DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2010 Cancers digestifs Gastrointestinal malignancies Article coordonné par C. Tournigand* Cancer colorectal A. Lièvre** Cancer colique : situation adjuvante * Service d’oncologie médicale, ­hôpital Saint-Antoine, Paris. ** Hôpital Ambroise-Paré, ­Boulogne-Billancourt. ◆◆ Traitement : le cétuximab n’apporte rien de plus au FOLFOX ! Cette année 2010 a été relativement pauvre en situation adjuvante du cancer colique, notamment sur le plan du traitement. Les résultats négatifs du bévacizumab dans l’essai NSABP (National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project) C-08, présentés à l’ASCO 2009 et rapportés dans notre rétrospective de l’année 2009, n’ont toujours pas été publiés. Concernant l’autre thérapie ciblée, l’anticorps anti-EGFR (Epidermal Growth Factor Receptor) cétuximab, seuls les résultats intermédiaires de l’essai intergroupe nord-américain NO147 ont été rapportés à l’ASCO 2010. Cet essai évalue l’intérêt de l’adjonction du cétuximab (400 mg/m2 puis 250 mg/m2/sem.) à un schéma FOLFOX6 (oxaliplatine, acide folinique, 5 fluorouracile [5-FU]) modifié chez 1 847 patients ayant un cancer colique de stade III KRAS sauvage (1). L’analyse intermédiaire, programmée à 50 % des événements attendus, a montré, après un suivi médian de 23 mois, l’absence d’amélioration de la survie sans récidive (SSR) à 3 ans (objectif principal de l’essai) avec le cétuximab (75,8 % dans le bras FOLFOX seul versus 72,3 % dans le bras FOLFOX + cétuximab). Il n’existait également aucun bénéfice en survie globale (SG) à 3 ans (87,8 versus 83,9 %). Le pourcentage de patients ayant pu recevoir les 12 cycles prévus était plus faible dans le bras cétuximab (65 versus 77 % ; p < 0,001) en raison d’une augmentation significative des toxicités de grade 3-4 (71 versus 51 % ; p < 0,001). L’analyse selon l’âge montre que les patients âgés de 70 ans et plus (n = 258) non seulement ne tiraient aucun bénéfice du cétuximab mais ont également eu une 38 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 SSR à 3 ans significativement moins bonne dans le bras cétuximab (80,9 versus 66,1 % ; HR = 1,79 ; IC95 : 1,01-3,18 ; p = 0,03). L’analyse parallèle des patients KRAS muté, initialement inclus dans l’étude avant 2008 (n = 658), montre également l’absence de bénéfice de l’ajout du cétuximab au FOLFOX en termes de SSR à 3 ans (67,2 versus 64,2 % ; HR = 1,2 ; IC95 : 0,9-1,6 ; p = 0,13) [2]. Ces premiers résultats du cétuximab en situation adjuvante sont donc, comme pour le bévacizumab, très décevants. Nous attendons avec impatience ceux de l’essai européen PETACC 8 (Pan-European Trials in Adjuvant Colon Cancer), portant sur plus de 2 500 patients âgés de moins de 70 ans et avec tumeur KRAS sauvage, prévus pour 2012 ! ◆◆ Survie sans récidive : toujours un bon marqueur de la survie globale ? La SSR est-elle toujours un bon marqueur de la SG en situation adjuvante à l’heure où les nouvelles thérapies du cancer colorectal (CCR) permettent, après la récidive, d’allonger la survie de 1 à 2 ans environ ? C’est à cette question que l’analyse de la base ACCENT (Adjuvant Colon Cancer Endpoints) portant sur plus de 20 000 patients traités en adjuvant a voulu répondre (3). Cette étude montre que l’allongement de la survie des patients après la récidive (estimée ici à 24 mois) a réduit l’association entre la SSR à 3 ans et la SG à 5 ans, notamment pour les tumeurs de stade II, mais l’association entre SSR à 3 ans et la SG à 6 ans ou à 7 ans reste, en revanche, très significative. Ces résultats suggèrent donc que les prochains essais adjuvants devront avoir un suivi de 6 ou 7 ans pour démontrer une amélioration de la SG des patients, et que, pour des raisons évidentes de rapidité d’obtention des résultats, la SSR à 3 ans doit constituer le critère de jugement principal de ces essais, puisqu’elle reste toujours un bon marqueur de la SG à 6 ou 7 ans. Résumé En cancérologie digestive, l’année 2010 a été marquée par des échecs, des succès et des ouvertures vers l’avenir. Les déceptions sont venues des résultats négatifs des études de biothérapies en adjuvant dans les cancers du côlon, que ce soit avec le bévacizumab ou avec le cétuximab. En revanche, les succès sont venus cette année des nouvelles perspectives de traitement dans les tumeurs endocrines digestives, avec les résultats positifs du sunitinib et de l’évérolimus, qui permettent d’augmenter la survie des patients ayant une tumeur évoluée. L’autre succès majeur a été la démonstration d’une augmentation de la survie globale des patients ayant un cancer du pancréas évolué grâce au schéma FOLFIRINOX par rapport à la gemcitabine, jusqu’ici non détrônée. Enfin, les perspectives résident bien évidemment sur l’intense recherche développée dans le domaine des biomarqueurs et la recherche de nouvelles cibles biologiques qui devrait déboucher, dans les années à venir, sur une remise en question de notre façon d’envisager les stratégies thérapeutiques. ◆◆ Statut MSI : facteur prédictif confirmé de non-bénéfice du 5-FU en adjuvant Une nouvelle étude de grande envergure publiée cette année vient confirmer définitivement l’absence de bénéfice du 5-FU en situation adjuvante chez les patients ayant un cancer colique de phénotype d’instabilité microsatellitaire (Micro­Satellite Instability [MSI]) [4]. Faisant suite à la précédente étude de C.M. Ribic et al. (5), D.J. Sargent et al. ont analysé les résultats de 457 patients supplémentaires opérés d’un cancer colique de stades II et III et provenant de 5 essais randomisés ayant comparé la chirurgie seule à une chimiothérapie adjuvante à base de 5-FU (l’essai français FFCD 8802, 3 essais nord-américains et 1 italien). Comme dans l’étude de C.M. Ribic et al., il existait un bénéfice significatif de la chimiothérapie adjuvante par 5-FU en termes de survie sans maladie, mais uniquement chez les patients ayant une tumeur sans instabilité des microsatellites (MicroSatellite Stability [MSS]) [analyse multivariée : HR = 0,67 ; IC95 : 0,48-0,93 ; p = 0,02]. En effet, aucun bénéfice de la chimiothérapie adjuvante par 5-FU n’était observé chez les patients ayant un cancer colique de stades II et III et de phénotype MSI (HR = 1,39 ; IC95 : 0,46-4,15). Afin de gagner en puissance, notamment pour l’analyse multivariée en fonction du stade tumoral, les auteurs ont poolé les résultats de ces 457 patients avec ceux des 570 patients analysés précédemment par C.M. Ribic et al. Les résultats de cette analyse confirment la valeur pronostique du statut MSI, puisque chez les patients non traités par 5-FU, ce phénotype était associé à une survie sans maladie significativement meilleure (HR = 0,51 ; IC95 : 0,29-0,89 ; p = 0,009), de même que la SG (HR = 0,47 ; IC 95 : 0,26-0,83 ; p = 0,004), ce qui n’était pas le cas chez les patients ayant reçu la chimiothérapie adjuvante. Cette analyse confirme également l’absence de bénéfice de la chimiothérapie par 5-FU en cas de phénotype MSI, que la tumeur soit de stade II ou de stade III (tableau I). Ce bénéfice était en revanche constaté chez les patients ayant une tumeur MSS de stade III, mais pas en cas de tumeur MSS de stade II. Le test d’interaction entre le statut MSI et l’efficacité du traitement en termes de survie sans maladie était significatif (p = 0,04). Tous ces résultats de survie sans maladie étaient retrouvés en termes de SG, hormis pour les tumeurs MSI de stade II où la différence était significative en défaveur du bras traité par 5-FU (HR = 2,95 ; IC95 : 1,02-8,54 ; p = 0,04). Les résultats de cette large étude montrent donc de façon incontestable que les tumeurs coliques de phénotype MSI ont, d’une part, un meilleur pronostic que celles MSS et, d’autre part, qu’elles ne bénéficient pas d’une chimiothérapie adjuvante par 5-FU seul. On ne peut évidemment pas extrapoler ces résultats à une chimiothérapie adjuvante par FOLFOX qui doit rester le schéma de référence en cas de tumeur de stade III quel que soit le phénotype MSI. En revanche, lorsqu’une chimiothérapie adjuvante par fluoropyrimidine seule (5-FU ou capécitabine) se discute, en particulier en cas de stade II, la détermination du phénotype MSI apparaît désormais comme une information incontournable pour guider l’indication ou non d’une telle chimiothérapie clairement non bénéfique en cas de tumeur MSI. ◆◆ Quoi de neuf du côté des facteurs pronostiques ? En situation adjuvante, hormis le statut MSI de bon pronostic, aucun autre marqueur moléculaire n’a fait la preuve de manière formelle de sa valeur pronostique en dehors peut-être de la perte allélique en 18q dont le caractère péjoratif mérite d’être confirmé. A.D. Roth et al. ont voulu évaluer la valeur pronostique des mutations des gènes KRAS (codons 12 et 13) et BRAF (mutation V600E) dans l’essai de phase III randomisé PETACC 3 qui comparait une chimiothérapie adjuvante par 5-FU et acide folinique à la même chimiothérapie + irinotécan pendant 6 mois (6). Au total, 1 404 tumeurs parmi les 3 278 incluses ont pu être analysées. Une mutation de KRAS ou de BRAF était présente dans 37 et 7,9 % des cas respectivement. En analyse multivariée, après ajustement sur l’âge, le sexe, le grade, les stades T et N, la localisation tumorale, Mots-clés Cancers colorectaux Hépatocarcinomes Cancers de l’estomac Cancers du pancréas Tumeurs endocrines digestives Highlights In gastrointestinal oncology, 2010 was marked by failures, successes and openings to the future. The disappointments have come from the negative results of studies with biotherapy in adjuvant treatment of colon cancer, with either bevacizumab or cetuximab. However, success came this year with new prospects for the treatment in digestive endocrine tumors, with positive results of sunitinib and everolimus who demonstrated a survival benefit in patients with advanced tumors. One of the other major success was the demonstration of an increase in overall survival in patients with advanced pancreatic cancer with the schedule Folfirinox compared with gemcitabine alone. Finally, intensive research is developed in the field of biomarkers and definition of biological targets that should result in the coming years on a challenge to our way of thinking about therapeutic strategies. Keywords Colorectal cancer Hepatoma Gastric cancer Pancreatic cancer Neuroendocrine tumors Tableau I. Résultats de l’analyse poolée concernant le bénéfice en termes de survie sans maladie de la chimiothérapie par 5-FU en fonction du statut MSI et du stade de la tumeur. Phénotype MSS Phénotype MSI Stade II HR = 0,84 ; IC95 : 0,57-1,24 ; p = 0,38 (n = 428) HR = 2,3 ; IC95 : 0,85-6,24 ; p = 0,09 (n = 102) Stade III HR = 0,64 ; IC95 : 0,48-0,84 ; p = 0,001 (n = 434) HR = 1,01 ; IC95 : 0,41-2,51 ; p = 0,98 (n = 63) La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 | 39 DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2010 Cancers digestifs le phénotype MSI et le traitement adjuvant, la présence d’une mutation de BRAF était associée à une SG significativement diminuée, notamment chez les patients ayant une tumeur de phénotype MSS (HR = 1,84 ; IC95 : 1,94-2,17 ; p = 0,012). ­L’impact pronostique n’était pas observé en termes de survie sans récidive mais apparaissait très significatif pour les tumeurs de stade II (HR = 4,99 ; IC95 : 1,47-17,00 ; p = 0,01). La présence d’une mutation de KRAS n’avait, en revanche, aucun impact pronostique. Des résultats actualisés de cet essai ont été présentés à l’ASCO 2010 et ont montré, par ailleurs, que la présence d’une mutation de BRAF – au même titre que la localisation colique droite et un temps jusqu’à récidive de moins de 18 mois – était associée à une survie après récidive significativement plus courte (7,5 versus 25,2 mois ; p < 0,00001) [7]. Ces résultats viennent conforter les données obtenues en situation métastatique selon lesquelles la mutation V600E de BRAF apparaît comme un facteur de mauvais pronostic avant de constituer un éventuel marqueur de résistance aux anticorps anti-EGFR. Cancer colorectal métastatique ◆◆ Anticorps anti-EGFR ➤➤Cétuximab et résécabilité des métastases hépatiques initialement non résécables : résultats de l’étude de phase II CELIM Cette étude de phase II randomisée avait pour but d’évaluer, chez 114 patients ayant un CCR avec métastases hépatiques isolées jugées non résécables, l’efficacité du cétuximab associé à une chimiothérapie en termes de taux de réponse et de résécabilité secondaire des métastases (8). Les patients étaient randomisés pour recevoir 8 cycles de cétuximab + FOLFOX6 ou FOLFIRI (irinotécan, 5-FU, acide folinique), avec une évaluation de la réponse tous les 4 cycles et une réévaluation de la résécabilité des métastases par le comité multidisciplinaire local après 8 cycles, puis tous les 4 cycles. En cas de résection des métastases, les patients recevaient, en postopératoire, 6 cycles supplémentaires de la même chimiothérapie. Une recherche rétrospective des mutations de KRAS et de BRAF a été réalisée et a montré leur présence dans respectivement 29 et 3 % des cas. Une réponse objective était observée dans 66 % des cas, sans différence significative entre les 2 bras de traitement (FOLFOX6 : 68 % ; FOLFIRI : 57 %). Cette réponse était plus importante chez les patients avec tumeur KRAS non mutée (70 versus 41 % ; p = 0,008) et, bien sûr, chez ceux avec tumeur 40 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 KRAS/BRAF non mutée (72 versus 40 % ; p = 0,003). Une résection R0 des métastases hépatiques a pu être réalisée chez 34 % des patients, sans différence entre les 2 bras de traitement (FOLFOX6 : 38 % ; FOLFIRI : 30 %). Ce taux n’était pas précisé pour les patients avec tumeur KRAS non mutée. La toxicité était celle attendue dans chaque bras : les toxicités sévères (grade 3 ou 4), les plus fréquentes étant la toxicité cutanée (27 et 40 %) et la neutropénie (24 et 22 %). Au total, 171 scanners ou IRM ont été revus rétrospectivement par un comité d’experts indépendant, avec une imagerie initiale et sous traitement disponible pour 68 (64 %) des 106 patients. Selon cette relecture, 41 (60 %) des 68 patients ont été jugés résécables après chimiothérapie contre 22 (32 %) avant tout traitement (p < 0,0001). Il existait cependant une variabilité interindividuelle très importante entre les différents chirurgiens experts concernant l’évaluation de la résécabilité des métastases (concordance : 55-78 %). Cette étude montre donc que le cétuximab associé à une chimiothérapie, que ce soit du FOLFIRI ou du FOLFOX, permet d’obtenir des taux de réponse objective importants (environ 70 %) chez les patients avec tumeur KRAS non mutée. Les taux de résection secondaire des métastases hépatiques sont également importants et probablement supérieurs à ceux obtenus avec une simple bichimiothérapie. Cependant, d’une part, le schéma de l’étude ne permet pas de répondre clairement à cette question et, d’autre part, les résultats peuvent être biaisés par l’hétérogénéité importante de l’évaluation chirurgicale de la résécabilité mise en lumière par la lecture en aveugle par le comité indépendant, ce qui avait été rapporté à l’ASCO 2009 (9). ➤➤Cétuximab en première ligne : les résultats négatifs de l’étude NORDIC VII posent de nouveau la question de la chimiothérapie associée idéale… Après l’étude COIN présentée l’année dernière, les résultats d’une nouvelle étude de phase III à 3 bras, évaluant, entre autres, l’intérêt de l’ajout du cétuximab à une chimiothérapie à base de fluoro­ pyrimidine et d’oxaliplatine en première ligne métastatique ont été présentés cette année à l’ESMO (figure 1) [10]. Les patients étaient randomisés entre un bras A correspondant à un traitement par FLOX (à base de 5-FU administré sous forme de bolus et d’oxaliplatine), un bras B correspondant à la combinaison de FLOX + cétuximab et un bras C correspondant à un traitement séquentiel par FLOX avec poursuite du cétuximab en continu pendant les pauses. L’objectif principal était la survie sans DOSSIER THÉMATIQUE progression (SSP) et, remarque importante, l’analyse du statut KRAS n’était pas prévue au début de l’étude mais elle a été rajoutée en cours (sans que l’effectif de patients initialement prévu ait été recalculé pour atteindre l’objectif principal qui était de passer d’une SSP de 7 mois avec le FLOX à 10 mois avec l’association FLOX + cétuximab). En intention de traiter, il n’existait aucun bénéfice du cétuximab, puisque la SSP était respectivement de 7,9 mois, 8,3 mois et 7,3 mois dans les bras A, B et C, et que la SG et le taux de réponse n’étaient pas non plus différents entre les 3 groupes. L’absence de bénéfice du cétuximab chez les patients avec tumeur KRAS non mutée (SSP : 8,7 versus 7,9 mois dans les bras A et B ; p = 0,66) est plus surprenante alors qu’il semblait améliorer la SSP, sans que cela soit significatif, chez les patients avec tumeur KRAS mutée (7,8 versus 9,2 mois ; p = 0,07) [figure 2]. Le taux de réponse et la SG n’étaient pas améliorés par le cétuximab, que ce soit chez les patients avec tumeur KRAS non mutée ou chez ceux avec tumeur KRAS mutée. Les raisons de ces résultats négatifs restent inconnus mais l’une des hypothèses pourrait être le mode d’administration du 5-FU sous forme de bolus du protocole FLOX qui, comme la capécitabine dans l’étude COIN (11), serait un mauvais partenaire du cétuximab. ➤➤Intérêt confirmé du panitumumab en première et en deuxième ligne chez les patients avec tumeur KRAS sauvage Les résultats des 2 grandes études de phase III randomisées multicentriques internationales évaluant le R 1:1:1 Stratification par centre 5-FU + acide folinique Oxaliplatine A (n = 185) 5-FU + acide folinique Oxaliplatine Cétuximab B (n = 194) 5-FU + acide folinique Oxaliplatine 40 20 0 7,9 0 6 8,7 12 Mois 18 C (n = 187) panitumumab en première et en deuxième ligne et présentés pour la première fois à l’ESMO 2009 viennent d’être publiés ! L’étude PRIME a inclus en première ligne 1 183 patients pour recevoir du FOLFOX4 + panitumumab (panitumumab : 6 mg/kg toutes les 2 semaines) ou du FOLFOX4 seul, avec une évaluation prospective du statut KRAS (12). L’objectif principal était la SSP. Le statut KRAS a pu être déterminé chez 1 096 patients (93 %), dont 40 % étaient mutés. Les caractéristiques des patients étaient bien équilibrées entre les 2 groupes. Chez les patients avec tumeur KRAS sauvage, l’objectif principal était atteint, puisque la SSP était significativement améliorée dans le bras FOLFOX4 + panitumumab comparativement au bras FOLFOX4 seul (9,6 versus 8 mois ; HR = 0,80 ; 24 100 Patients sans progression (%) Patients sans progression (%) FLOX FLOX + cétuximab 60 5-FU + acide folinique Oxaliplatine Cétuximab KRAS muté HR = 1,07 ; IC95 : 0,79-1,45 ; p = 0,66 80 • Cétuximab 400 mg/m2 à J1 puis 250 mg/m2 hebdomadaire Figure 1. Étude de phase III NORDIC VII : 5-FU bolus + oxaliplatine avec ou sans cétuximab (d’après Tveit K et al., abstr. LBA20). KRAS sauvage 100 • FLOX – 5-FU bolus 500 mg/m2 – Acide folinique 60 mg/m2 à J1 et J2 – Oxaliplatine 85 mg/m2 à J1 (J1 = J14) HR = 0,71 ; IC95 : 0,50-1,03 ; p = 0,07 80 FLOX FLOX + cétuximab 60 40 20 0 7,8 0 6 9,2 12 18 24 Mois Raisons de ces résultats négatifs ? (schéma FLOX avec 5-FU bolus = mauvais partenaire du cétuximab ? Manque de puissance pour l’analyse selon KRAS ?) Figure 2. Survie sans progression en fonction du statut KRAS (d’après Tveit K. et al., abstr. LBA20). La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 | 41 DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2010 Cancers digestifs IC95 : 0,66-0,97 ; p = 0,0234). Le taux de réponse objective et la SG, bien qu’augmentés avec le panitumumab, n’étaient pas statistiquement différents (55 versus 48 %, p = 0,068 ; 23,9 versus 19,7 mois, p = 0,072). Chez les patients avec tumeur KRAS mutée, le panitumumab n’apportait aucun bénéfice et s’est même avéré délétère, puisque la SSP était significativement inférieure dans le bras FOLFOX4 + panitumumab comparativement au bras FOLFOX (7,3 versus 8,8 mois ; p = 0,02). Le profil de tolérance était celui habituellement observé avec les anticorps anti-EGFR, c’est-à-dire plus de diarrhées, d’hypomagnésémies et de toxicités cutanées de grade 3-4 dans le bras contenant du panitumumab quel que soit le statut de KRAS. Cependant, la toxicité cutanée de grade 3-4 paraissait plus fréquente que celle observée dans les essais de première ligne avec le cétuximab (plus de 30 % dans cette étude versus 19,7 % et 18 % dans les études CRYSTAL et OPUS respectivement). Comme attendu avec cet anticorps totalement humain, les réactions postinjections étaient exceptionnelles. La deuxième étude comparait, en deuxième ligne, l’association FOLFIRI + panitumumab au FOLFIRI seul chez 1 186 patients (13). Ces derniers devaient avoir progressé sous une première ligne de chimiothérapie à base de fluoropyrimidine, sans anticorps anti-EGFR ni irinotécan (68 % avaient reçu de l’oxali­p latine et 20 % du bévacizumab). Une évaluation prospective du statut KRAS était effectuée, avec des données disponibles pour 91 % des patients inclus (mutation chez 45 % des patients). Les objectifs principaux étaient la SSP et la SG en fonction du statut KRAS. Chez les patients avec tumeur KRAS sauvage, la SSP était significativement supérieure dans le bras FOLFIRI + Tableau II. Résultats poolés des études CRYSTAL et OPUS selon le statut de KRAS et de BRAF (15). KRAS sauvage (n = 845) Survie globale (mois) p Réponse (%) p KRAS sauvage/ BRAF muté (n = 70) CT CT + cét. CT CT + cét. CT CT + cét. 19,5 23,5 21,1 24,8 9,9 14,1 p Survie sans progression (mois) KRAS/BRAF sauvage (n = 730) 0,0062 7,6 0,00479 9,6 < 0,0001 38,5 57,3 < 0,0001 7,7 10,9 0,079 3,7 < 0,0001 40,9 60,7 < 0,001 CT : chimiothérapie ; cét. : cétuximab. 42 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 7,1 0,27 13,2 21,9 0,46 panitumumab (5,9 versus 3,9 mois ; HR = 0,73 ; IC95 : 0,59-0,90 ; p = 0,004), de même que le taux de réponse objective (35 versus 10 % ; p < 0,001). Il n’existait pas de différence significative concernant la SG (14,5 versus 12,5 mois ; p = 0,12). Chez les patients avec mutation de KRAS, il n’y avait aucun bénéfice du panitumumab que ce soit en termes de survie ou de taux de réponse tumorale. Le profil de tolérance était exactement superposable à celui de l’étude PRIME, avec une toxicité cutanée supérieure à 30 % et d’exceptionnelles réactions postinjections. Avec les résultats de ces 2 études, le panitumumab devrait probablement prochainement rejoindre le cétuximab dans l’arsenal thérapeutique autorisé de première et deuxième lignes du CCR métastatique ; les mutations du gène KRAS viennent confirmer de manière indiscutable leur valeur prédictive de résistance aux anticorps anti-EGFR. ➤➤Marqueurs prédictifs de réponse aux anticorps anti-EGFR Les mutations des codons 12 et 13 du gène KRAS sont, à l’heure actuelle, les seuls marqueurs prédictifs de résistance aux anticorps anti-EGFR validés et utilisés en pratique clinique. Une étude récemment publiée dans le Journal of the American Medical Association (14) a rapporté, dans une analyse rétrospective de 579 patients chimiorésistants et traités par cétuximab, que les mutations G13D sont associées à une meilleure survie que tous les autres types de mutations de KRAS (SSP : 4 versus 1,9 mois, p = 0,004 ; SG : 7,6 versus 5,7 mois, p = 0,005), suggérant ainsi une “sensibilité” ou une moindre résistance aux thérapies anti-EGFR en présence de ce type précis de mutation G13D. In vitro et sur modèle animal, alors que les lignées cellulaires colorectales avec mutation G12V étaient résistantes au cétuximab, celles présentant la mutation G13D étaient, quant à elles, sensibles à cet anticorps, de même que les lignées non mutées pour KRAS. Parmi les autres marqueurs potentiellement prédictifs de résistance aux anticorps anti-EGFR en cours d’évaluation, la mutation V600E de BRAF semble un candidat intéressant d’après plusieurs études rétrospectives montrant l’absence de réponse objective au cétuximab ou au panitumumab en présence de cette mutation. Cependant, les résultats poolés finaux des études CRYSTAL et OPUS (tableau II) en fonction du statut mutationnel de KRAS et de BRAF rapportés à l’ASCO en 2010 (15) remettent en cause cette valeur prédictive de la mutation de BRAF, puisque les patients avec DOSSIER THÉMATIQUE tumeur BRAF mutée recevant la combinaison de chimiothérapie et de cétuximab avaient une SSP, une SG et un taux de réponse meilleurs que ceux ne recevant que la chimiothérapie, avec une différence qui n’était cependant pas significative. En revanche, la survie de ces patients avec mutation de BRAF était très inférieure à celle des patients sans cette mutation, quel que soit le traitement reçu. Ces résultats suggèrent que la mutation V600E de BRAF est, avant tout, un facteur de mauvais pronostic dans les CCR, comme cela semble être le cas chez les patients opérés de cancer colique de stade II-III (7), et que son évaluation comme marqueur de réponse aux anticorps anti-EGFR doit se poursuivre afin de savoir si la mutation V600E de BRAF est un facteur prédictif de résistance aux anticorps anti-EGFR ou non. ◆◆ Antiangiogéniques ➤➤Résultats décevants du cediranib en première ligne Le cediranib est un puissant inhibiteur de tyrosine kinase de VEGFR-1 (Vascular Endothelial Growth Factor Receptor 1), VEGFR-2 et VEGFR-3 et de c-KIT. En septembre 2010, au congrès de l’ESMO qui s’est tenu à Milan, ont été présentés, en session orale, les résultats de 2 grandes études randomisées internationales de phase III (HORIZON II et III) ayant évalué ce nouvel antiangiogénique en première ligne du CCR métastatique (16, 17). L’essai HORIZON II (16) a randomisé 860 patients non prétraités entre un bras FOLFOX/XELOX + cediranib (20 mg/j par voie orale) [n = 502] et un bras FOLFOX/XELOX + placebo (n = 358) selon un ratio 2/1, avec pour objectifs principaux la SSP et la SG. Les caractéristiques des patients et des tumeurs étaient comparables dans les 2 groupes, notamment 55 et 57 % des patients respectivement avaient reçu du XELOX (capécitabine, oxaliplatine) plutôt que du FOLFOX dans chacun des bras. Les résultats ont montré un bénéfice de l’ajout du cediranib en termes de SSP (médiane : 8,6 versus 8,2 mois ; p = 0,01) [figure 3], mais non pas en termes de SG (19,7 versus 18,9 mois, de taux de réponse objective (50,6 versus 49,7 %) ou de taux de résection secondaire des métastases (5,4 versus 6,3 %). La toxicité était, en revanche, plus fréquente dans le bras contenant le cediranib, notamment concernant les effets secondaires de grade 3 ou 4 (77,8 versus 62,0 %) parmi lesquels la diarrhée (21 versus 8 %), la neutropénie (15,8 versus 10,6 %), la thrombopénie (12,6 versus 7 %) et l’hyper­t ension artérielle (11 versus 2 %) prédominaient. L’essai HORIZON III (17) a, quant à lui, randomisé 1 422 patients non prétraités pour recevoir soit FOLFOX6 modifié + cediranib (20 mg/j par voie orale) [n = 709] soit FOLFOX6 modifié + bévacizumab (5 mg/kg toutes les 2 semaines) [n = 713], avec pour objectif principal la démonstration d’une supériorité de la SSP dans le bras cediranib. Si la Survie globale HR = 0,84 ; IC95 : 0,73-0,98 ; p = 0,01 100 Patients vivants (%) Patients sans progression (%) Survie sans progression 80 60 40 20 0 Cediranib 20 mg Placebo 0 3 6 9 12 15 18 Mois 21 24 27 30 33 HR = 0,94 ; IC95 : 0,79-1,12 ; p = 0,57 100 80 60 Cediranib 20 mg 40 20 0 Placebo 0 3 6 9 12 15 18 21 24 27 30 33 36 39 Mois Cediranib 20 mg (n = 502) Placebo (n = 358) 19,7 18,9 233 (57,3) 234 (65,4) Cediranib 20 mg (n = 502) Placebo (n = 358) SSP médiane (mois) 8,6 8,2 Décès, n (%) SSP à 6 mois (%) 69,1 61,7 SG à 12 mois (%) 71,4 71,6 SSP à 12 mois (%) 25,3 18,9 SG à 24 mois (%) 40,9 39,4 SG médiane (mois) SG : survie globale ; SSP : survie sans progression. Figure 3. Résultats de l’essai HORIZON II (d’après Hoff PM et al., abstr. 19). La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 | 43 DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2010 Cancers digestifs Survie sans progression Patients sans progression (%) 100 • HR = 1,10 • Analyse de non-infériorité • p = 0,12 – IC95 : 0,97-1,25 – Limite requise < 1,2 • SSP médiane – cediranib : 9,9 mois – bévacizumab : 10,3 mois 80 60 40 mFOLFOX6 + bévacizumab mFOLFOX6 + cediranib 20 0 9,9 0 3 6 9 10,3 12 Mois 15 18 21 24 Figure 4. Résultats de l’essai HORIZON III (d’après Schmoll HJ et al., abstr. 580). Tableau III. Profil de toxicité de l’étude HORIZON III. FOLFOX6 + cediranib FOLFOX6 + bévacizumab (n = 705) (n = 704) Toxicité de grade 3/4 (%) Neutropénie Diarrhées Asthénie Hypertension artérielle 77,4 31,8 13,8 7,8 7,0 66,9 23,6 5,8 4,8 4,1 Effets indésirables Effets indésirables graves ( %) Décès toxiques ( %) 39,0 2,7 32,8 3,3 60,7 47,3 Effets indésirables ayant conduit à un arrêt temporaire de la chimiothérapie (%) supériorité du cediranib sur le bévacizumab n’était pas démontrée, l’étude avait prévu une analyse de non-infériorité (démontrée si la limite supérieure de l’IC95 était inférieure à 1,2). Les 2 groupes étaient bien équilibrés pour les caractéristiques cliniques et tumorales. L’objectif de supériorité n’a pas été atteint puisque la SSP était respectivement de 9,9 mois dans le bras cediranib et de 10,3 mois dans le bras bévacizumab (p = 0,12). Il n’y avait également aucune différence en termes de réponse objective (46,3 versus 47,3 %) et de SG (22,8 versus 21,3 mois) entre les 2 bras. L’hypothèse de non-infériorité du cediranib sur le bévacizumab n’a pas pu, non plus, être démontrée (IC95 : 0,97-1,25) [figure 4]. Enfin, la toxicité dans le bras cediranib était plus importante que dans le bras bévacizumab (tableau III), ce qui a été responsable d’une diminution de la doseintensité de la chimiothérapie associée (5-FU et oxaliplatine) et explique probablement la moins bonne qualité de vie observée chez les patients ayant reçu ce nouvel antiangiogénique. 44 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 Les résultats de ces 2 études suggèrent donc qu’en première ligne métastatique le cediranib est plus toxique et ne fait pas mieux que le bévacizumab (auquel il n’apparaît pas non plus équivalent !). L’anticorps anti-VEGF reste donc l’antiangiogénique de choix dans cette situation. ➤➤FOLFOXIRI plus bévacizumab en première ligne : une phase II qui fait rêver… Après avoir démontré la supériorité de la trithérapie conventionnelle par FOLFOXIRI (5-FU, oxaliplatine, irinotécan) sur le FOLFIRI en première ligne thérapeutique du CCR métastatique (18), l’équipe de A. Falcone poursuit ses tentatives de traitement optimisé avec l’évaluation, dans une étude de phase II, de l’asso­ciation FOLFOXIRI + bévacizumab (5 mg/kg tous les 14 j) chez 57 patients ayant des métastases jugées non résécables (19). Cette association était administrée pour une durée maximale de 6 mois, suivie, pour 37 patients, d’une période de maintenance par bévacizumab seul à la même dose. Le critère principal de cette étude était la SSP à 10 mois. Après un suivi médian de 28,8 mois, le taux de SSP était de 74 % (médiane : 13,1 mois) et la SG était de 30,9 mois. Le taux de réponse objective, chez ces patients sélectionnés, était impressionnant puisque 12 % ont eu une réponse complète et 65 % une réponse partielle, ce qui représentait un taux de réponse objective de 77 %. Tous les autres patients avaient une stabilisation de leur maladie au moment de l’analyse, d’où un taux de contrôle de la maladie de 100 %. Par ailleurs, 26 % des patients (n = 15) ont pu avoir une résection secondaire de leurs métastases. Ce taux passait à 40 % (n = 12) chez les 30 patients avec métastases hépatiques isolées. Ces bons résultats ont, évidemment, été obtenus au prix d’effets secondaires sévères (grade 3 ou 4) fréquents pendant le traitement d’induction (neutropénie : 49 % ; diarrhée : 14 % ; thrombose veineuse : 7 % ; hypertension artérielle [HTA] : 11 %), dont 6 effets indésirables sérieux. Ces effets indésirables étaient moins importants pendant le traitement de maintenance par bévacizumab, mais un cas d’infarctus du myocarde en rapport avec une thrombose coronarienne a tout de même été rapporté. ➤➤Supériorité de l’association bévacizumab + capécitabine sur la capécitabine en monothérapie dans une étude de phase III randomisée Cet essai de phase III international (20) a randomisé 471 patients avec CCR métastatique non prétraité pour recevoir soit de la capécitabine (1 000 ou DOSSIER THÉMATIQUE 1 250 mg/m2 × 2/j, 2 sem. sur 3) [C], soit l’association capécitabine + bévacizumab (7,5 mg/kg toutes les 3 sem.) [CB], soit l’association capécitabine + bévacizumab + mitomycine C (7 mg/m2 toutes les 6 sem.) [CBM]. L’objectif principal était la SSP. La toxicité était comparable dans les 3 bras de traitement hormis pour le syndrome main-pied, plus fréquent dans les bras CB et CBM (77 et 78 %) que dans le bras C (66 %). Les thromboses artérielles tous grades confondus étaient également plus fréquentes dans les bras contenant du bévacizumab (5,7 versus 0,6 %). La SSP était significativement plus longue chez les patients du bras CB que chez ceux du bras C (8,5 versus 5,7 mois ; p < 0,001). L’ajout de mitomycine C n’apportait aucun bénéfice supplémentaire (SSP : 8,4 mois). Il n’existait, en revanche, aucune différence en SG entre les différents bras de traitements, sachant que l’accès à un traitement de deuxième ligne était similaire dans les 3 bras. Le taux de réponse, bien que supérieur, n’était pas significativement amélioré avec l’ajout du bévacizumab (38 versus 31 % ; p = 0,2). Une première étude de phase II randomisée avait déjà montré la supériorité de l’association 5-FU-acide folinique (en bolus) + bévacizumab par rapport au 5-FU-acide folinique seul (21). Cette étude confirme donc l’intérêt d’ajouter du bévacizumab à une fluoropyrimidine en première ligne chez les patients pour lesquels une simple monothérapie est envisagée (métastases non résécables mais non menaçantes dans le cadre d’une stratégie “crescendo”), avec pour avantage principal un meilleur profil de tolérance lorsqu’il s’agit de la capécitabine. ➤➤Traitement d’entretien par bévacizumab L’interêt d’un traitement d’entretien par bévacizumab seul chez des patients répondeurs ou stables sous une combinaison de chimiothérapie et bévacizumab, dans le but de diminuer la toxicité et la contrainte du traitement, a été étudié par plusieurs essais en cours (PRODIGE 9-FFCD 0802, OPTIMOX 3/DREAM du GERCOR, AIO-ML21768). Les premiers résultats de l’essai de phase III espagnol, MACRO, qui randomisait 480 patients répondeurs ou stables après 6 cycles de XELOX + bévacizumab pour recevoir la même combinaison ou un traitement d’entretien par bévacizumab seul, ont été présentés à l’ASCO (22). Bien qu’il n’y eût pas de différence significative entre les 2 bras en termes de réponse tumorale (46,0 versus 49,0 %), de SSP (10,4 versus 9,7 mois) et de SG (23,4 versus 21,7 mois), l’objectif principal de non-infériorité en SSP de cet essai n’a pas été formellement atteint selon les critères statistiques préspécifiés (HR = 1,11 ; IC95 : 0,89-1,37), ce qui ne permet pas de démontrer une équivalence des 2 stratégies de façon formelle. En revanche, une diminution significative de la toxicité dans le bras d’entretien par bévacizumab seul a été observée, sauf en cas d’HTA. Les résultats des autres études en cours devraient permettre de clarifier la place du bévacizumab en traitement d’entretien. Cancer du rectum A. Lièvre** Si la radiochimiothérapie concomitante néo-adjuvante constitue un standard des cancers du rectum localement avancés, les travaux actuels cherchent à en améliorer les résultats par l’évaluation de nouveaux schémas. L’objectif de l’essai de phase III multicentrique français ACCORD 12/0405-PRODIGE 2 (23) était, justement, de comparer une radiochimiothérapie classique Cap 45 (45 Gy en 5 sem. + capécitabine à la dose de 800 mg/m2 × 2/j, 5 j/7 pendant la radiothérapie) au schéma intensifié Capox 50 (50 Gy en 5 sem. + capécitabine et oxaliplatine à la dose de 50 mg/m2 hebdomadaire pendant 5 semaines) chez des patients atteints d’un cancer du rectum accessible au toucher rectal de stade T3-T4, voire T2 (si localisation rectale basse antérieure dans ce cas). Au total, 598 patients ont été randomisés. Le critère principal de jugement était le taux de réponse histologique complète selon la classification de Dvorak. De façon attendue, la toxicité du schéma Capox 50 était supérieure à celle du schéma Cap 45 pour l’ensemble des toxicités (25,5 versus 10,9 %) et les toxicités de grades 3 et 4 (12,6 versus 3,2 % ; p < 0,001), et notamment celles qui concernent les diarrhées de grades 3 et 4 (p < 0,001). Il n’y avait pas de différence significative entre le schéma Capox 50 et le schéma Cap 45 pour le taux de réponse histologique complète (19,2 versus 13,9 %, respectivement) et le taux de résection R0 (92,3 versus 87,3 %, respectivement). Le taux de réponse histologique complète et majeure était, en revanche, significativement plus élevé chez les patients du groupe Capox 50 (39,4 versus 28,9 % ; p = 0,008). Chez les 292 patients analysables pour la marge latérale, il n’y avait pas de différence significative pour le taux de résection R1 (marge latérale inférieure ou ** Hôpital Ambroise-Paré, ­Boulogne-Billancourt. La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 | 45 DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2010 *** Institut mutualiste Montsouris, Paris. Cancers digestifs égale à 1 mm ; 7,7 % pour le groupe Capox 50 versus 12,7 % pour le groupe Cap 45 ; p = 0,17) mais la proportion de patients avec une marge circonférentielle inférieure ou égale à 2 mm était inférieure dans le bras Capox 50 (9,9 versus 19,3 %). Le taux de colostomie définitive était identique dans les 2 groupes (25,4 versus 24,6 %, respectivement). Les données de contrôle local et de SSP de cette étude ne sont pas encore disponibles, puisque la durée médiane du suivi au moment de cette première analyse n’était que de 12 mois. Bien qu’aucune différence significative pour le critère de jugement principal n’ait été notée, une tendance en faveur du traitement par Capox 50 concernant le taux de réponse histologique et la marge circonférentielle supérieure ou égale à 2 mm a été observée. Ces données ne sont pas suffisantes pour recommander à l’heure actuelle de façon systématique l’ajout de l’oxaliplatine dans les schémas de radiochimiothérapie concomitante néo-adjuvante des cancers du rectum. La comparaison des résultats de cette étude à ceux de l’étude italienne STAR, rapportés à l’ASCO 2009 mais pas encore publiés (24), indique que le “bénéfice” du schéma Capox 50 serait principalement dû à l’intensification de la radiothérapie et non à l’adjonction de l’oxaliplatine, puisque dans cette dernière étude, l’ajout de l’oxaliplatine à une radiochimiothérapie de 50,4 Gy à base de 5-FU ne permettait pas d’améliorer le taux de réponse histologique complète. Une autre étude randomisée de phase III, présentée à l’ASCO (25), a comparé un schéma de radiochimio­ thérapie classique (50,4 Gy en 28 fractions + 5-FU) à un schéma de radiothérapie hypofractionné (5 × 5 Gy), tel que celui pratiqué en Europe du Nord, chez 326 patients atteints d’un cancer du moyen ou du bas rectum, T3 N0 ou N+. En postopératoire, tous les patients recevaient une chimiothérapie adjuvante par 5-FU bolus pendant 4 mois. L’objectif principal était le taux de rechute locale à 3 ans. Les résultats montrent, après un suivi médian de 5,9 ans, l’absence de différence significative entre les 2 bras en termes de taux Tableau IV. Conclusion de l’étude sunitinib versus placebo. SSP médiane (mois) Taux de réponse, n (%) SG médiane Sunitinib (n = 86) Placebo (n = 85) HR (IC95) p 11,4 5,5 0,418 (0,263-0,662) 0,0001 8 (9,3) 0 – 0,0066 NA NA 0,404 (0,185-0,882) 0,0186 SG : survie globale ; SSP : survie sans progression ; NA : non atteinte. 48 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 de rechute locale (4,4 versus 7,5 % ; p = 0,24), de taux de rechute métastatique (69 versus 72 %), de SG à 5 ans (70 versus 74 %) et de toxicité tardive radio-induite (8,4 versus 7,6 %). Ces 2 modalités de traitement semblent donc équivalentes, même si la radiochimiothérapie classique semble donner des résultats un peu meilleurs. Le schéma hypofractionné peut donc être considéré comme une option thérapeutique valide en cas de contre-indication à une radiochimiothérapie concomitante ou de recours à une chirurgie rapide. Les carcinomes endocrines P. Afchain*** Cette année 2010 a apporté des données positives concernant le traitement des tumeurs endocrines bien différenciées du pancréas en situation métastatique. D’abord présentée à l’ASCO 2010, l’étude de phase III internationale, randomisée comparait en double aveugle le sunitinib (à la dose de 37,5 mg/j) à un placebo, pour une tumeur endocrine bien différenciée du pancréas avec évolution confirmée à 1 an. L’objectif primaire était la SSP. L’étude a été interrompue prématurément en raison de la nette supériorité du bras sunitinib, avec 171 patients finalement inclus entre juin 2007 et avril 2009 : 86 dans le bras sunitinib et 85 dans le bras placebo. La moitié des tumeurs n’étaient pas fonctionnelles, 95 % étaient métastatiques et 71 % avaient reçu un traitement préalable. Les effets secondaires les plus fréquents rapportés sous sunitinib étaient (tous grades confondus) : l’asthénie (60 versus 52 %), les diarrhées (59 versus 39 %), les nausées (45 versus 29 %) et les vomissements (34 versus 31 %). Les effets indésirables de grade 3-4 incluaient la neutropénie (12 versus 0 %), l’hypertension (6 versus 0 %) et les douleurs abdominales (4,8 versus 9,8 %). Les médianes de SSP étaient de 11,4 mois pour le bras sunitinib et 5,5 mois pour le bras placebo (p = 0,0001). Le taux de réponse objective avec le sunitinib était de 9,3 % (2 rémissions complètes et 6 réponses partielles ; IC 95 : 3,2-15,4) [tableau IV]. La supériorité du sunitinib en termes de contrôle tumoral et de SG ne fait donc plus de doute (26). À partir de la même étude, les résultats des facteurs prédictifs de meilleure réponse sous sunitinib ont été rapportés. En analyse multivariée, seul le temps depuis le diagnostic (supérieur ou égal à 3 ans versus inférieur à 3 ans) [HR = 0,374 ; IC95 : 0,234-0,599 ; DOSSIER THÉMATIQUE p < 0,0001] est prédictif de réponse. Parmi les 72 patients, on constate une amélioration significative du pronostic pour le groupe de patients avec un Ki67 inférieur à 5 % (n = 43 ; HR : 0,378 ; p = 0,0259) [27]. À l’ESMO 2010 les résultats de l’évérolimus ont été rapportés dans une étude de phase III portant sur des patients atteints de tumeur endocrine bien différenciée du pancréas à un stade avancé (étude RADIANT-2). Il s’agissait d’une étude multicentrique en double aveugle et randomisée, ayant inclus 410 patients. L’objectif était de tester l’efficacité et la sécurité du produit. L’évérolimus permet de doubler le temps de SSP de la maladie par rapport à un placebo, à 11,0 versus 4,6 mois. Il réduit par ailleurs le risque d’évolution de la tumeur de 65 % (28). Tumeurs stromales digestives P. Afchain*** Quelques données importantes sur la prise en charge thérapeutique des tumeurs stromales gastro-­ intestinales (GIST) ont encore été publiées cette année. On avance de plus en plus sur la relation entre le statut mutationnel de c-KIT et la sensibilité thérapeutique. Ainsi, C.L. Corless et al. ont rapporté que la mutation de PDGFRα (Platelet-Derived Growth Factor Receptor α) de type D824V concernant surtout des GIST de localisation gastrique ne répond pas à l’imatinib, mais que les patients conservent un excellent pronostic. Il ne serait donc pas indiqué de proposer un traitement adjuvant par imatinib au patient présentant cette mutation. Les mutations de l’exon 11 de KIT répondent très bien à l’imatinib mais ont un moins bon pronostic que les mutations de l’exon 9 de Kit (29). P. Biron et al. ont rapporté les résultats d’une étude spécifiquement dédiée à une population de GIST avec une mutation du PDGFRα, qui représente environ 5 à 7 % des GIST avancées, avec en majorité une mutation D842V. Ces mutants de PDGFRα sont rapportés comme des tumeurs imatinib résistantes. L’analyse portait sur 21 patients (dont 7 tirés de l’étude EORTC) : 14 prenaient de l’imatinib à 400 mg et 7 à 800 mg/j. Elle a révélé que le temps médian de résistance à l’imatinib était de 3,5 mois (IC95 : 0,0-8,3) ; la médiane de SG de 12,7 mois (extrêmes : 6,3-19,0). On confirme ainsi que l’imatinib est peu efficace sur cette population (30). En situation de GIST avancée, un autre inhibiteur de tyrosine kinase (ITK), notamment KIT, PDGFRα et BCR-AbL, a été étudié : le nilotinib. Les effectifs étudiés sont toujours peu importants. Dans la principale étude coréenne, 17 patients étaient traités à la dose de 400 mg × 3/j après échec de l’imatinib et du sunitinib. Le gain en SSP reste de nouveau similaire au gain en deuxième ligne utilisant les autres ITK, soit environ 47 semaines (IC95 : 5,6-88,7), pour un total en SG de 74 semaines (IC95 : 8,7-139,6). En revanche, il est noté une biodisponibilité moindre après gastrectomie, nécessitant chez ces patients un contrôle de la concentration de cette molécule. La tolérance était satisfaisante (31). Une étude internationale a évalué le nilotinib en première ligne : 21 cas de patients, dont 14 patients ont pu avoir les 6 mois de traitement, ont été étudiés. La SSP à 6 mois était de 85,7 %. Les effets indésirables ont concerné 57,9 % des patients, avec principalement des désordres gastro-intestinaux comme des nausées, des vomissements et de la diarrhée, ainsi que des œdèmes palpébraux dans 10 % des cas (32). Enfin, dans Lancet Oncology, A. Le Cesne et al. apportent des conclusions sur l’impact d’une interruption après 3 ans de contrôle tumoral par imatinib en situation de GIST avancée (nouvelle actualisation de l’essai BFR14). Il s’agissait d’une étude ouverte multicentrique et randomisée de phase III : 50 patients sur les 434 inclus entre mai 2002 et mai 2009 étaient contrôlés et ont pu donc être randomisés entre interruption et poursuite du traitement (25 patients dans chaque groupe). Après 35 mois de suivi (IC95 : 58-91), la SSP à 2 ans concernait 80 % des patients (IC 95 : 58-91) qui avaient poursuivi le traitement et 16 % (IC95 : 5-33) parmi ceux qui l’avaient interrompu (p < 0,0001). Le profil des effets indésirables de grade 3-4 n’était pas significativement différent entre les 2 groupes. Il n’est donc pas indiqué d’interrompre un traitement qui “marche” même après une durée prolongée de contrôle tumoral (33). Les carcinomes hépatocellulaires P. Afchain*** Il y a eu cette année moins de grandes nouveautés dans le domaine. On peut néanmoins retenir les résultats de l’étude de phase III comparant le sorafénib et un placebo chez des patients ayant *** Institut mutualiste Montsouris, Paris. La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 | 49 DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2010 Cancers digestifs une chimio-embolisation intra-artérielle (34). Cette publication asiatique (Japon et Corée) a inclus 458 patients, excluant les tumeurs de plus de 70 mm ou de plus de 10 nodules. Les caractéristiques des 2 groupes (sorafénib à 400 mg/j et placebo) étaient équivalents. La médiane du temps jusqu’à progression ou récidive n’était pas significativement différente entre les 2 groupes : 5,4 mois dans le groupe sorafénib versus 3,7 mois dans le groupe placebo (HR = 0,87 ; IC95 : 0,71-1,09 ; p = 0,25). En SG, la différence n’était pas non plus significative (HR = 1,06 ; IC95 : 0,69-1,64 ; p = 0,79). Le plus troublant dans cette étude était que les conclusions d’évaluation des réponses par les investigateurs n’étaient pas les mêmes que celles de la relecture centrale. Dans ce dernier cas, la médiane de temps jusqu’à progression était de 7,2 versus 5,3 mois pour, respectivement, les groupes sorafénib et placebo (HR = 0,79 ; IC95 : 0,63-1,00 ; p = 0,049). La durée médiane de traitement était de 17 et 20 semaines respectivement. On conclut donc à une différence non significative entre l’adjonction ou non de sorafénib à la chimio-embolisation. Ces résultats laissant sceptiques, il est évoqué le biais d’un traitement systémique trop court, ou trop souvent interrompu, ne permettant donc pas de mettre en évidence une différence significative. Il n’en reste pas moins nécessaire de poursuivre les investigations afin de pouvoir démontrer la supériorité de cette association, à ce jour toujours non démontrée. Le problème de l’impact des perturbations biologiques hépatiques sur la décision d’un traitement par sorafénib mais aussi en tant que conséquence de ce traitement a été étudié. D’autant que cette question sous-tend la possibilité d’administrer le sorafénib à un stade Child plus grave que l’autorisation de mise sur le marché ne l’autorise aujourd’hui. Il s’agit en fait d’une étude de sousgroupe de l’essai SHARP. La fonction hépatique est évaluée par le biais des taux de bilirubine, de transaminases et de l’alpha-fœtoprotéine (αFP). Les résultats montrent que le bénéfice en temps jusqu’à progression et en SG est observé dans tous les sous-groupes de patients définis par les taux de bilirubine, de transaminases ou de l’αFP. Ainsi, les auteurs ont conclu que le sorafénib est efficace quels que soient les taux respectifs des transaminases et de l’αFP, et que la fonction hépatique n’est pas significativement altérée par le sorafénib. Il faut signaler la publication, dans Annals of Surgery Oncology, d’un essai portant sur la place de la chimio-embolisation intra-artérielle chez les 50 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 patients atteints d’hépatocarcinome irrésécable mais associé à une thrombose portale, contre-indication classique de cette procédure. Il s’agit d’une étude prospective portant sur 164 patients sélectionnés entre juillet 2007 et juillet 2009 et randomisés entre chimio-embolisation avec émulsion de lipiodol et agents anticancéreux avec ou sans embolisation avec de la gélatine, versus un traitement conservateur. En moyenne, dans le groupe embolisation, les patients ont reçu 1,9 séance. La médiane de survie pour l’ensemble de la population était de 5,2 mois, avec un taux de SG de 18,3 % à 1 an et de 5,6 % à 2 ans. En revanche, la SG à 1 et 2 ans était supérieure dans le bras chimio-embolisation : respectivement 30,9 et 9,2 % versus 3,8 et 0 % dans le bras traitement conservateur. Il y a donc une nette amélioration de la survie avec la chimioembolisation intra-artérielle (p < 0,001). L’analyse des 2 sous-groupes – thrombose portale segmentaire ou complète – a confirmé le bénéfice de ce traitement (p ≤ 0,002), quelle que soit l’importance de la thrombose. En analyse multivariée, le type de traitement, la taille de la tumeur et le taux de bilirubine mais aussi l’étendue de la thrombose veineuse étaient des facteurs de pronostic indépendants (35). Il avait déjà été rapporté un bénéfice de l’acide rétinoïque, notamment par Y. Muto et al. en 1996 (36). Plusieurs arguments suggèrent que l’interruption des voies de transduction des rétinoïdes, en particulier via les récepteurs à l’acide rétinoïque (RAR), pourrait jouer un rôle dans la carcinogenèse, en particulier hépatocellulaire. En effet, il a été montré, par exemple, que RAR β agissait comme gène suppresseur de tumeur dans certaines lignées cellulaires. Ces résultats suggèrent qu’un traitement par les rétinoïdes pourrait modifier la prolifération ou la différenciation de certains types de cellules tumorales. L’approche clinique a montré que ce dérivé avait un effet préventif sur l’apparition de nouvelles tumeurs après hépatectomie pour carcinome hépatocellulaire (CHC). En effet, l’incidence des récidives sur le foie restant après hépatectomie partielle pour CHC était significativement diminuée après 12 mois de traitement, par rapport à des patients non traités (27 versus 49 %), et ce avec un suivi de 38 mois. Il faut donc souligner les résultats de la phase II-III randomisée et contrôlée évaluant l’effet de l’acide rétinoïque (peretinoin [Per]) sur la récidive d’hépatocarcinome. L’analyse a concerné 401 patients avec hépatite C, au décours d’un traitement curatif de leur hépatocarcinome (chirurgie ou radiofréquence). Ces patients DOSSIER THÉMATIQUE avec cirrhose au maximum CHILD B étaient randomisés en 3 groupes selon la dose de Per (600 ou 300 mg/j) et le placebo. L’objectif primaire était celui de la survie sans récidive. En considérant le risque de récidive à 30 % par an, et un HR compris entre 0,60 et 0,65, 180 à 200 événements étaient attendus. Les résultats finaux ont été présentés à l’ASCO et à l’ILCA (International Liver Cancer Association), confirmant les résultats de Y. Muto et al., avec une réduction du risque de récidive de 73 % à la dose de 600 mg/j et donc une réduction du risque de décès par rapport au groupe placebo (HR = 0,27 ; IC95 : 0,07-0,96). Néanmoins, ces résultats tout à fait encourageants, font penser que non seulement l’acide rétinoïque bloque la prolifération cellulaire déjà en cours en réduisant le risque et le temps jusqu’à récidive, mais agit probablement aussi sur la carcinogenèse de novo, en réduisant la rechute à distance. Cancer gastrique L. Teixeira**** En situation adjuvante Une méta-analyse récemment publiée dans le Journal of the American Medical Association (37) vient conforter le rôle de la chimiothérapie adjuvante dans le cadre du cancer gastrique. Si celle-ci est préconisée depuis plusieurs années, le bénéfice escompté était jusqu’ici difficilement quantifiable. Cette méta-analyse conduite par le groupe coopératif GASTRIC, la plus importante à ce jour, est fondée sur des données individuelles et prend en compte 17 essais prospectifs, regroupant 3 838 patients. Plusieurs types de chimiothérapie étaient pris en compte : monothérapies, à base de 5-FU avec mitomycine C sans anthracyclines, avec anthracyclines, polychimiothérapies, versus chirurgie seule. Les essais testant la radiothérapie, les stratégies néo-adjuvantes ou péri-opératoires, la voie intrapéritonéale ont été exclues. Le recul médian est de 7 ans dans les 2 groupes. Il existe un bénéfice en SG dans le groupe chimiothérapie adjuvante, quel que soit le type, avec un HR de 0,82 (IC95 : 0,76-0,90 ; p < 0,001), correspondant à une diminution du risque de décès de 18 %. La médiane de survie estimée est de 4,9 ans (IC 95 : 4,4-5,5) pour le groupe chirurgie seule versus 7,8 ans (IC95 : 6,5-8,7) pour le groupe recevant une chimiothérapie adjuvante. Le bénéfice absolu est de 5,8 % à 5 ans et de 7,4 % à 10 ans. Bien que portant sur des effectifs importants, cette méta-analyse n’a pu être faite que sur 17 des 31 essais éligibles (60 % des effectifs) essentiellement en raison de la non-communication par les auteurs des données, et ce malgré 5 relances. Les auteurs, X. Paoletti et al., ont néanmoins réalisé une analyse en intégrant les résultats issus des données publiées sans que cela modifie leurs conclusions. Les données de stratégies néo-adjuvantes, périopératoires associant la radiothérapie devraient, quant à elles, être connues cette année. En situation métastatique Les avancées concernent essentiellement le sous-groupe des adénocarcinomes gastriques et de la jonction œso-gastrique surexprimant HER2/ErbB2, qui représentent 20 % des cas. Les résultats définitifs de l’étude ToGA (trastuzumab for gastric cancer) ont été publiés en 2010 (38). Au total, 594 patients ont été inclus : 298 patients dans le bras associant 6 cycles de chimiothérapie à base de 5-FU (i.v. ou capécitabine) + cisplatine avec trastuzumab poursuivi jusqu’à progression ; 296 dans le bras chimiothérapie seule. Le critère de surexpression de HER2 était défini par un score en immunohistochimie 3+ et/ou une amplification génique détectée en FISH (Fluorescent In Situ Hybridization). La médiane de survie était de 13,8 mois (IC95 : 12-16) dans le bras avec trastuzumab versus 11,1 mois (IC 95 : 10-13) dans le bras chimiothérapie seule, avec un HR de 0,74 (IC95 : 0,60-0,91 ; p = 0,0046). Le taux de réponse et la médiane de SSP étaient respectivement de 47 versus 35 % et de 6,7 versus 5,5 mois dans le groupe avec trastuzumab versus chimiothérapie seule. Une analyse a posteriori a été réalisée selon le niveau d’expression de la protéine HER2, dans le sous-groupe avec une forte expression d’HER2 (IHC 2+ et FISH+ ou IHC 3+) la SG était de 16 versus 11,8 mois dans le groupe chimiothérapie seule. Les toxicités ont été comparables dans les 2 groupes et sont celles attendues. Notons qu’il n’y a pas eu de diminution de la fonction ventriculaire gauche dans cette population non exposée aux anthracyclines dans cet essai. Dans les adénocarcinomes gastriques et de la jonction œso-gastrique surexprimant HER2/ErbB2, l’association 5-FU + cisplatine + trastuzumab semble donc être devenue le nouveau standard en situation métastatique. **** Service d’oncologie médicale, hôpital Saint-Antoine, Paris. La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 | 51 DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2010 Cancers digestifs Cancers de l’œsophage L. Teixeira**** Cancer de l’œsophage opérable radiochimiothérapie néo-adjuvante ou non ? **** Service d’oncologie médicale, hôpital Saint-Antoine, Paris. Retrouvez les références bibliographiques sur notre site internet www.edimark.fr Deux études de phase III présentées à l’ASCO se sont intéressées à l’intérêt d’une radiochimio­ thérapie néo-adjuvante dans le cancer de l’œsophage opérable avec des résultats contradictoires. La première menée par la Fédération francophone de cancérologie digestive (FFCD 9901) [39] a testé l’apport d’une radiochimiothérapie concomittante (RCT) de 45 Gy en 25 fractions en 5 semaines associée à 2 cycles de chimiothérapie par 5-FU (800 mg/­m² de J1 à J4) + cisplatine 75 mg/m² à J1 ou à J2 dans les stades I et II. Le critère principal de jugement était la SG. Cette étude a été interrompue après une analyse intermédiaire planifiée. En effet, s’il existait une morbidité postopératoire plus importante dans le bras chirurgie seule (49,5 %) que dans le bras RCT (43,9 %), la mortalité postopératoire à 30 jours était plus élevée dans le groupe RCT préopératoire (7,3 versus 1,1 % pour la chirurgie seule ; p = 0,054), bien que statistiquement non significative. La survie médiane était, respectivement, de 43,8 et 31,8 mois dans le groupe chirurgie seule et RCT préopératoire. Dans cette étude, dont le suivi a été en médiane de 5,3 ans, la RCT préopératoire des cancers de l’œsophage de stades I et II, n’a pas amélioré la SG et semble augmenter la mortalité postopératoire. L’étude CROSS (40), menée en Hollande, a testé l’apport d’une radiochimiothérapie néo-adjuvante par paclitaxel (50 mg/m²) + carboplatine (ASC 2) hebdomadaire associée à une radiothérapie externe de 41,4 Gy délivrée en 23 fractions suivie d’une chirurgie, versus chirurgie seule. Le total de 363 patients inclus est l’un des effectifs les plus importants pour ce type d’étude. Le suivi a été de 32 mois en moyenne et les résultats sont nettement en faveur de la radiochimiothérapie néo-adjuvante avec une médiane de survie augmentée (49 versus 26 mois pour la chirurgie seule), sans augmentation de la morbi-mortalité. Les effets secondaires étaient acceptables. Des différences notables dans ces 2 études, notamment dans la population étudiée étaient observées dans la seconde étude, 75 % des patients étaient classés T3 N0 ou N1, versus 30 % de T3 N0 dans l’étude FFCD 9901 qui n’incluait pas de T3 N1. Les différences étaient également relatives à la 52 | La Lettre du Cancérologue • Vol. XX - n° 1 - janvier 2011 répartition des types histologiques, qui recensait 75 % de cas d’adénocarcinomes dans l’étude CROSS et, à l’inverse, 70 % de carcinomes épidermoïdes dans l’étude FFCD 9901, cette dernière s’intéressant principalement aux patients ayant des “petits stades”, essentiellement épidermoïdes dont l’intérêt de la radiochimiothérapie est plus discuté. Notons que dans l’étude FFCD 9901, le taux de mortalité postopératoire dans le bras expérimental paraît élevé, alors que dans l’étude CROSS la survie à 3 ans du groupe chirurgie seule semble particulièrement élevée (48 %) pour la population sélectionnée. Cancer du pancréas métastatique : FOLFIRINOX, un nouveau standard ? L. Teixeira**** L’année 2010 aura été celle de la présentation des résultats d’une étude de phase III positive en SG dans l’adénocarcinome du pancréas métastatique. T. Conroy et al. (41) ont ainsi présenté les résultats de l’essai français PRODIGE 4/ACCORD 11 comparant l’association FOLFIRINOX (oxaliplatine, irinotécan et 5-FU) à la gemcitabine en monothérapie, bras de référence, faisant suite à la phase II précédemment publiée (42). Le critère d’évaluation principal était la SG. Dans le bras expérimental FOLFIRINOX, la SG était significativement augmentée (médiane : 11,1 versus 6,8 mois), avec 48,4 % de survivants à 1 an versus 20,6 % dans le bras gemcitabine. Le taux de réponse objective (31 versus 9,4 %) et la SSP médiane (6,4 versus 3,3 mois) étaient plus importants dans le bras expérimental. Le FOLFIRINOX est le premier traitement ne contenant pas de gemcitabine, à prolonger de façon significative la SG et à atteindre une médiane de plus de 11 mois. Notons que dans cette étude, seuls les patients ayant un bon état général étaient inclus (PS 0-1 et un taux de bilirubinémie inférieur à 1,5 N). La toxicité est plus importante avec le FOLFIRINOX, avec 46 % de neutropénies de grade 3-4 (dont 5,4 % de neutropénies fébriles versus 4 % dans le bras gemcitabine). Les cancers de la tête du pancréas étaient sous-représentés dans cette cohorte (un tiers de l’effectif), avec donc moins d’obstruction des voies biliaires et moins de complications entraînées par celles-ci. Le protocole FOLFIRINOX pourrait devenir le traitement de référence des adénocarcinomes du pancréas métastatiques ayant un bon indice de performance. ■ DOSSIER THÉMATIQUE Rétrospective 2010 Cancers digestifs Références bibliographiques (suite de la p.52) 1. Alberts SR, Sargent DJ, Smyrk TC et al. Adjuvant mFOLFOX6 with or without cetuxiumab (Cmab) in KRAS wild-type (WT) patients (pts) with resected stage III colon cancer (CC): results from NCCTG Intergroup Phase III Trial N0147. J Clin Oncol 2010;28(18):abstr. CRA 3507. 2. Goldberg RM, Sargent DJ, Thibodeau SN et al. 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