Lire l'article complet

publicité
vol VII/n°3 juin
C
23/04/04
A
N
9:07
Page 106
C
E
R
S
B
R
O
N
C
H
I
Q
U
E
S
Les cancers intrathoraciques
● D. Moro*
C
ertaines années, le rythme des questions et des
réponses s’accélère et, à défaut d’atteindre la
vitesse de la gazelle, les progrès en cancérologie
thoracique dépassent la vitesse habituelle, qui est celle de
l’escargot. À l’ASCO 98, on remarque une moisson importante
d’études de phase III concernant les cancers bronchiques à
petites cellules ou non à petites cellules, avec 24 études terminées ou présentées sous forme de résultats intermédiaires ;
d’autre part, deux méta-analyses majeures répondent à des
questions non résolues du quotidien. Plus accessoirement, le
vocabulaire de l’oncologue du microcosme thoracique s’enrichit de deux nouveaux néologismes, le “Wet T4”, qui désigne
les pleurésies malignes associées au cancer bronchique, et les
“Satellites T4”, qui désignent plusieurs nodules tumoraux dans
le même lobe pulmonaire. Plus sérieuse et sûrement plus utile
est la définition de la sensibilité prévisible à la chimiothérapie
des cancers à petites cellules, avec deux catégories distinctes :
d’une part les rechutes considérées comme sensibles, désignant les patients ayant obtenu une réponse partielle ou complète à la chimiothérapie et rechutant plus de trois mois après
la fin du traitement, et d’autre part les rechutes réfractaires
pour tous les autres patients.
La même séparation que les autres années est respectée avec,
d’une part, les carcinomes à petites cellules, d’autre part, les
carcinomes non à petites cellules, et enfin les mésothéliomes,
qui réapparaissent à l’ASCO après une quasi-disparition lors
des derniers congrès.
des sous-groupes dans cette méta-analyse confirme l’impact
négatif de la radiothérapie dans les stades I et II et pour les
atteintes N0 et N1. L’intérêt reste à discuter et justifie d’autres
études pour les stades III et les atteintes N2 (figure 1). Le
timing de la radiothérapie des métastases cérébrales a été étudié et présenté par G. Robinet (abst. 1745). La radiothérapie
est le traitement habituel des métastases cérébrales. Le pronostic d’une atteinte cérébrale est en général extrêmement sombre.
De nouvelles modalités thérapeutiques sont recherchées. Cette
étude française randomise 176 patients entre une radiothérapie
précoce 30 Gy/10 fractions/12 jours de J1 à J12 et une radiothérapie après deux cures de chimiothérapie. La chimiothérapie est une association de cisplatine 100 mg/m2 J1 et vinorelbine 30 mg/m2 J1, J8, J15 et J22 toutes les 4 semaines. Lorsque
la radiothérapie est tardive, on note que la chimiothérapie est
active sur les métastases cérébrales (27 % de réponses objectives). En revanche, il n’y a pas d’influence du timing de la
radiothérapie sur la réponse ou sur la survie. Les résultats globaux restent dans tous les cas très médiocres en ce qui concerne
la survie de ce groupe de patients à mauvais pronostic. En ce
qui concerne la radiothérapie thoracique, W.T. Sause a présenté
les résultats à 5 ans de l’essai intergroupe comparant chimioradiothérapie et deux fractionnements différents de radiothérapie. Quatre cent cinquante-huit patients ont été inclus (stades II
[26 patients] et IIIA irrésécables [206 patients], IIIB
[226 patients]). Les patients ont été randomisés dans trois
modalités de traitement : radiothérapie (60 Gy/2 Gy par fraction, 152 patients) ; chimiothérapie (cisplatine 100 mg/m2 J1,
LES CARCINOMES NON À PETITES CELLULES
Parmi les événements importants de cette année, il faut mentionner la méta-analyse présentée par L.A. Stewart (abst.
1760) concernant la radiothérapie postopératoire. La radiothérapie postopératoire après résection complète d’un carcinome
bronchique est une pratique courante. Son bénéfice principal
est une amélioration du contrôle local de la maladie, mais le
bénéfice sur la survie n’a jamais été bien mis en évidence.
Cette méta-analyse regroupe les données individuelles de
2 128 patients provenant de 9 essais cliniques randomisés. La
radiothérapie postopératoire exerce globalement un effet négatif sur la survie, avec, à deux ans, une différence de 7 % pour
la survie globale et de 5 % pour la survie sans rechute. L’étude
1
2
3
p = 0,0003
stade
1
2
3
p = 0,016
atteinte ganglionnaire
0,0
0,5
RT mieux
*Groupe de recherche sur le cancer bronchique, CHU A.-Michallon, BP 217X,
38043 Grenoble Cedex 9.
106
1,0
1,5
2,0
RT moins bien
Figure 1. Méta-analyse sur la radiothérapie postopératoire, étude des
sous-groupes par stades et selon l’état ganglionnaire.
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
vol VII/n°3 juin
23/04/04
9:07
Page 107
J29 et vinblastine 5 mg/m2/sem./5 sem.) suivie à J50 par une
radiothérapie (60 Gy/2 Gy par fraction, 152 patients) ; radiothérapie (69,6 Gy bifractionné/1,2 Gy par fraction,
154 patients). La toxicité aiguë post-radiothérapie de grade
supérieur ou égal à 3 est plus fréquente dans le groupe bifractionné ; de la même manière, les séquelles post-radiques tardives sont plus fréquentes dans le groupe chimioradiothérapie
et dans le groupe bifractionné. L’association chimiothérapie et
radiothérapie donne les meilleurs résultats en termes de survie
par rapport aux autres modalités de radiothérapie, qui s’avèrent
comparables (p = 0,04). Le plus grand bénéfice est obtenu
pour les patients jeunes et les tumeurs non épidermoïdes. La
présentation sous forme de poster n’a pas donné d’information
concernant le contrôle local de la maladie, ni sur le mode de
progression local ou métastatique.
Comme à l’accoutumée, la chimiothérapie a tenu une grande
place dans le congrès et, cette année, les résultats des études de
phase III nous permettent de mieux progresser dans la définition du schéma standard de première ligne. I.E. Smith (abst.
1759) a présenté un essai de phase III randomisé comparant
3 et 6 cures de mitomycine C, vinblastine, cisplatine (MVP).
Deux cent vingt-cinq patients de stades IIIA, IIIB, IV ont reçu
soit trois cures soit six cures de mitomycine C 8 mg/m2 (cures
1, 2, 4, 6), vinblastine 6 mg/m2 et cisplatine 50 mg/m2. Les critères de jugement dans cette étude étaient la survie, le contrôle
des symptômes et le taux de réponse. Le taux de réponses
objectives dans les deux groupes de patients traités n’était pas
statistiquement différent ; il était de 32 % chez les patients
ayant reçu trois cures de MIP et de 37 % chez les patients en
ayant reçu six (p = 0,2). Il faut noter que toutes les réponses
sont survenues pendant les trois premières cures, et que seul un
patient est passé d’une réponse partielle à la troisième cure à
une réponse complète à la sixième cure. Il n’y a pas eu de différence significative dans le taux de contrôle des symptômes.
Ce contrôle des symptômes, quand il est survenu, a toujours
été obtenu dans les trois premières cures de chimiothérapie. Il
n’y a pas eu non plus de différence statistique dans la durée
médiane du contrôle des symptômes, le nombre de patients
asymptomatiques à un an, la médiane de survie
(6,8 mois contre 7 mois) et la survie à un an (23 % dans les
deux groupes). La qualité de vie est toutefois meilleure chez
les patients ne recevant que trois cures. Ces résultats ne plaident pas en faveur d’une chimiothérapie conventionnelle étalée
dans le temps, mais plutôt en faveur d’une chimiothérapie de
courte durée. Cela ne répond toutefois pas à la question de
l’intérêt d’un éventuel traitement d’entretien différent de la
chimiothérapie d’induction.
Le difficile problème de la chimiothérapie des patients âgés a
été évoqué lors de la présentation des résultats de l’étude multicentrique randomisée comparant un groupe de patients âgés de
70 ans ou plus, de stade IV ou IIIB, traités par vinorelbine seule
ou par “best supportive care” (BSC) uniquement (F. Perrone,
abst. 1752).
La vinorelbine a été administrée à la dose de 30 mg/m2 à J1 et
J8 toutes les 3 semaines pendant 6 cycles au maximum
(76 patients) ; 78 patients n’ont pas reçu de chimiothérapie
(groupe BSC). Dans le groupe vinorelbine, on observe 20 %
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
de réponses objectives. La tolérance à la chimiothérapie a été
bonne, avec seulement 12,4 % des patients présentant une toxicité de grade 3 ou 4, essentiellement représentée par de la
constipation (4 patients) et une hématotoxicité (4 patients).
L’effet de la chimiothérapie se traduit par une augmentation
nette et significative de la survie (log rank : p = 0,04), avec une
survie médiane, une survie à 6 mois et une survie à un an respectivement de 27 semaines, 54 % et 27 % dans le groupe
vinorelbine et de 21 semaines, 39 % et 5 % dans le groupe
BSC.
L’étude de la qualité de vie par les échelles EORTC QLQ C30 et LC13 n’a pas mis en évidence de détérioration de la qualité de vie dans le groupe traité par chimiothérapie.
Cette étude amène plusieurs commentaires : tout d’abord, elle
démontre l’intérêt de l’utilisation de la chimiothérapie chez les
patients de plus de 70 ans ; d’autre part, il s’agit d’une nouvelle
étude comparant chimiothérapie et BSC, en faveur de l’utilisation de la chimiothérapie. Cela va dans le sens de ce qui a été
montré dans les méta-analyses de P.J. Souquet et du NSCLC
Collaborative Group. Enfin, il faut remarquer le bon taux de
réponse en monothérapie de la vinorelbine, et cela même si,
comme dans cette étude, on supprime le J15 habituel.
Les modalités d’administration de la gemcitabine et du cisplatine ont été étudiées ; ces deux drogues se sont avérées être
synergiques sur des modèles expérimentaux. F.A. Shepherd
(abst. 1816) a analysé les six études de phase II combinant de
la gemcitabine et du cisplatine.
Ces études associent gemcitabine 1 000 à 1 500 mg/m 2 en
30 minutes à J1, J8 et J15 toutes les 4 semaines et cisplatine
100 mg/m2 J1 ou J2 ou J15, ou bien 30 mg/m2 J1, J8 et J15.
Une analyse de régression logistique de différents facteurs pronostiques incluant les modalités d’administration du cisplatine
a été réalisée. Elle a montré que l’administration du cisplatine
à J2 ou J15 était associée à un taux de réponse meilleur que
celui des autres modalités d’administration (42 % contre 29 %,
p = 0,034). D’autre part, une analyse de régression de Cox
mettait en évidence un gain de survie pour les patients traités
en J2 ou J15 (p = 0,002). M.R. Green (abst. 1798) a établi des
conclusions similaires en ne retenant pas d’avantage évident à
l’administration du cisplatine sur un mode hebdomadaire.
L’évaluation des nouvelles drogues et la recherche du meilleur
schéma de chimiothérapie dans les cancers non à petites cellules impliquent de comparer une association de cisplatine et
d’une nouvelle drogue au cisplatine seul. Toutes les associations comportant une nouvelle drogue se sont avérées supérieures, en termes de réponse, au cisplatine seul (tableau I,
page 108). Cet avantage en termes de réponse se traduit par un
gain en survie, qu’il s’agisse de survie globale ou de survie sans
progression. Il n’y a pas de gain de survie globale dans l’étude
présentée par U. Gatzemeier et associant paclitaxel et cisplatine ; en revanche, il y a une différence dans la survie sans progression en faveur du bras paclitaxel et cisplatine. Cela peut en
partie s’expliquer par des différences dans les traitements de
seconde ligne, avec notamment une différence dans l’utilisation
des taxanes, et d’autre part par des doses différentes de cisplatine
dans les deux bras de l’étude (75 mg/m2 bras paclitaxel et cisplatine contre 100 mg/m2 bras cisplatine seul).
107
vol VII/n°3 juin
C
23/04/04
A
N
9:07
Page 108
C
E
R
S
B
Tableau I. D’après A.J. Wozniak (abst. 1744), A. Sandler (abst. 1747),
U. Gatzemeier (abst. 1748), J. von Pawel (abst. 1749).
Étude
Nombre
Taux de
de patients réponse
Médiane de Survie p
survie (mois) à un an
SWOG : Wozniak
Vinorelbine P
206
P
209
26 %*
12 %
8
6
36 %
20 %
0,002
HOG : Sandler
Gemcitabine P
P
154
154
32 %*
10 %
9,1
7,6
39 %
28 %
0,012
CATAPULT :
Von Pawel
Tirapazamine P
P
119
119
27,5 %*
13,7 %
8,2
6,5
33 %
21 %
0,007
26 %*
17 %
8,1
8,6
–
–
0,86
European : Gatzemeier
Paclitaxel P
202
P
206
*p < 0,05. P : cisplatine.
Trois études de phase III ont comparé une association comportant une nouvelle drogue et du cisplatine à une association
standard plus ancienne. Ainsi, Crino (abst. 1750) a comparé
l’association gemcitabine 1 g/m 2 J1, J8, J15 et cisplatine
100 mg/m2 J2 dans un groupe de 155 patients à l’association
mitomycine C 6 mg/m 2, ifosfamide 3 g/m 2 J1 et cisplatine
100 mg/m2 J2 dans un groupe contrôle de 152 patients. Le taux
de réponse est en faveur de l’association gemcitabine + cisplatine (40 % contre 28 %, p = 0,03). Cette amélioration de la
réponse se fait au prix d’une toxicité plus importante sur le
plan hématologique, avec des thrombopénies de grade 3-4
dans 64 % des cas, contre 28 % dans le groupe contrôle, et des
neutropénies de grade 3-4 dans 40 % des cas, contre 34 % dans
le groupe contrôle. Il y a moins d’alopécie dans le groupe
gemcitabine et cisplatine (12 % contre 39 %) et moins de nausées
et vomissements sévères (18 % contre 23 %). On n’observe
toutefois pas de différence en termes de survie globale ou
médiane (8,6 mois contre 9,6 mois dans le groupe contrôle, log
rank : p = 0,87). Aucune différence n’a également été notée
dans l’étude des échelles de qualité de vie, avec notamment
une amélioration de la toux, du sommeil et des douleurs dans
les deux groupes.
L’association carboplatine et paclitaxel a été comparée à
l’association cisplatine et étoposide (C.P. Belani, abst. 1751).
Dans cette étude multicentrique randomisée de 369 patients, le
carboplatine était prescrit à une AUC à 6 et le paclitaxel à
225 mg/m2 en perfusion de 3 heures (190 patients). Le groupe
contrôle (179 patients) associait cisplatine (75 mg/m2) et étoposide (100 mg/m2 J1-J3). Le traitement était administré toutes
les trois semaines, avec un maximum de 10 cures. Le taux de
réponses objectives était de 23 % dans le groupe paclitaxel et
carboplatine contre 14 % dans le groupe contrôle (p = 0,046).
La toxicité dans les deux groupes de patients était acceptable,
avec davantage d’ototoxicité, de nausées et vomissements et
de neutropénie fébrile dans le groupe cisplatine + étoposide et
davantage de neuropathies et d’arthralgies dans le groupe carboplatine + paclitaxel. L’évaluation de la qualité de vie était en
faveur du groupe carboplatine + paclitaxel (p = 0,038). On ne
retrouve pas de différence de survie entre les deux groupes de
108
R
O
N
C
H
I
Q
U
E
S
patients, cela étant la conséquence de différences majeures
dans les traitements de seconde ligne, avec notamment l’utilisation de taxanes dans les deux groupes de patients.
Les résultats préliminaires d’une étude comparant
vinorelbine + cisplatine et l’association mitomycine C, vindésine et cisplatine ont été présentés par V. Gebbia (abst. 1788).
Pour l’instant, on ne note pas de véritable différence entre les
deux groupes de patients étudiés, que ce soit pour la réponse
ou pour la survie.
F. Shepherd, qui a coordonné la discussion sur la chimiothérapie des cancers non à petites cellules, met en exergue plusieurs
points importants :
- les associations de chimiothérapie comportant de nouveaux
agents sont modestement plus efficaces que les associations
comportant du cisplatine de la fin des années 70 et 80 ;
- les résultats obtenus avec ces associations sont remarquablement similaires quand ils sont obtenus dans des essais multicentriques randomisés ;
- il faut maintenant attendre les essais des groupes coopératifs
comparant ces nouvelles associations ;
- il faudra prendre en compte la toxicité des schémas thérapeutiques, leur facilité de réalisation, leur coût, ainsi que la qualité
de vie.
Les nouvelles drogues sont un recours envisageable en seconde
ligne, ce qui est un progrès vis-à-vis d’une situation dans
laquelle nous restons relativement démunis. La gemcitabine
1 g/m2/sem. (3 semaines sur 4) a été présentée par Crino (abst.
1603) à l’ASCO 97. Il rapportait, chez 32 patients, dont
18 stades IIIB et 14 stades IV, un taux de réponses objectives
de 25 %, avec une durée de réponse de 28,5 semaines. Cette
année, des résultats similaires ont été présentés par E. Rosvold
(abst. 1797). Dans cette étude de 28 patients préalablement
traités par carboplatine + paclitaxel (22 résistants, 6 sensibles,
24 évaluables), la gemcitabine a été administrée à la dose de
1 000 à 1 250 mg/m2 J1, J8 et J15 tous les 29 jours. Cinq des
24 patients évaluables ont répondu à la chimiothérapie et
2 patients parmi ceux-ci étaient préalablement résistants à
l’association carboplatine + paclitaxel. Le taux de réponses
objectives est de 21 %, ce qui est très proche de ce qui a été
obtenu par Crino. La gemcitabine (900 mg/m2 J1 et J8) a été
associée au paclitaxel (175 mg/m2) chez 50 patients prétraités
par une chimiothérapie à base de cisplatine (V. Georgoulias,
abst. 1800). Deux patients (4 %) ont obtenu une réponse complète et 11 patients (22 %) une réponse partielle (taux de
réponses objectives : 26 %).
Ce qu’il faut retenir...
vu par A. Depierre
■ Trois études randomisées ont particulièrement retenu
notre attention. Elles concernaient respectivement :
Taxol®, la gemcitabine et la tirapazamine.
.../...
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
vol VII/n°3 juin
C
23/04/04
A
N
9:07
Page 110
C
E
R
S
B
R
O
N
C
H
I
Q
U
E
S
.../...
■ On assiste à une difficulté importante de
positionnement de Taxol ® puisqu’il s’agit
manifestement d’une drogue active, mais dont la
combinaison avec le cisplatine ou le carboplatine ne
donne pas les résultats attendus.
Il y a eu deux essais, Taxol ® -cisplatine versus
cisplatine seul d’une part et Taxol® -carboplatine
versus cisplatine-VP16 d’autre part ; s’il y a des
éléments positifs en faveur de Taxol ®, comme la
qualité de vie, le taux de réponse, etc., les résultats
sont décevants sur les médianes de survie et les
survies à un an.
■ Il est intéressant de noter, dans tous les essais
thérapeutiques, l’apparition d’une nouvelle donnée
d’appréciation de la survie, qui est la survie à un
an. Cette notion, apparue il y a 18 mois, fait
l’unanimité car elle peut être plus représentative de
l’impact d’un traitement sur la population en termes
de survie que la médiane elle-même. Parmi les
essais présentés, tous ont confirmé cette notion.
■ Concernant la gemcitabine, on note en particulier
deux études :
– la première, gemcitabine-cisplatine versus
cisplatine, montre que l’association gemcitabinecisplatine donne une meilleure survie et une
meilleure qualité de vie ;
– la seconde, qui est une étude fondamentale,
compare l’association gemcitabine-cisplatine au
“fameux” MIC ; elle est d’autant plus intéressante
qu’elle a été réalisée par Crino, qui a été l’un des
grands défenseurs du MIC. Elle montre finalement
que l’association gemcitabine-cisplatine donne la
même quantité et les mêmes courbes de survie que
le MIC, avec moins de toxicité et moins de
difficultés.
■ La surprise est l’arrivée de la tirapazamine, un
médicament extrêmement intéressant. On ne sait
rien encore sur son positionnement. Va-t-on le
développer avec des indications de chimiothérapie ?
Va-t-on le développer en association à la
radiothérapie ? On ne sait pas encore. Cependant,
on ne s’attendait pas à ce résultat positif dans la
comparaison tirapazamine versus cisplatine, où la
médiane de survie s’améliore avec la tirapazamine.
Il s’agit d’une nouvelle molécule dans l’arsenal
thérapeutique, et qui peut être très intéressante, car
elle est complètement différente des autres. Elle
pourrait renouveler les possibilités existantes étant
bien sûr différente quant au point d’impact sur les
cellules hypoxiques et les cytotoxiques.
110
■ La Navelbine® est confirmée comme la plus puissante
des molécules dans le cancer du poumon avec un
nouvel essai positif, d’origine italienne. Il faudra le
lire dans son intégralité quand il sera publié, car il a
posé de grosses difficultés de réalisation. Il étudiait
donc cisplatine-BSC versus BSC seul versus
Navelbine®. Il y a eu des pertes de malades, car il
n’est jamais facile de faire un bras sans traitement.
Toutefois, le bras traité par Navelbine ® possède
deux atouts par rapport au BSC :
– une augmentation de la survie, ce qui est un point
intéressant ;
– une amélioration de la qualité de vie.
Les auteurs ont utilisé l’échelle QLQC 30 de
l’EORTC, qui inclut un module spécifique
“poumon”. On retrouve une amélioration d’à peu
près tous les éléments : la douleur, la toux, la
dyspnée, dans la partie du QLQC 30 spécifique, un
grand nombre d’éléments s’amélioraient dans la
fonction sociale, la fonction cognitive, dans les
douleurs en général ; la fatigue diminuait, alors que
la limite de toxicité de la Navelbine® est la fatigue,
on a moins de fatigue quand on est traité.
■ Une dernière étude a été réalisée sur les rétinoïdes :
rétinoïdes versus absence de traitement dans le
cancer du poumon. Il n’y a pas de résultat ; en
revanche, une analyse a été faite sur les facteurs
pronostiques et ce qui est à noter, c’est qu’il n’est
pas aussi évidemment intéressant de s’arrêter de
fumer. Le pourcentage de rechutes du cancer après
chirurgie chez ceux qui ont continué de fumer est de
10,4 % ; il est de 10,7 % chez les anciens fumeurs et
de 9,3 % chez ceux qui n’ont jamais fumé. En
revanche, l’apparition d’un deuxième cancer chez
ceux qui ont arrêté de fumer est de 4,4 % ; il est de
4,1 % chez ceux qui ont continué à fumer et de 2,3
% chez les non-fumeurs. Le fait de n’avoir jamais
fumé est donc important.
LES CARCINOMES À PETITES CELLULES
Le concept d’intensification thérapeutique dans les carcinomes
à petites cellules est l’objet de controverses, la majorité des
grands groupes nord-américains considérant que la question est
réglée par la négative, et qu’il n’y a pas lieu d’entreprendre de
nouveaux essais. Pour cette raison, les travaux en cours actuellement, et qui continuent d’évaluer la place de l’intensification,
sont européens. Déjà, en 1993, les travaux publiés par Arriagada dans le New England Journal of Medicine montraient
qu’une augmentation modérée de la dose initiale de chimiothérapie pouvait se traduire par un bénéfice de survie. Une
approche différente a été présentée cette année par N. Thatcher
(abst. 1754), qui compare, dans une étude randomisée de phase
III chez 403 patients, une chimiothérapie par doxorubicine
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
vol VII/n°3 juin
23/04/04
9:07
Page 111
40 mg/m2, cyclophosphamide 1 g/m2, étoposide i.v. 120 mg/m2
J1 suivi par étoposide oral 240 mg/m2 J2 et J3, administrée
toutes les deux semaines (bras intensifié : 201 patients) à la
même chimiothérapie administrée toutes les trois semaines
(bras contrôle : 202 patients). Dans le bras intensifié, du GCSF est prescrit à la dose de 263 µg de J4 à J14. Le nombre de
patients pouvant recevoir quatre cures puis six cures est comparable dans les deux groupes. Une augmentation de l’intensité
de dose de 33 % est obtenue dans le bras intensifié, au prix
d’une plus grande fréquence des thrombopénies de grade 3-4
(43 % contre 7 % dans le groupe contrôle). En revanche, la
neutropénie est un phénomène plus fréquent dans le groupe
contrôle (20 % contre 52 %), probablement du fait de l’utilisation des facteurs de croissance. Il n’y a pas de différence entre
les deux groupes en ce qui concerne la qualité de vie et la mortalité. Le taux de réponses objectives est similaire, respectivement de 89 % dans le groupe intensifié et 86 % dans le groupe
contrôle. En revanche, l’intensification semble apporter un
bénéfice en matière de survie (figure 2), puisque on trouve, à
12 mois, 47 % de patients en vie dans le groupe intensifié
contre 39 % dans le groupe contrôle. Cet avantage semble se
maintenir au moins jusqu’à 30 mois (log rank : p = 0,043).
Cette étude apporte une pierre dans le jardin de l’intensification. On peut toutefois critiquer le schéma de chimiothérapie,
qui est suboptimal, ne comportant notamment pas de sels de
platine. Il faut mentionner, sur le même sujet, l’étude multicentrique de L. Perey (abst. 1822). Dans cette étude de phase
II, un traitement intensifié par trois cures d’ifosfamide 10 g/m2,
carboplatine 1 200 mg/m2 et étoposide 1 200 mg/m2 J1-J4 a été
administré à 69 patients. Un sauvetage médullaire par G-CSF
et réinjection de cellules souches circulantes est réalisé à
chaque cure. La collecte des cellules souches circulantes se fait
après une cure d’épirubicine à la dose de 150 mg/m2 et de GCSF. Ce schéma thérapeutique s’avère réalisable sans surmortalité majeure (9 % de décès toxiques). Les taux de réponse et
les données de survie sont bons, mais restent dans la frange de
ce que l’on observe habituellement pour les carcinomes à
petites cellules. En revanche, le nombre de neutropénies
fébriles (entre 60 et 74 % des patients à chaque cure) et le
nombre de jours d’hospitalisation (environ 20 jours à chaque
cure en moyenne) semblent exagérés pour des patients dont
l’espérance de vie est courte. Cela justifie la comparaison de
cette modalité thérapeutique avec six cures d’une chimiothérapie standard.
Deux nouvelles drogues ont été proposées en première intention, l’amrubicine (T. Yana, abst. 1734) et le docétaxel (H.A.
Burris, abst. 1737). L’amrubicine donne des taux de réponse
très élevés en monothérapie (79 % ) et méritant confirmation.
Le docétaxel donne un taux de réponse de 26 % sur une population de 46 patients, ce qui le classe dans les produits actifs
dans cette indication.
Plusieurs communications et posters ont concerné les traitements de seconde ligne des carcinomes à petites cellules. Près
de 70 % des patients ayant un carcinome à petites cellules de
forme limitée et 95 % de ceux ayant une forme étendue vont
progresser ou rechuter après le traitement de première ligne. Il
n’y a pas de véritable standard de seconde ligne, et l’habitude
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
Figure 2. Courbes de survie des deux groupes de patients étudiés
(groupe intensifié et groupe contrôle).
est prise de tenter soit la reprise du traitement d’induction, soit
l’étoposide oral, soit une chimiothérapie par doxorubicine,
cyclophosphamide et vincristine. Le taux de réponse est généralement faible, de l’ordre de 20 %, et la survie médiane est
comprise entre 10 et 20 semaines. Cela souligne l’intérêt de
l’évaluation de nouvelles drogues à ce stade de la maladie.
J. Schiller (abst. 1755) a présenté les résultats d’une étude de
phase III, randomisée et multicentrique comparant en seconde
ligne le schéma doxorubicine, cyclophosphamide, vincristine
(CAV)(104 patients) et le topotécan en monothérapie
(107 patients). Le taux de réponse est de 24,3 % (26/107) dans
le groupe traité par topotécan et de 17,3 % (18/104) dans le
groupe CAV. Les durées médianes de réponse sont équivalentes (14 semaines). La médiane de survie sans progression et
la médiane de survie sont comparables pour le topotécan et
pour le CAV, avec respectivement 13,3 semaines contre
12,1 semaines et 24,7 semaines contre 22 semaines. La toxicité
a été comparable dans les deux groupes de patients, à l’exception de la neutropénie, plus fréquente dans le groupe de
patients traités par CAV, et de la thrombopénie, plus fréquente
dans le groupe de patients traités par topotécan. L’amélioration
des symptômes semble significativement plus fréquente dans
le groupe traité par topotécan.
Dans la même famille de molécules, l’irinotécan a été étudié
par R.F. DeVore (abst. 1736) chez 44 patients prétraités, qui
obtient un taux de réponse de 13,6 % (RC 2,3 %, RP 11,3 %).
Le paclitaxel 175 mg/m2 associé à l’adriamycine 40 mg/m2
toutes les trois semaines a fait l’objet d’une étude chez
27 patients, dont 20 évaluables ; 7 patients ont répondu, avec
un patient en réponse complète. Les principales toxicités de
grade 3-4 consistaient en : neutropénie (14 patients), thrombocytopénie (3 patients), anémie (1 patient) et myalgies
(1 patient).
La question de l’intérêt de la radiothérapie prophylactique cranio-encéphalique (PCI) reste sans réponse depuis plusieurs
années, et il existait jusqu’à présent une sorte de consensus
pour penser qu’elle diminuait le risque de rechute cérébrale
sans améliorer la survie. R. Arriagada, qui a, par le passé,
conduit plusieurs essais cliniques sur ce sujet, présente une
méta-analyse des données individuelles de 987 patients randomisés entre 1977 et 1995 dans sept essais cliniques. La dose de
111
vol VII/n°3 juin
C
23/04/04
A
N
9:07
Page 112
C
E
R
S
B
radiothérapie a varié de 24 à 40 Gy en 8 à 20 fractions. Le
suivi médian a été de 5,9 ans. Il existe une réduction de la mortalité de 16 % en faveur de la PCI et une augmentation de
5,4 % de la survie à 3 ans (de 15,3 % à 20,7 %) (figure 3). La
PCI augmente l’intervalle sans métastases cérébrales (p <
0,0001) et la survie sans récidive (p < 0,0001). Le bénéfice de
la PCI est observé dans tous les sous-groupes étudiés (âge, PS,
extension de la maladie, type du traitement d’induction).
L’effet de la PCI semble plus important quand celle-ci est
administrée tôt et à des doses importantes. Il reste maintenant à
déterminer, par de futurs essais cliniques, le timing et la dose
optimale de radiothérapie.
1,0
0,9
survie globale
0,8
0,7
0,6
sans PCI
avec PCI
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0,0
0
12
24
36
48
60
72
84
96
mois depuis la randomisation
Figure 3. Courbes de survie des deux groupes de patients étudiés
(groupes avec et sans PCI).
Ce qu’il faut retenir...
vu par G. Robinet
■ De l’intervention d’Ariel Gatal, il faut retenir que,
jusqu’à présent, il n’y avait pas de différence sur la
survie lorsqu’on faisait une PCI et il montre qu’il y a
une différence donc moins de rechutes cérébrales, et
que les patients vivent plus longtemps lorsqu’ils ont
une irradiation prophylactique cérébrale que
lorsqu’ils n’en ont pas eu pour les patients porteurs
de petites cellules en réponse complète.
On peut donc sélectionner l’irradiation
prophylactique pour les malades en réponse
complète, malgré les doutes qui persistent en
France. Il semblerait quand même qu’il faille
l’introduire dans nos schémas thérapeutiques pour
les petites cellules en réponse complète.
112
R
O
N
C
H
I
Q
U
E
S
■ Pour les “non à petites cellules”, le problème est très
différent. En effet, dans la mesure où ils sont moins
chimio-sensibles, il y a moins de réponse. L’étude
présentée était en fait réalisée essentiellement pour
montrer l’intérêt de la chimiothérapie sur les cancers
bronchiques non à petites cellules porteurs de
métastases cérébrales initiales inopérables ; elle était
randomisée en deux bras, avec une radiothérapie
administrée soit après chimiothérapie en cas de
non-réponse au niveau cérébral, soit de façon
concomitante à la même chimiothérapie d’emblée
initiale. Il n’y a pas de différence en termes de
survie et surtout de réponse : la chimiothérapie seule
apporte à peu près le même taux de réponse au
niveau cérébral que la radiochimiothérapie, avec
un taux de réponses objectives au niveau cérébral
de l’ordre de 30 %.
En termes de survie, les résultats de la
chimiothérapie pour les non à petites cellules
n’étaient pas bien connus.
En termes de réponse, ces résultats sont presque
aussi bons que ceux de la chimiothérapie sur les
sites extra-cérébraux. La seule critique exprimée par
le rapporteur est que la médiane de survie reste
limitée, puisqu’elle ne dépasse pas 24 à 25
semaines et qu’il s’agit de patients ayant un mauvais
pronostic. Cependant, la chimiothérapie semble
avoir une activité au niveau cérébral, celle-ci étant,
ce doit être souligné, presque aussi bonne que sur
les autres sites métastatiques.
LES MÉSOTHÉLIOMES
Après plusieurs années sans véritable innovation thérapeutique, plusieurs communications utilisant la gemcitabine, seule
ou en association dans le traitement des mésothéliomes, ont été
présentées au cours de l’ASCO 98. Ces communications préliminaires sont à confirmer par des travaux ultérieurs, mais
méritent néanmoins notre attention, dans la mesure où, d’une
part, l’incidence de cette maladie devrait augmenter, et d’autre
part, il n’y a pas à ce jour de véritable standard thérapeutique
validé. H.G. Bischoff (abst. 1784) rapporte l’utilisation de la
gemcitabine administrée à 1 250 mg/m2 J1, J8 et J15 tous les
28 jours chez 23 patients (dont 16 évaluables). Le taux de
réponses objectives est de 5 patients sur 16 (1 RC, 4 RP) ; on
note, de plus, 7 patients dont la maladie est stabilisée et dont
les symptômes sont améliorés. M.J. Byrne (abst. 1783) associe
la gemcitabine 1 000 mg/m2 J1, J8 et J15 tous les 28 jours au
cisplatine 100 mg/m2 J1 chez 21 patients. Le taux de réponses
objectives est de 10 patients sur 21 (47,6 %) (10 RP), et le taux
de stabilisation est de 9 patients sur 21. Neuf patients répondeurs sur 10 et 3 non répondeurs sur 8 ont eu une amélioration
de leurs symptômes. Cela justifie des essais plus larges sur la
gemcitabine seule ou en association dans cette indication thérapeutique.
■
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
vol VII/n°3 juin
23/04/04
9:07
Page 113
Ce qu’il faut retenir...
vu par D. Grünenwald
Deux choses ont particulièrement retenu mon
attention cette année dans l’aspect chirurgical des
cancers bronchiques.
■ La nécessité d’une clarification concernant les
indications des traitements d’induction et du
traitement adjuvant du cancer bronchique. Tous les
auteurs sont assez d’accord pour dire
qu’actuellement, les indications sont posées sur des
critères qui ne répondent pas à une rigueur dans les
groupes pronostiques.
■ Ce qui est intéressant, aux yeux des chirurgiens, c’est
que des chirurgiens américains reconnaissent la
possibilité d’une chirurgie dans certains stades IIIB et
sur certains malades sélectionnés. De la part des
Américains, il s’agit d’une progression tout à fait
nouvelle.
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 3 - juin 1998
■ Au niveau du staging, il faut noter que le scanner est
finalement un mauvais examen et que le staging
chirurgical devient de plus en plus indispensable au
fur et à mesure de la progression des essais de
thérapeutiques d’induction et même de
thérapeutiques adjuvantes ; il est en effet très
important d’avoir un bon staging en préopératoire.
Le développement de la vidéothoracoscopie, en
particulier, complète ce que faisait jusqu’à présent
la médiastinoscopie, et il a été conseillé par les
conférenciers de pratiquer le plus souvent possible
un staging chirurgical préthérapeutique et non
préopératoire.
■ Dans le cancer bronchique, la vidéochirurgie ne doit
servir qu’à titre d’élément diagnostique. Pour ce qui
est du traitement des métastases pulmonaires,
certains orateurs semblent prôner, dans les cas de
nodule pulmonaire unique, la résection par
vidéochirurgie ; je pense que cela reste très
controversé, car rien n'est encore validé.
113
Téléchargement