LES RÉFORMES UNIVERSITAIRES, OÙ EN SOMMES-NOUS ? Qu’en est-il de l’égalité, du service public d’éducation, de la justice sociale face aux réformes universitaires qui prônent la rentabilité, la compétitivité, l’économie ? Que viennent faire les exigences du patronat à l’université ? Réforme LMD, ECTS (2004) : La réforme ECTS- LMD (Licence Master Doctorat) mise en application en 2004 avait pour ambition d’harmoniser les diplômes universitaires à l‘échelle européenne. Par cela, cet alignement européen a servi de base de compétitivité mondiale (classement de Shanghai…). La démarche consiste en la valorisation des grands pôles de recherches européens au détriment des universités de proximité tels que Limoges ou Valence. Ces dernières apparaissent comme noyées dans la masse, ne fournissant pas la concurrence nécessaire pour rivaliser avec des universités de renommée mondiale. Cette réforme a donc entrainé l’accentuation des disparités nationales avec un fossé entre universités prestigieuses (Paris, Toulouse, Bordeaux, Lyon…) et universités de proximité ( Limoges, Poitiers, ClermontFerrand…). Rapport Hetzel, rapport Goulard (2006-2007) : Suite à cette problématique, une réflexion a donc été entamée afin de redéfinir les missions et l’organisation de l’enseignement supérieur. Les rapports Hetzel et Goulard ont mis en avant l’enjeu de rentabiliser les universités de proximité qui ne peuvent s’intégrer aux ambitions européennes: « faire de l’Union, l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique » (rapport Hetzel). Le rapport Goulard met en avant l’enjeu pour les universités de seconde main de fournir une main d’œuvre en majorité diplômée d’une Licence pour que ce diplôme devienne le nouveau Bac. Il est aussi revendiqué la volonté de contrôler les actions effectuées dans les universités à travers la fluctuation des dotations budgétaires en fonction du taux d’employabilité des étudiants diplômés. En ce sens, il apparaît pour les universités de proximité la nécessité de proposer des contenus pédagogiques en cohérence avec les exigences du bassin économique régional: « harmoniser la carte des formations professionnelles… et effectuer un diagnostic de l’état de l’offre . » (rapport Hetzel). Ces mesures condamnent donc les régions, les universités, les étudiants à subir les exigences de leur bassin économique local (spécialisation des diplômes, immobilité des étudiants…). Le Plan Réussite en Licence (2007) : La première mise en application de cette logique portée par les deux rapports s’exprime à travers le Plan Réussite en Licence (PRL). Le PRL exige une professionnalisation des enseignements (stage obligatoire en Licence, options de préprofessionnalisation, ateliers obligatoires de réalisation de CV, de lettres de motivation, intervenants extérieurs…), stages obligatoires (mis en vigueur à la rentrée 2009). Cette mesure accentue la volonté d’inciter les étudiants à stopper leurs études à la fin de leur Licence et, d’autant plus, à travers des contenus d’enseignements ultra spécialisés financés par des investisseurs privés. La LRU (2007-2008) : La logique se poursuit avec la loi relative aux Libertés et Responsabilités des Universités (LRU) qui vise à renforcer l’importance des investissements privés et accentue un détachement de la part de l'État dans la gestion et le financement des universités. Ceci aboutit à une université dépendante de financements privés et régionaux, donc à région riche, fac riche et à région pauvre, fac pauvre ! L’autonomisation des universités s’exprime aussi à travers l’organisation et la gestion administrative de l’université. La représentativité des étudiants dans les conseils centraux s’amoindrit encore au profit d’invités extérieurs (comme un représentant de l'entreprise ST Microelectronics dans le Conseil d'Administration du Pôle de Recherche et d'Enseignement Supérieur Université de Grenoble). Les choix pédagogiques sont soit : - récompensés par une augmentation des dotations budgétaires s’ils correspondent aux attentes ministérielles (Projet sympa (2008) : exigences de plus de publications scientifiques, d’une augmentation de l’employabilité des étudiants, d’une augmentation des inscriptions…). - soit amoindris s’ils ne correspondent pas aux attentes: diplômes pas assez orientés vers une entreprise et donc moins rentables qui vont disparaître progressivement. Il est à noter que cette logique est paradoxale car les universités ayant besoin de plus de moyen se verront contraintes à plus d’exigences de professionnalisation et donc avec un potentiel de recherche moins important. Ainsi, une université comme Limoges se voit dans l’obligation de licencier 12 postes en 3 ans afin de garder un budget juste identique à avant la LRU. Enfin, différentes mesures viennent confirmer cette logique : - Le rapport Jolion : Une sélection à l’entrée du Master afin d’inciter les étudiants à ne pas poursuivre leurs études après la Licence. - Le Plan Campus : Met en place une dizaine de grands pôles de recherche par territoire. Le Pôle de Recherche et d'Enseignement Supérieur de Grenoble se met en place actuellement sans aucune représentativité étudiante. Naissance de pôles d’excellence technologique comme le projet GIANT (Grenoble Isère Alpes NanoTechnologie) construit autour de Minatec avec l'utilisation de chercheurs universitaires dans des entreprises privées développant de nouvelles technologies militaires ou policières. - Réforme des IUFM : disparition des IUFM et prise en charge des formations par l’université : création de Masters enseignement par rapport aux masters déjà existants avec une diminution de la formations de terrain, une formation différente selon les disciplines entrainant la disparition de la conscience de corps professoral et des inégalités fortes entre les formations. L’obligation de valider un Master pour valider le concours (PE, CAPES, AGREG) donc augmentation des années d’étude (avant : bac+3, maintenant : bac+5) avec une charge de travail intenable (formation + rédaction d'un mémoire de Master + préparation au concours + stages) L’Action Syndicale des Étudiants de Grenoble, membre de la Fédération Syndicale Étudiante DÉNONCE ET COMBAT CETTE LOGIQUE D’ENSEMBLE ! Il est clair que ces réformes universitaires aboutissent à une réorganisation de l’université et de ses missions, pour la mettre toujours plus au service d’une logique économique de classe qui sert les intérêts de la classe dominante. Il est essentiel de mettre en lien cette logique subie par l’université avec un démantèlement général du service public d’éducation : - La réforme de l'École primaire vise à supprimer les écoles maternelles et par cela, l’instance chargée « d’harmoniser » l’entrée de chaque enfant à l’école (annihiler l’écart d’âge entre les enfants, les disparités selon les milieux sociaux,…). Cette réforme a aussi pour but d’imposer des « savoirs fondamentaux » (français, maths) et par cela dévaloriser d’autres enseignements (histoire, géographie, arts plastiques…). Ainsi, nous sommes loin d’un apprentissage « personnalisé » en lien avec les compétences et les difficultés de chaque enfant ! - La réforme des lycées suit la même logique de rentabilité avec des filières de plus en plus spécifiques de manière à garantir une orientation de plus en plus précoce et par cela une fixité dans les parcours scolaires mais aussi dans les études supérieures envisagées. La réforme des bacs pros est révélatrice de ce souci d’économie. - Suppression massive de postes des personnels de l’éducation. LMD, PRL, LRU, Rapport Jolion, plan Campus, réforme des IUFM, réformes des lycées, réforme de l’école primaire… combien en faudra-t-il encore pour qu’enfin les étudiants, les personnels, les enseignants, les lycéens, les parents d’élèves réalisent et se mobilisent contre la logique de privatisation de l’éducation !!!