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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no6 - novembre-décembre 2003
P
armi les nouveautés de l’année 2003, il faut souligner,
dans le cancer prostatique, les résultats de l’étude de
prévention par le finastéride, le développement du
dépistage (prôné par l’AFU), expliquant l’intérêt tout particulier
de la mise à jour des études concernant la mortalité spécifique,
les données tardives de l’hormonothérapie adjuvante, la confir-
mation des résultats du docétaxel dans les formes hormono-
résistantes. Dans les cancers de la vessie, la chimiothérapie néo-
adjuvante refait parler d’elle avec la publication de l’essai du
SWOG (enfin…) et d’une méta-analyse confirmant un avantage
de 5 % en termes de survie. Dans les formes graves des cancers
du testicule, après l’échec des intensifications terminales, les trai-
tements s’orientent plus vers des intensifications itératives, des
schémas dose-denses et l’introduction de nouvelles drogues. Dans
les cancers du rein, en attendant le début en Europe des études
avec le bevacizumab (anticorps anti-VEGF), les nouveautés
concernent surtout les données moléculaires…
CANCER DE LA VERGE
Culkin et al. (1) ont publié dans le Journal of Urology un excel-
lent article concernant l’histoire naturelle et la prise en charge des
cancers de la verge, qui représentent aux États-Unis 0,4 % des
cancers de l’homme et 2 à 4 % des cancers génito-urinaires.
Trente pour cent sont diagnostiqués à un stade avancé. Il y est
notamment discuté du problème crucial de la place et du type de
lymphadénectomie (qui reste controversée dans les tumeurs sans
atteinte ganglionnaire clinique), de la radiothérapie et de la chi-
miothérapie (dont les résultats restent modestes), en insistant sur
la nécessité d’optimiser les applications de nouvelles stratégies
dans le cadre d’études multicentriques et internationales.
CANCER DE LA VESSIE
FGFR3
Les mutations du FGFR3 (fibroblast growth factor receptor 3)
sont très fréquentes dans les cancers urothéliaux de la vessie bien
différenciés. Une équipe hollandaise (2) a étudié la relation entre
le statut de FGFR3 étudié par PCR-SSCP (polymerase chain
reaction-single strand conformation) et trois marqueurs molé-
culaires associés à un mauvais pronostic (MIB-1, P53, P27kip1)
évalués en immunohistochimie dans une étude multicentrique de
286 patients présentant une tumeur primaire de la vessie (au dia-
gnostic initial). Le suivi moyen était de 5,5 ans. Des mutations
de FGFR3 ont été détectées dans 172 cas (60 %) ; les tumeurs de
grade 1 présentaient des mutations dans 88 % des cas, et celles
de grade 3 dans seulement 16 % des cas. À l’inverse, une expres-
sion aberrante de MIB-1, p53, P27kip1 était constatée dans 5 %,
2 % et 3 % des tumeurs de grade 1, et dans 85 %, 60 % et 56 %
des tumeurs de grade 3. En analyse multivariée, la combinaison
du statut de FGFR3 et de l’expression du marqueur de proliféra-
tion MIB-1 (KI67) est un facteur pronostique indépendant pour
le taux de rechute, la progression et la survie sans récidive. On
peut distinguer trois groupes différents : mG1 de bon pronostic
(FGFR3 muté, MIB-1 bas), mG2 de pronostic intermédiaire
(FGFR3 muté, MIB-1 élevé ou FGFR3 sauvage, MIB-1 bas), et
mG3 de mauvais pronostic (FGFR3 sauvage, MIB-1 élevé).
Instabilité des microsatellites dans les carcinomes
urothéliaux du haut appareil
Les carcinomes urothéliaux du haut appareil peuvent se déve-
lopper avec une fréquence élevée chez les patients présentant un
syndrome de HNPCC (hereditary nonpolyposis colorectal can-
cer). Une équipe française (3) a étudié l’instabilité génétique
d’une série de 26 tumeurs urothéliales du haut appareil (micro-
satellites, pertes d’hétérozygotie à l’aide de cinq marqueurs de
microsatellites) et a détecté des taux élevés d’instabilité de micro-
satellites (46 %) et de perte d’hétérozygotie (58 %), ce qui n’est
pas constaté dans les tumeurs vésicales.
Les tumeurs superficielles
Une étude de phase I de gemcitabine intravésicale (4) a pu mon-
trer qu’une dose de 2 g/m2/sem. diluée dans 50 à 100 cc, main-
tenue deux heures, est bien tolérée ; l’absorption systémique est
minimale et l’efficacité prometteuse.
Cystectomie radicale
L’équipe de Berne (5) a présenté les résultats d’une série consé-
cutive, homogène sans traitement néoadjuvant, de 507 patients
présentant une tumeur sans atteinte ganglionnaire ou métastatique
sur le bilan préopératoire, traités par cystectomie radicale entre
1985 et 2000. Avec un suivi moyen de 45 mois (1,1-176 mois),
TUMEURS UROLOGIQUES
Vessie : chimiothérapie néoadjuvante…
une nouvelle référence ?
P. Beuzeboc*
* Service oncologie Pr Pouillart, Institut Curie, 75005 Paris.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no6 - novembre-décembre 2003
les taux de survie sans récidive et de survie globale étaient res-
pectivement de 73 % et 62 % pour les patients avec une tumeur
confinée à la vessie sans atteinte ganglionnaire (n = 217, pT2
N0) et 56 % et 49 % pour les tumeurs non confinées à l’organe
sans atteinte ganglionnaire (n = 166, > pT2 N0).
Une atteinte ganglionnaire a été retrouvée dans 124 cas (24 % des
patients qui ont une survie sans rechute à 5 ans de 33 % et une
survie globale à 5 ans de 26 %). Le taux de récidive locale était
de 3 % pour les tumeurs pT2 N0, de 11 % pour celles > pT2
N0 et de 13 % pour les tumeurs N+. En conclusion, la survie sans
récidive de cette cohorte était de 56 % à 5 ans.
Délai de la cystectomie
Le retard à la chirurgie est associé avec un stade avancé plus
important, notamment quand la cystectomie est réalisée plus de
90 jours après la RTU, comme l’ont montré deux études améri-
caines : la première (5) à partir de données sur 303 patients (81 %
de stade pT3 versus 52 % quand délai > 90 jours, p = 0,01), la
deuxième (6) à partir de l’analyse de 290 patients (84 % de stade
pT3 ou N+ versus 48,2 % quand délai > 12 semaines).
Chimiothérapie néoadjuvante
Trois articles importants sont à prendre en considération.
L’excellente revue générale publiée par l’équipe du Princess
Margaret Hospital dans le Lancet Oncology (8) qui fait le point
sur la chimiothérapie des cancers invasifs et insiste sur le fait que
les essais récents montrent une tendance à l’amélioration en sur-
vie quand une chimiothérapie optimale est utilisée, et sur le rôle
de marqueurs moléculaires pour sélectionner les patients pouvant
en bénéficier.
Les résultats de l’étude du SWOG (9) ont “enfin” été publiés
dans le New England Journal of Medicine. Trois cent dix-sept
patients présentant une tumeur invasive T2-T4a (stratifiés en
fonction de l’âge et de T) ont été randomisés entre trois cycles
de MVAC néoadjuvant avant cystectomie (n = 153) et cystecto-
mie (n = 154). Tenant compte des critiques méthodologiques
exprimées lors de la présentation initiale à l’ASCO et à l’AUA,
les données rapportées en intention de traitement montrent une
amélioration de la médiane de survie de 46 mois avec la chirur-
gie seule à 77 mois avec la chimiothérapie néoadjuvante à la
limite de la signification statistique en utilisant un test bilatéral
(p = 0,06). Trente-huit pour cent des patients traités par MVAC
(versus 15 %) ne présentaient pas de tumeur résiduelle sur la
pièce de cystectomie.
Rappelons que l’autre critique principale concernait la durée
d’inclusion étalée sur 11 ans, source de biais de sélection poten-
tiels…
Surtout la publication dans le Lancet de la meta-analyse (10)
à partir de données individuelles actualisées de dix essais rando-
misés de chimiothérapie néoadjuvante portant sur 2 688 patients
(il faut signaler que les données de l’essai du SWOG ne font pas
partie de la méta-analyse !). Une chimiothérapie à base de pla-
tine apporte un bénéfice significatif (HR : 0,87, IC95 : 0,78-0,98 ;
p = 0,016) en survie globale, avec un bénéfice absolu de 5 % à
5 ans (passant de 45 % à 50 %). Cet effet est observé quel que
soit le traitement local, il ne varie pas en fonction de sous-groupes.
En cas d’utilisation d’une chimiothérapie par platine seul, la dif-
férence n’est pas significative (p = 0,084).
Et Stadler (11), dans l’éditorial, de reposer le problème : faut-il
positionner la chimiothérapie néoadjuvante comme standard ?
Signalons enfin un article de Sternberg et al. (12) sur la possibi-
lité de sélectionner les patients pouvant bénéficier d’une approche
conservatrice basée sur la réponse à la chimiothérapie. Sur une
série rétrospective de 104 patients présentant une tumeur inva-
sive T2-4 N0M0, traitée par trois cycles de MVAC néoadjuvant,
dont 41 (49 %) étaient T0 lors de la RTU post-chimiothérapie, il
a été rapporté que 31 patients traités par chimiothérapie et RTU
seule étaient vivants avec une médiane de suivi de 56 mois, 23
maintenant une vessie normale. Sur les 13 patients répondant
avec des lésions focalisées traitées par cystectomie partielle, un
seul a eu une cystectomie de sauvetage ; le taux de survie à 5 ans
dans ce groupe était de 69 %. Pour les 27 patients âgés de plus
de 70 ans, le taux de survie à 5 ans a été de 67 %, avec un taux
de conservation de 47 %.
La chimiothérapie des formes avancées
Hussain et al. ont fait le point dans le Lancet Oncology (13) sur
l’état de l’art et les études en cours, notamment celle de
l’EORTC, qui compare l’association de paclitaxel, gemcitabine
et cisplatine au schéma classique d’AMM de gemcitabine et de
cisplatine, ainsi que sur les perspectives concernant l’introduc-
tion du trastuzumab pour les formes surexprimant HER2. Un
essai multicentrique de phase II randomisé comparant une chi-
miothérapie par gemcitabine-platine avec ou sans trastuzumab
dans les formes surexprimant HER2 vient de débuter en France.
Nouvelles combinaisons de chimiothérapie
Concernant la place des taxanes, deux études randomisées
ont été présentées à l’ASCO.
L’essai multicentrique randomisé du Groupe coopératif onco-
logique hellénique (14) a inclus entre juin 1997 et mai 2003
224 patients, PS 2, présentant un cancer de vessie inopérable
ou métastatique, traités soit par MVAC (109 patients), soit par
docétaxel (75 mg/m2) et cisplatine (75 mg/m2) toutes les trois
semaines avec du G-CSF (111 patients). L’analyse a porté sur
201 patients (DC = 104, MVAC = 97) avec une stratification en
fonction des métastases viscérales et d’une éventuelle chimio-
thérapie néoadjuvante ou adjuvante. Le taux de réponse (55,4 %
versus 36,8 %, p = 0,018), le temps médian jusqu’à progression
(10,59 mois versus 6,43 mois, p = 0,0008) et la médiane de
survie (14,26 mois versus 9,61 mois, p = 0,031) se sont révélés
significativement supérieurs avec le MVAC.
L’essai de phase III de l’ECOG (15) comparant le MVAC à
l’association paclitaxel (225 mg/m2en 3 heures)-carboplatine
(AUC 6) tous les 21 jours n’a pu inclure que 85 patients entre sep-
tembre 1998 et juin 2001, et a été arrêtée prématurement de ce
fait. Aussi ne permet-il pas de conclure en termes de survie. Tout
au plus peut-on relever respectivement pour le MVAC et l’asso-
ciation paclitaxel-carboplatine des taux de réponse de 35,9 %
TUMEURS UROLOGIQUES
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no6 - novembre-décembre 2003
(IC95 : 21,2-52,8 %) et 28,2 % (IC95 : 15-44,9 %) (p = 0,63), des
durées de réponse de 8 mois et 11,3 mois (p = 0,48), des survies
sans progression de 8,7 mois et 5,2 mois (p = 0,24) et des survies
globales de 15,4 mois et 13,8 mois.
Concernant l’intérêt potentiel de l’oxaliplatine. On peut
conclure à son inefficacité en deuxième ligne, comme l’a mon-
tré une étude de phase II rapportée à l’ASCO (16) de 20 patients
prétraités par une chimiothérapie à base de cisplatine (11 cispla-
tine-sensibles, 9 cisplatine-résistants), avec une seule RO sur
18 patients évaluables avec un traitement d’oxaliplatine à la dose
de 130 mg/m2/21 jours.
Des études sont activées en première ligne chez des patients unfit
(du fait de leur PS ou de leur clairance rénale) en combinaison
avec la gemcitabine (GEMOX) ; une étude de faisabilité réalisée
chez 20 patients traités deux fois par mois à la dose de
1 500 mg/m2de gemcitabine et de 85 mg/m2d’oxaliplatine vient
d’être publiée par S. Culine et al. (17).
CANCER DU TESTICULE ET TUMEURS GERMINALES
MÉDIASTINALES
Épidémiologie : augmentation de l’incidence des cancers
du testicule dans le monde
Il faut saluer le remarquable travail de synthèse sur l’augmenta-
tion de l’incidence des cancers du testicule dans le monde, effec-
tué par une équipe toulousaine (18) à partir de trente articles
sélectionnés sur 441 études publiées entre 1980 et 2002. Il existe
une augmentation évidente de l’incidence dans les trente dernières
années dans la majorité des pays industrialisés d’Amérique du
Nord, d’Europe et d’Océanie. On y apprend que le Danemark
détient “le record” (9,2/100 000), qu’il existe des différences
importantes pour des pays pourtant voisins (0,9 et 2,8/100 000
respectivement pour la Lituanie et pour la Finlande versus
8,5/100 000 pour la Norvège), dans différentes régions du même
pays (2,8 à 7,9/100 000 entre différents registres en France) ou
entre différents groupes ethniques (taux plus élevés chez les
Blancs que chez les Noirs aux États-Unis, chez les Maoris en Nou-
velle-Zélande…). Cela laisse supposer des facteurs favorisants
environnementaux, alimentaires, hormonaux, mais aussi peut-être
génétiques…
POUF5F1 (OCT3/4) identifie les cellules avec un potentiel
pluripotent dans les tumeurs testiculaires
POUF5F1 (encore appelé OCT3/4) est un facteur transcription-
nel de la famille POU qui est exprimé dans les cellules pluripo-
tentes embryonnaires et germinales murines et humaines.
L’expression de ce gène subit une down-regulation durant la
différenciation.
Looijenga et al. (19) ont recherché en IHC l’expression de ce gène
dans différents types de tumeurs germinales et dans plus de cent
différents types de tumeurs (pour un total de 3 600 cancers indi-
viduels). Ils ont montré que l’expression de POUF5F1 est spéci-
fique de certains sous-types de tumeurs germinales, la protéine
étant constamment détectée dans les CIS, les gonadoblastomes,
les séminomes, les germinomes, les dysgerminomes (cérébraux)
et les carcinomes embryonnaires ou non, dans les autres formes
de tumeurs germinales de l’adulte (tératomes, yolk sac tumor,
choriocarcinome), au niveau des tubes séminifères et dans les
autres types de cancers. Ces tumeurs exprimant POUF5F1
seraient seules capables de générer des cellules souches pluripo-
tentes. Fait important, il n’a pas été retrouvé de différence
d’expression entre les cellules chimiosensibles et les cellules chi-
miorésistantes. Les auteurs ont conclu que la recherche de
POUF5F1 en IHC constitue le marqueur immunohistochimique
le plus informatif pour identifier du CIS, une aide à la recherche
de la présence de cellules pluripotentes, et qu’elle ouvre de nou-
velles perspectives d’analyse de ces tumeurs hétérogènes.
L’aneuploïdie des tumeurs germinales du testicule
est associée à des amplifications des centromères
L’aneuploïdie des cellules germinales non néoplasiques a été
démontrée dans le contexte d’infertilité comme un facteur de
risque des séminomes. Mayer et al. (20) ont montré que les
tumeurs séminomateuses et non séminomateuses (CIS compris)
aneuploïdes avaient un nombre élevé de centromères, sans que
cela semble en rapport avec une surexpression de STK15.
Vers une compréhension des bases biologiques
de l’efficacité du cisplatine
Des données récentes ont souligné la nécessité de rechercher des
causes à la chimiosensibilité des tumeurs germinales au cispla-
tine autres que le simple postulat d’un taux intrinsèque élevé de
p53 sauvage. Elles s’orientent vers une explication multifacto-
rielle incluant un défaut des pompes d’efflux extramembranaire,
un bas niveau d’activité GST (glutathione-S-transferase), une
incapacité de détoxifier le cisplatine et de réparer les dommages
induits au niveau de l’ADN, une cascade apoptotique intacte non
modifiée par les stimuli antiapoptotiques (21). Même si aucun
facteur de résistance uniforme pertinent n’a été identifié chez les
patients réfractaires, un certain nombre de cas pourraient être
secondaires à des altérations de voies de réparation de l’ADN
(DNA mismatch repair pathway) entraînant une instabilité des
microsatellites… Le phénotype résistant du tératome mature est
sans doute induit par les modifications de l’expression de diffé-
rents gènes impliqués dans la différenciation.
Expression de KIT et EGF-R dans les cancers réfractaires
à la chimiothérapie
Les différences d’expressions moléculaires entre les tumeurs chi-
miosensibles et les tumeurs chimiorésistantes ne sont pas
connues. L’équipe d’Indianapolis (22) s’est intéressée à l’expres-
sion de KIT et EGF-R en immunohistochimie dans une popula-
tion de 23 cancers réfractaires à la chimiothérapie. KIT était sur-
exprimé (10 % des cellules tumorales) dans 11 cas (48 %, IC95 :
26-68 %) sans aucune mutation dans le domaine phosphoryl-
transférase (exon 17) retrouvée sur les 21 tumeurs analysées, et
EGF-R était surexprimé (1+ à 3+) dans 15 cas (65 %, IC95 :
41-82 %). L’intérêt potentiel de ces données sera déterminé par
des essais en cours.
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no6 - novembre-décembre 2003
Facteurs de risque de récidive dans les TGNS de stade I
Approximativement un quart des TGNS de stade I ont des méta-
stases lombo-aortiques au curage ganglionnaire, et 10 % des
patients vont en outre développer des métastases autres que rétro-
péritonéales au cours de la surveillance. Depuis 1996, le German
Testicular Cancer Study Group (23) a étudié prospectivement les
facteurs de risque de récidive des TGNS de stade I afin d’orien-
ter au mieux les décisions thérapeutiques pour réduire les mor-
bidités, sachant qu’environ 99 % de ces patients traités par curage
(plus chimiothérapie si nécessaire), chimiothérapie adjuvante
deux cycles ou surveillance avec chimiothérapie de rattrapage
seront guéris. L’évaluation finale concernant 165 patients ran-
domisés traités par un curage lombo-aortique et suivis plus d’un
an (médiane 34,5 mois) a montré que 27,9 % présentaient un stade
II pathologique. Seuls 0,6 % des patients de stade I confirmé ont
rechuté en lombo-aortique. L’invasion vasculaire est le facteur
prédictif le plus fort de stade en analyse multivariée (65,1 %). La
valeur prédictive positive des emboles vasculaires pour prédire
une maladie métastatique ou une rechute est de 52,7 %. En
l’absence d’invasion vasculaire pour les patients à bas risque, la
valeur prédictive négative est de 76,9 %. Avec une combinaison
d’autres facteurs de risque (pourcentage de carcinome embryon-
naire < 50 %, MIB-1 < 70 %, taux de prolifération), celle-ci
atteint 86,5 %.
BEP ou VIP
L’actualisation des résultats à distance avec un suivi médian de
7,3 ans de l’essai de l’ECOG E3887, comparant quatre cycles de
BEP à quatre cycles de VIP, sur 286 patients évaluables reclas-
sés suivant les critères pronostiques de l’IGCCCG, a montré des
survies sans progression et globales comparables, que ce soit
pour les groupes à bon pronostic, pronostic intermédiaire ou mau-
vais pronostic (24). Le BEP reste la référence.
Traitement optimal des TGNS à bon pronostic.
Trois BEP ou quatre EP ?
S. Culine et al. (25) ont présenté à l’ASCO les résultats tardifs
de l’essai randomisé du GETUG, comparant, dans les tumeurs
germinales non séminomateuses classées à bon pronostic selon
la classification pronostique de l’IGR utilisée à l’époque, trois
cycles de BEP (suivant le schéma classique d’Indianapolis) à
quatre cycles d’EP. Deux cent soixante-dix patients ont été inclus
entre octobre 1993 et mai 1999. Rétrospectivement, 6 patients ont
été identifiés à mauvais pronostic depuis la nouvelle classifica-
tion internationale de l’IGCCCG. Avec un suivi médian de
51 mois, la survie sans événement à 4 ans est de 88 % dans le
bras BEP (14/131) et de 84 % (23/126) dans le bras EP. La sur-
vie globale n’est pas signicativement différente (96 % versus
92 % respectivement). L’effectif de l’étude n’est pas suffisant (il
aurait fallu 406 patients) pour atteindre la signification statis-
tique ; néanmoins, il apparaît logique de recommander 3 BEP
comme le standard des formes à bon pronostic.
Chimiothérapie intensive avec support de cellules souches
Margolin et al. (26) ont consacré une revue générale à l’intérêt
potentiel de la chimiothérapie intensive (qui n’a jamais fait la
preuve de son efficacité dans une étude de phase III), en discu-
tant sa place chez des patients mieux sélectionnés lors du traite-
ment initial et lors des récidives, l’évolution vers des intensifi-
cations itératives et l’introduction de nouvelles drogues avec des
schémas dose-denses…
Tumeurs germinales primitives du médiastin
Bokemeyer et al. (27) ont rapporté les résultats d’un essai mul-
ticentrique allemand ayant inclus 28 patients avec une TGNS
médiastinale primitive traités par une chimiothérapie de pre-
mière ligne par trois à quatre cycles de VIP intensifié avec réin-
jection de cellules souches périphériques (CSP) et G-CSF. Un
premier cycle utilisait du VIP à doses conventionnelles pour
le prélèvement des CSP ; les autres cycles ont utilisé une esca-
lade de doses (V de 1 000 à 1 750 mg/m2, I de 8 000 à 12 000
mg/m2, C de 100 à 150 mg/m2par cycle). Dix patients présen-
taient une localisation médiastinale isolée (36 %), les autres
étaient métastatiques (poumons : 17, foie : 7, os : 5, adénopa-
thies : 3, SNC : 3). Avec une médiane de follow-up de 43 mois,
une RC a été obtenue chez 19 patients (11 par chimiothérapie
seule, 8 avec chirurgie complémentaire). Les survies sans pro-
gression et globale à deux ans sont respectivement de 64 % et
68 %. Ces résultats sont environ supérieurs en survie de 15 %
à ceux de la base de données internationale de 253 TGNS
traités de façon conventionnelle.
Séminomes avancés
L’équipe de l’IGR (28) a revu les données de 145 hommes atteints
de séminomes avancés traités par une première ligne de chimio-
thérapie à base de platine. Une réponse complète a été obtenue
dans 130 cas (90 %), la survie globale à 5 ans étant de 81 %
(IC95 : 73-87 %). La présence de métastases viscérales non pul-
monaires au diagnostic était le seul facteur de mauvais pronos-
tic. La survie était de 7 % (IC95 : 1-32 %) en cas de métastases
hépatiques ou cérébrales versus 58 % (33-79 %) en cas de méta-
stases ganglionnaires, pulmonaires ou osseuses. Les 12 patients
avec un séminome médiastinal étaient tous vivants à long terme.
Traitement de rattrapage après chimiothérapie intensive
avec support de CSP de première ligne, intérêt de la reprise
d’une chimiothérapie associée à une chirurgie optimale
Bokemeyer et al. (29) ont repris les 58 patients en rechute (20 %)
d’une série consécutive de 258 patients à mauvais pronostic trai-
tés en première intention par plusieurs cycles de VIP à fortes doses
avec support de CSP. La médiane de PFS suivant la chimiothé-
rapie initiale était de 9 mois (0-62 mois). Les traitements de rat-
trapage ont consisté en une deuxième chimiothérapie intensive
avec CSP (24 %), une chimiothérapie standard à base de platine
(33 %), une chimiothérapie sans cisplatine (28 %). Sur les
18 patients vivants, 14 sont toujours en réponse complète. En ana-
lyse univariée, l’utilisation d’une chimiothérapie intensive (sur-
vie à 2 ans : 48 % ; p = 0,03), l’exérèse chirurgicale complète des
masses résiduelles (survie à 2 ans : 42 % ; p = 0,015) et la réponse
favorable au traitement de rattrapage (survie à 2 ans : 31 % ;
p = 0,014), étaient les seules variables associées à une améliora-
tion de la survie.
TUMEURS UROLOGIQUES
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La Lettre du Cancérologue - Volume XII - no6 - novembre-décembre 2003
Rechutes tardives
Les rechutes survenant au-delà de deux ans sont rares (2-3 %),
de localisations essentiellement rétropéritonéales et pulmonaires,
avec comme marqueur le plus souvent élevé l’alphafœtoprotéine.
Elles sont le plus souvent chimiosensibles, mais rarement curables
par chimiothérapie seule, et la place de la chirurgie est essentielle.
George et al. (30) ont rapporté les données d’une série de
83 patients (médiane d’intervalle avec la tumeur primitive
85 mois : 25-366 mois). En raison du faible nombre de spécimens
étudiés, aucune conclusion ne peut être tirée des analyses molé-
culaires. Soixante-neuf des 81 patients traités (85,2 %) sont entrés
en rémission, durable pour 38 d’entre eux (46,9 %) avec une
médiane de suivi de 24,5 mois.
Complications cardiovasculaires tardives
de la chimiothérapie
Huddart et al. (31) ont rapporté chez les “longs survivants”, à par-
tir d’une analyse de 992 patients traités par chimiothérapie entre
1982 et 1992 (suivi médian de 10,2 ans), 68 événements cardio-
vasculaires dont 18 décès, soit un risque deux fois supérieur à
celui d’une population témoin sans que cela soit en rapport avec
une augmentation des facteurs de risque cardiovasculaires.
Activité physique chez les longs survivants
après chimiothérapie
(32)
Les mécanismes responsables de l’augmentation rapportée des
pathologies cardiovasculaires à distance des chimiothérapies ne
sont pas clairs. L’hypothèse d’une baisse de l’activité physique
a fait l’objet d’une vaste étude norvégienne. Thorsen et al. (33)
ont comparé une population de 1 276 cancers du testicule divi-
sés en trois groupes (chirurgie seule, suivie de radiothérapie ou
de chimiothérapie à base de cisplatine) à 20 391 sujets témoins.
Paradoxalement, les résultats ont montré que l’antécédent de can-
cer du testicule avait tendance à augmenter plutôt qu’à diminuer
le niveau d’activité physique indépendamment du traitement reçu.
S’agit-il d’un “effet Amstrong” ou d’une spécificité norvé-
gienne ?…
Curage systématique pour des masses minimes résiduelles
après chimiothérapie de TGNS ?
L’équipe d’Oslo (34) défend la poursuite du principe de curage
systématique, les données histologiques montrant, dans une série
de 87 patients traités entre 1990 et 2000 avec marqueurs néga-
tifs après chimiothérapie et masses résiduelles de 0-2 cm, la pré-
sence d’un tératome dans 26 % des cas (n = 23) et celle de cel-
lules viables dans 7 % des cas (n = 6). Il faut préciser que 3 cas
sur 6 étaient des patients traités dans un protocole avec carbo-
platine. Cette attitude n’est pas celle de beaucoup d’équipes, qui
posent les indications à partir de masses résiduelles > 1 cm.
Il faut dire que la mobilité des jeunes Norvégiens, notamment à
l’étranger, rend la surveillance au long cours plus difficile.
Chirurgie des métastases
Une revue générale (35) a refait le point de l’évolution des pra-
tiques dans les masses résiduelles des TGNS et des séminomes
(où les indications sont plus rares), les rechutes tardives, les
lésions non contrôlées par la chimiothérapie, les techniques de
préservation nerveuse et la chirurgie sous cœlioscopie. Dans
l’expérience du German Testicular Group (36) concernant le
curage ganglionnaire de 239 patients présentant une TGNS de
stade I, l’éjaculation antérograde a été préservée dans 93,3 % des
cas. Kesler et al. (37) ont publié les résultats concernant
268 patients opérés de métastases médiastinales. Au plan histo-
logique, les masses résiduelles post-chimiothérapie correspon-
daient dans 15 % des cas à de la nécrose, dans 59 % à du téra-
tome, dans 15 % à des cellules de TGNS viables et dans 11% à
des cellules tumorales non germinales. Les survies globales à 5
et 10 ans étaient de 86 % (+ 2) et de 74 % (+ 4). En analyse mul-
tivariée, la survie spécifique était négativement influencée par le
taux préopératoire de βHCG et par la persistance de lésions
actives sur la pièce opératoire.
VIH et tumeurs testiculaires
Il est apparu récemment que les tumeurs germinales du testicule,
et plus précisément les séminomes, étaient plus fréquents chez
les sujets VIH+. Powles et al. (38) ont rapporté une étude multi-
centrique de 35 cas, 26 séminomes (74 %) et 9 TGNS (26 %). Le
nombre médian de CD4 était de 315/mm3(90-960). Soixante
pour cent étaient de stade I. Trois patients sont décédés de l’évo-
lution de leur tumeur et 7 de leur sida (taux de survie globale à
deux ans de 81 %). Le nombre de séminomes apparaît plus élevé
que dans une population appariée, avec un risque relatif de 5,4
(IC95 : 3,35-8,10). Il n’a pas été constaté de changement en inci-
dence depuis les trithérapies. Les auteurs ont conclu qu’il faut
prescrire le même traitement que pour les tumeurs survenant dans
la population séronégative, la mortalité étant essentiellement liée
au VIH.
Tumeurs rares. Place du curage ganglionnaire
dans les tumeurs malignes des cordons sexuels/stromales ?
L’équipe d’Indianapolis (39) a revu 17 patients (6 tumeurs à cel-
lules de Leydig, 4 tumeurs de Sertoli, 5 tumeurs des cordons
sexuels, une à cellule de la granulosa, une tumeur indifférenciée).
Après curage lombo-aortique, 9 patients étaient de stade I, 8 de
stade IIB-IIIA. Avec un suivi de 8 mois à 6 ans, sur les 8 patients
de stade IIB-IIIA, 6 sont morts de métastases en dépit d’une
radiothérapie et d’une chimiothérapie complémentaires. Les
auteurs ont conclu, bien que le rôle du curage chez les patients
avec un faible volume métastatique rétropéritonéal ne soit pas
clair, qu’il restait une option thérapeutique.
CANCER DU REIN
Classifications moléculaires
Après une récente revue anatomopathologique (40), voici une des
premières et plus complètes classifications moléculaires des can-
cers du rein, établie à partir de microarray de 19 968 cDNA (41).
Les grands types tumoraux (cellules claires, papillaire, chromo-
phobe, oncocytome, urothélial, Wilms) sont confirmés. De plus,
des sous-groupes peuvent être identifiés dans les cancers à cel-
lules claires avec une valeur pronostique.
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