Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 3, mai/juin 2005
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THS
Intérêts et controverses
grand tournant que si elle reste fidèle
à sa grandeur, à savoir la rigueur
méthodologique, l’esprit critique, le
refus des dogmes et des idées pré-
conçues, la considération des démen-
tis des études prospectives méthodo-
logiquement parfaites, limitant tout
biais. L’exemple du traitement hor-
monal substitutif de la ménopause
illustre parfaitement ce fait.
On a longtemps pensé qu’après l’âge
de la ménopause, l’augmentation de
la mortalité était en partie due à la
carence en estrogènes, avec consé-
cutivement une perte de leur éventuel
effet de cardioprotection, contras-
tant avec une baisse relative de la
mortalité par cancer du sein. Cette
hypothèse a été étayée par plusieurs
études épidémiologiques qui ont
montré une réduction de l’incidence
des maladies cardiovasculaires, en
particulier coronariennes, chez les
femmes substituées par THS (8).
Elles ont été corroborées par les
nombreuses publications concernant
les effets du THS sur le bilan lipi-
dique qui ont montré une réduction
du LDL-cholestérol, une augmenta-
tion du HDL, avec, en corollaire,
l’élévation marquée des triglycé-
rides (9). Les études d’observation
avaient prédit une réduction signifi-
cative du risque coronarien chez les
femmes bénéficiant d’un THS. Le
dogme de l’effet bénéfique du THS
sur le plan cardiovasculaire avait
même résisté aux résultats négatifs,
en termes de bénéfice artériel, de
l’étude HERS, réalisée chez des
femmes coronariennes, tout en signa-
lant déjà le risque thrombotique vei-
neux (6). Les résultats de la Women’s
Health Initiative (WHI), étude de
prévention primaire, constituent une
avancée majeure sur les effets du THS
sur la santé des femmes (10). Cet essai
réalisé aux États-Unis avec des estro-
gènes conjugués équins (0,625 mg
d’estrogènes conjugués équins +
2,5 mg d’acétate de médroxypro-
gestérone) a été arrêté prématuré-
ment en raison d’un excès de fré-
quence du cancer du sein et d’un
rapport bénéfice/risque défavorable
au THS. La réduction du nombre de
cancers colorectaux et de fractures de
hanche ne permettait pas de compen-
ser l’excès de risque observé pour
l’infarctus du myocarde, les accidents
vasculaires cérébraux, le cancer du
sein et la maladie thromboembolique.
Le résultat de cette étude a fait couler
beaucoup d’encre, car il a eu ten-
dance à diaboliser le THS, alors que
l’amélioration de la qualité de vie
des femmes reste un atout majeur
du traitement hormonal substitutif.
L’effet cardiovasculaire bénéfique
initialement rapporté est surtout lié
à un biais méthodologique majeur :
le statut socio-économique n’a pas
été pris en compte dans les études
aux résultats positifs (11). De fait,
ce n’était pas le THS qui maintenait
les femmes en bonne santé, mais les
femmes en bonne santé qui pre-
naient le THS (7). L’impact de cette
publication a été récemment ren-
forcé par la démonstration d’un
accroissement du risque d’accidents
vasculaires cérébraux, par rapport
au placebo, chez les femmes du bras
estrogène seul de l’étude WHI
(le bras estrogène et progestérone
ayant été arrêté précédemment) (12).
Cet ensemble de données a incité
l’AFSSAPS à éditer des recommanda-
tions de prescription sur le THS (Rap-
port d’orientation du 11 mai 2004).
Traitement hormonal
substitutif et risque
thrombotique veineux :
les faits
Bien qu’utilisant l’association d’un
progestatif et d’un estrogène, les
composés, et surtout les posologies,
employés pour le THS sont bien
distincts de ceux utilisés lors d’une
contraception. Si, dès les premières
études, une légère augmentation du
risque thrombotique veineux a été
signalée (13),elle n’a pas été confir-
mée par les études, d’observation
ultérieures, ce qui a même incité à
considérer le risque thrombotique
veineux du THS comme une super-
stition médicale (2). Une étude cas-
témoins chez des femmes non sélec-
tionnées tendait à prouver que le
THS ne s’accompagnait pas d’un
accroissement du risque thrombo-
tique (5). Dans cette étude cas-
témoins, incluant des femmes âgées
de plus 45 ans hospitalisées pour
une thrombose veineuse, la prise
d’un traitement estrogénique éven-
tuel à l’admission fut appréciée de
manière rétrospective. L’analyse
statistique n’a pas retrouvé de diffé-
rence significative par rapport au
groupe témoin apparié : 5,1 % des
patientes avec thrombose veineuse
profonde prenaient un THS contre
6,3 % dans le groupe témoin. Le
risque relatif est de 0,79 (0,3-2,1,
p=0,64). Cette étude présente cepen-
dant plusieurs biais méthodolo-
giques: population relativement âgée
(65 ans en moyenne, alors que le
risque thrombotique veineux aug-
mente avec l’âge), absence de sélec-
tion pour les autres facteurs de risque
de maladie thromboembolique, dia-
gnostic positif établi de manière non
standardisée et, enfin, nombre rela-
tivement faible de patientes sous
estrogènes (14). En fait, plusieurs
études récentes démontrent que le
THS s’accompagne d’un risque,
certes modéré, mais indiscutable-
ment accru de maladie thromboem-
bolique (6, 15, 16). La méta-analyse
récente de Miller (17), qui regroupe
trois études randomisées contrôlées
(6, 15, 16),8études cas-contrôles (4,
13, 18-23) et une étude de cohorte
(24), permet de mieux quantifier cette
augmentation du risque thrombo-
tique veineux (tableau). L’étude
HERS réalisée chez 2 763 femmes
porteuses d’une pathologie cardio-
vasculaire connue, randomisées entre
placebo et THS (0,625 mg d’estro-
gènes conjugués équins + 2,5 mg
d’acétate de médroxy-progestérone)
sur une durée moyenne de quatre ans,
a évalué le risque relatif de maladie
thromboembolique veineuse à 2,08.
La méta-analyse de Miller, dont les
principales caractéristiques sont
résumées sur le tableau,a estimé ce