CAS CLINIQUE
La Lettre du Rhumatologue - n° 321 - avril 2006
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En raison de la persistance de la symptomatologie douloureuse
et des poussées congestives des genoux, un traitement de fond par
méthotrexate était institué, amenant une amélioration clinique.
DISCUSSION
Il existe deux formes anatomo-radiologiques d’acro-ostéolyse. La pre-
mière forme correspond aux acro-ostéolyses longitudinales, effilant
la houppe phalangienne, donnant un aspect “en lorgnette” aux doigts,
qui sont parfois raccourcis. Sur les radiographies, les doigts prennent
un aspect dit “en sucre d’orge” ou “en crayon taillé”. La seconde forme
est représentée par les acro-ostéolyses transversales en bandes (1, 2).
Les étiologies des acro-ostéolyses sont nombreuses (1, 2). Les formes
secondaires sont plus fréquemment rencontrées, notamment chez
l’adulte. Les principales étiologies sont les causes toxiques (chlorure
de vinyle), hormonales (hyperparathyroïdies) ou nerveuses (lèpre,
syringomyélie, tabès, insensibilité à la douleur, etc. [3]) et certains
rhumatismes inflammatoires chroniques, notamment les formes
sévères de polyarthrite rhumatoïde compliquée de vascularite (4) et
le rhumatisme psoriasique. La sclérodermie constitue une cause fré-
quente d’acro-ostéolyse des houppes phalangiennes (40 à 80 % des
sclérodermies systémiques), notamment en cas de syndrome CREST.
Les acro-ostéolyses de l’enfant sont plus rares que celles de l’adulte.
Elles sont subdivisées en deux groupes:
✓Les formes idiopathiques sont le plus souvent héréditaires et com-
portent plusieurs entités, dont le syndrome de Hajdu-Cheney (5, 6)
qui associe de nombreuses malformations cranio-faciales, une surdité
de transmission et des anomalies osseuses, notamment une ostéopa-
thie fragilisante (7).
✓Les formes secondaires, également rares, sont dominées par les
affections neurologiques et métaboliques (1) : les insensibilités héré-
ditaires à la douleur, la pycnodysostose, le syndrome de Lesch-Nyhan
chez le garçon, etc. Chez notre patiente, l’absence d’éléments cli-
niques et radiologiques d’orientation, notamment l’absence de mul-
tiples anomalies osseuses (impression basilaire, présence d’os wor-
miens, disjonction des sutures crâniennes, etc.) ainsi que l’absence de
syndrome dysmorphique, nous a fait écarter le diagnostic de forme
primitive. L’hypothèse d’une forme secondaire à l’AJI a été évoquée.
Au cours des AJI, les anomalies radiologiques associent des apposi-
tions périostées, un élargissement épiphysaire et une brachydactylie,
mais également des troubles de la croissance. L’acro-ostéolyse n’a
jamais été décrite comme une complication directe de l’AJI. Costa et
al. (8) ont rapporté l’observation d’une ostéolyse multicentrique idio-
pathique mimant une AJI. Faber et al. (9) ont rapporté l’observation
de 5 patients (une mère et ses 4 enfants) qui présentaient une ostéo-
lyse multicentrique du carpe et du tarse associée à une atteinte rénale.
Tous les enfants avaient également une polyarthrite chronique tou-
chant les poignets et les chevilles, mimant une AJI. Notre patiente
n’avait pas d’anomalies de la fonction rénale, ni d’antécédents fami-
liaux particuliers, et l’ostéolyse ne touchait que les phalanges distales
des orteils. Une autre observation a été rapportée par Singh et al. (10),
décrivant une polyarthrite chronique des poignets, des genoux et des
chevilles, survenue chez deux sœurs âgées de 13 et 15 ans. Cette poly-
arthrite s’est associée à une brachymétacarpie des quatrièmes rayons
ainsi qu’à une ostéolyse bilatérale et extensive affectant la rotule, le
scaphoïde tarsien et le talus. À l’inverse, il n’a pas été relevé d’acro-
ostéolyse des orteils, contrairement à ce qui a pu être observé chez
notre patiente.
CONCLUSION
Notre observation illustre la possibilité de survenue d’une acro-
ostéolyse associée à une AJI.
Il convient d’éliminer avant tout une forme secondaire à des troubles
neurologiques ou vasculaires mais aussi, surtout chez l’enfant, une
forme primitive, notamment un syndrome de Hajdu-Cheney.
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Figure 3. Radiographie du pied droit : acro-ostéolyse du pied droit.