Médecine & enfance Le dos douloureux de l’enfant et de l’adolescent J.P. Chaumien, chirurgie infantile, clinique CCBB, Boulogne-Billancourt Un dos douloureux peut être l’expression d’un petit dérangement rachidien bénin, comme il peut témoigner d’une pathologie rachidienne sous-jacente de gravité et de sévérité variables. Un examen clinique simple mais rigoureux permet de choisir avec discernement les examens complémentaires qui conduiront à un diagnostic étiologique précis. Ainsi, des conseils éclairés, un traitement adapté pourront être proposés. EXAMEN CLINIQUE L’interrogatoire précise la topographie des douleurs, les facteurs déclenchants, leur nature mécanique ou inflammatoire, leur ancienneté, leur évolutivité, ainsi que leur intensité. Cette évaluation est souvent difficile, d’autant plus que l’enfant est petit et que l’anxiété maternelle est grande ; elle est complétée par la recherche de facteurs familiaux particuliers, d’antécédents traumatiques ou infectieux récents. L’examen clinique comporte quatre éléments : présence ou non d’un syndrome infectieux ; présence ou non de signes neurologiques : évaluation de la force musculaire, des réflexes et de la sensibilité, recherche de signes d’irritation pyramidale, d’une déformation des pieds évoquant un dysfonctionnement nerveux ; présence ou non d’un syndrome rachidien : raideur considérable du rachis interdisant un enroulement normal lors de la flexion antérieure du dos ; présence ou non d’anomalies orthopédiques des membres inférieurs (certaines affections des membres inférieurs, comme l’épiphysiolyse de hanche, sont parfois sources de douleurs lombaires). Le dépistage d’un trouble de la statique (scoliose ou cyphose) est certes important, mais il doit être interprété avec prudence dans ce contexte douloureux. Les scolioses essentielles sont asymptomatiques, les cyphoses des syndromes de Scheuermann rarement douloureuses. EXAMENS COMPLÉMENTAIRES Des radiographies simples de face et de profil, centrées sur la zone douloureuse, ou segmentaires (rachis dorsal, puis rachis lombaire) si la topographie est incertaine, complètent cette première approche. Un examen biologique est indispensable si les douleurs évoluent dans un contexte fébrile. Très souvent, ce bilan clinique et radiologique est suffisant pour conduire à un diagnostic, ce qui rend strictement inutile le recours à des examens plus approfondis. Dans les cas où une incertitude étiologique persiste, les hypothèses diagnostiques orientent le choix des examens complémentaires : la scintigraphie osseuse est le premier examen à proposer si les radios sont négatives. Elle permet de confirmer ou non l’origine osseuse des douleurs et leur topographie. Son analyse, lorsqu’elmars 2009 page 119 le est positive, permet de cerner la cause des douleurs et reste déterminante dans le choix d’éventuels examens supplémentaires. Si les radios sont positives, la scintigraphie osseuse reste une alternative non négligeable à l’IRM ; l’IRM n’est à envisager en première intention qu’en présence de signes neurologiques. Sinon, elle succède à la scintigraphie. Elle analyse l’axe médullaire, les structures osseuses, les parties molles (disque vertébral, structures attenantes aux corps vertébraux…) ; le scanner, examen irradiant et difficile à réaliser chez le petit enfant, n’est prescrit en général que dans le cadre d’un bilan pré-opératoire ; cependant il est parfois demandé pour affiner un diagnostic (ostéome ostéoïde) et dans l’évaluation des tumeurs osseuses suspectes de malignité. D’autres examens très spécialisés sont encore possibles : leur indication relève de cas très particuliers. Une hiérarchie bien conduite du choix de ces examens évite « d’aller à la pêche diagnostique », attitude peu recommandée. ÉTIOLOGIES Trois groupes peuvent être individualisés : une pathologie exhaustive plus ou moins sévère, pouvant frapper à tout Médecine & enfance Syndrome rachidien La raideur considérable et invincible du rachis rend impossible l’enroulement physiologique. Elle témoigne d’une lésion sous-jacente souvent sévère. Lombalgie posturale A gauche, en position naturelle, il existe un effondrement anormal du rachis. A droite : position correcte. Les causes sont multiples : insuffisance musculaire, laxisme personnel, image de l’adolescence mal intégrée, parfois attitude familiale… La prise en charge est complexe, au mieux pluridisciplinaire (chirurgien, kinésithérapeute, médecin référent, familial, scolaire et parfois psychologue). Ostéoblastome dorsal La scintigraphie est l’examen d’orientation topographique et diagnostique de choix. Elle montre ici l’hyperfixation d’un ostéoblastome dorsal qui n’avait pas été vu sur la radiographie standard. Spondylolyse La spondylolyse est la cause la plus fréquente des lombalgies de l’adolescent. Elle se révèle soit de manière insidieuse, soit de façon aiguë. Elle nécessite une surveillance jusqu’à l’âge adulte, de crainte d’un glissement progressif (spondylolisthésis). Hémisacralisation Cette hémisacralisation peut être source de lombalgies, soit par conflit transverso-sacré, soit par dysfonctionnement discal. Suspectée sur des radios de rachis lombaire de face, elle est analysée plus finement par une radio centrée comme ici sur la charnière lombosacrée. mars 2009 page 120 Médecine & enfance Tableau I Etiologies communes du nourrisson à l’adolescent Tableau II Etiologies propres à l’adolescent Infectieuses : spondylodiscites mal de Pott Tumorales : osseuses : neurologiques : – tumorales bénignes ou malignes – métastases vertébrales – médullaires bénignes ou malignes – radiculaires bénignes ou malignes Traumatiques : accidentelles fragilité osseuse : – constitutionnelle (ostéogenèse imparfaite) – acquise (corticoïdes, ostéoporose) Hématologiques : leucoses drépanocytose homozygote âge, du nouveau-né au grand adolescent (tableau I) ; une pathologie plus spécifique de Lombalgies : spondylolyse avec ou sans spondylolisthésis autre malformation lombosacrée hernie discale ou avulsion du listel marginal inégalité de longueur des membres inférieurs lombalgies posturales inadaptées, hyperlordose constitutionnelle, enfant peu musclé et non sportif, excès pondéral… Un diagnostic ayant été porté au terme d’examens adaptés, reste alors à traiter le patient. Cette prise en charge thérapeutique, souvent difficile, dépend de l’étiologie, de l’enfant lui-même et de son entourage familial. Références Dorsalgies : Scheuermann l’adolescence : lombalgies et dorsalgies de Scheuermann (tableau II) ; une pathologie bénigne, mais parfois très gênante : les « petits dérangements rachidiens ». Il peut s’agir d’une simple gêne, de doléance par mimétisme, d’une impérieuse nécessité de « faire craquer » son dos. Les douleurs ne sont pas intenses, elles sont anciennes, ne présentent aucune aggravation récente. Surtout, les examens clinique et radiologique sont strictement normaux. Souvent, des facteurs favorisants sont retrouvés : mauvaise tenue, cartable lourd et mal porté, activités sportives FAURÉ C. : « Approche diagnostique d’une lésion osseuse solitaire », in LASCOMBES P., LEFORT G. : Les tumeurs osseuses bénignes de l’enfant, monographie du GEOP, Sauramps Médical, 1996 ; p. 221-30. WIOLAND M. : « La scintigraphie osseuse dans les tumeurs osseuses bénignes », in LASCOMBES P., LEFORT G. : Les tumeurs osseuses bénignes de l’enfant, monographie du GEOP, Sauramps Médical, 1996 ; p. 239-42. PENNEÇOT G.F., MAZDA K. : « Le dos douloureux de l’enfant », in BOURRILLON A. : Pédiatrie pour le praticien, Masson, 2003 ; p. 168-70. CHAUMIEN J.P. : « Pathologie rachidienne », in PRIEUR A.M. : Rhumatologie pédiatrique, Médecine-Sciences Flammarion, 1999 ; p. 375-91. MALLET J.F., RIGAULT P., PADOVANI J.P. : « Les cyphoses par spondylodiscite grave du nourrisson et du jeune enfant », Rev. Chir. Orthop. Répar. Appar. Mot., 1984 ; 70 : 68-73. BOLLINI G., JOUVE J.L., PANUEL M., DICK R., RAMBAUD M. et al. : « Spondylodiscites non tuberculeuses de l’enfant », in BOLLINI G. : Chirurgie et orthopédie du rachis, Monographie du GEOP, Sauramps Médical, 1989 ; p. 273-86. 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