
169 patients
Réponse confirmée
Temps jusqu’à progression
Survie globale (médiane)
Neutropénie grades 3-4
Neutropénie fébrile
Diarrhée grades 3-4
Alopécie grades 1-2
41 %
6,7 mois
16,8 mois
42 %
5%
22 %
51 %
169 patients
p < 0,001
p < 0,001
p = 0,03
23 %
4,4 mois
14,0 mois
11 %
1%
10 %
16 %
Les résultats des premières études randomisées des fluoropyrimidines orales ont également été présentés à l’ASCO 1999.
Deux concernent l’UFT associé à de l’acide folinique (14, 15),
et les deux autres la capécitabine (16, 17), le bras de référence
étant dans tous les cas un schéma de type FUFOL Mayo Clinic. L’UFT était administré à la dose de 300 mg/m2/jour et
l’acide folinique de 75-90 mg/m2/jour ; le traitement oral était
pris pendant 28 jours consécutifs, avec une pause d’une
semaine entre chaque cycle. La capécitabine était administrée
à la dose de 2 500 mg/m2/jour, 14 jours consécutifs tous les
21 jours. Les résultats des deux études UFT sont résumés dans
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le tableau III, ceux des deux études capécitabine dans le
tableau IV. L’objectif de ces quatre études est atteint : elles
montrent que l’UFT + acide folinique, d’une part, et la capécitabine, d’autre part, ont une activité comparable à celle du
schéma Mayo Clinic, avec un profil de tolérance plus favorable. Cependant, on doit remarquer que, même si le schéma
Mayo Clinic est une référence, en particulier aux États-Unis,
d’autres modalités d’administration du 5-FU modulé ont montré leur supériorité tant en termes d’efficacité que de tolérance.
Les résultats globaux de ces quatre études, avec des taux de
réponse de 11 à 21 % et des survies médianes de 12 à 13 mois
paraissent insuffisants lorsqu’on les rapporte aux résultats des
études CPT-11 + 5-FU modulé ou oxaliplatine + 5-FU modulé.
L’étape suivante sera naturellement de combiner l’UFT ou la
capécitabine à ces nouvelles drogues, mais l’intérêt d’une
forme orale se discute alors réellement si les patients doivent
recevoir les autres drogues à l’hôpital et sous forme i.v.
Tableau III. Résultats des deux études comparant l’UFT + acide folinique oral au Mayo Clinic.
Étude Pazdur
Nombre de patients
Taux de réponse
SSP (médiane)
Survie (médiane)
PNN grades 3-4
Neutropénie fébrile
Diarrhée grades 3-4
Mucite grades 3-4
Nausées-vomissements
grades 3-4
UFT + AF
Mayo
409
407
12 %
15 %
3,5 mois 3,8 mois
12,4 mois 13,4 mois
<1%
56 %
0%
13 %
21 %
16 %
1%
19 %
13 %
10 %
Étude Carmichael
UFT + AF
Mayo
190
190
11 %
9%
3,3 mois 3,4 mois
12,3 mois 10,3 mois
3%
31 %
1%
8%
18 %
11 %
2%
16 %
9%
9%
Tableau IV. Résultats des deux études comparant la capécitabine au
Mayo Clinic.
Étude
Étude Twelves
Twelves
Capécitabine
Mayo
Étude
Étude Cox
Cox
Capécitabine
Mayo
Nombre de patients
301
301
302
303
Taux de réponse
SSP (médiane)
Survie (médiane)
PNN grades 3-4
Diarrhée grades 3-4
Mucite grades 3-4
Syndrome main-pied
21,1 %
165 jours
411 jours
2%
11 %
1%
16 %
16,1 %
146 jours
391 jours
19,7 %
10 %
13 %
0%
11 %
133 jours
391 jours
2,3 %
15,5 %
3%
18 %
9%
144 jours
419 jours
26,6 %
14 %
16 %
1%
Signalons enfin deux travaux concernant l’oxaliplatine :
l’actualisation de l’étude comparant LV5FU2 à LV5FU2 +
oxaliplatine (18), qui confirme l’intérêt de l’oxaliplatine en
première ligne des cancers colorectaux métastatiques, avec une
augmentation significative du taux de réponse et de la survie
sans progression, sans détérioration de la qualité de vie. L’analyse des facteurs pronostiques des patients inclus dans cette
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étude européenne montre que le traitement par oxaliplatine,
d’une part, et un traitement de deuxième ligne (quel qu’il soit),
d’autre part, sont deux facteurs majeurs du pronostic de cette
population. Les résultats préliminaires d’une étude de phase II
combinant l’oxaliplatine au raltitrexed (19) sont très encourageants en termes de réponse (taux de réponse = 59 %).
CANCERS DE L’ŒSOPHAGE
Une étude de chimiothérapie néoadjuvante dans les cancers de
l’œsophage a été publiée par Kelsen (20). Cette étude multicentrique randomisée a comparé 3 cycles de cisplatine
(100 mg/m2 J1) et de 5-FU (1 000 mg/m2 en perfusion continue
de J1 à J5) suivis de chirurgie à la chirurgie seule. Les patients
éligibles devaient avoir une maladie résécable d’emblée (T1-3,
N0-1, M0). Quatre cent soixante-sept patients ont été inclus,
244 porteurs d’un adénocarcinome et 213 d’un carcinome épidermoïde de l’œsophage ou de la jonction œsogastrique. La
mortalité et la morbidité opératoires n’ont pas été aggravées
par la chimiothérapie néoadjuvante (6 % vs 6 % ; 31 % vs
26 %). Le taux de résection à visée curative a été le même
dans les deux groupes de patients (62 % vs 59 %). La chimiothérapie n’a permis d’obtenir que 2,5 % de réponse complète
histologique, bien loin des 25 % habituellement observés en
cas d’association radio-chimiothérapie. Seuls 70 % des
patients randomisés dans le bras chimiothérapie ont pu recevoir les trois cycles prévus. Les médianes de survie ne sont pas
différentes entre les deux groupes (15 mois versus 16 mois).
Cette étude négative confirme donc l’inutilité d’une chimiothérapie néoadjuvante dans les cancers de l’œsophage, déjà mise
en avant dans de précédentes publications.
Si la radio-chimiothérapie concomitante est un standard de traitement des cancers épidermoïdes de l’œsophage non opérables,
plusieurs modalités restent discutées. Un traitement dit en splitcourse permet théoriquement de réduire la durée, la toxicité et
le coût de la procédure. Une étude randomisée française présentée par Jacob à l’ASCO 1999 (21) a comparé une radio-chimiothérapie conventionnelle (50 Gy/25 fractions/5 semaines, associés à 5-FU + cisplatine) à un traitement split-course (20 Gy/5
fractions/2 semaines, associés à la même chimiothérapie). Deux
cent vingt patients ont été inclus. Si le coût a été effectivement
réduit de 30 % dans le bras split-course, la radio-chimiothérapie
conventionnelle a donné plus de réponses complètes (61 % vs
48 %, p = 0,07), et surtout un avantage significatif en termes de
survie sans progression (32 % vs 23 % à 2 ans, p = 0,02), de
survie globale (37 % vs 24 % à 2 ans, p = 0,03) et de rechutes
locales (43 % vs 71 %, p < 0,001). La toxicité et la qualité de
vie étaient comparables dans les deux bras. Le traitement
conventionnel reste donc le standard.
CANCERS GASTRIQUES
Peu de données nouvelles ont été publiées ou communiquées
cette année dans les cancers gastriques. Citons la publication
de Bonenkamp (22) qui confirme l’inutilité d’un curage extensif de type D2. Cette étude randomisée a porté sur 711 patients
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
opérés à visée curative d’un cancer gastrique, soit avec un
curage limité aux ganglions périgastriques (D1), soit avec un
curage extensif périgastrique, régional, et comportant une splénopancréatectomie caudale, à la japonaise (D2). La morbidité
et la mortalité périopératoire du groupe D2 ont été significativement augmentées. La survie à 5 ans n’était pas statistiquement différente (45 % vs 47 %). Ce travail confirme trois
études randomisées européennes antérieures.
forme active s’est traduite par une amélioration du taux de
réponse (9,1 % vs 5,1 %), de la survie sans progression
(3,5 mois vs 1,9 mois) et de la survie globale (6,1 mois vs 4,7
mois, avec respectivement 22 % et 5 % de patients vivants à
un an). Cependant, la toxicité hématologique a été plus marquée (59 % de grades 3-4 vs 27 %). Les protocoles thérapeutiques utilisant la gemcitabine doivent désormais tenir compte
de cette notion de durée de perfusion.
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CANCERS DU PANCRÉAS
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Même si quelques études randomisées ont, par le passé, prouvé
qu’une chimiothérapie apportait un bénéfice en survie et en
qualité de vie dans les cancers pancréatiques, la définition d’un
traitement de référence restait en suspens avant l’arrivée de la
gemcitabine. Une étude randomisée française a été présentée
par Rougier (23) à l’ASCO 1999. Cette étude comparait le
5-FU (500 mg/m2 bolus J1 à J5 toutes les 4 semaines) au 5-FU
continu (1 000 mg/m2/jour de J1 à J5) associé au cisplatine
(100 mg/m 2 J1). Si 207 patients ont été inclus, seuls 73 %
d’entre eux ont effectivement été traités, 31 % dans le bras
5-FU et 42 % dans le bras 5-FU + cisplatine ayant reçu plus de
deux cycles. Aucune réponse tumorale n’a été observée dans le
bras 5-FU, alors que 10 % (en intention de traiter) et 16 % (des
patients ayant reçu plus de deux cycles) ont répondu dans le
bras combiné. Les médianes de survie sans progression et de
survie globale étaient très courtes et non significativement différentes. Cependant, à un an, 9 % des patients du bras 5-FU et
17 % des patients du bras combiné étaient en vie (p = 0,08). La
toxicité a été plus marquée dans le bras combiné (48 % grade
3-4 vs 20 %). La conclusion des auteurs est qu’il est nécessaire
de bien sélectionner les patients éligibles pour une chimiothérapie, et que, dans ce cas, le traitement par 5-FU continu + cisplatine peut apporter un bénéfice par rapport au 5-FU bolus,
considéré ici comme équivalent à un traitement symptomatique.
Plusieurs travaux se sont intéressés à la gemcitabine en association avec, soit le 5-FU, soit le cisplatine. Il s’agit pour l’instant de données de phase II ou préliminaires, mais qui semblent indiquer que l’association peut améliorer les résultats de
la monothérapie. Le travail le plus intéressant sur la gemcitabine est celui présenté à l’ASCO 1999 par Tempero (24) : la
gemcitabine est, en fait, une prodrogue dépourvue d’activité
antitumorale, et doit subir une conversion intracellulaire (triphosphorylation) pour être active. Or ce phénomène est saturable. L’augmentation de dose de gemcitabine ne doit donc pas
permettre une augmentation de son activité, mais bien de sa
toxicité. Pour pallier ce problème, il convient plutôt d’allonger
la durée de perfusion de cette drogue. Une étude de phase II
randomisée a comparé les effets de la gemcitabine administrée
en 30 minutes (2 200 mg/m2) ou administrée à une dose inférieure de 1 500 mg/m2, mais en perfusion de 10 mg/m2/mn, soit
150 minutes chez des patients atteints de cancer pancréatique
inopérable. Le taux de gemcitabine triphosphate (active) dans
les cellules mononucléées a été significativement augmenté
(336 mM vs 113 mM, p = 0,003). Cette augmentation de la
La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
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randomized trial of bimonthly leucovorin and 5-FU regimen (LV5FU2) with or
without oxaliplatin in advanced colorectal cancer. Proc Am Soc Clin Oncol
1999 ; 18 : abstr. 918.
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C
A
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19. Seitz J.F. et coll. Tomudex plus oxaliplatin as first-line chemotherapy in
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21. Jacob J.H. et coll. Definitive concurrent chemo-radiation therapy in squamous cell carcinoma of the esophagus : preliminary results of a French randomized trial comparing standard vs split course irradiation. Proc Am Soc Clin
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23. Rougier P. et coll. Efficacy of 5-FU + cisplatin compared to bolus 5-FU in
advanced pancreatic carcinoma : a randomized trial from the French anticancer centers digestive group. Proc Am Soc Clin Oncol 1999 ; 18 : abstr. 1050.
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by standard infusion vs fixed dose rate in metastatic pancreatic adenocarcinoma. Proc Am Soc Clin Oncol 1999 ; 18 : abstr. 1048.
. . .
D r J.F. S eitz
Doit-on développer le traitement adjuvant après résection de métastases hépatiques dans
le cancer colorectal, en particulier à l’aide d’une chimiothérapie intra-artérielle ?
Les deux essais de chimiothérapie intra-artérielle hépatique (CIAH) présentés cette année
à l’ASCO par les sœurs Kemeny sont intéressants, car ils apportent des arguments en
faveur de l’efficacité de la chimiothérapie adjuvante après résection de métastases hépatiques. Ces résultats sont bien sûr encore trop préliminaires et pas suffisamment significatifs pour que la CIAH devienne un standard. Mais cela doit nous inciter à nous remettre au
travail, par exemple en incluant massivement nos patients dans le futur essai européen
qui comparera la chimiothérapie pré- et postopératoire à la chirurgie hépatique seule.
Alors que le CPT-11 et l’oxaliplatine ont leur autorisation de mise sur le marché en France
en association au 5-FU modulé, existe-t-il des critères permettant de choisir l’une ou
l’autre combinaison en première ligne thérapeutique des cancers colorectaux en dehors
d’essais cliniques ?
On dispose donc de deux produits autorisés, le CPT-11 et l’oxaliplatine, qui améliorent
l’efficacité du 5-FU modulé par l’acide folinique en première ligne. Le CPT-11 a peut-être
un léger avantage dans la mesure où l’essai européen montre une augmentation de la
survie globale. Cependant, nous savons très bien que certains patients répondent à une
association et pas à l’autre, et que certains patients supportent bien une association et
pas l’autre. Les deux protocoles sont donc complémentaires et l’on ne sait pas encore
clairement par lequel il vaut mieux commencer pour un patient donné. On attend donc
avec impatience les résultats de l’étude française en cours, qui cherche à répondre à cette
question.
Quel est l’avenir de la gemcitabine dans les cancers pancréatiques métastatiques ?
On entrevoit, semble-t-il, la sortie du tunnel en matière de cancers du pancréas métastatiques : on dispose, d’une part, de deux études récentes montrant qu’une chimiothérapie
à base de 5-FU augmente la survie par rapport au seul traitement symptomatique, et,
d’autre part, de deux schémas supérieurs au 5-FU bolus : l’association 5-FU-cisplatine, et
la gemcitabine.
La gemcitabine est donc un traitement actuel autorisé en routine qui a le mérite de la simplicité d’administration et de la bonne tolérance. Mais le gain sur la survie reste faible, et
l’avenir est probablement dans sa meilleure utilisation (perfusions plus lentes) et surtout
dans les associations (avec le 5-FU, le cisplatine, l’oxaliplatine, voire le CPT-11) dans le
cadre des essais en cours.
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La Lettre du Cancérologue - volume VIII - n° 6 - décembre 1999
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