SOMMAIRE Faut-il prescrire de l’érythropoïétine dans les cancers digestifs ? Éditorial Faut-il prescrire de l’érythropoïétine dans les cancers digestifs ? J. Belloc, G. Bellaïche >> 31 Écho des congrès 3e Congrès international sur la vidéocapsule V. Maunoury >> 34 Revue de presse >> 37 Questions d’actualité Traitement de la constipation par Transipeg® M.A. Bigard >> 41 Cancérologie du sujet âgé E. Mitry >> 44 Image du mois Une rate nodulaire G. Bellaïche, J. Belloc, J.L. Slama >> 48 Vocabulaire Ghreline S. Nahon >> 49 Vie professionnelle Classification commune des actes médicaux (CCAM) : comment comprendre le descriptif de l’acte Th. Vallot >> 50 J. Belloc, G. Bellaïche* D’origine multifactorielle (inflammation chronique, pertes digestives chroniques, causes iatrogènes dont radiothérapie et chimiothérapie, envahissement médullaire), l’anémie, définie par l’OMS par un taux d’hémoglobine inférieur à 11 g/dl, est fréquente au cours des cancers. Les cancers digestifs ne dérogent pas à cette règle. Souvent négligés par le clinicien devant les autres signes cliniques, ceux de l’extension tumorale ou ceux de la douleur, les signes cliniques de l’anémie (dyspnée d’effort, asthénie, etc.) diminuent pourtant la qualité de vie des malades. En particulier, au cours des chimiothérapies, l’anémie est fréquente, souvent retardée par rapport aux neutropénies et aux thrombopénies du fait de la demi-vie longue des hématies. Mais elle est durable et d’aggravation progressive au cours des cycles de chimiothérapies. Décriée dans le monde sportif, utilisée depuis quelques années avec succès par les oncologues utilisant des chimiothérapies myélotoxiques, en particulier celles à base de sels de platine, l’érythropoïétine (EPO) a pris une place prépondérante en oncologie médicale, augmentant le taux d’hémoglobine et le confort de vie des malades (1). Mais serait-elle utile en oncologie digestive, en particulier au cours des chimiothérapies pour cancer colorectal, longtemps réputées * Service d’hépato-gastroentérologie, hôpital Robert-Ballanger, Aulnay-sous-Bois. Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004 comme peu myélotoxiques ? Cependant, l’arrivée de nouvelles molécules plus efficaces entraînent plus de toxicité, notamment hématologiques. Ainsi, l’étude de de Gramont et al. trouve 23 % d’anémie grade 2 et 3,3 % d’anémie grade 3-4 avec l’oxaliplatine (2). De la même manière, celle de Douillard et al. montre qu’il y a 5,6 % d’anémie grade 3 avec l’association 5-fluorouracile et irinotécan (3). Ainsi, l’étude de Littlewood et al., même si elle inclut peu de cancers digestifs, montre une relation significative entre l’augmentation du taux d’hémoglobine et l’amélioration de la qualité de vie. Cette même étude montre que la transfusion n’est pas adaptée pour améliorer la qualité de vie des patients (4). De la même manière, en effectuant une analyse de sous-groupe des 244 patients ayant un cancer colorectal et une anémie, Rushing et al. montrent une relation étroite entre l’augmentation du taux d’hémoglobine et l’amélioration de la qualité de vie des patients sous EPO, cela de façon identique aux résultats retrouvés pour les autres tumeurs solides (5). Quelles sont les alternatives à l’EPO pour corriger les anémies en oncologie digestive au cours des chimiothérapies ? La prescription de fer, même si elle est faite le plus souvent, ne permet pas de corriger les anémies non carentielles. La transfusion permet une correction rapide du taux d’hémoglobine, mais elle peut présenter des accidents immunologiques, allergiques ou infectieux. 31 Éditorial Éditorial Elle comporterait aussi un risque immunosuppressif pouvant aggraver le pronostic des patients atteints de carcinome. De plus, le coût de la transfusion, comprenant la durée de l’hospitalisation, doit être également pris en compte. Rappelons qu’elle ne semble pas adaptée pour améliorer la qualité de vie des patients dans l’étude de Littlewood et al. (3). Y a-t-il d’autres indications pour l’EPO en oncologie digestive ? Au cours de la radiothérapie, il a été montré une meilleure radiosensibilisation lorsque le taux d’hémoglobine est élevé (6). Une étude utilisant l’EPO en cours de radiothérapie pour le cancer du rectum a montré une baisse des besoins transfusionnels chez les patients. Cependant, les résultats de cette étude n’indiquent pas si cela a un impact sur la survie. En chirurgie colorectale, l’EPO, utilisée en périopératoire, a montré une diminution des besoins transfusionnels et une augmentation du taux d’hémoglobine (7). Enfin, y a-t-il un risque à prescrire de l’EPO chez les malades atteints de cancer ? Une seule étude, effectuée chez la souris rHuEpo, a montré que l’EPO semble favoriser l’angiogenèse et la survie des cellules tumorales via le récepteur à l’EPO (8). En pratique quotidienne, en suivant les recommandations de la FNLCC (Fédération nationale de lutte contre le cancer) que l’on peut se procurer sur son site Internet, l’EPO peut être utilisée pour corriger des anémies entre 8 et 10 g/dl d’hémoglobine. L’association à la prescription de fer est habituelle, l’efficacité de l’EPO étant meilleure en cas de réserve de fer élevée. La correction de l’anémie est progressive en environ trois semaines. Ainsi, du fait de l’efficacité croissante des chimiothérapies en cancérologie digestive, en particulier dans le cancer colorectal, qui augmente la durée de vie des malades, l’EPO permet d’améliorer la qualité de vie des malades en maintenant un taux d’hémoglobine supérieur à 10 g/dl et doit donc être prescrite quand cela est nécessaire. ■ Références 1. Glaspy J, Bukowski R, Steineberg D et al. Impact of therapy with epoetin alpha on linical outcomes in patients with nonmyeloid malignancies during cancer chemotherapy in community oncology practice. J Clin Oncol 1997;15:1218-34. 2. De Gramont A, Figer A, Seymour M et al. Leucovorin and fluorouracil with or without oxaliplatin as first line treatment in advanced colorectal cancer. J Clin Oncol 2000;18:2938-47. 3. Douillard JY, Cunnigham D, Roth AD et al. Irinotecan combined with fluorouracil compared with fluorouracil alone as first-line treatment for metastatic colorectal cancer : a multicentre randomised trial. Lancet 2000;355:1041-47. 4. Littlewood TJ, Bajetta E, Nortier JWR et al. Effects of epoetin alpha on hematologic parameters and quality of life in patients receiving nonplatinium chemotherapy: results of a randomized, double-bind, placabo-controlled trial. J Clin Oncol 2001;19:2865-74. 5. Rushing DA, Einhorm L.H, Wildgust M. Epoetin alpha 400 000 U once weekly significant improves hemoglobin and quality of life in anemic colorectal cancer patients. ASCO 2003, A3098. 6. Dische S. Radiotherapy and anemia – the clinical experience. Radiother Oncol 1991;20: 35-40. 7. Qvist N, Boesby S, Wolff B, Hansen CP. Recombinant human erythropoietin and hemoglobin concentration at operation and during the postoperative period: reduced need for blood transfusions in patients undergoing colorectal surgery. Prospective double-blind placebocontrolled study. World J Surg 1999;23:30-5. 8. Yasuda Y, Fujita Y, Matsuo T et al. Erythropoietin regulates tumor growth of human malignancy. Carcinogenesis 2003;24:1021-29. 9. FNLCC. Recommandation pour la pratique clinique de l’utilisation de l’EPO en cancérologie. Novembre 2003. Supplément à La Lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 2 - vol. VII - mars-avril 2004 É d i t o r i a l Éditorial 32