Dossier Les formes systémiques d’arthrite juvénile idiopathique : diagnostic et pronostic Rachel Heyman, Anne-Marie Prieur Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Unité d’immunologie-hématologie-rhumatologie pédiatriques, hôpital Necker Enfants-Malades, 149 rue de Sèvres 75015 Paris. Fax : 01 44 49 50 70 <[email protected]> Les arthrites juvéniles idiopathiques (AJI) représentent l’ensemble des arthrites débutant avant l’âge de 16 ans et d’une durée d’au moins 6 semaines, dont l’étiologie reste inconnue par opposition aux arthrites d’origine infectieuse, auto-immune, hémato-oncologique. Les critères de l’ILAR (International Ligue of Associations of Rheumatologists) établis en 1997 définissent les éléments de classification nécessaires des différentes formes d’arthrites juvéniles idiopathiques dont la forme systémique. L’AJI systémique représente environ 15 % de l’ensemble des AJI avec un âge de prédilection situé entre 2 et 7 ans. Elle se caractérise par la présence d’au moins une arthrite pendant une durée d’au moins six semaines et par l’existence de signes extra-articulaires dominés principalement par la fièvre et l’atteinte cutanée. Ce type d’AJI est une entité à part entière et présente des complications qui lui sont propres comme l’amylose secondaire, le syndrome d’activation lymphohistiocytaire et les infections. Le pronostic dépend du type d’atteinte et l’incapacité fonctionnelle engendrée peut être appréciée régulièrement par la réalisation d’un questionnaire comme le CHAQ (Childhood Health Assesment Questionnary). Mots clés : arthrite juvénile idiopathique systémique, diagnostic, pronostic L mtp Tirés à part : A.-M. Prieur 16 es arthrites juvéniles idiopathiques (AJI) représentent un vaste groupe hétérogène d’arthrites inflammatoires de l’enfant et bénéficient d’une classification et d’une terminologie en constante évolution [1]. Elles se définissent par la présence d’une arthrite pendant au moins 6 semaines avant l’âge de 16 ans après avoir éliminé toute autre cause d’arthrite, en particulier l’infection. La forme systémique (anciennement appelée maladie de Still de l’enfant) est pour l’instant un sous-groupe des arthrites juvéniles comme celui des formes polyarticulai- mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006 res et oligoarticulaires. À terme, elle sera peut-être une entité à part entière comme chez l’adulte où on la distingue des polyarthrites. Outre l’atteinte articulaire commune à toutes les AJI, la forme à début systémique est caractérisée par la présence de signes extraarticulaires dominant le tableau clinique. Épidémiologie On constate une incidence et une prévalence très variables allant de 4 à 20 % selon les séries. Cette disparité Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Figure 1. Courbe thermique habituelle dans une AJI systémique (document : A.-M. Prieur). est probablement en rapport avec le type de classification et de méthodologie utilisée ainsi que l’âge de la population pédiatrique étudiée dans ces études. Les formes à début systémique représentent 17 % des AJI dans une consultation spécialisée en France, ce qui représente environ 1 000-1 500 enfants de moins de 16 ans souffrant de cette affection [2]. Elles surviennent principalement entre 3 et 5 ans avec un sexe-ratio de 1. Elles n’existent pas en période néonatale, surviennent généralement après l’âge de 6 mois. Avant l’âge de 12 mois, elles touchent presque exclusivement les petites filles. L’éruption Elle est constatée au début de la maladie dans plus de 90 % des cas, parfois précédant les arthrites et a une grande valeur diagnostique. Elle se manifeste par des macules fugaces, confluentes mieux visualisées pendant les pics fébriles mais qui peuvent persister ensuite (figure 2). Plus rarement, un aspect urticarien parfois prurigineux peut être constaté. Elles sont parfois très discrètes, au moment du pic fébrile, favorisé par l’exposition à l’air ou le bain. La biopsie cutanée est inutile au diagnostic car l’histologie des lésions est aspécifique. Les manifestations lymphoïdes Diagnostic Signes cliniques Signes extra-articulaires La fièvre Elle est un symptôme essentiel pour le diagnostic. Classiquement, il existe un pic fébrile journalier élevé (supérieur ou égal à 39 °C) survenant dans la soirée, résistant aux antipyrétiques (figure 1). La défervescence thermique souvent mal tolérée est ensuite très rapide atteignant 36 °C voire moins en quelques heures. Parfois les arthrites peuvent précéder l’apparition de la fièvre mais celle-ci est présente dans 100 % des cas, avec une allure plus caractéristique après l’instauration des antiinflammatoires non stéroïdiens. La fièvre est quotidienne, et doit être objectivée par sa prise toutes les 4 heures y compris la nuit. La fièvre est corrélée à l’augmentation des taux sériques de cytokines comme l’interleukine 6 (IL-6) et de son récepteur (IL-6R) [3]. Dans 50 % des cas, il existe des adénopathies généralisées, indolores, de consistance élastique et mobiles sous la peau. Au niveau mésentérique, les adénopathies peuvent être responsables de douleurs abdominales qui en l’absence d’arthrite peuvent mimer une urgence chirurgicale. Une hépatosplénomégalie modérée est parfois notée sans perturbation du bilan biologique hépatique. L’échographie montre une augmentation de volume homogène de ces organes. Les manifestations viscérales – L’atteinte cardiaque. Elle se manifeste habituellement par une péricardite souvent bien tolérée, se compliquant rarement de tamponnade [4]. Le diagnostic est fait sur les signes cliniques (polypnée, douleur thoracique, tachycardie...) et/ou sur les signes échographiques. Celle-ci montrera l’épanchement ou un simple élargissement de l’espace rétropéricardique parfois seul signe indi- mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006 17 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Les formes systémiques d’arthrite juvénile idiopathique : diagnostic et pronostic 18 Figure 2. Éruption maculeuse caractéristique au cours d’un pic fébrile (document : A.-M. Prieur). rect retrouvé. Enfin, la péricardite peut s’accompagner d’un épanchement pleural visualisé sur la radiographie de thorax. Les atteintes myocardique et endocardique sont exceptionnelles mais peuvent être de mauvais pronostic en cas d’insuffisance cardiaque. – Les atteintes pulmonaires. Elles sont rares et se manifestent le plus souvent par des atteintes pleurales. Des pneumopathies interstitielles ont été décrites mais doivent d’abord faire rechercher une cause infectieuse. – L’atteinte abdominale. Il peut exister une atteinte péritonéale responsable de douleurs abdominales. – L’atteinte neurologique. Elle n’est pas classique dans les formes systémiques d’AJI et doit faire rechercher une complication thérapeutique ou une autre étiologie. On note parfois des troubles de l’humeur, une irritabilité. – L’atteinte oculaire. D’exceptionnelles uvéites antérieures ont été décrites [5]. Signes articulaires Les manifestations articulaires sont inconstantes au début de la maladie et sont absentes dans un tiers des cas pouvant ne survenir qu’après plusieurs mois ou années d’évolution. Les arthrites sont le plus souvent symétriques, touchant les grosses articulations telles que les genoux, les poignets et les chevilles. D’autres articulations comme le rachis cervical, les hanches et l’articulation temporomandibulaire peuvent être concernées. Dans 25 % des cas, l’atteinte est polyarticulaire au début, et, dans les formes diffuses, les petites articulations comme les métacarpophalangiennes et interphalangiennes proximales peuvent être touchées (figure 3). Les arthralgies sont fréquentes, non spécifiques et sont à distinguer des arthrites. Elles sont souvent associées à des myalgies contemporaines des pics fébriles. Figure 3. Arthrites des MCP et IPP (document : A.-M. Prieur). Examens complémentaires Biologie Il existe un syndrome inflammatoire biologique comportant : – Une anémie chronique parfois profonde due à une érythropoïèse inefficace. Sa découverte implique cependant de rechercher une hémorragie digestive occulte iatrogène (anti-inflammatoires non stéroïdiens) ou une carence d’apport. Le traitement consiste éventuellement en l’administration de fer per os ou intraveineux selon la profondeur de l’anémie [6]. – Une hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile. – Une thrombocytose parfois très élevée sans risque de thrombose qui est due à l’inflammation chronique et serait corrélée à l’augmentation sérique de l’IL-6 [7]. Une leucocytose ou un taux de plaquettes normal ou bas doit faire suspecter une autre étiologie comme une leucose, une infection virale ou une complication (syndrome d’activation lymphohistiocytaire [8]). – Une vitesse de sédimentation accélérée et souvent supérieure à 100 mm à la première heure, une protéine C réactive et un fibrinogène augmentés. Ces deux derniers paramètres ainsi que le complément sérique seraient des facteurs pronostiques pour certains auteurs. Dans les formes très actives de la maladie, on peut constater une augmentation polyclonale des immunoglobulines. Enfin, on ne retrouve pas d’auto-anticorps. Il n’y a pas d’association aux antigènes d’histocompatibilité du type HLA. Imagerie Évaluation articulaire Les radiographies standard sont normales au début mettant seulement en évidence un œdème des parties molles. Elles peuvent ensuite montrer selon la classification de Steinbrocker : mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. – une ostéopénie avec appositions périostées (stade I) ; – un pincement articulaire (stade II) ; – des érosions sous-chondrales (stade III) ; – une fusion complète de l’interligne (stade IV). Ces quatre stades peuvent coexister et sont surtout rencontrés au niveau du carpe et du tarse. Les radiographies du rachis cervical de profil centrées sur C2-C3 avec clichés dynamiques en flexion et extension permettent de dépister une fusion des arcs postérieurs avec instabilité sus- et sous-jacente. Les radiographies ne doivent pas être systématiques, mais effectuées en cas de nécessité clinique ou thérapeutique. Évaluation extra-articulaire La radiographie de thorax peut mettre en évidence une cardiomégalie en rapport avec une péricardite ou plus rarement des lésions pulmonaires. Enfin, la tomodensitométrie peut permettre d’exclure une infection en cas de doute diagnostique. Critères diagnostiques De nombreux critères ont été proposés et débattus dans la littérature et l’on retient actuellement les critères de l’ILAR (International Ligue of Associations of Rheumatologists 1997) [1, 9]. Ces critères sont distincts de ceux utilisés dans la maladie de Still de l’adulte (tableau 1) [10]. Pour porter le diagnostic d’AJI à début systémique il faut obligatoirement : – une arthrite évoluant depuis au moins 6 semaines ; – aucune autre étiologie retrouvée pour expliquer cette arthrite. Les diagnostics différentiels De nombreuses autres pathologies peuvent mimer une forme systémique d’AJI. Elles sont rapportées dans le tableau 2. Pronostic Les modalités évolutives Différentes évolutions de l’AJI systémique sont observées (tableau 3) : – Formes avec poussée unique durant plusieurs semaines évoluant favorablement sans séquelles. – Formes récurrentes avec intervalles libres de rémission entre les poussées. – Formes avec signes systémiques permanents. – Rechutes après plusieurs années de rémission. Les critères pronostiques Les échelles d’évaluation du handicap comme le CHAQ (Childhood Health Assesment Questionnary) permettent de juger de l’évolution de la maladie en appréciant la qualité de vie quotidienne de l’enfant [11]. Les critères de mauvais pronostic retenus dans la littérature sont une atteinte articulaire précoce survenant durant les six premiers mois d’évolution en particulier l’atteinte des hanches, un début de la maladie avant l’âge de 5 ans et une thrombocytose importante au diagnostic [12-14]. Les complications Les principales causes de décès rencontrées dans les formes systémiques d’AJI sont dominées par le syndrome d’activation lymphohistiocytaire, les infections et l’amylose secondaire. Le syndrome d’activation lymphohistiocytaire Il s’agit d’une complication rare mais grave, engageant le pronostic vital et nécessitant un traitement urgent. Elle survient de façon brutale parfois déclenchée par une modification thérapeutique brutale ou par l’instauration d’un traitement par AINS (aspirine notamment) (dans le passé, les sels d’or, la sulfasalazine ou la D pénicilamine, Tableau 1. Critères diagnostiques de l’ILAR Caractéristiques de la fièvre Atteinte articulaire Atteinte cutanée Atteinte séreuse Adénopathies et/ou splénomégalie Douleurs pharyngées Hyperleucocytose Élévation des transaminases Absence d’auto-anticorps Le diagnostic est posé si : AJI à début systémique ILAR Quotidienne Durée : au moins 2 semaines Arthrite Pendant au moins 6 semaines * éruption maculeuse fugace * oui * oui NP NP NP NP Arthrite + fièvre et au moins un des critères * Maladie de Still de l’adulte Yamagushi ** 39 °C Durée : au moins 1 semaine ** Arthralgies ** rash cutané fugace NP oui oui ** > 10 000/mm3 oui oui Au moins 5 critères avec au moins 2 critères majeurs ** NP : non précisé mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006 19 Les formes systémiques d’arthrite juvénile idiopathique : diagnostic et pronostic Tableau 2. Diagnostics différentiels des formes systémiques d’AJI Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Affections observées plutôt avant 5 ans Infections bactériennes : - réaliser des hémocultures et rechercher une porte d’entrée infectieuse. Infections virales : - évolution favorable le plus souvent Leucose : - réaliser un myélogramme au moindre doute surtout en cas de leucocytose normale ou basse. Neuroblastome : - doser les catécholamines urinaires - réaliser un scanner au MIBG Maladie de Kawasaki : - réaliser une échographie cardiaque à la recherche d’anévrismes coronaires - traitement d’épreuve par immunoglobulines si diagnostic évoqué. CINCA (syndrome chronique inflammatoire, neurologique, cutané et articulaire) : - rechercher une atteinte méningée - recherche de la mutation de CIAS 1 Syndrome di avec hyper IgD : - dosage de l’acide mévalonique urinaire et de l’activité mévalonate kinase des lymphocytes PFAPA (syndrome associant fièvre récurrente, adénopathies, pharyngite et aphtose) Syndrome de Blau ou sarcoïdose articulaire : - rechercher l’uvéite - diagnostic histologique sur la biopsie synoviale Syndrome de Sweet : - Biopsie cutanée caractéristique Tableau 3. Pronostic des formes systémiques après 10 ans d’évolution Rémission complètea Sans séquelles Séquelles mineures Séquelles majeures (hanche) Évolution inflammatoire Systémique Polyarticulaire 50 % 25 % 12,5 % 12,5 % 50 % 25 % 25 % a Rémission complète : pas de signes cliniques inflammatoires et VS normale depuis au moins 2 ans. actuellement peu ou plus utilisés). Par ailleurs, il coexiste souvent une infection virale (EBV, herpès, CMV, adénovirus...) ou une infection à germes intracellulaires (mycoplasmes) qui pourrait favoriser la survenue du syndrome lymphohistiocytaire. Parfois, aucune cause n’est retrouvée. Ce syndrome associe fièvre, hépatosplénomégalie, encéphalopathie et amélioration paradoxale des arthrites. Sur le plan biologique, il existe une pancytopénie, une hypofibrinémie, une coagulopathie de consommation. On observe également une hyponatrémie, une hypertriglycéridémie et une hyperferritinémie. Le myélogramme 20 Affections observées plus souvent après 5 ans (en plus des pathologies vues avant 5 ans) Rhumatisme articulaire aigu : - évoquer chez les enfants migrants Fièvre méditerranéenne familiale : - test thérapeutique à la colchicine - recherche de la mutation du gène MEFV Maladie de Behçet Syndrome de Muckle Wells : - recherche de mutation de CIAS 1 Purpura rhumatoïde : - diagnostic clinique Périartérite noueuse - biopsie cutanée évicatrice Maladie de Castelman : - diagnostic histologique Colopathies inflammatoires (Crohn) et la ponction lombaire objectivent souvent des signes d’hémophagocytose. Une hospitalisation en urgence s’impose avec élimination du facteur déclenchant s’il est identifié et instauration de thérapeutiques adaptées (corticothérapie à forte dose, cyclosporine A...). Si le traitement est débuté précocement, les signes cliniques régressent rapidement avec une persistance plus prolongée des signes biologiques. L’amylose secondaire Il s’agit d’une complication grave devenue beaucoup plus rare depuis l’avènement des nouveaux traitements de fond qui permettent un bon contrôle de l’inflammation chronique. L’amylose n’est d’ailleurs pas seulement l’apanage des formes systémiques d’AJI et peut compliquer toute pathologie inflammatoire prolongée. Elle se manifeste généralement par une protéinurie et un syndrome néphrotique au niveau rénal, une diarrhée au niveau digestif parfois une hépatosplénomégalie. Il existe une anémie profonde avec hypergammaglobulinémie et protéine C réactive élevée. Le diagnostic est porté sur la présence de dépôts amyloïdes (accumulation de la protéine pathologique AA associée à une chaîne polypeptidi- mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006 que) dans les tissus visibles au microscope à lumière polarisante ou après coloration rouge congo. On peut également visualiser la substance amyloïde déposée dans les tissus par l’intermédiaire d’anticorps radioactifs anti-substance amyloïde P. Les infections et autres iatrogénies Les traitements immunosuppresseurs sont de grands pourvoyeurs d’infections qu’il faudra dépister et traiter. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. Complications musculosquelettiques Le lymphœdème Très rare, il est probablement la conséquence d’une obstruction des vaisseaux lymphatiques superficiels, le plus souvent localisé, aux membres inférieurs. Le kyste synovial Au membre supérieur, il peut correspondre à une inflammation de la gaine tendineuse du long biceps. Au membre inférieur, il peut s’agir d’un kyste poplité qui en cas de rupture peut être confondu avec une thrombophlébite. Le diagnostic est fait aisément par l’échographie. Les destructions articulaires Elles concernent une grande proportion des patients atteints d’AJI et peuvent toucher toutes les articulations. Les différents stades de la classification de Steinbroker sont retrouvés successivement, aboutissant à un stade avancé à la destruction du cartilage articulaire. Au niveau des mains, il peut s’agir d’une carpite fusionnante ou d’une destruction complète du carpe. Aux genoux, la croissance peut se faire avec des désaxations épiphysaires et attitudes vicieuses exposant au risque d’arthrose secondaire. Aux hanches, on observe des troubles de croissance de la tête fémorale avec déformation et risque de destruction articulaire. Le rachis cervical peut être le siège d’une fusion vertébrale avec ankylose, le plus souvent de niveau C2-C3 et la survenue d’une instabilité sus- et sous-jacente menaçant la moelle épinière. L’ostéoporose Sa survenue est quasi-constante dans ce contexte, causée par l’inflammation chronique, le manque d’activité, la dénutrition et la corticothérapie prolongée. Elle peut se compliquer de tassements vertébraux et de fractures osseuses alourdissant la prise en charge. Le retard de croissance Il est la conséquence d’une corticothérapie prolongée mais aussi de l’inflammation chronique. La vitesse de croissance est inversement proportionnelle à la durée de la corticothérapie et 90 % des enfants atteints d’AJI de forme systémique ont une taille finale inférieure à leur taille cible. Un rattrapage du retard staturopondéral semble cependant possible si la corticothérapie est arrêtée précocement avant l’âge de 7 ans. Le traitement par hormone de croissance pourrait aussi pallier en partie les méfaits de la corticothérapie. Surveillance Examen clinique La prise en charge des formes systémiques d’AJI doit être multidisciplinaire et nécessite des examens cliniques réguliers de l’enfant de façon mensuelle. Une consultation spécialisée réalisée dans le centre de référence est recommandée par la suite 2 à 4 fois par an selon l’évolution. L’enfant pourra aisément être évalué en termes d’incapacité fonctionnelle dans sa vie quotidienne par la réalisation régulière du CHAQ. Examens paracliniques La biologie avec dosage des paramètres de l’inflammation et de tolérance du traitement sera réalisée 1 fois par mois pendant les 6 premiers mois puis espacée en cas de stabilité. Des radiographies des articulations atteintes sont à réaliser au moment du diagnostic, puis une fois par an par la suite. Le rachis cervical sera exploré par des radiographies de profil centrées sur C1-C2 avec clichés en extension maximum et en flexion maximum. Ainsi, la survenue d’un bloc vertébral avec ses risques d’instabilité sus- et sous-jacente sera dépistée précocement. L’échographie articulaire, non invasive, accessible et peu coûteuse, pourra être utile dans l’exploration des articulations profondes comme les hanches et les épaules. Elle permet également de visualiser d’éventuels kystes périarticulaires, de dépister une péricardite ou un épanchement pleural. Enfin, le mode Doppler donnera une idée de l’inflammation locale par l’analyse des flux sanguins. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) visualise bien les tissus mous et les structures osseuses en particulier le cartilage chez l’enfant, permettant d’en dépister les lésions précoces. Par ailleurs, cette technique permet d’évaluer les gaines tendineuses qui sont souvent le siège de synovites. Mais, étant donné son coût, l’IRM est à réserver pour l’exploration préthérapeutique (infiltration locale, pose de drain, synovectomie...). Elle sera également nécessaire en cas de suspicion de compression médullaire secondaire à des lésions du rachis cervical. L’ostéodensitométrie par absorptiométrie biphotonique (DEXA) permettra de dépister la survenue d’une ostéopénie voire d’une ostéoporose et de suivre l’évolution de la densité minérale osseuse sous traitement spécifique. Les techniques radioactives avec utilisation d’anticorps marqués anti-substance amyloïde sont utiles dans le suivi du traitement de l’amylose. Les autres techniques d’imagerie telles que le scanner, la scintigraphie, l’arthrographie, sont peu utilisées dans les formes systémiques d’AJI. Conclusion L’arthrite juvénile idiopathique à début systémique est une entité à part entière qui se caractérise par une prédo- mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006 21 Les formes systémiques d’arthrite juvénile idiopathique : diagnostic et pronostic minance de signes généraux pouvant survenir avant l’apparition des arthrites. Cette forme clinique d’AJI doit être individualisée du fait de ses complications propres et des traitements spécifiques à mettre en œuvre. Outre la surveillance clinico-biologique régulière, il est indispensable d’évaluer la qualité de vie de l’enfant et son incapacité fonctionnelle afin d’adapter au mieux son traitement et son environnement. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 25/05/2017. 7. De Benedetti F, Martini A. Is systemic juvenile rheumatoid arthritis an interleukin 6 mediated disease? J Rheumatol 1998 ; 25(2) : 203-7. 8. Stephan JL, Kone-Paut I, Galambrun C, Mouy R, BaderMeunier B, Prieur AM. Reactive haemophagocytic syndrome in children with inflammatory disorders. A retrospective study of 24 patients. Rheumatology (Oxford) 2001 ; 40(11) : 1285-92. 9. Foeldvari I, Bidde M. Validation of the proposed ILAR classification criteria for juvenile idiopathic arthritis. International League of Associations for Rheumatology. 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