La Lettre du Sénologue - n ° 39 - janvier-février-mars 2008
Dossier
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Hormonothérapie néoadjuvante et cancer du sein :
le point de vue de l’oncologue médical
Neoadjuvant hormonotherapy and breast cancer: the point of view of the oncologist
IP O. Capitain*
Les chimiothérapies sont soumises à des mécanismes de
résistance intrinsèques ou acquises (résistance multi-
drogues) et induisent des effets secondaires non négli-
geables, voire mortels. Les patientes porteuses d’un cancer du
sein RH+ ont un meilleur pronostic, mais répondent poten-
tiellement moins bien à un traitement cytotoxique (y compris
néoadjuvant). Autant de raisons d’envisager la place de l’hor-
monothérapie en situation d’induction, notamment chez les
sujets âgés ou les patientes en postménopause, situation où
justement l’incidence des néoplasies hormonosensibles est
plus importante.
Dans ces derniers cas, les taux observés de réponse objective
en cas d’hormonothérapie sont loin d’être ridicules en com-
paraison à un traitement plus “agressif” de chimiothérapie
classique. Ainsi le tamoxifène, en simple monothérapie, per-
met d’obtenir des taux de réponse complète clinique de près
de 34 % après au moins 3 mois d’utilisation (1). Le tamoxifène
pourrait cependant être moins efficace, voire délétère en cas
de surexpression des récepteurs cerbB2 (2) [par un mécanis-
me complexe de rétro- et/ou de controrégulation].
L’efficacité des antiaromatases semble au contraire indépen-
dante de ce statut et le létrozole a démontré, dans une étude de
phase III (2001), sa supériorité dans cette indication (55 versus
36 % de réponse clinique, un taux plus important de régres-
sions évaluées par mammographie ou par échographie, et des
taux de conservation mammaire également plus importants,
45 versus 35 %, p = 0,022) [2].
Des résultats similaires dans des études de phase II ont été
rapportés avec l’anastrozole (74 % de réponse clinique objec-
tive) [3], et l’exémestane (85,5 %) [4]. Il est d’ailleurs intéressant
de noter que ces études, en situation néoadjuvante, ont été dé-
butées et réalisées avant même l’obtention d’une AMM pour
ces molécules en situation adjuvante.
D’autres études de phase III sont actuellement en cours pour la
monothérapie, mais des résultats préliminaires intéressants ont
été également rapportés (études de faisabilité) en association exé-
mestane/épirubicine et exémestane/docétaxel, entre autres (5).
Finalement, l’hormonothérapie néoadjuvante, qui n’est pour
l’heure pas un standard, bien que couramment utilisée, repré-
sente une voie prometteuse offrant de nouvelles possibilités
thérapeutiques efficaces dans des situations ciblées : patientes
âgées, tumeurs de bas grade (I, voire II) ou d’évolution lente,
lobulaires (classiquement moins chimiosensibles). Plusieurs
* Centre régional de lutte contre le cancer Paul-Papin, 3, rue Moll, 49100 Angers.
questions restent néanmoins en suspend : un index de prolifé-
ration élevé est-il une contre-indication au traitement ? Quelle
est la durée optimale : 3 mois ou plus ? Les réponses observées
au-delà semblent moins évidentes (< 15 %). Quelle classification
histologique utilisée ? Les mécanismes d’action de l’hormonothé-
rapie, “temps-dépendant”, obligent en effet à réévaluer les critères
(notamment de nécrose) anatomopathologiques vers de nouvel-
les descriptions lésionnelles plus adaptées. Enfin, quelle hormo-
nothérapie poursuivre en situation adjuvante ?
Contrairement aux chimiothérapies néoadjuvantes, il man-
que encore à l’hormonothérapie de faire la preuve scientifique
du non-effet délétère – induit probablement par le retard au
traitement locorégional – sur la survie globale des patientes.
Des résultats préliminaires tendent à le prouver, mais le recul
reste insuffisant. C’est à ce prix que cette thérapie aura sa place
reconnue (et avec les AMM) dans cette indication. Dans l’at-
tente, la participation aux essais cliniques évaluant cette pro-
blématique est à encourager.
CONCLUSION
L’hormonothérapie est une possibilité de traitement qui appa-
raît tout à fait séduisante, notamment chez des patientes sé-
lectionnées (RH surexprimés, faible grade, postménopause),
mais qui doit encore faire la preuve scientifique de la non
perte de chance liée au retard à la réalisation de la chirurgie,
pour devenir un standard dans cette indication. n
RéféRences bibliogRaphiques
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