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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (VIII), n° 4-5, juillet/octobre 2004
Nouvelles approches
Nouvelles approches
le plus souvent proche de 20 ng/ml, soit 30 % de plus que
la population contrôle. Le taux de PRL mesuré à distance
de la cure chirurgicale du cancer du sein a aussi été éva-
lué comme marqueur de pronostic. Ainsi, un taux haut a
été associé négativement avec le pronostic des patientes
(3), même si l’inverse a aussi été retrouvé. Il n’y a pas de
corrélation claire avec le statut ganglionnaire ni avec la
taille de la tumeur, mais il y en a une, pour certains, avec
le grade tumoral.
Néanmoins, plusieurs aspects de ces études sont criti-
quables. Une des limites majeures à une telle recherche
de corrélation est le fait que le taux de PRL augmente
sous l’effet du stress, allant jusqu’à 40-50 ng/ml dans ce
contexte ; or, le stress est majeur lors du diagnostic de
cancer du sein, ou lors de la simple pose d’un cathéter.
La mastectomie constitue en outre un geste chirurgical à
l’origine d’une rupture de la composante neurogénique et
de ce fait d’une élévation du taux de PRL, comme observée
au cours de la tétée. Le dosage radio-immunologique n’est
par ailleurs pas obligatoirement le reflet de l’activité
fonctionnelle de l’hormone ; on est donc en droit de se
demander si le taux de PRL reflète l’activité mitogène de
cette dernière sur le sein. En outre, les autres paramètres
hormonaux ne sont souvent pas pris en compte. Par
exemple, alors que la GH se lie au récepteur de la prolac-
tine (RPRL) chez l’homme, et peut donc avoir les mêmes
effets, cette hormone est souvent ignorée dans les études
précitées. Enfin, et surtout, l’une des restrictions les plus
nettes concerne le fait que le taux de PRL n’est mesuré
que ponctuellement dans le contexte aigu de découverte
de cancer du sein, sans référence aux taux observés au
cours des années précédentes, pendant la phase clinique-
ment silencieuse de la cancérogenèse mammaire.
Données épidémiologiques
La corrélation du taux de PRL et du risque de cancer du
sein n’a été évaluée qu’à travers peu d’études. L’une, por-
tant sur un petit nombre de cas (n = 40), n’a pas retrouvé
d’association. L’autre a été réalisée à partir de la cohorte
des infirmières américaines, l’analyse portant sur 337 cas
de cancer du sein (4). L’évaluation du risque de cancer
du sein a été réalisée chez des patientes qui étaient toutes
ménopausées, le taux de PRL analysé étant classé en
quatre sous-groupes : inférieur à 6,4 ng/ml ; entre 6,5 et
9,3 ng/ml ; entre 9,4 et 13,7 ng/ml ; supérieur à 13,7 ng/ml.
En analyse multivariée, il a été retrouvé une augmenta-
tion du risque relatif pour la population ayant un taux de
PRL supérieur à 13,7 ng/ml, ce risque étant de 2,03 (IC :
1,24-3,31) (tableau). Le plus étonnant dans cette étude
est sans doute que le risque de cancer du sein augmente
avec le taux de PRL, même lorsque celui-ci est dans la
norme (< 15-18 ng/ml), cela suggérant bien une activité
mitogène de la PRL sur le sein normal. Cependant, une
récente étude suédoise cherchant à évaluer de façon pros-
Hyperprolactinémie et risque de cancer du sein
Une autre façon d’analyser l’implication de la PRL
dans la genèse du cancer du sein chez la femme serait
d’observer le risque à long terme de développer une telle
maladie chez des femmes hyperprolactinémiques non
traitées. Or, le plus souvent, ces patientes sont traitées
soit par bromocriptine, soit par chirurgie hypophysaire,
et, quand elles ne le sont pas, elles reçoivent éventuelle-
ment un traitement hormonal séquentiel dont l’action sur
le sein pourrait interférer avec les résultats obtenus. C’est
pourquoi il n’existe pas de données précises concernant
l’association entre les deux pathologies.
Les rares publications font donc plus état de l’association
entre les deux pathologies que de leur relation causale (6).
On peut indirectement en rapprocher le travail de Malarkey
et al., qui ont étudié un cancer du sein provenant d’une
patiente présentant une hyperprolactinémie (7). La multi-
plication des cellules mammaires tumorales in vitro est
accrue lorsque des concentrations de PRL physiologiques
(20 ng/ml) ou pathologiques, correspondant aux concen-
trations de PRL plasmatiques de la patiente, soit 200 ng/ml,
sont rajoutées au milieu de culture, ce qui nous conforte dans
l’idée que la PRL et les situations d’hyperprolactinémie
peuvent être associées au cancer du sein chez la femme.
Enfin, la mise en évidence de cancers du sein chez
l’homme dans un contexte d’hyperprolactinémie pourrait
sans doute, plus que chez la femme, laisser penser à un
possible rôle direct de la PRL en cancérogenèse mam-
maire humaine.
Les essais thérapeutiques
Ils sont peu nombreux et peu concluants, en ce sens que,
dans le cadre des protocoles proposés, la bromocriptine
se révèle inefficace. Chez des patientes ménopausées pré-
sentant un cancer avancé, l’administration de L-Dopa
s’est révélée sans résultat, puisque aucune des 40 patientes
traitées n’a présenté de rémission, même partielle. La
pective l’association entre cancer du sein et taux hormo-
naux n’a pas retrouvé d’association significative entre les
taux de PRL et le risque de cancer du sein, contrairement
à celle retrouvée avec les taux d’estradiol (5).
Quartile
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Patients/contrôles 64/124 63/112 79/112 100/103
RR 1,0 1,05 1,45 2,03 (1,24 - 3,31) 0,01
1 : < 6,4 ng/ml ; 2 : 6,5-9,3 ng/ml ; 3 : 9,4-13,7 ng/ml ; 4 : > 13,7 ng/ml.
Tableau. Risque relatif de cancer du sein en fonction du taux
de PRL dans la population de la Nurse Health Study (d’après
Hankinson et al. [4]).