296 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011
OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT
PROFESSIONNEL CONTINU
Point sur les érythropoïétines
F. Scotté
État des lieux
Les érythropoïétines (EPO) ou agents stimulants de l’érythro-
poïèse (ASE) ont reçu l’autorisation de mise sur le marché dans
le traitement de l’anémie chimio-induite pour limiter le recours
transfusionnel et améliorer la qualité de vie des patients.
En cancérologie, les EPO sont administrés aux patients anémiés
en cours de traitement de chimiothérapie, par voie sous-cutanée,
sur un mode hebdomadaire ou toutes les 3 semaines. Les effets
indésirables enregistrés sont une hypertension artérielle (HTA),
une majoration du risque de thrombose et des douleurs au point
d’injection. L’étude européenne ECAS publiée en 2001 avait mis
en évidence un défaut de prise en compte de l’anémie pour deux
tiers des patients atteints de cancer. L’arrivée sur le marché de
ces molécules a ainsi permis de corriger l’anémie. Les prescrip-
tions, très encadrées jusqu’au début des années 2000, se sont
par la suite majorées : leur impact économique a été important
et, en 2003, des résultats négatifs en termes de survie pour des
patients atteints de cancer ORL et traités par EPO versus placebo
ont été publiés (1). L’étude BEST portant sur le cancer du sein a
témoigné en 2005, de résultats également négatifs sur la survie,
ce qui a conduit les autorités sanitaires à une vigilance accrue
sur l’utilisation des EPO (2). Par la suite, plusieurs études ont été
prématurément stoppées dans les cancers du poumon, ORL, du
sein et les cancers gynécologiques (3-5) en raison de résultats
similaires. La lecture attentive de ces études a permis de soulever
des erreurs méthodologiques, mais surtout un non-respect des
règles de prescriptions des EPO (taux cible d’hémoglobine
supérieur à 13 g/dl et dépassant parfois 15 g/dl, patients non
traités par chimiothérapie, traitement prophylactique avec taux
d’hémoglobine à l’instauration du traitement supérieur à 11 g,
voire 12 g (patients non anémiés). En parallèle, des méta-analyses
ont évalué le retentissement de ces molécules sur la survie. La
première analyse (6), publiée en 2005, regroupant 21 études
qui totalisaient 3 284 patients, prenait en compte les essais
précédant l’étude de M. Henke et al. et ne retrouvait pas de
différence en termes de survie entre les patients traités ou non
par EPO (survie globale [SG] : HR = 0,81 ; IC95 : 0,67-0,99). La
poursuite de cette méta-analyse publiée en 2006 et regroupant
9 353 patients inclus dans 43 études a alors montré, en incluant
les études négatives précédemment citées, un effet péjoratif des
EPO sur la survie (SG : HR = 1,08 ; IC95 : 0,99-1,18) [7]. Toutes
les méta-analyses publiées à partir de cette époque ont intégré
des essais ne suivant pas les recommandations d’utilisation
des sociétés savantes et ont rapporté des résultats similaires,
notamment sur le risque thromboembolique (8). D’autres
résultats d’études, comme ceux de l’étude BRAVE, ont pourtant
montré, durant la même période, l’absence d’effet sur la survie
de l’utilisation d’EPO moyennant un strict suivi des recomman-
dations (9).
L’Oncologic Drugs Advisory Committee (ODAC) a présenté une
relecture des différentes études, le 13 mai 2008, ce qui a conduit les
tutelles internationales telles que la Food and Drug Administration
(FDA), ou l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de
santé (Afssaps), à imposer une limitation des prescriptions d’EPO
en attendant la réalisation d’études de pharmacovigilance. L’impact
a été immédiat sur les plans des consommations d’ASE (chute), du
recours aux transfusions (doublement) et du seuil d’hémoglobine
avant recours aux EPO. On peut avancer l’idée que la relation
entre l’évolution des prescriptions de ces facteurs de croissance et
l’incidence sur la qualité de vie des patients sous chimiothérapie
ainsi que les éventuels retentissements des risques transfusionnels
devraient être suivis.
Faits nouveaux
La FDA, en régulant les prescriptions d’EPO, a imposé une rééva-
luation des recommandations d’utilisation publiées entre 2006 et
2007. Les causes évidentes d’anémie doivent, en premier lieu, être
détectées et traitées (carence martiale, hémorragie, hémolyse,
etc.). L’administration d’EPO doit être proposée de manière
individuelle en fonction de données cliniques (état général, risque
coronarien, âge, retentissement de l’anémie) et biologiques (taux
d’hémoglobine). Le taux cible fi xé est de 12 g/dl d’hémoglobine
et le traitement doit être stoppé en cas de dépassement ou de
progression trop rapide (augmentation supérieure à 1 g/ dl en
2 semaines). Il doit également être stoppé en l’absence de réponse
en 6 à 8 semaines. On utilisera la dose minimale effi cace, fi xée,
dans les recommandations, à :
➤450 UI/kg/sem. ;
➤2,25 µg/kg/sem. ;
➤6,75 µg/kg/3 sem.
Les recommandations américaines fi xent le taux d’hémoglobine à
l’instauration du traitement “aux alentours de 10 g/dl”, tandis que
l’Afssaps, dans ses recommandations, conseille une instauration
de traitement entre 8 et 10 g/dl et une discussion, en fonction de
la situation clinique, entre 10 et 12 g/dl d’hémoglobine.
Il a semblé raisonnable de présenter le référentiel d’utilisation
proposé par l’Organisation européenne pour la recherche et le
traitement du cancer (European Organisation for Research and
Soins de support - Coordonnateur : F. Scotté