Maladie de Crohn L’approche de la biotechnologie Alors que peu de progrès avaient jusqu’alors été réalisés dans la connaissance et le traitement de la maladie de Crohn, les anti-TNF alpha réalisent une véritable avancée thérapeutique. La maladie se caractérise par des lésions inflammatoires intestinales intenses. L e diagnostic est difficile. Une douleur abdominale aiguë, le plus souvent de la fosse iliaque droite, mais parfois moins précisément localisée, peut révéler une maladie de Crohn. De même, plus classiquement, une diarrhée chronique associée à une fièvre, une anorexie et une perte de poids peuvent être un signe. Douleur abdominale, vomissements et constipation peuvent aussi faire croire, à tort, à une appendicite. Malheureusement, devant des signes aussi peu spécifiques, une complication comme une rectorragie peut survenir. Il n’est pas toujours facile, dans ce cas, de faire le distingo entre une rectocolite hémorragique et une colite ulcéreuse. Une occlusion par sténose jéjunale peut être au premier plan, de même qu’une fistule vaginale ou anale. Des signes extraintestinaux, ostéoarticulaires ou rénaux notamment, peuvent exister. Le diagnostic repose alors sur la fibroscopie colique et les biopsies effectuées au cours de l’examen qui révèlent les petites ulcérations caractéristiques, dites aphtoïdes, de la muqueuse, avec des nodules sous-jacents du tissu lymphoïde. Les complications par les fistules, survenant dans la muqueuse, sont essentiellement hémorragiques ou infectieuses, sous forme de péritonite. La maladie évolue par poussées, après des périodes de rémission. Comment traiter ? Beaucoup de traitements ont été essayés : les antibactériens, les corticoïdes, les dérivés de l’opium, les anticholinergiques, les immuno- suppresseurs et, si besoin, la chirurgie palliative et quelquefois itérative. Les patients atteints de maladie de Crohn ont, au niveau de leur muqueuse digestive, une augmentation de la production de TNF alpha, ce qui entraînerait une activité pro-inflammatoire locale. L’emploi d’anticorps monoclonaux anti-TNF alpha est donc susceptible de supprimer cette inflammation. C’est ce que fait l’infliximab commercialisé sous le nom de Remicade®. Selon le Pr J.-F. Colombel, du CHU de Lille, « les résultats sont encourageants puisque, après un cycle de trois perfusions réalisées à 0, 2 et 6 semaines, plus de la moitié des patients présentant un échappement aux traitements précédents sont en rémission ». Le respect des conditions d’utilisation doit limiter l’apparition d’effets secondaires. Respect du mode d’administration Se présentant en flacon conservé entre 2 et 8 oC, Remicade® contient 100 mg d’infliximab. Le produit est reconstitué avec 10 ml d’eau introduits par une aiguille de diamètre 21 ou inférieur, à travers le bouchon de sécurité. La solution est ainsi mélangée grâce à une rotation douce du flacon, sans agitation. Diluée dans 250 ml de chlorure de sodium à 9/1000, la perfusion est prête à être mise en route avec un filtre en ligne à faible liaison protéique (diamètre des pores 1,2 micromètre ou moins). Cette préparation dénuée de conservateurs doit donc être injectée dans les trois heures suivant sa reconstitu- tion. Son administration se fait exclusivement par voie veineuse, chez un patient à jeun sur une période d’au moins deux heures, à une vitesse maximale de 2 ml/min. Éviter les effets indésirables Si des signes d’intolérance apparaissent, on stoppe la perfusion que l’on reprend plus doucement une demi-heure ou une heure plus tard. Si l’on respecte ce protocole, certes un peu contraignant, les effets secondaires sont réduits. « Ce sont le plus fréquemment des rashs cutanés, de l’urticaire qui apparaissent communément à la deuxième perfusion, et le plus souvent chez les personnes présentant antérieurement un terrain allergique », nous confirme le Pr Colombel. Une sécheresse de la peau, des céphalées, des nausées et des vomissements peuvent aussi apparaître, ainsi que des diarrhées et des douleurs abdominales. La fatigue, des douleurs thoraciques peuvent s’accompagner d’infections virales rendues plus fréquentes par le traitement : il peut s’agir d’infections ORL, des voies respiratoires ou du tractus urinaire. Sont aussi possibles des manifestations d’hypersensibilité retardée chez les patients ayant eu notamment un intervalle libre important entre deux traitements. L’anti-TNF alpha est plus qu’une voie de recours en cas de complications ou de résistances thérapeutiques, mais elle peut l’être davantage encore si l’on réussit à améliorer sa tolérance. « Malheureusement, le coût fait reculer certains services, or il s’agit d’un outil important dans une stratégie bien pensée », conclut le Pr Colombel. Des études sont actuellement menées (en Hollande notamment) sur l’emploi de l’infliximab dans la maladie de Crohn dès son apparition. Dr Michel Farge 11