Dossier Nouveaux traitements en rhumatologie pédiatrique Pierre Quartier, Bénédicte Neven Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Unité d’immunologie-hématologie-rhumatologie pédiatriques, hôpital Necker-Enfants Malades, 149 rue de Sèvres, 75743 Paris Cedex 15. Fax : 01 44 49 50 70 <[email protected]> <[email protected]> Les arthrites juvéniles idiopathiques (AJI), le lupus érythémateux disséminé (LED) et autres connectivites ou vascularites de l’enfant, ainsi que divers syndromes auto-immuns et auto-inflammatoires rares, ont bénéficié ces dernières années d’avancées thérapeutiques importantes. Les traitements classiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), corticostéroïdes et immunosuppresseurs anciens, ont parfois une efficacité insuffisante ou une toxicité inacceptable. Les progrès les plus récents sont liés : 1) à l’utilisation dans des indications nouvelles ou selon des modalités nouvelles de traitements anciens, comme le thalidomide dans certaines formes systémiques d’AJI (« maladies de Still » de l’enfant) ou les immunoglobulines intraveineuses dans des vascularites comme la périartérite noueuse de l’enfant ; 2) au développement de nouveaux immunosuppresseurs dont des agents biologiques ciblant des récepteurs de costimulation lymphocytaire T ou antagonisant des cytokines de l’inflammation telles le TNFalpha et les interleukines 1 et 6 ; 3) au développement de traitements contrecarrant certains effets toxiques de la corticothérapie générale sur la croissance et la déminéralisation osseuse. Mots clés : arthrites juvéniles, maladies systémiques, traitements, cytokines P mtp Tirés à part : P. Quartier 50 armi les nombreux traitements actifs actuellement utilisés en rhumatologie pédiatrique, les traitements « classiques » sont encore les plus prescrits, soit isolément soit en association avec des traitements plus récents. Par ailleurs, des molécules anciennes ont été utilisées ces dernières années dans des indications ou selon des modalités d’administration différentes du passé. Enfin et surtout, une meilleure prise en charge thérapeutique des formes sévères de ces maladies est liée au développement de nouvelles molécules dont la plupart ont une action très spécifique anticytokiniques ou visant une population mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006 cellulaire, les lymphocytes B en particulier, ou un signal de costimulation du lymphocyte T. Ces nouveaux traitements sont le plus souvent utilisés en seconde intention, après échec des traitements classiques, mais cette stratégie pourrait être remise en cause dans de nombreuses situations comme nous le discuterons plus loin. L’arsenal thérapeutique Traitements classiques versus nouveaux traitements Le tableau 1 indique pour les principaux traitements « classiques » et Tableau 1. Utilisation de traitements classiques et plus récents : principales indications en rhumatologie pédiatrique ; limites et problèmes Médicament Anti-inflammatoires Acide acétyl salicylique Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. AINS Sélectifs anti-COX-2 Corticostéroïdes : (dont solumédrol IV) Utilisation en 2005 Fortes doses : Kawasaki, ± phase initiale des FS-AJI du petit enfant Faibles doses : prévention des thromboses (Sd anti-phospholipides) AJI (seuls ou associés aux autres traitements, à fortes dosesa) Vascularites peu sévères, douleurs inflammatoires À évaluer encore (gastrotoxicité des AINS classiques ?) FS-AJI avec atteinte viscérale, ± polyarthrites très douloureuses Vascularites et MAI diverses dont dermatomyosite et LED Limites et problèmes Problèmes de tolérance (tableau 2) Efficacité souvent insuffisante Jeune enfant : peu de formes adaptées Cardiotoxicité pour certains chez l’adulteb Toxicités (tableau 2), d’autant que dose Efficacité inconstante (FS-AJI, certains LED) Immunomodulateurs Immunoglobulines IV Thalidomideb Kawasaki ± autres vascularites (certaines PAN de l’enfant) Dérivées du sang ; effet souvent transitoire Certaines vascularites, aphtoses sévères (Behçet) et FS-AJI Toxicité : fœtale, neurotoxicité... Immunosuppresseurs classiquesc Méthotrexated AJI, dermatomyosite Ciclosporine Hydroxychloroquine Azathioprine Cyclophosphamide Certaines AJI, activation macrophagique, dermatomyosite, etc. Lupus, notamment quand atteinte cutanée Diverses maladies auto-immunes Maladies auto-immunes graves (certains lupus, etc.) Immunosuppresseurs d’introduction plus récente Leflunomide AJI avec atteinte polarticulaire Mycophénolate mofétil Diverses MAI dont lupus avec atteinte rénale Anti-cytokines Anti-TNFalpha (etanercept = récepteur soluble, infliximab et adalimumab = ACs anti-TNFalpha) Etanercept AJI avec atteinte polyarticulaire Infliximab Crohn, AJI avec atteinte polyarticulaire, (AC chimérique humain-murin) uvéites granulomateuses ? Adalimumab Essai thérapeutique dans l’AJI avec atteinte polyarticulaire (AC humanisé) Anakinra CINCA/Muckle Wells/Urticaire au froid, formes systémiques d’AJI MRA (AC anti-IL-6R) Formes systémiques d’AJI Anti-lymphocytes B ou anti-molécules de costimulation Rituximab (anti-CD20) Certaines MAI (anémie hémolytique AI, atteinte rénale du LED) Abatacept (CTLA-4Ig) Essai international dans l’AJI, efficacité dans diverses MAI Peu efficace dans certaines AJI (dont FS-AJI) Parfois mal toléré (tableau 2) Efficacité inconstante Efficacité limitée, toxicité rétinienne (rare) Effet limité et obtenu après plusieurs mois Toxicités (tableau 2) Efficacité variable, tératogène Intolérance digestive, infections Infections dont réactivations de tuberculose Efficacité limité dans formes systémiques Idem et parfois allo-ACs contre partie murine donc associer azathioprine ou MTX Expérience pédiatrique limitée probablement peu efficace dans FS-AJI Injections sous-cut. quotidiennes douloureuses Expérience pédiatrique limitée Parfois déplétion B et en Ig prolongée Très longue demi-vie (risque infectieux ?) AJI = arthrite juvénile idiopathique, FS-AJI = formes systémiques d’AJI, MTX = méthotrexate, CINCA = syndrome chronique inflammatoire, neurologique, cutané et articulaire (avec le plus souvent mutations du gène CIAS1), MAI = maladies auto-immunes, LED = lupus érythémateux disséminé. a Doses supérieures à celles couramment recommandées (exemple : naproxène ou l’ibuprofène : 30 mg/kg/jour jusqu’à 1,1-1,5 g en 2 ou 3 prises). Doses de l’ordre de 3 mg/kg par jour per os, obtenu en ATU nominative. Excluant les sels d’or (ne jamais utiliser en pédiatrie) et évitant la sulfasalazine : toxicité (tableau 2) dont risques majeurs de syndrome d’activation macrophagique. d Administration hebdomadaire : 0,2 à 1 mg/kg (maximum 30-40 mg) per os, par voie sous-cutanée ou (plus rarement) intramusculaire. b c mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006 51 Nouveaux traitements en rhumatologie pédiatrique Tableau 2. Principaux effets indésirables des médicaments utilisés dans le traitement des arthrites juvéniles idiopathiques Type de traitement Effets indésirables fréquents Acide acétyl salicylique Tendance hémorragiquea, gastralgies, nauséesb acouphènesb, hypoacousieb, vertigesb, hyperpnéeb Tendance hémorragiquea, troubles digestifs dont gastralgies, nausées, dyspepsie, diarrhée Prise pondérale, irritabilité, vergetures, arrêt de croissance staturalee, déminéralisation osseusee Cytopéniea, infections virales (herpès, ...), aphtes, nauséesdégoût, ↑ des transaminases (méthotrexatec), hyperpillosité et hyperplasie gingivale (ciclosporine) Prurigineux et érythème, ulcérations buccales, hyperéosinophilie, neutropénie, thrombopéniea, augmentation des FANf, protéinurie modéréef. Rash, pigmentation des ongles et des muqueuses, prurit, nausées, céphalées, vertiges, acouphènes Autres AINS Corticostéroïdes Immunosuppresseurs Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. D-Pénicillamine, tiopronine 52 Hydroxychloroquine Effets indésirables rares mais graves Hémorragie sévère, allergie, nécrose tubulaire rénale, hépatitec, syndrome de Reye, activation macrophagiqued Hémorragie sévère, allergie, hépatitec, toxicité rénale, activation macrophagiqued, photosensibilité (naproxène) HTA sévère, infection grave, nécrose aseptique osseuse, fracture osseuse pathologiquee, glaucomee, psychose Infection sévère, aplasie médullaire, alopécie, néoplasie, activation macrophagiqued, HTA sévère et insuffisance rénale (ciclosporine), hépatite sévère (méthotrexate) Lyell, aplasie médullairea, pneumopathie interstitielle, bronchiolite oblitérante, hépatitec, auto-immunité gravef, syndrome néphrotique, activation macrophagiqued Cytopéniea, anémie hémolytique (déficit en G6PD), atteinte neuromusculaire, rétinopathiee AINS, anti-inflammatoires non stéroïdiens ; FAN, facteurs anti-nucléaires. a Surveillance régulière de la numération-formule sanguine (10 jours après initiation du traitement, à 1 mois, puis toutes les 6 semaines environ) ; pour les AINS, risque d’hémorragie aiguë mais également d’hémorragie occulte avec anémie ferriprive. b Effet dépendant de la dose. c Surveillance régulière des transaminases. d Fièvre, adénopathies, hépatosplénomégalie, hyperferritinémie majeure, hypertriglycéridémie, cytopénie, fibrinogénopénie, ↑ des transaminases. e Effets observés en cas de traitement prolongé à doses relativement élevées. f Surveillance régulière de la protéinurie à la bandelette, sérothèque initiale, dosage des FAN et bilan d’auto-immunité si manifestations cliniques ou biologiques évocatrices. des traitements plus récents quelles sont leurs principales indications en 2005 mais aussi les situations dans lesquelles on ne les prescrit plus. Le tableau 2 rappelle quelles principales toxicités limitent l’utilisation de ces traitements. Principaux traitements AINS Parmi les très nombreuses molécules disponibles, plusieurs disposent désormais de présentations adaptées à l’enfant. Ainsi, des sirops d’ibuprofène à 20 mg/mL (utiliser jusqu’à 1,5 fois dose poids 3 fois par jour) et des sachets de naproxène à 250 mg (possibilité d’utiliser des demi-sachets en 2 ou 3 prises quotidiennes pour une dose de 30 mg/kg par jour) permettent-ils de traiter des enfants jeunes et de petit poids. L’arsenal thérapeutique s’élargit chez l’enfant de plus de 15 kg (possibilité d’utiliser l’indométacine en comprimés à 25 mg à une dose quotidienne de 3 mg/kg en 2 ou 3 prises) et les médicaments disponibles chez l’adulte sont pratiquement tous utilisés, mais souvent hors AMM et données de tolérance bien établies, chez l’enfant de plus de 25 ou 30 kg. Parmi les molécules ou classes de molécule qui méritent une mention particulière au vu de l’expérience acquise ces dernières années : – Les inhibiteurs sélectifs des COX2, théoriquement moins toxiques pour la muqueuse gastrique que les AINS non sélectifs, mais dont les indications en pédiatrie sont à évaluer prudemment au vu des risques cardiaques de ces médicaments chez l’adulte [1]. L’effort principal dans ce domaine a été le développement d’un sirop de célécoxib (Celebrex®) pour lequel une étude multicentrique pédiatrique a été réalisée. – Le meloxicam (Mobic®), qui présente l’avantage d’être utilisable en une prise quotidienne et dont une étude pédiatrique a confirmé l’efficacité et la bonne tolérance. – L’indométhacine, vieux médicament dont nous constatons l’efficacité supérieure à celle des autres AINS dans certaines formes systémiques d’AJI. Il est possible que les propriétés pharmacologiques très particulières de cet AINS expliquent son action anti-inflammatoire particulièrement marquée chez ces patients (action anti-COX-1 prédominante, blocage de la phosphodiestérase avec en aval une diminution de libération de radicaux libres oxygénés, effet négatif comme d’autres AINS sur le chimiotactisme des polynucléaires au site inflammatoire, etc.). Corticostéroïdes Ils restent indispensables dans certaines connectivites et vascularites sévères dont les lupus érythémateux disséminés (LED) sévères ou la dermatomyosite juvénile à l’exception de quelques formes très modérées qui peuvent répondre à la ciclosporine sans corticothérapie associée. Ils restent également le seul traitement classique efficace dans certaines formes systémiques d’AJI (FS-AJI) avec ou sans atteinte viscérale (cardiaque en particulier). Cependant, de nouveaux traitements pourraient à l’avenir permettre une épargne voire un abandon de la corticothérapie générale prolongée que nécessitent encore trop souvent ces patients. La prednisone (Cortancyl®) reste le produit le plus utilisé et présente un rapport efficacité/toxicité plus intéressant que d’autres corticoïdes oraux. Dans les maladies systémiques citées au paragraphe précédent, il est souvent nécessaire d’utiliser des doses initiales de 1 à 2 mg/kg par mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. jour (en dépassant rarement 60 mg) et parfois de fractionner ce traitement en 2 voire 3 prises quotidiennes. Pour contrecarrer la toxicité d’un tel traitement au long cours : – le passage à une administration alternée un jour sur deux, souhaitable en théorie pour limiter l’effet sur la croissance, est associé à un risque élevé de poussée de la maladie ou de rechute ; – l’utilisation de bolus de méthylprednisolone (Solumédrol®) IV est d’un intérêt certain dans les dermatomyosites juvéniles sévères, dès la phase initiale, permettant d’administer une dose quotidienne plus faible de prednisone. L’intérêt dans d’autres maladies dont les FS-AJI d’une telle approche n’a pas été clairement démontré ; – le recours à des infiltrations locales de corticostéroïdes et l’association à des AINS (en général bien toléré chez l’enfant) permet parfois une épargne en cortisonique ; – les mesures hygiénodiététiques, l’hormone de croissance [2] et les biphosphonates [3] peuvent non seulement traiter mais potentiellement prévenir certaines complications (anomalie de répartition masse grasse/masse maigre, retard de croissance, ostéopénie) si leur utilisation est bien menée et assez précoce. La lutte contre la déminéralisation osseuse cortico-induite pourrait bénéficier prochainement, en plus des biphosphonates, d’inhibiteurs de RANK-ligand, ayant une action à la fois sur l’os spongieux et l’os cortical [4] ; – surtout, le développement de nouveaux traitements (tableau 3) offre des perspectives intéressantes. Immunomodulateurs, immunosuppresseurs classiques et plus récents Leur utilisation intervient en général en seconde intention et souvent en association aux AINS, aux corticostéroïdes dans certaines maladies systémiques sévères, aux traitements locaux parfois et aux mesures non médicamenteuses (médecine physique et rééducation, prise en charge diététique, etc.) Comme indiqué dans le tableau 2, un nombre croissant de molécules sont redécouvertes (thalidomide, etc.) ou entrent à vitesse croissante dans l’arsenal thérapeutique disponible (anti-cytokines diverses, anti-lymphocytes Tableau 3. Traitements récents et d’avenir en fonction de la pathologie Maladie Forme systémique d’AJI Traitement Thalidomide Anakinra (IL-1ra) Autres AJI sévères MRA (AC anti-IL-6R) Anti-TNFalpha (etanercept, infliximab, adalimumab) LED Abatacept Anti-CD20 ? Rituximab (anti-CD20) Dermatomyosite juvénile Micophénolate mofétil Immunosuppresseurs PAN de l’enfant Rituximab ? Ilomédine Bosentan IGIV CINCA/Muckle Wells Anakinra (IL-1ra) Maladies granulomateuses Infliximab Complications des corticoïdes Hormone de croissance Raynaud sévère ou HTAP Bisphosphonates Anti-rANK-ligand Points forts Fort % d’efficacité (formes graves) Per os, peu couteux Fort % d’efficacité (formes graves) Peu d’EIG chez l’adulte Fort % d’efficacité (formes graves) Fort % d’efficacité (formes graves) Peu d’EIG chez l’adulte et l’enfant Effet structural démontré chez l’adulte (= moins d’érosions osseuses) Fort % d’efficacité dans étude clinique Effet au moins partiel dans PR de l’adulte Efficacité sur certaines atteintes graves (AHAI, néphropathie lupique, etc.) Efficacité sur atteinte rénale CSA et MTX = efficacité variable Anti-TNFalpha = quelques observations Données très limitées Efficacité même sur sclérodermie Efficacité chez l’adultea Effet rapide (expérience Necker) Épargne cortisonique Effet sur nombreuses atteintes (cutanée, systémique, OPH, neuro) Effet démontré dans Crohn Préserve croissance sous corticothérapie Effet sur répartition masses maigre/grasse Effet démontré sur ostéodensitométrie Effet potentiel sur os cortical et spongieux Problèmes potentiels Expérience limitée Toxicités (fœtopathies, atteinte neuroa, etc.) Expérience pédiatrique encore limitée Injections quotidiennes douloureuses Expérience pédiatrique encore limitée Quelques EIG dont infections mais aussi rares atteintes neuro-psy et lésions démyélinisantes Doute sur excès de lymphomes dans la PR Très longue durée d’immunosuppression ? Efficacité non démontrée chez l’enfant Expérience limitée, surtout en pédiatrie Risque infectieux dans certains cas Expérience pédiatrique encore limitée Corticothérapie indispensable le + souvent Expérience très limitée (intérêt des bolus de solumédrol initialement) Administration IV continue, tolérance variable Très peu d’expérience pédiatrique Expérience encore limitée, rechutes fréquentes Produit dérivé du sang Effet sur hypertrophie cartilagineuse ou sur amylose constituée encore inconnu Effet à démontrer sur uvéites granulomateuses Intérêt dans uvéites associées aux AJI ? Moins efficace quand maladie systémique active Parfois intolérance glucidique Effets rémanents mal connus Études à venir AJI = arthrite juvénile idiopathique, EIG = événement indésirable grave, PAN = périartérite noueuse, HTAP = hypertension artérielle pulmonaire, IGIV = immunoglobulines intraveineuses, CINCA = syndrome chronique inflammatoire neurologique cutané et articulaire. a Sur HTAP et ulcérations digitales. mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006 53 Nouveaux traitements en rhumatologie pédiatrique Le tableau 3 résume les principales maladies en rhumatologie pédiatrique pour lesquels des progrès thérapeutiques ont été réalisés ces dernières années. pliqué par une uvéite associée évoluant à bas bruit, donc souvent diagnostiquée trop tardivement, qui peut nécessiter un traitement local et parfois l’administration de traitements par voie générale, en particulier des bolus de méthylprednisolone. L’intérêt éventuel d’immunosuppresseurs classiques comme le méthotrexate ou plus récents comme certains anti-TNF alpha dans la prévention des poussées d’uvéite ou leur traitement reste à démontrer. Arthrites juvéniles idiopathiques (AJI) Les progrès thérapeutiques récents concernent au premier chef les AJI, un ensemble hétérogène d’affections dont les caractéristiques communes sont un début de la maladie avant l’âge de 16 ans, une évolution sur plus de 6 semaines et l’existence d’une arthrite sans étiologie reconnue (infectieuse en particulier) [5]. Le diagnostic précis du type d’AJI et l’évaluation des facteurs pronostiques (voir les articles correspondants dans le présent numéro) sont importants car ils conditionnent les modalités du suivi et les choix thérapeutiques. Parmi les AJI, les formes systémiques (anciennement appelées « maladie de Still »), qui associent fièvre élevée prolongée, éruption, atteinte séreuse, hépatosplénomégalie, arthrite d’intensité variable et grand syndrome inflammatoire biologique, sont souvent les plus réfractaires aux traitements classiques, qu’il s’agisse des AINS, des corticostéroïdes ou même du méthotrexate [6]. Les anti-TNF alpha, dont le chef de file est l’étanercept (Enbrel®) sont également moins efficaces chez ces patients que dans d’autres formes d’AJI [7, 8]. Récemment, la thalidomide [9], le récepteur antagoniste de l’interleukine (IL)-1 [10, 11] et l’anticorps (AC) monoclonal anti-récepteur de l’IL-6 [12] ont donné des résultats très prometteurs chez un nombre de patients cependant encore limité et avec un suivi relativement court. L’utilisation d’immunosuppressions intensives avec autogreffes de cellules souches hématopoïétiques, dans certaines AJI réfractaires aux autres traitements, essentiellement des formes systémiques, n’est à considérer qu’en dernier recours : ce traitement est efficace chez la plupart des patients avec des reculs de plus de 5 ans dans certains cas, mais les décès liés au traitement sont nombreux [13]. Les autres formes d’AJI avec atteinte polyarticulaire qui ne répondent pas de façon satisfaisante aux AINS et au méthotrexate bénéficient de traitements qui ont d’abord démontré leur efficacité dans la polyarthrite rhumatoïde de l’adulte, tels les anti-TNF alpha et plus récemment le CTLA-4Ig (abatacept), molécule qui agit au niveau du signal de costimulation (ou second signal) entre la cellule présentatrice de l’antigène et le lymphocyte T [14]. Cette dernière molécule et plusieurs anti-TNF alpha sont actuellement étudiés chez l’enfant dans le cadre d’essais thérapeutiques randomisés internationaux. Dans la forme oligoarticulaire d’AJI et certaines polyarthrites qui s’en rapprochent, le pronostic peut être com- Lupus érythémateux disséminé (LED), autres connectivites et vascularites de l’enfant Le LED et les autres connectivites et vascularites de l’enfant bénéficient essentiellement de progrès réalisés dans ces maladies chez l’adulte. Des immunosuppresseurs tels que le mycophenolate mofétil (Cellcept®), d’introduction récente chez l’enfant, semblent efficaces et bien tolérés [15]. L’anti-CD20 rituximab (Mabthéra®), chef de file des AC monoclonaux anti-lymphocytes B, a démontré son efficacité dans le LED de l’adulte, y compris sur l’atteinte rénale [16] et des résultats préliminaires intéressants ont été publié chez l’enfant [17]. Par ailleurs, les phénomène de vasoconstriction sévère (dont certains syndromes de Raynaud graves) et d’hypertension artérielle pulmonaire associés à certaines connectivites devraient bénéficier des analogues des prostacyclines, comme l’ilomédine (Iloprost®), ou des anti-récepteurs de l’endothéline, comme le bosentan [18]. La dermatomyosite juvénile est une vascularite qui se manifeste par des douleurs et une faiblesse musculaire à prédominance proximale, d’apparition aiguë ou progressive associée à des manifestations cutanées très évocatrices : œdème et/ou érythème liliacé des paupières, nodules de Gotron et érythème périunguéal (signe de la manucure). Son évolution est longue et imprévisible mais le pronostic global est bon si le traitement initial (corticostéroïdes) a été démarré tôt et à fortes doses. Les immunosuppresseurs sont souvent utilisés soit en association à la corticothérapie dès le début du traitement, soit en relais [19] (avec un essai européen en cours d’élaboration pour comparer le méthotrexate à la ciclosporine). Les nouvelles thérapeutiques (anti-TNF, anti-CD20) méritent d’être évaluées pour cette affection encore très invalidante. Les sclérodermies sont extrêmement rares chez l’enfant, il en existe deux formes : localisées ou morphées d’incidence 0,2/100 000 et systémiques (exceptionnelles). Les formes systémiques se manifestent par un épaississement cutané (sclérose) souvent diffus, des troubles vasomoteurs des extrémités (syndrome de Raynaud), diverses atteintes viscérales (pulmonaires, cardiaques, digestives, rénales, etc.). Les traitements avec les immunosuppresseurs conventionnels (corticoïdes, azathioprine, méthotrexate) sont décevants. Quelques succès thérapeutiques ont été obtenus après greffe de cellules souches hématopoïétiques. L’ilomédine (Iloprost®) a démontré son B, molécules interférant avec la costimulation cellule présentatrice de l’antigène-lymphocyte T, etc.). Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Principales maladies concernées 54 mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. efficacité dans les complications de la vasoconstriction périphérique (Raynaud sévère) et l’hypertension artérielle pulmonaire. Dans ces deux dernières indications, l’avenir proche pourrait comporter chez l’enfant l’utilisation d’un antagoniste du récepteur pour l’endothéline, le bosantan, qui a démontré récemment son efficacité chez l’adulte [18]. Dans les vascularites systémiques, qui sont nombreuses et se distinguent par la taille des vaisseaux atteints et la nature des cellules responsables de l’inflammation, l’utilisation des immunoglobulines intraveineuses pourrait être intéressante dans certains cas (PAN de l’enfant à expression essentiellement systémique et (sous-)cutanée, poussées de maladie de Wegener comme cela a été récemment démontré chez l’adulte) et certains immunosuppresseurs récents comme le mycophénolate mofétil (Cellcept®) prennent une place de plus en plus grande. Les fièvres périodiques héréditaires Elles regroupent la fièvre méditerranéenne familiale (FMF), le syndrome hyper-IgD qui correspond à un déficit partiel en mévalonate kinase, les syndromes associés à des anomalies du récepteur du TNF alpha (TRAPS) et les syndromes liés à un déficit en CIAS1 (CAPS) : urticaire familiale au froid, syndrome de Muckle et Wells, et syndrome chronique infantile neurologique cutané et articulaire (CINCA). Les caractéristiques communes de ces syndromes associent des poussées fébriles irrégulières associées à des signes digestifs (douleurs abdominales), des signes cutanés et articulaires. Le caractère apparemment inopiné des poussées leur vaut le pseudonyme d’« auto-inflammatoires ». Leur diagnostic définitif repose sur des tests génétiques qui permettent d’identifier les mutations dans les gènes responsables. À côté de la colchicine, traitement de référence pour la FMF, un progrès important vient du développement d’un récepteur antagoniste de l’IL1, l’anakinra (Kineret®). Suite à des avancées récentes sur la compréhension de la physiopathologie des syndromes associés à des mutations de CIAS1, plusieurs équipes dont la nôtre ont étudié la tolérance et l’efficacité d’un traitement par récepteur antagoniste de l’IL1 (anakinra) dans le Muckle-Wells [20], l’urticaire au froid [21] et le CINCA [22]. Les premiers résultats montrent pour la première fois dans cette dernière maladie une efficacité d’un traitement, tant sur les signes généraux (fièvre) et l’éruption que sur l’atteinte neurologique et sensorielle sévère de ces patients. Ce traitement démontre par ailleurs une efficacité au moins partielle dans certaines FMF et certains déficits en mévalonate kinase. Dans le TRAPS, l’espoir initial était de bénéficier d’un traitement physiopathologique. En effet, cette maladie se présentait comme une anomalie du récepteur du TNF alpha pouvant être associé à un défaut de clivage du récepteur membranaire. Le manque de récepteur soluble pouvant antagoniser la fixation à la membrane du TNF alpha et l’excès de récepteur membranaire pouvait expliquer a priori les poussées inflammatoires observées dans ce syndrome. En fait, l’efficacité d’un traitement par récepteur soluble du TNF alpha (étanercept) s’est avérée inconstante d’un patient à l’autre, même lorsque la mutation du récepteur du TNF alpha était effectivement associée à un défaut de clivage membranaire de ce récepteur (ce qui n’est pas toujours le cas). Cela a stimulé la recherche sur la physiopathologie de ce syndrome, amenant à découvrir que le processus physiopathologique était bien plus complexe qu’envisagé au départ, avec des anomalies de signalisation inflammatoire et d’apoptose (ou mort cellulaire programmée) lymphocytaire appelant peut-être le développement prochain d’autres approches thérapeutiques [23]. Références 1. Justice E, Carruthers DM. Cardiovascular risk and COX-2 inhibition in rheumatological practice. J Hum Hypertens 2005 ; 19 : 1-5. 2. Simon D, Lucidarme N, Prieur AM, Ruiz JC, Czernichow P. Effects on growth and body composition of growth hormone treatment in children with juvenile idiopathic arthritis requiring steroid therapy. J Rheumatol 2003 ; 30 : 2492-9. 3. Cimaz R. Osteoporosis in childhood rheumatic diseases: prevention and therapy. Best Pract Res Clin Rheumatol 2002 ; 16 : 397-409. 4. Lipton A, Milton S. New therapeutic agents for the treatment of bone diseases. Expert Opin Biol Ther 2005 ; 5 : 817-32. 5. Petty RE, Southwood TR, Manners P, et al. International League of Associations for Rheumatology. International League of Associations for Rheumatology classification of juvenile idiopathic arthritis : second revision, Edmonton, 2001. J Rheumatol 2004 ; 31 : 390-2. 6. Woo P, Southwood TR, Prieur AM, et al. Randomized, placebocontrolled, crossover trial of low-dose oral méthotrexate in children with extended oligoarticular or systemic arthritis. Arthritis Rheum 2000 ; 43 : 1849-57. 7. Quartier P, Taupin P, Bourdeaut F, et al. Efficacy of etanercept for the treatment of juvenile idiopathic arthritis according to the onset type. Arthritis Rheum 2003 ; 48 : 1093-101. 8. Horneff G, Schmeling H, Biedermann T, et al. The German etanercept registry for treatment of juvenile idiopathic arthritis. Ann Rheum Dis 2004 ; 63 : 1638-44. 9. Lehman TJ, Schechter SJ, Sundel RP, et al. Thalidomide for severe systemic onset juvenile rheumatoid arthritis: A multicenter study. J Pediatr 2004 ; 145 : 856-7. 10. Verbsky JW, White AJ. Effective use of the recombinant interleukin 1 receptor antagonist anakinra in therapy resistant systemic onset juvenile rheumatoid arthritis. J Rheumatol 2004 ; 31 : 2071-5. 11. Pascual V, Allantaz F, Arce E, Punaro M, Banchereau J. Role of interleukin-1 (IL-1) in the pathogenesis of systemic onset juvenile idiopathic arthritis and clinical response to IL-1 blockade. J Exp Med 2005 ; 201 : 1479-86. 12. Yokota S, Miyamae T, Imagawa T, et al. Therapeutic efficacy of humanized recombinant anti-interleukin-6 receptor antibody in children with systemic-onset juvenile idiopathic arthritis. Arthritis Rheum 2005 ; 52 : 818-25. mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006 55 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 26/05/2017. Nouveaux traitements en rhumatologie pédiatrique 56 13. De Kleer IM, Brinkman DM, Ferster A, et al. Autologous stem cell transplantation for refractory juvenile idiopathic arthritis: analysis of clinical effects, mortality, and transplant related morbidity. Ann Rheum Dis 2004 ; 63 : 1318-26. 14. Moreland LW, Alten R, Van den Bosch F, et al. Costimulatory blockade in patients with rheumatoid arthritis: a pilot, dose-finding, double-blind, placebo-controlled clinical trial evaluating CTLA-4Ig and LEA29Y eighty-five days after the first infusion. Arthritis Rheum 2002 ; 46 : 1470-9. 15. Chan TM, Tse KC, Tang CS, Mok MY, Li FK, Hong Kong Nephrology Study Group. Long-term study of mycophenolate mofétil as continuous induction and maintenance treatment for diffuse proliferative lupus nephritis. J Am Soc Nephrol 2005 ; 16 : 1076-84. 16. Buratti S, Szer IS, Spencer CH, Bartosh S, Reiff A. Mycophenolate mofétil treatment of severe renal disease in pediatric onset systemic lupus erythematosus. J Rheumatol 2001 ; 28 : 2103-8. 17. Looney RJ, Anolik JH, Campbell D, et al. B cell depletion as a novel treatment for systemic lupus erythematosus: a phase I/II doseescalation trial of rituximab. Arthritis Rheum 2004 ; 50 : 2580-9. 18. Korn JH, Mayes M, Matucci Cerinic M, et al. Digital ulcers in systemic sclerosis: prevention by treatment with bosentan, an oral endothelin receptor antagonist. Arthritis Rheum 2004 ; 50 : 3985-93. 19. Zipitis CS, Baildam EM, Ramanan AV. Treatment approaches to juvenile dermatomyositis. Expert Opin Pharmacother 2004 ; 5 : 1509-15 ; (Review). 20. Hawkins PN, Lachmann HJ, Aganna E, McDermott MF. Spectrum of clinical features in Muckle-Wells syndrome and response to anakinra. Arthritis Rheum 2004 ; 50 : 607-12. 21. Hoffman HM, Rosengren S, Boyle DL, et al. Prevention of coldassociated acute inflammation in familial cold autoinflammatory syndrome by interleukin-1 receptor antagonist. Lancet 2004 ; 364 : 1779-85. 22. Lovell DJ, Bowyer SL, Solinger AM. Interleukin-1 blockade by anakinra improves clinical symptoms in patients with neonatal-onset multisystem inflammatory disease. Arthritis Rheum 2005 ; 52 : 1283-6. 23. Yousaf N, Gould DJ, Aganna E, et al. Tumor necrosis factor receptor I from patients with tumor necrosis factor receptor-associated periodic syndrome interacts with wild-type tumor necrosis factor receptor I and induces ligand-independent NF-kappaB activation. Arthritis Rheum 2005 ; 52 : 2906-16. mt pédiatrie, vol. 9, n° 1, janvier-février 2006