Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004
Nouvelles approches
Nouvelles approches
Implication de la prolactine dans les pathologies
mammaires humaines
Prolactin involvement in human mammary diseases
C. Manhès*, D. Piwnica*, C. Mestayer, V. Goffin*, P. Touraine*,**
L
a prolactine (PRL), hormone de la lactation par
excellence, reste encore mal connue dans ses diverses
actions biologiques. Autant, chez le rongeur ou dans
les espèces dites inférieures, plus de 300 fonctions lui
sont attribuables (1), autant, chez l’humain, son implica-
tion dans diverses pathologies reste mal cernée. Cela tient
au fait qu’aucune anomalie génétique de la PRL et/ou de
son récepteur n’a été à ce jour individualisée et associée
à un phénotype particulier laissant supposer une action
précise de la PRL. On peut cependant penser que, du fait
de l’action reconnue de la PRL sur la lactation mais aussi
sur le développement de la glande mammaire, c’est dans
les pathologies mammaires humaines, malignes et bénignes,
que son rôle devrait être mieux disséqué et compris.
Prolactine et cancer du sein
La place que prennent diverses hormones dans la cancéro-
genèse mammaire est indéniable. Les facteurs hormonaux
ont été décrits depuis très longtemps comme associés au
cancer du sein. Les estrogènes exerceraient un rôle plutôt
promoteur qu’initiateur sur la cancérogenèse mammaire.
Le rôle de la progestérone dans le cancer du sein est
actuellement assez mal défini, avec toujours une contro-
verse sur son rôle synergique ou, au contraire, antago-
niste de l’estradiol. Autant les données sur l’implication
de la PRL dans la tumorogenèse mammaire chez le ron-
geur sont assez concluantes, autant, chez l’homme, elles
restent plus controversées.
D’une façon générale, la plupart des études cliniques sont
décevantes et peu concluantes. En effet, bien que de
nombreuses études cliniques aient eu pour but de définir
la relation entre taux de PRL, incidence et pronostic du
cancer, aucune conclusion claire, générale ou définitive
n’a pu être, à ce jour, proposée.
Taux de prolactine et cancer du sein
La plupart des études n’ont pas retrouvé d’augmentation de
ce taux chez les patientes présentant un cancer du sein (2),
même si d’autres notaient un taux en moyenne plus élevé,
* Inserm U584, faculté de médecine Necker, Paris.
** Service d’endocrinologie et médecine de la reproduction, hôpital Necker, Paris.
171
La prolactine est une hormone hypophysaire im-
pliquée dans de multiples fonctions de l’organisme,
mais dont les actions dominantes concernent le
contrôle du développement de la glande mammaire,
la lactation et la reproduction.
L’implication de la prolactine dans la tumorogenèse
mammaire est parfaitement reconnue dans les mo-
dèles animaux, et plus controversée chez la femme.
Peu d’études méthodologiquement bien menées
sont à notre disposition pour suggérer la présence
ou l’absence d’association entre taux de prolactine
et risque de cancer du sein mais aussi de récidive.
Une étude épidémiologique portant sur le suivi de
près de 40 000 femmes a retrouvé un risque double
de cancer du sein chez les femmes présentant un
taux de prolactine à la limite supérieure de la nor-
male, comparativement à celles avec un taux dans
la limite inférieure.
La prolactine est synthétisée également dans le sein
sans que l’on connaisse précisément les mécanismes
régulateurs du contrôle de l’expression de son gène
dans ce tissu.
La prolactine d’origine mammaire aurait un rôle
autocrine/paracrine, participant ainsi au processus
de prolifération cellulaire mammaire.
Dans certaines conditions expérimentales, la pro-
lactine peut être clivée en certains fragments aux
activités antiangiogéniques, donc antiprolifératives,
contrairement à la protéine complète.
La surexpression du récepteur de la prolactine dans
les tumeurs mammaires laisse supposer une sen-
sibilité sans doute plus importante de ces cellules
cancéreuses au signal hormonal.
Des travaux expérimentaux sont en cours pour mieux
analyser le rôle de la prolactine intramammaire, son
action autocrine et sa freination par des molécules
spécifiques.
Des phénotypes mammaires humains doivent être
individualisés, susceptibles de correspondre à des
anomalies génétiques spécifiques de la prolactine
et/ou de son récepteur.
points FORTS
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le plus souvent proche de 20 ng/ml, soit 30 % de plus que
la population contrôle. Le taux de PRL mesuré à distance
de la cure chirurgicale du cancer du sein a aussi été éva-
lué comme marqueur de pronostic. Ainsi, un taux haut a
été associé négativement avec le pronostic des patientes
(3), même si l’inverse a aussi été retrouvé. Il n’y a pas de
corrélation claire avec le statut ganglionnaire ni avec la
taille de la tumeur, mais il y en a une, pour certains, avec
le grade tumoral.
Néanmoins, plusieurs aspects de ces études sont criti-
quables. Une des limites majeures à une telle recherche
de corrélation est le fait que le taux de PRL augmente
sous l’effet du stress, allant jusqu’à 40-50 ng/ml dans ce
contexte ; or, le stress est majeur lors du diagnostic de
cancer du sein, ou lors de la simple pose d’un cathéter.
La mastectomie constitue en outre un geste chirurgical à
l’origine d’une rupture de la composante neurogénique et
de ce fait d’une élévation du taux de PRL, comme observée
au cours de la tétée. Le dosage radio-immunologique n’est
par ailleurs pas obligatoirement le reflet de l’activité
fonctionnelle de l’hormone ; on est donc en droit de se
demander si le taux de PRL reflète l’activité mitogène de
cette dernière sur le sein. En outre, les autres paramètres
hormonaux ne sont souvent pas pris en compte. Par
exemple, alors que la GH se lie au récepteur de la prolac-
tine (RPRL) chez l’homme, et peut donc avoir les mêmes
effets, cette hormone est souvent ignorée dans les études
précitées. Enfin, et surtout, l’une des restrictions les plus
nettes concerne le fait que le taux de PRL n’est mesuré
que ponctuellement dans le contexte aigu de découverte
de cancer du sein, sans référence aux taux observés au
cours des années précédentes, pendant la phase clinique-
ment silencieuse de la cancérogenèse mammaire.
Données épidémiologiques
La corrélation du taux de PRL et du risque de cancer du
sein n’a été évaluée qu’à travers peu d’études. L’une, por-
tant sur un petit nombre de cas (n = 40), n’a pas retrouvé
d’association. L’autre a été réalisée à partir de la cohorte
des infirmières américaines, l’analyse portant sur 337 cas
de cancer du sein (4). L’évaluation du risque de cancer
du sein a été réalisée chez des patientes qui étaient toutes
ménopausées, le taux de PRL analysé étant classé en
quatre sous-groupes : inférieur à 6,4 ng/ml ; entre 6,5 et
9,3 ng/ml ; entre 9,4 et 13,7 ng/ml ; supérieur à 13,7 ng/ml.
En analyse multivariée, il a été retrouvé une augmenta-
tion du risque relatif pour la population ayant un taux de
PRL supérieur à 13,7 ng/ml, ce risque étant de 2,03 (IC :
1,24-3,31) (tableau). Le plus étonnant dans cette étude
est sans doute que le risque de cancer du sein augmente
avec le taux de PRL, même lorsque celui-ci est dans la
norme (< 15-18 ng/ml), cela suggérant bien une activité
mitogène de la PRL sur le sein normal. Cependant, une
récente étude suédoise cherchant à évaluer de façon pros-
Hyperprolactinémie et risque de cancer du sein
Une autre façon d’analyser l’implication de la PRL
dans la genèse du cancer du sein chez la femme serait
d’observer le risque à long terme de développer une telle
maladie chez des femmes hyperprolactinémiques non
traitées. Or, le plus souvent, ces patientes sont traitées
soit par bromocriptine, soit par chirurgie hypophysaire,
et, quand elles ne le sont pas, elles reçoivent éventuelle-
ment un traitement hormonal séquentiel dont l’action sur
le sein pourrait interférer avec les résultats obtenus. C’est
pourquoi il n’existe pas de données précises concernant
l’association entre les deux pathologies.
Les rares publications font donc plus état de l’association
entre les deux pathologies que de leur relation causale (6).
On peut indirectement en rapprocher le travail de Malarkey
et al., qui ont étudié un cancer du sein provenant d’une
patiente présentant une hyperprolactinémie (7). La multi-
plication des cellules mammaires tumorales in vitro est
accrue lorsque des concentrations de PRL physiologiques
(20 ng/ml) ou pathologiques, correspondant aux concen-
trations de PRL plasmatiques de la patiente, soit 200 ng/ml,
sont rajoutées au milieu de culture, ce qui nous conforte dans
l’idée que la PRL et les situations d’hyperprolactinémie
peuvent être associées au cancer du sein chez la femme.
Enfin, la mise en évidence de cancers du sein chez
l’homme dans un contexte d’hyperprolactinémie pourrait
sans doute, plus que chez la femme, laisser penser à un
possible rôle direct de la PRL en cancérogenèse mam-
maire humaine.
Les essais thérapeutiques
Ils sont peu nombreux et peu concluants, en ce sens que,
dans le cadre des protocoles proposés, la bromocriptine
se révèle inefficace. Chez des patientes ménopausées pré-
sentant un cancer avancé, l’administration de L-Dopa
s’est révélée sans résultat, puisque aucune des 40 patientes
traitées n’a présenté de rémission, même partielle. La
pective l’association entre cancer du sein et taux hormo-
naux n’a pas retrouvé d’association significative entre les
taux de PRL et le risque de cancer du sein, contrairement
à celle retrouvée avec les taux d’estradiol (5).
Quartile
123 4 p
Patients/contrôles 64/124 63/112 79/112 100/103
RR 1,0 1,05 1,45 2,03 (1,24 - 3,31) 0,01
1 : < 6,4 ng/ml ; 2 : 6,5-9,3 ng/ml ; 3 : 9,4-13,7 ng/ml ; 4 : > 13,7 ng/ml.
Tableau. Risque relatif de cancer du sein en fonction du taux
de PRL dans la population de la Nurse Health Study (d’après
Hankinson et al. [4]).
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bromocriptine ne s’est pas révélée différente du placebo
lorsque rajoutée au tamoxifène, dans le cadre d’une étude
en double aveugle. Divers essais utilisant différentes hor-
monothérapies ont été réalisés. La bromocriptine comme
la somatostatine (inhibiteur de la synthèse de la GH) se
sont révélées extrêmement décevantes (8). La bromocrip-
tine donnée à des patientes avec cancer du sein, normo-
ou hyperprolactinémiques, s’avère aussi inefficace à long
terme, même si elle réduit logiquement le taux de PRL,
en cas d’hyperprolactinémie.
Il est néanmoins vrai que la bromocriptine a été proposée
comme traitement adjuvant en périopératoire, chez des
patientes devant subir une mastectomie, avec comme
résultat une diminution du pool des cellules cancéreuses
en phase S. On peut éventuellement rapprocher de ce
résultat l’effet bénéfique de la bromocriptine sur la confi-
guration en microscopie électronique des cellules mam-
maires humaines cancéreuses T47D. Enfin, on peut citer
le cas d’une patiente porteuse d’une métastase cérébrale
survenue à distance de son cancer du sein, et qui a complè-
tement régressé sous traitement par bromocriptine seule.
Nous avons donc vu, à travers toutes les études précitées,
que nombre d’arguments cliniques vont à l’encontre d’un
rôle pivot de la PRL dans le processus de cancérogenèse
mammaire humaine. Ainsi, l’inefficacité quasi constante
de la bromocriptine comme traitement adjuvant des can-
cers du sein a permis à beaucoup de penser que la PRL
doit probablement rester, malgré sa diversité d’action
dans l’organisme, confinée à son rôle dans la lactation,
tout du moins chez l’homme.
Cependant, au cours des dernières années, le rôle éventuel
de la PRL dans le cancer du sein a été complètement
reconsidéré, avec la mise en évidence d’une synthèse de
PRL dans les tissus mammaires, tant chez les rongeurs
que chez l’homme (9).
Synthèse et rôle
de la prolactine intramammaire
La PRL est synthétisée dans bien d’autres tissus que
l’hypophyse, dont le sein. Indirectement, l’existence
d’autres sources de PRL avait été invoquée depuis que
des taux de PRL étaient retrouvés élevés chez des
patientes ayant subi une hypophysectomie dans le cadre
de leur cancer du sein. Il est néanmoins vrai qu’une
hypophysectomie partielle ou une section de tige pitui-
taire postchirurgicale pourraient expliquer ce résultat.
Plusieurs équipes ont confirmé par la suite la synthèse de
PRL par les cellules mammaires normales ou tumorales.
Chez l’homme, la présence de PRL dans les cellules épi-
théliales mammaires avait été suggérée par immuno-
cytochimie, grâce à un anticorps dirigé contre la PRL
ovine. L’expression du messager de la PRL dans le sein
n’a été confirmée que plus tard, aussi bien in vitro qu’in
vivo. In vitro, la synthèse de PRL a été caractérisée par
RT-PCR dans des cellules T47D et MCF-7 (10). Cette
synthèse de PRL a également été retrouvée par RT-PCR
dans d’autres lignées cellulaires mammaires, mais aussi
in vivo, sur certaines biopsies mammaires tumorales (11)
(figure 1). Aucune analyse quantitative de l’expression
du messager de la PRL dans le tissu tumoral et le tissu
normal n’a été présentée.
L’hypothèse actuelle est que la PRL autocrine, c’est-à-dire
synthétisée par le tissu mammaire lui-même, joue un rôle
important dans les processus prolifératifs. Le premier
argument expérimental date d’une dizaine d’années,
lorsque l’équipe de B. Vonderhaar démontra que des anti-
corps neutralisants dirigés contre la PRL étaient capables
de réduire la prolifération de cellules mammaires tumo-
rales in vitro (10). Plus récemment, N. Ben-Jonathan a
Cellules
épithéliales
normales 8 patientes
RT-PCR
373 pb
Tissu tumoral
Tissu normal
Contrôles
+–
Figure 1. Expression de la prolactine dans le tissu mammaire humain (d’après Touraine et al. [11]).
Mise en évidence par RT-PCR d’un signal dans le tissu mammaire humain normal ou tumoral ainsi que dans des cellules épithéliales mam-
maires en culture (à gauche). La sonde utilisée pour la reconnaissance du messager est délimitée par les deux flèches. Chez huit patientes,
l’expression du gène de la PRL a été retrouvée à la fois dans le tissu tumoral et dans le tissu normal.
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confirmé le rôle mitogénique de la PRL en générant
des lignées de cellules tumorales mammaires humaines
MDA-MB-435 exprimant ou non la PRL (12). Elle a
constaté que l’expression de l’hormone augmente signi-
ficativement la croissance tumorale, tant in vitro que dans
un modèle de xénogreffe chez des souris immunodéfi-
cientes (nudes). Nous avons quant à nous généré des
lignées tumorales mammaires de souris (MMT : Mouse
Mammary Tumor cells) exprimant de manière stable la
hPRL. Nous avons observé, in vitro, que le taux de pro-
lifération des différents clones obtenus dépend de la PRL
qu’ils expriment, à savoir que les clones exprimant la
PRL sauvage prolifèrent plus rapidement que les clones
contrôles (cellules parentales ou transfectées par un plas-
mide non recombinant) ou ceux exprimant un antagoniste
de la PRL, à action antiproliférative (13). Nous avons
ensuite entamé l’analyse de l’activité proliférative de la
PRL sur ces cellules in vivo. Les cellules MMT ont été
injectées dans des souris sauvages (et non immunodéfi-
cientes). Quinze jours après leur inoculation, la taille des
tumeurs détectées varie également en fonction de l’hor-
mone exprimée, ce qui s’avère cohérent avec les taux de
prolifération de ces mêmes clones in vitro. Une première
analyse par Western Blot a permis de corréler l’expres-
sion de la PRL à celle du marqueur antiapoptotique,
Bcl-2. Toutes ces données accréditent une potentialité
protumorale de la PRL locale, par un mécanisme autocrine
paracrine.
Une autre manière d’aborder la question est de générer
des souris transgéniques exprimant la PRL de manière
non pas systémique, mais au contraire tissu-spécifique.
Nous avons aussi développé un modèle animal exprimant
la hPRL de manière tissu-spécifique dans la glande mam-
maire, afin d’évaluer la fonctionnalité de la PRL auto-
crine in vivo, et quelques observations peuvent d’ores et
déjà être mentionnées. Les analyses de la glande mam-
maire dans sa globalité (whole mount), classiquement
réalisées sur la quatrième glande, ou encore les coupes
histologiques nous montrent que l’action “physiologique”
de la hPRL locale se répercute dans un hyperdéveloppe-
ment du tissu mammaire dès la première lactation. Après
plusieurs gestations, les souris transgéniques rencontrent
des problèmes de reproduction (difficulté de les rendre
gestantes, nombre de petits réduit), suggérant que la sur-
expression mammaire de hPRL finit par avoir des consé-
quences qui ne se limitent pas à ce seul tissu.
Expression du récepteur de la prolactine
dans la cellule mammaire
Une des limites à l’évaluation du rôle de la PRL, quelle
qu’en soit l’origine, dans le cancer du sein, a été la
grande divergence dans les résultats obtenus concernant
l’expression du RPRL dans la cellule mammaire, alors
même que l’expression du récepteur constitue la condi-
tion sine qua non pour statuer sur l’éventuelle action bio-
logique de la PRL sur le sein.
In vivo, l’expression du RPRL a aussi été mesurée sur des
biopsies mammaires humaines cancéreuses. Suivant le
ligand utilisé, le marquage s’est avéré variable : de 10 %
avec de la PRL ovine à 30 % avec de la PRL humaine,
tandis que l’expression était retrouvée beaucoup plus
importante dans une autre étude. Néanmoins, la grande
hétérogénéité des résultats tient beaucoup à la nature du
ligand, et aux méthodes de liaison utilisées suivant les
études.
Avec le développement de techniques de biologie molécu-
laire, l’expression du messager du RPRL a été retrouvée
dans une proportion de cellules tumorales nettement plus
importante. Par Nothern-Blot, la synthèse de RPRL a été
retrouvée dans plus de 20 lignées cellulaires et 100 biop-
sies mammaires (14). Par hybridation in situ, l’expression
du RPRL a, là encore, été confirmée, avec une nette pré-
dominance dans les cellules épithéliales tumorales, même
si quelques foyers de cellules stromales étaient aussi mar-
qués. Par PCR quantitative, enfin, nous avons étudié l’ex-
pression de son messager chez 25 patientes, de façon
comparative, dans le tissu tumoral et dans le tissu adjacent
(11) (figure 2). Cette méthode de PCR quantitative a été
appliquée avec une grande reproductibilité. Elle nous a
surtout permis de mettre en évidence une expression du
messager du RPRL dans tous les cas, que ce soit dans la
tumeur ou dans le tissu normal. Si les résultats reflètent
bien l’extrême diversité d’une patiente à l’autre, il est
néanmoins frappant de noter que le nombre de molécules
de messager codant pour le RPRL peut être parfois très
bas, à savoir quelques milliers de molécules d’ARNm par
microgramme d’ARN total.
Le point important est qu’il existe toujours une surex-
pression du messager du RPRL plus importante dans le
Tumeur
Nombre de molécules
d,ARNm/µg d,ARN total
Patientes
Normal
1x106
0
2x106
3x106
4x106
5x106
Figure 2. Expression du récepteur de la prolactine par PCR quanti-
tative dans le tissu mammaire humain normal et tumoral (d’après
Touraine et al., [11]). On observe une expression accrue de l’ex-
pression du messager du RPRL dans le tissu tumoral, comparative-
ment au tissu normal, chez les 25 patientes étudiées.
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tissu tumoral, bénin ou malin, que dans le tissu normal
adjacent. Ce résultat a aussi été retrouvé dans une autre
étude où l’expression du messager du RPRL a été étudiée
par hybridation in situ. Une des hypothèses que nous
pouvons émettre quant à cette surexpression du messa-
ger du RPRL dans le tissu tumoral est qu’elle serait due
à une action biologique, stimulatrice, de la PRL dans ce
tissu. L’hormonodépendance du RPRL (pour la PRL) a
déjà été décrite, que ce soit dans le foie de rat ou la
glande mammaire de lapine ou de rate. Le RPRL est donc
exprimé sur la cellule mammaire, normale ou tumorale,
et son expression pourrait être modulée par la PRL elle-
même, cette dernière hypothèse appelant évidemment une
démonstration expérimentale – qui fait défaut aujourd’hui.
La question qui se pose alors est de savoir si cette surex-
pression observée dans les tissus tumoraux pourrait être
le fait de la PRL hypophysaire et/ou de la PRL synthéti-
sée localement dans le sein. Nous-mêmes avons identifié
cette synthèse par RT-PCR, et, même s’il ne s’agissait
pas d’une analyse quantitative, le signal observé a, le plus
souvent, été retrouvé plus intense dans le tissu tumoral,
comparativement au tissu normal. Nous proposons donc
que l’augmentation de la synthèse locale de PRL dans le
sein tumoral pourrait participer à la surexpression de son
propre récepteur (figure 3). Cette hypothèse a déjà été
validée dans un contexte physiologique où la prolactine
est également élevée, à savoir dans la glande mammaire
de lapine et de rate lactante. Cette surexpression a aussi été
observée chez l’homme, dans un contexte pathologique,
puisque la synthèse du messager du RPRL est augmen-
tée dans les adénomes à PRL.
Prolactine et angiogenèse tumorale
Un des rôles de la PRL sur le tissu mammaire pourrait
également passer par le contrôle du processus de l’angio-
genèse, et donc de la prolifération cellulaire. La prolac-
tine compte de nombreuses isoformes (15), dont l’une est
un fragment N-terminal de 16 kDa, appelé PRL 16K (16).
Ce dernier se caractérise par des propriétés antiangio-
géniques, ce qui suscite évidemment un grand intérêt de
la part de la communauté scientifique, non seulement
pour comprendre son mode d’action ou son rôle physio-
logique potentiel, mais également pour envisager d’éven-
tuelles applications thérapeutiques. Dans ce sens, deux
études très récentes ont montré que des tumeurs de côlon
ou de prostate injectées à des souris immunodéficientes
avaient une croissance fortement limitée en présence de
PRL 16K recombinante, et ces observations ont pu être
corrélées à une densité réduite de vascularisation, confir-
mant in vivo les propriétés antiangiogéniques préalable-
ment observées in vitro (17).
La PRL 16K résulte de la protéolyse de la PRL mature.
Le mécanisme de protéolyse a été particulièrement étudié
sur l’hormone de rat, et il a été montré que de nombreux
extraits cellulaires de tissus cibles de la PRL, comme la
glande mammaire, le rein ou encore la prostate, pou-
vaient cliver la PRL et ainsi générer de la PRL 16K.
L’enzyme impliquée dans cette protéolyse a été identifiée
comme étant la cathepsine D, ce qui corrobore l’observation
que la protéolyse ne s’observe, in vitro, qu’à pH acide.
Malgré une littérature désormais assez conséquente sur
gène hPRL
Différenciation – prolifération
Cellule normale Cellule tumorale
Augmentation de la prolifération
PRL
PRL
?
gène hPRL
Figure 3. Hypothèse quant à l’implication de la prolactine dans la cancérogenèse mammaire. Une cellule épithéliale mammaire normale (à
gauche) et tumorale (à droite) est représentée. On peut actuellement suggérer que la cellule tumorale est, compte tenu d’une surexpression du
RPRL, plus sensible à l’action mitogène de la PRL.
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