OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU Soins de support - Coordonnateur : F. Scotté Point sur les érythropoïétines F. Scotté État des lieux Les érythropoïétines (EPO) ou agents stimulants de l’érythropoïèse (ASE) ont reçu l’autorisation de mise sur le marché dans le traitement de l’anémie chimio-induite pour limiter le recours transfusionnel et améliorer la qualité de vie des patients. En cancérologie, les EPO sont administrés aux patients anémiés en cours de traitement de chimiothérapie, par voie sous-cutanée, sur un mode hebdomadaire ou toutes les 3 semaines. Les effets indésirables enregistrés sont une hypertension artérielle (HTA), une majoration du risque de thrombose et des douleurs au point d’injection. L’étude européenne ECAS publiée en 2001 avait mis en évidence un défaut de prise en compte de l’anémie pour deux tiers des patients atteints de cancer. L’arrivée sur le marché de ces molécules a ainsi permis de corriger l’anémie. Les prescriptions, très encadrées jusqu’au début des années 2000, se sont par la suite majorées : leur impact économique a été important et, en 2003, des résultats négatifs en termes de survie pour des patients atteints de cancer ORL et traités par EPO versus placebo ont été publiés (1). L’étude BEST portant sur le cancer du sein a témoigné en 2005, de résultats également négatifs sur la survie, ce qui a conduit les autorités sanitaires à une vigilance accrue sur l’utilisation des EPO (2). Par la suite, plusieurs études ont été prématurément stoppées dans les cancers du poumon, ORL, du sein et les cancers gynécologiques (3-5) en raison de résultats similaires. La lecture attentive de ces études a permis de soulever des erreurs méthodologiques, mais surtout un non-respect des règles de prescriptions des EPO (taux cible d’hémoglobine supérieur à 13 g/dl et dépassant parfois 15 g/dl, patients non traités par chimiothérapie, traitement prophylactique avec taux d’hémoglobine à l’instauration du traitement supérieur à 11 g, voire 12 g (patients non anémiés). En parallèle, des méta-analyses ont évalué le retentissement de ces molécules sur la survie. La première analyse (6), publiée en 2005, regroupant 21 études qui totalisaient 3 284 patients, prenait en compte les essais précédant l’étude de M. Henke et al. et ne retrouvait pas de différence en termes de survie entre les patients traités ou non par EPO (survie globale [SG] : HR = 0,81 ; IC 95 : 0,67-0,99). La poursuite de cette méta-analyse publiée en 2006 et regroupant 9 353 patients inclus dans 43 études a alors montré, en incluant les études négatives précédemment citées, un effet péjoratif des EPO sur la survie (SG : HR = 1,08 ; IC95 : 0,99-1,18) [7]. Toutes les méta-analyses publiées à partir de cette époque ont intégré des essais ne suivant pas les recommandations d’utilisation 296 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 des sociétés savantes et ont rapporté des résultats similaires, notamment sur le risque thromboembolique (8). D’autres résultats d’études, comme ceux de l’étude BRAVE, ont pourtant montré, durant la même période, l’absence d’effet sur la survie de l’utilisation d’EPO moyennant un strict suivi des recommandations (9). L’Oncologic Drugs Advisory Committee (ODAC) a présenté une relecture des différentes études, le 13 mai 2008, ce qui a conduit les tutelles internationales telles que la Food and Drug Administration (FDA), ou l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), à imposer une limitation des prescriptions d’EPO en attendant la réalisation d’études de pharmacovigilance. L’impact a été immédiat sur les plans des consommations d’ASE (chute), du recours aux transfusions (doublement) et du seuil d’hémoglobine avant recours aux EPO. On peut avancer l’idée que la relation entre l’évolution des prescriptions de ces facteurs de croissance et l’incidence sur la qualité de vie des patients sous chimiothérapie ainsi que les éventuels retentissements des risques transfusionnels devraient être suivis. Faits nouveaux La FDA, en régulant les prescriptions d’EPO, a imposé une réévaluation des recommandations d’utilisation publiées entre 2006 et 2007. Les causes évidentes d’anémie doivent, en premier lieu, être détectées et traitées (carence martiale, hémorragie, hémolyse, etc.). L’administration d’EPO doit être proposée de manière individuelle en fonction de données cliniques (état général, risque coronarien, âge, retentissement de l’anémie) et biologiques (taux d’hémoglobine). Le taux cible fixé est de 12 g/dl d’hémoglobine et le traitement doit être stoppé en cas de dépassement ou de progression trop rapide (augmentation supérieure à 1 g/dl en 2 semaines). Il doit également être stoppé en l’absence de réponse en 6 à 8 semaines. On utilisera la dose minimale efficace, fixée, dans les recommandations, à : ➤ 450 UI/kg/sem. ; ➤ 2,25 µg/kg/sem. ; ➤ 6,75 µg/kg/3 sem. Les recommandations américaines fixent le taux d’hémoglobine à l’instauration du traitement “aux alentours de 10 g/dl”, tandis que l’Afssaps, dans ses recommandations, conseille une instauration de traitement entre 8 et 10 g/dl et une discussion, en fonction de la situation clinique, entre 10 et 12 g/dl d’hémoglobine. Il a semblé raisonnable de présenter le référentiel d’utilisation proposé par l’Organisation européenne pour la recherche et le traitement du cancer (European Organisation for Research and OBJECTIFS D’ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL CONTINU Correction des causes de l’anémie Niveau normal d’Hb Symptomatique Hb 9-11 g/dl Asymptomatique Hb ≤ 11,9 g/dl Hb < 9 g/dl Pas de traitement prophylactique Instauration EPO Évolution EPO en fonction des facteurs individuels Évaluation, transfusion puis EPO en fonction des facteurs individuels Traitements avec cible autour de 12 g/dl Traitement individualisé pour maintenir la cible d'Hb avec le minimum de traitement Diagramme. Recommandations de l’EORTC. Treatment of Cancer [EORTC]), qui a le plus récemment publié des données corrigées au regard des différents résultats d’études (10). Ces recommandations sont regroupées sur le diagramme. Références bibliographiques 1. Henke M, Laszig R, Rübe C et al. Erythropoietin to treat head and neck cancer patients with anaemia undergoing radiotherapy: randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet. 2003;362(9392):1255-60. 2. Leyland-Jones B, BEST Investigators and Study Group. Breast cancer trial with erythropoietin terminated unexpectedly. Lancet Oncol 2003;4:459-60. 3. Wright JR, Ung YC, Julian JA et al. Randomized, double-blind, placebo-controlled trial of erythropoietin in non-small-cell lung cancer with disease-related anemia. J Clin Oncol 2007;25(9):1027-32. 4. Overgaard J, Hoff C, Sand Hansen H et al. Randomized study of the importance of novel erythropoiesis stimulating protein (Aranesp®) for the effect of radiotherapy in patients with primary squamous cell carcinoma of the head and neck (HNSCC) – the Danish Head and Neck Cancer Group DAHANCA 10 randomized trial. Eur J Cancer 2007:5(Suppl.6):7. 5. Thomas G, Ali S, Hoebers FJ et al. Phase III trial to evaluate the efficacy of maintaining hemoglobin levels above 12.0 g/dL with erythropoietin vs above 10.0 g/dL without erythropoietin in anemic patients receiving concurrent radiation and cisplatin for cervical cancer. Gynecol Oncol 2008;108(2):317-25. 6. Bohlius J, Langensiepen S, Schwarzer G et al. Recombinant human erythropoietin and overall survival in cancer patients: results of a comprehensive meta-analysis. J Natl Cancer Inst 2005;97(7):489-98. 7. Bohlius J, Wilson J, Seidenfeld J et al. Recombinant human erythropoietins and cancer patients: updated meta-analysis of 57 studies including 9353 patients. J Natl Cancer Inst 2006;98(10):708-14. 8. Bennett CL, Silver SM, Djulbegovic B et al. Venous thromboembolism and mortality associated with recombinant erythropoietin and darbepoetin administration for the treatment of cancer-associated anemia. JAMA 2008;299(8):914-24. 9. Aapro MS, Leonard RC, Barnadas A et al. Effect of once-weeldy epoetin beta on survival in patients with metastatic breast cancer receiving anthracycline and/or taxane-based chemotherapy: results of the breast cancer-anemia and the value of erythropoietin (BRAVE) Study. J Clin Oncol 2008:26(4):1-7. 10. Aapro MS, Birgegård G, Bokemeyer C et al. Erythropoietins should be used according to guidelines. Lancet Oncol 2008;9(5):412-3. Traitements antiémétiques M. Di Palma État des lieux Les nausées et vomissements (N/V) sont un effet indésirable fréquent au cours des traitements par chimiothérapie, effet particulièrement redouté des patients, qui le classent régulièrement en tête de leurs préoccupations. La mise à disposition des sétrons dans les années 1990 a constitué un progrès décisif dans ce domaine. Incidence et facteurs de risques Le risque émétique d’une chimiothérapie varie en fonction des molécules utilisées : nature (classification d’Hesketh), dose et durée de perfusion ; il est quasiment de 100 % avec le cisplatine ou le cyclophosphamide à fortes doses. On définit donc des chimiothérapies hautement (risque > 90 %), moyennement (risque de 30 à 90 %) ou faiblement (risque < 30 %) émétisantes. Le risque émétogène varie aussi selon le patient concerné : il est plus élevé chez les femmes, les patients jeunes, en cas d’antécédents émétiques comme le mal des transports ou les vomissements gravidiques, mais, surtout, le facteur de risque principal est le La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 4 - avril 2011 | 297