Résumés des communications présentées à la Journée scientifique de la Fédération francophone de cancérologie digestive, le 12 janvier 2007 Cancer du côlon Colon cancer ● ● T. Aparicio* CANCER DU CÔLON MÉTASTATIQUE Maintenant que les survies médianes des patients atteints de cancer colorectal métastatique franchissent régulièrement la barre des 20 mois, il est nécessaire d’envisager les traitements dans la durée et de ménager les patients. Plusieurs études ont étudié l’effet de la pause thérapeutique. L’étude OPTIMOX 1 a montré qu’un traitement séquentiel par FOLFOX 7 (6 cycles) suivi d’un traitement d’entretien par LV5FU2 simplifié (12 cycles), puis une reprise du FOLFOX 7 faisait aussi bien qu’un traitement continu par FOLFOX 4. La survie médiane était de 21,2 versus 19,3 mois (non significatif [NS]). Les toxicités sévères étaient moins fréquentes dans le bras séquentiel (1). Les résultats préliminaires de l’étude suivante, OPTIMOX 2, ont été rapportés à l’ASCO 2006. Dans cette étude, le bras OPTIMOX 1 était comparé à un schéma de 6 cycles de FOLFOX 7 modifié, puis une pause thérapeutique était opérée et le FOLFOX 7 était repris en cas de progression. La durée de contrôle de la maladie était similaire dans les 2 bras 12,9 versus 11,7 mois (p = 0,41) [2]. À ce même congrès, une étude italienne a comparé LV5FU2 + irinotécan jusqu’à progression versus séquences de 2 mois du même traitement alternant avec 2 mois de pause thérapeutique. Les survies globales étaient proches dans les 2 bras (17,6 versus 16,9 mois) [3]. Le principe de la pause thérapeutique est séduisant, mais il reste à préciser pour quels patients ces schémas sont les plus adaptés (patients en bon état général avec maladie multimétastatique ?), quel type de pause (chimiothérapie intermittente ou reprise à progression ?) et la place des thérapies ciblées durant les pauses. À l’inverse de la pause, l’intensification thérapeutique par chimiothérapie seule pour les patients potentiellement résécables continue d’être explorée. Une étude grecque sur 283 patients a comparé une chimiothérapie par LV5FU2 + irinotécan à la triple association LV5FU2 + irinotécan 150 mg/m2 + oxaliplatine 65 mg/m2. Les taux de réponses ont été décevants et non significativement augmentés dans le bras trithérapie (43 versus 33 %). Les survies globales n’étaient pas significativement différentes même s’il existait une tendance en faveur de la trithérapie (21,5 versus 19,5 mois) [4]. Une autre étude de phase III rapportée à l’ASCO a comparé le LV5FU2-irinotécan à un FOLFIRINOX avec des doses plus élevées (165 mg/m2 d’irinotécan et 85 mg/m2 d’oxaliplatine. La trithérapie augmentait * Service d’hépato-gastroentérologie, hôpital Bichat-Claude Bernard. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 4 - avril 2007 significativement le taux de réponse (60 versus 34 %, p < 0,001), le taux de résection chez les patients atteints de métastases hépatiques exclusives (36 versus 12 %, p = 0,02) et la survie globale (22,6 versus 16,7 mois, p = 0,032) [5]. L’année 2006 a également vu la publication d’études randomisées attendues depuis longtemps. L’équipe de N.E. Kemeny a comparé la chimiothérapie intra-artérielle hépatique (CIAH) à la chimiothérapie systémique. La CIAH permet d’obtenir une meilleure survie globale (24 versus 20 mois, p = 0,0034) ainsi que de meilleurs taux de réponses (47 versus 24 %, p = 0,012) [6]. Bien que le protocole utilisé dans cette étude associant simplement 5-FU + acide folinique ne soit pas le plus performant, on note qu’une sélection des malades et une prise en charge dans des centres experts permet d’obtenir une survie prolongée. Enfin, l’étude de la Fédération française de cancérologie digestive comparant LV5FU2 standard ou faible dose d’acide folinique, 5-FU hebdomadaire (AIO) ou raltitrexed a été publiée. L’essai, arrêté prématurément après inclusion de 294 patients, a montré une surtoxicité dans les bras 5-FU hebdomadaire et raltitrexed (toxicité grade 3-4 : 27, 25, 38 et 47 %), un taux de réponse (28, 21, 22 et 10 %) ainsi qu’un taux de survie moins élevés avec le raltitrexed (7). Dossier thématique D ossier thématique THÉRAPIES CIBLÉES Les options thérapeutiques avec les thérapies ciblées continuent de s’élargir. Les résultats finaux des cohortes TREE ont été rapportés. La méthodologie est critiquable, puisqu’il s’agit de la comparaison de deux études de phase II randomisées comparant pour la première période d’étude 150 patients répartis dans 3 bras (FOLFOX versus 5-FU bolus + oxaliplatine versus CAPOX) à 223 patients inclus sur une deuxième période d’étude répartis dans les 3 mêmes bras + bévacizumab. Les survies médianes étaient de 26 mois (FOLFOX + bévacizumab), 20,7 mois (5-FU bolus + oxaliplatine + bévacizumab) et 27 mois (CAPOX + bévacizumab). La survie médiane était de 18,2 mois dans l’étude TREE 1 et de 24,4 mois dans l’étude TREE 2, ce qui suggère que le bévacizumab améliore l’efficacité des schémas à base d’oxaliplatine en première ligne (8). Les arguments pour l’utilisation du cétuximab dès la première ligne en association avec l’irinotécan ou l’oxaliplatine s’étoffent. Une étude américaine a montré que le taux de réponse était augmenté par l’adjonction de cétuximab aux schémas FOLFIRI 113 Dossier thématique D ossier thématique ou FOLFOX (49 versus 33 %, p = 0,014) [9]. Plusieurs études de phase II ont rapporté des taux de réponse de 63, 62,7 et 57 % avec des protocoles associant le cétuximab au FOLFOX 6, FOLFOX 4 et XELOX respectivement (10-12). L’utilisation des thérapies ciblées pourrait être simplifiée. En effet, la durée de perfusion du bévacizumab peut être ramenée à 30 minutes dès la première perfusion sans occasionner d’accident allergique (13). D’autre part, pour le cétuximab, une étude de phase I a montré que les paramètres pharmacocinétiques et la tolérance étaient comparables entre des perfusions de 500 mg/m2 toutes les 2 semaines et des perfusions hebdomadaires de 250 mg/ m2 (14). Enfin, un nouvel anticorps monoclonal anti-EGFR, le panitumumab, entièrement humanisé et d’emblée développé avec un schéma d’administration toutes les 2 semaines, a fait la preuve de son efficacité dans le traitement de patients prétraités par chimiothérapie, en améliorant significativement la survie sans progression comparée aux soins palliatifs seuls, quelle que soit l’expression de l’EGFR en immunohistochimie (15). Un essai stratégique comparant les différentes options thérapeutiques qui vont s’offrir en première ligne et en deuxième ligne devient de plus en plus essentiel. TRAITEMENT ADJUVANT DU CANCER DU CÔLON Pas de révolution cette année dans le traitement adjuvant des cancers du côlon. Une étude de phase III comparant le 5-FU bolus + acide folinique au tégafur (UFT) + acide folinique oral a montré une équivalence d’efficacité et de toxicité entre les deux protocoles dans le traitement adjuvant des cancers du côlon (16). Une confirmation de l’efficacité des protocoles 5-FU en perfusion continue en adjuvant a été apportée par l’étude européenne PETACC 2 qui a inclus, après exérèse d’une tumeur de stade III, 1 601 patients randomisés entre LV5FU2 ou AIO et 5-FU bolus de type Mayo Clinic. Les survies sans récidive et globales à 5 ans sont identiques entre les 2 bras (56 versus 57 % et 72 versus 71 % respectivement). La toxicité hématologique et muqueuse est moindre avec les protocoles de 5-FU en perfusion continue (17). En 2006, deux études importantes ont été publiées par des équipes françaises. L’une établit le bénéfice de la chimiothérapie (5-FU bolus + acide folinique), concomitante ou non à la radiothérapie sur le contrôle local des adénocarcinomes du rectum T3 ou T4. Tous les patients avaient une radiothérapie préopératoire. Les récidives locales ont été de 8,7-9,6-7,6 et 17,1 % dans les groupes chimiothérapie préopératoire, postopératoire, pré- et postopératoire et sans chimiothérapie respectivement (p = 0,002) [18]. En revanche, le bénéfice de la chimiothérapie sur la survie globale n’était pas significatif. L’autre étude a établi le bénéfice d’une chimiothérapie adjuvante après résection de métastases hépatiques. La survie sans récidive à 5 ans passait de 26,7 à 33,5 % dans le bras chimiothérapie (5-FU bolus + acide folinique) (p = 0,028) [19]. Plusieurs études se sont intéressées aux facteurs pronostiques après résection d’un cancer colique. Dans les stades II, une 114 étude de population australienne sur 1 306 patients n’ayant pas reçu de chimiothérapie adjuvante a montré que le stade T4 et la présence d’une invasion vasculaire étaient les principaux facteurs pronostiques pour la survie sans récidive (20). Chez les patients âgés de moins de 75 ans qui présentaient l’un et/ ou l’autre de ces facteurs (26 % des patients âgés de moins de 75 ans), la survie à 5 ans était de 71,2 % alors qu’elle était de 84,3 % chez les patients âgés de moins de 75 ans sans facteurs de mauvais pronostic. L’instabilité microsatellite est associée à un meilleur pronostic, mais également à une diploïdie. Une étude sur 528 patients de stades II et III inclus dans des essais prospectifs de chimiothérapie a caractérisé le statut MSI par génotypage, l’expression des protéines hMLH1 et hMSH2 par immunohistochimie et la ploïdie par cytométrie de flux. L’analyse multivariée de ces trois facteurs révèle que la diploïdie est un facteur pronostique indépendant, associé à une meilleure survie, que les tumeurs soient MSI-H ou MSS/MSI-L (21). Cette étude mérite confirmation sur une autre population. Enfin, l’infiltrat tumoral par des cellules immunitaires CD3 et CD45RO, quantifié par immunohistochimie, semble être un facteur pronostique majeur indépendant et plus pertinent que le stade TNM pour les tumeurs localisées. Cela suggère que l’immunité joue un rôle bénéfique dans le contrôle de la diffusion métastatique (22). Une étude controversée remet en cause l’étude du ganglion sentinelle qui n’apparaît pas suffisamment sensible (54 % de faux négatifs). Cependant, dans cette étude, l’expertise des chirurgiens pour la technique paraissait insuffisante ainsi que le nombre de coupes examinées par ganglion. Les discordances de la littérature illustrent la nécessité d’une méthodologie parfaite. À ce jour, l’analyse du ganglion sentinelle ne paraît pas pouvoir remplacer l’analyse histologique conventionnelle, mais pourrait permettre de reclasser des tumeurs considérées comme des stades II (23). DIVERS La recherche de facteur prédictif de réponse au traitement ne se limite pas aux chimiothérapies. L’existence d’une mutation KRAS est associée à une absence de réponse au cétuximab (mutation KRAS chez 0 % de 11 répondeurs versus 68 % chez 19 nonrépondeurs, p = 0,0003). En revanche, l’amplification du gène de l’EGFR peu fréquente (10 %) est associée à une réponse tumorale (24). L’efficacité croissante des traitements par chimiothérapie provoque de plus en plus souvent une disparition des métastases hépatiques à l’examen scanographique. Sont-elles pour autant totalement éradiquées ? L’équipe de l’hôpital Ambroise-Paré à Boulogne-Billancourt répond par la négative avec cette étude sur 38 patients qui révèle que 83 % des métastases ayant disparu au scanner persistent en fait à un niveau microscopique sur la pièce opératoire ou récidivent in situ si l’exérèse n’a pas été complète (25). La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 4 - avril 2007 Enfin, parmi les facteurs de risque du cancer du côlon, l’obésité est à nouveau incriminée par cette étude de cohorte européenne sur 368 277 sujets, qui montre que l’indice de masse corporelle est associé à un risque relatif de 1,55 entre le quintile le plus élevé et le plus bas pour le cancer du côlon chez l’homme, mais pas chez la femme. En revanche, le tour de taille et le rapport tour de taille/tour de hanche, indicateur d’une obésité abdominale, sont associés à un surrisque de cancer du côlon, mais pas du rectum chez les deux sexes (26). ■ RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Tournigand C, Cervantes A, Figer A et al. 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