Les formes systémiques d`arthrite juvénile idiopathique : diagnostic

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Dossier
Les formes systémiques
d’arthrite juvénile
idiopathique : diagnostic
et pronostic
Rachel Heyman, Anne-Marie Prieur
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Unité d’immunologie-hématologie-rhumatologie pédiatriques,
hôpital Necker Enfants-Malades, 149 rue de Sèvres 75015 Paris. Fax : 01 44 49 50 70
<[email protected]>
Les arthrites juvéniles idiopathiques (AJI) représentent l’ensemble des arthrites
débutant avant l’âge de 16 ans et d’une durée d’au moins 6 semaines, dont
l’étiologie reste inconnue par opposition aux arthrites d’origine infectieuse,
auto-immune, hémato-oncologique. Les critères de l’ILAR (International Ligue
of Associations of Rheumatologists) établis en 1997 définissent les éléments de
classification nécessaires des différentes formes d’arthrites juvéniles idiopathiques dont la forme systémique. L’AJI systémique représente environ 15 % de
l’ensemble des AJI avec un âge de prédilection situé entre 2 et 7 ans. Elle se
caractérise par la présence d’au moins une arthrite pendant une durée d’au
moins six semaines et par l’existence de signes extra-articulaires dominés
principalement par la fièvre et l’atteinte cutanée. Ce type d’AJI est une entité à
part entière et présente des complications qui lui sont propres comme l’amylose
secondaire, le syndrome d’activation lymphohistiocytaire et les infections. Le
pronostic dépend du type d’atteinte et l’incapacité fonctionnelle engendrée
peut être appréciée régulièrement par la réalisation d’un questionnaire comme
le CHAQ (Childhood Health Assesment Questionnary).
Mots clés : arthrite juvénile idiopathique systémique, diagnostic, pronostic
L
mtp
Tirés à part : A.-M. Prieur
16
es arthrites juvéniles idiopathiques
(AJI) représentent un vaste groupe
hétérogène d’arthrites inflammatoires
de l’enfant et bénéficient d’une classification et d’une terminologie en
constante évolution [1]. Elles se définissent par la présence d’une arthrite
pendant au moins 6 semaines avant
l’âge de 16 ans après avoir éliminé
toute autre cause d’arthrite, en particulier l’infection. La forme systémique
(anciennement appelée maladie de
Still de l’enfant) est pour l’instant un
sous-groupe des arthrites juvéniles
comme celui des formes polyarticulai-
mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006
res et oligoarticulaires. À terme, elle
sera peut-être une entité à part entière
comme chez l’adulte où on la distingue des polyarthrites. Outre l’atteinte
articulaire commune à toutes les AJI,
la forme à début systémique est caractérisée par la présence de signes extraarticulaires dominant le tableau
clinique.
Épidémiologie
On constate une incidence et une
prévalence très variables allant de 4 à
20 % selon les séries. Cette disparité
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Figure 1. Courbe thermique habituelle dans une AJI systémique (document : A.-M. Prieur).
est probablement en rapport avec le type de classification
et de méthodologie utilisée ainsi que l’âge de la population pédiatrique étudiée dans ces études.
Les formes à début systémique représentent 17 % des
AJI dans une consultation spécialisée en France, ce qui
représente environ 1 000-1 500 enfants de moins de
16 ans souffrant de cette affection [2]. Elles surviennent
principalement entre 3 et 5 ans avec un sexe-ratio de 1.
Elles n’existent pas en période néonatale, surviennent
généralement après l’âge de 6 mois. Avant l’âge de
12 mois, elles touchent presque exclusivement les petites
filles.
L’éruption
Elle est constatée au début de la maladie dans plus de
90 % des cas, parfois précédant les arthrites et a une
grande valeur diagnostique.
Elle se manifeste par des macules fugaces, confluentes
mieux visualisées pendant les pics fébriles mais qui peuvent persister ensuite (figure 2). Plus rarement, un aspect
urticarien parfois prurigineux peut être constaté. Elles sont
parfois très discrètes, au moment du pic fébrile, favorisé
par l’exposition à l’air ou le bain.
La biopsie cutanée est inutile au diagnostic car l’histologie des lésions est aspécifique.
Les manifestations lymphoïdes
Diagnostic
Signes cliniques
Signes extra-articulaires
La fièvre
Elle est un symptôme essentiel pour le diagnostic.
Classiquement, il existe un pic fébrile journalier élevé
(supérieur ou égal à 39 °C) survenant dans la soirée,
résistant aux antipyrétiques (figure 1). La défervescence
thermique souvent mal tolérée est ensuite très rapide
atteignant 36 °C voire moins en quelques heures. Parfois
les arthrites peuvent précéder l’apparition de la fièvre mais
celle-ci est présente dans 100 % des cas, avec une allure
plus caractéristique après l’instauration des antiinflammatoires non stéroïdiens. La fièvre est quotidienne,
et doit être objectivée par sa prise toutes les 4 heures y
compris la nuit. La fièvre est corrélée à l’augmentation des
taux sériques de cytokines comme l’interleukine 6 (IL-6) et
de son récepteur (IL-6R) [3].
Dans 50 % des cas, il existe des adénopathies généralisées, indolores, de consistance élastique et mobiles sous
la peau. Au niveau mésentérique, les adénopathies peuvent être responsables de douleurs abdominales qui en
l’absence d’arthrite peuvent mimer une urgence chirurgicale.
Une hépatosplénomégalie modérée est parfois notée
sans perturbation du bilan biologique hépatique. L’échographie montre une augmentation de volume homogène
de ces organes.
Les manifestations viscérales
– L’atteinte cardiaque. Elle se manifeste habituellement par une péricardite souvent bien tolérée, se compliquant rarement de tamponnade [4]. Le diagnostic est fait
sur les signes cliniques (polypnée, douleur thoracique,
tachycardie...) et/ou sur les signes échographiques.
Celle-ci montrera l’épanchement ou un simple élargissement de l’espace rétropéricardique parfois seul signe indi-
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Figure 2. Éruption maculeuse caractéristique au cours d’un pic fébrile (document : A.-M. Prieur).
rect retrouvé. Enfin, la péricardite peut s’accompagner
d’un épanchement pleural visualisé sur la radiographie de
thorax.
Les atteintes myocardique et endocardique sont exceptionnelles mais peuvent être de mauvais pronostic en
cas d’insuffisance cardiaque.
– Les atteintes pulmonaires. Elles sont rares et se manifestent le plus souvent par des atteintes pleurales.
Des pneumopathies interstitielles ont été décrites mais
doivent d’abord faire rechercher une cause infectieuse.
– L’atteinte abdominale. Il peut exister une atteinte
péritonéale responsable de douleurs abdominales.
– L’atteinte neurologique. Elle n’est pas classique dans
les formes systémiques d’AJI et doit faire rechercher une
complication thérapeutique ou une autre étiologie. On
note parfois des troubles de l’humeur, une irritabilité.
– L’atteinte oculaire. D’exceptionnelles uvéites antérieures ont été décrites [5].
Signes articulaires
Les manifestations articulaires sont inconstantes au
début de la maladie et sont absentes dans un tiers des cas
pouvant ne survenir qu’après plusieurs mois ou années
d’évolution.
Les arthrites sont le plus souvent symétriques, touchant
les grosses articulations telles que les genoux, les poignets
et les chevilles. D’autres articulations comme le rachis
cervical, les hanches et l’articulation temporomandibulaire peuvent être concernées. Dans 25 % des cas, l’atteinte est polyarticulaire au début, et, dans les formes
diffuses, les petites articulations comme les métacarpophalangiennes et interphalangiennes proximales peuvent
être touchées (figure 3).
Les arthralgies sont fréquentes, non spécifiques et sont
à distinguer des arthrites. Elles sont souvent associées à
des myalgies contemporaines des pics fébriles.
Figure 3. Arthrites des MCP et IPP (document : A.-M. Prieur).
Examens complémentaires
Biologie
Il existe un syndrome inflammatoire biologique comportant :
– Une anémie chronique parfois profonde due à une
érythropoïèse inefficace. Sa découverte implique cependant de rechercher une hémorragie digestive occulte iatrogène (anti-inflammatoires non stéroïdiens) ou une carence d’apport. Le traitement consiste éventuellement en
l’administration de fer per os ou intraveineux selon la
profondeur de l’anémie [6].
– Une hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile.
– Une thrombocytose parfois très élevée sans risque de
thrombose qui est due à l’inflammation chronique et serait
corrélée à l’augmentation sérique de l’IL-6 [7].
Une leucocytose ou un taux de plaquettes normal ou
bas doit faire suspecter une autre étiologie comme une
leucose, une infection virale ou une complication (syndrome d’activation lymphohistiocytaire [8]).
– Une vitesse de sédimentation accélérée et souvent
supérieure à 100 mm à la première heure, une protéine C
réactive et un fibrinogène augmentés. Ces deux derniers
paramètres ainsi que le complément sérique seraient des
facteurs pronostiques pour certains auteurs.
Dans les formes très actives de la maladie, on peut
constater une augmentation polyclonale des immunoglobulines.
Enfin, on ne retrouve pas d’auto-anticorps. Il n’y a pas
d’association aux antigènes d’histocompatibilité du type
HLA.
Imagerie
Évaluation articulaire
Les radiographies standard sont normales au début
mettant seulement en évidence un œdème des parties
molles. Elles peuvent ensuite montrer selon la classification de Steinbrocker :
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– une ostéopénie avec appositions périostées (stade I) ;
– un pincement articulaire (stade II) ;
– des érosions sous-chondrales (stade III) ;
– une fusion complète de l’interligne (stade IV).
Ces quatre stades peuvent coexister et sont surtout
rencontrés au niveau du carpe et du tarse.
Les radiographies du rachis cervical de profil centrées
sur C2-C3 avec clichés dynamiques en flexion et extension permettent de dépister une fusion des arcs postérieurs
avec instabilité sus- et sous-jacente.
Les radiographies ne doivent pas être systématiques,
mais effectuées en cas de nécessité clinique ou thérapeutique.
Évaluation extra-articulaire
La radiographie de thorax peut mettre en évidence une
cardiomégalie en rapport avec une péricardite ou plus
rarement des lésions pulmonaires.
Enfin, la tomodensitométrie peut permettre d’exclure
une infection en cas de doute diagnostique.
Critères diagnostiques
De nombreux critères ont été proposés et débattus
dans la littérature et l’on retient actuellement les critères
de l’ILAR (International Ligue of Associations of Rheumatologists 1997) [1, 9]. Ces critères sont distincts de ceux
utilisés dans la maladie de Still de l’adulte (tableau 1) [10].
Pour porter le diagnostic d’AJI à début systémique il
faut obligatoirement :
– une arthrite évoluant depuis au moins 6 semaines ;
– aucune autre étiologie retrouvée pour expliquer
cette arthrite.
Les diagnostics différentiels
De nombreuses autres pathologies peuvent mimer une
forme systémique d’AJI. Elles sont rapportées dans le
tableau 2.
Pronostic
Les modalités évolutives
Différentes évolutions de l’AJI systémique sont observées (tableau 3) :
– Formes avec poussée unique durant plusieurs semaines évoluant favorablement sans séquelles.
– Formes récurrentes avec intervalles libres de rémission entre les poussées.
– Formes avec signes systémiques permanents.
– Rechutes après plusieurs années de rémission.
Les critères pronostiques
Les échelles d’évaluation du handicap comme le
CHAQ (Childhood Health Assesment Questionnary) permettent de juger de l’évolution de la maladie en appréciant la qualité de vie quotidienne de l’enfant [11].
Les critères de mauvais pronostic retenus dans la littérature sont une atteinte articulaire précoce survenant durant les six premiers mois d’évolution en particulier l’atteinte des hanches, un début de la maladie avant l’âge de
5 ans et une thrombocytose importante au diagnostic
[12-14].
Les complications
Les principales causes de décès rencontrées dans les
formes systémiques d’AJI sont dominées par le syndrome
d’activation lymphohistiocytaire, les infections et l’amylose secondaire.
Le syndrome d’activation lymphohistiocytaire
Il s’agit d’une complication rare mais grave, engageant
le pronostic vital et nécessitant un traitement urgent. Elle
survient de façon brutale parfois déclenchée par une
modification thérapeutique brutale ou par l’instauration
d’un traitement par AINS (aspirine notamment) (dans le
passé, les sels d’or, la sulfasalazine ou la D pénicilamine,
Tableau 1. Critères diagnostiques de l’ILAR
Caractéristiques de la fièvre
Atteinte articulaire
Atteinte cutanée
Atteinte séreuse
Adénopathies et/ou splénomégalie
Douleurs pharyngées
Hyperleucocytose
Élévation des transaminases
Absence d’auto-anticorps
Le diagnostic est posé si :
AJI à début systémique
ILAR
Quotidienne
Durée : au moins 2 semaines
Arthrite
Pendant au moins 6 semaines
* éruption maculeuse fugace
* oui
* oui
NP
NP
NP
NP
Arthrite + fièvre et au moins un
des critères *
Maladie de Still de l’adulte
Yamagushi
** 39 °C
Durée : au moins 1 semaine
** Arthralgies
** rash cutané fugace
NP
oui
oui
** > 10 000/mm3
oui
oui
Au moins 5 critères avec au moins
2 critères majeurs **
NP : non précisé
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Les formes systémiques d’arthrite juvénile idiopathique : diagnostic et pronostic
Tableau 2. Diagnostics différentiels des formes systémiques d’AJI
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Affections observées plutôt avant 5 ans
Infections bactériennes :
- réaliser des hémocultures et rechercher une porte d’entrée infectieuse.
Infections virales :
- évolution favorable le plus souvent
Leucose :
- réaliser un myélogramme au moindre doute surtout en cas de
leucocytose normale ou basse.
Neuroblastome :
- doser les catécholamines urinaires
- réaliser un scanner au MIBG
Maladie de Kawasaki :
- réaliser une échographie cardiaque à la recherche d’anévrismes
coronaires
- traitement d’épreuve par immunoglobulines si diagnostic évoqué.
CINCA (syndrome chronique inflammatoire, neurologique, cutané et
articulaire) :
- rechercher une atteinte méningée
- recherche de la mutation de CIAS 1
Syndrome di avec hyper IgD :
- dosage de l’acide mévalonique urinaire et de l’activité mévalonate kinase
des lymphocytes
PFAPA (syndrome associant fièvre récurrente, adénopathies, pharyngite
et aphtose)
Syndrome de Blau ou sarcoïdose articulaire :
- rechercher l’uvéite
- diagnostic histologique sur la biopsie synoviale
Syndrome de Sweet :
- Biopsie cutanée caractéristique
Tableau 3. Pronostic des formes systémiques après 10 ans
d’évolution
Rémission complètea
Sans séquelles
Séquelles mineures
Séquelles majeures (hanche)
Évolution inflammatoire
Systémique
Polyarticulaire
50 %
25 %
12,5 %
12,5 %
50 %
25 %
25 %
a
Rémission complète : pas de signes cliniques inflammatoires et VS normale depuis au
moins 2 ans.
actuellement peu ou plus utilisés). Par ailleurs, il coexiste
souvent une infection virale (EBV, herpès, CMV, adénovirus...) ou une infection à germes intracellulaires (mycoplasmes) qui pourrait favoriser la survenue du syndrome
lymphohistiocytaire.
Parfois, aucune cause n’est retrouvée.
Ce syndrome associe fièvre, hépatosplénomégalie,
encéphalopathie et amélioration paradoxale des arthrites.
Sur le plan biologique, il existe une pancytopénie, une
hypofibrinémie, une coagulopathie de consommation.
On observe également une hyponatrémie, une hypertriglycéridémie et une hyperferritinémie. Le myélogramme
20
Affections observées plus souvent après 5 ans
(en plus des pathologies vues avant 5 ans)
Rhumatisme articulaire aigu :
- évoquer chez les enfants migrants
Fièvre méditerranéenne familiale :
- test thérapeutique à la colchicine
- recherche de la mutation du gène MEFV
Maladie de Behçet
Syndrome de Muckle Wells :
- recherche de mutation de CIAS 1
Purpura rhumatoïde :
- diagnostic clinique
Périartérite noueuse
- biopsie cutanée évicatrice
Maladie de Castelman :
- diagnostic histologique
Colopathies inflammatoires (Crohn)
et la ponction lombaire objectivent souvent des signes
d’hémophagocytose. Une hospitalisation en urgence
s’impose avec élimination du facteur déclenchant s’il est
identifié et instauration de thérapeutiques adaptées (corticothérapie à forte dose, cyclosporine A...). Si le traitement
est débuté précocement, les signes cliniques régressent
rapidement avec une persistance plus prolongée des signes biologiques.
L’amylose secondaire
Il s’agit d’une complication grave devenue beaucoup
plus rare depuis l’avènement des nouveaux traitements de
fond qui permettent un bon contrôle de l’inflammation
chronique. L’amylose n’est d’ailleurs pas seulement l’apanage des formes systémiques d’AJI et peut compliquer
toute pathologie inflammatoire prolongée. Elle se manifeste généralement par une protéinurie et un syndrome
néphrotique au niveau rénal, une diarrhée au niveau
digestif parfois une hépatosplénomégalie. Il existe une
anémie profonde avec hypergammaglobulinémie et protéine C réactive élevée. Le diagnostic est porté sur la
présence de dépôts amyloïdes (accumulation de la protéine pathologique AA associée à une chaîne polypeptidi-
mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006
que) dans les tissus visibles au microscope à lumière
polarisante ou après coloration rouge congo.
On peut également visualiser la substance amyloïde
déposée dans les tissus par l’intermédiaire d’anticorps
radioactifs anti-substance amyloïde P.
Les infections et autres iatrogénies
Les traitements immunosuppresseurs sont de grands
pourvoyeurs d’infections qu’il faudra dépister et traiter.
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Complications musculosquelettiques
Le lymphœdème
Très rare, il est probablement la conséquence d’une
obstruction des vaisseaux lymphatiques superficiels, le
plus souvent localisé, aux membres inférieurs.
Le kyste synovial
Au membre supérieur, il peut correspondre à une
inflammation de la gaine tendineuse du long biceps.
Au membre inférieur, il peut s’agir d’un kyste poplité
qui en cas de rupture peut être confondu avec une thrombophlébite. Le diagnostic est fait aisément par l’échographie.
Les destructions articulaires
Elles concernent une grande proportion des patients
atteints d’AJI et peuvent toucher toutes les articulations.
Les différents stades de la classification de Steinbroker sont
retrouvés successivement, aboutissant à un stade avancé à
la destruction du cartilage articulaire. Au niveau des
mains, il peut s’agir d’une carpite fusionnante ou d’une
destruction complète du carpe. Aux genoux, la croissance
peut se faire avec des désaxations épiphysaires et attitudes
vicieuses exposant au risque d’arthrose secondaire. Aux
hanches, on observe des troubles de croissance de la tête
fémorale avec déformation et risque de destruction articulaire.
Le rachis cervical peut être le siège d’une fusion vertébrale avec ankylose, le plus souvent de niveau C2-C3 et la
survenue d’une instabilité sus- et sous-jacente menaçant
la moelle épinière.
L’ostéoporose
Sa survenue est quasi-constante dans ce contexte,
causée par l’inflammation chronique, le manque d’activité, la dénutrition et la corticothérapie prolongée. Elle
peut se compliquer de tassements vertébraux et de fractures osseuses alourdissant la prise en charge.
Le retard de croissance
Il est la conséquence d’une corticothérapie prolongée
mais aussi de l’inflammation chronique.
La vitesse de croissance est inversement proportionnelle à la durée de la corticothérapie et 90 % des enfants
atteints d’AJI de forme systémique ont une taille finale
inférieure à leur taille cible. Un rattrapage du retard staturopondéral semble cependant possible si la corticothérapie est arrêtée précocement avant l’âge de 7 ans. Le traitement par hormone de croissance pourrait aussi pallier en
partie les méfaits de la corticothérapie.
Surveillance
Examen clinique
La prise en charge des formes systémiques d’AJI doit
être multidisciplinaire et nécessite des examens cliniques
réguliers de l’enfant de façon mensuelle. Une consultation
spécialisée réalisée dans le centre de référence est recommandée par la suite 2 à 4 fois par an selon l’évolution.
L’enfant pourra aisément être évalué en termes d’incapacité fonctionnelle dans sa vie quotidienne par la réalisation régulière du CHAQ.
Examens paracliniques
La biologie avec dosage des paramètres de l’inflammation et de tolérance du traitement sera réalisée 1 fois par
mois pendant les 6 premiers mois puis espacée en cas de
stabilité.
Des radiographies des articulations atteintes sont à
réaliser au moment du diagnostic, puis une fois par an par
la suite. Le rachis cervical sera exploré par des radiographies de profil centrées sur C1-C2 avec clichés en extension maximum et en flexion maximum. Ainsi, la survenue
d’un bloc vertébral avec ses risques d’instabilité sus- et
sous-jacente sera dépistée précocement.
L’échographie articulaire, non invasive, accessible et
peu coûteuse, pourra être utile dans l’exploration des
articulations profondes comme les hanches et les épaules.
Elle permet également de visualiser d’éventuels kystes
périarticulaires, de dépister une péricardite ou un épanchement pleural. Enfin, le mode Doppler donnera une
idée de l’inflammation locale par l’analyse des flux sanguins.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) visualise
bien les tissus mous et les structures osseuses en particulier
le cartilage chez l’enfant, permettant d’en dépister les
lésions précoces. Par ailleurs, cette technique permet
d’évaluer les gaines tendineuses qui sont souvent le siège
de synovites. Mais, étant donné son coût, l’IRM est à
réserver pour l’exploration préthérapeutique (infiltration
locale, pose de drain, synovectomie...). Elle sera également nécessaire en cas de suspicion de compression
médullaire secondaire à des lésions du rachis cervical.
L’ostéodensitométrie par absorptiométrie biphotonique (DEXA) permettra de dépister la survenue d’une ostéopénie voire d’une ostéoporose et de suivre l’évolution de
la densité minérale osseuse sous traitement spécifique.
Les techniques radioactives avec utilisation d’anticorps marqués anti-substance amyloïde sont utiles dans le
suivi du traitement de l’amylose.
Les autres techniques d’imagerie telles que le scanner,
la scintigraphie, l’arthrographie, sont peu utilisées dans les
formes systémiques d’AJI.
Conclusion
L’arthrite juvénile idiopathique à début systémique est
une entité à part entière qui se caractérise par une prédo-
mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006
21
Les formes systémiques d’arthrite juvénile idiopathique : diagnostic et pronostic
minance de signes généraux pouvant survenir avant l’apparition des arthrites. Cette forme clinique d’AJI doit être
individualisée du fait de ses complications propres et des
traitements spécifiques à mettre en œuvre. Outre la surveillance clinico-biologique régulière, il est indispensable
d’évaluer la qualité de vie de l’enfant et son incapacité
fonctionnelle afin d’adapter au mieux son traitement et
son environnement.
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