Dossier D ossier Hormonothérapie néoadjuvante et cancer du sein : le point de vue de l’oncologue médical Neoadjuvant hormonotherapy and breast cancer: the point of view of the oncologist IP O. Capitain* L es chimiothérapies sont soumises à des mécanismes de résistance intrinsèques ou acquises (résistance multidrogues) et induisent des effets secondaires non négligeables, voire mortels. Les patientes porteuses d’un cancer du sein RH+ ont un meilleur pronostic, mais répondent potentiellement moins bien à un traitement cytotoxique (y compris néoadjuvant). Autant de raisons d’envisager la place de l’hormonothérapie en situation d’induction, notamment chez les sujets âgés ou les patientes en postménopause, situation où justement l’incidence des néoplasies hormonosensibles est plus importante. Dans ces derniers cas, les taux observés de réponse objective en cas d’hormonothérapie sont loin d’être ridicules en comparaison à un traitement plus “agressif” de chimiothérapie classique. Ainsi le tamoxifène, en simple monothérapie, permet d’obtenir des taux de réponse complète clinique de près de 34 % après au moins 3 mois d’utilisation (1). Le tamoxifène pourrait cependant être moins efficace, voire délétère en cas de surexpression des récepteurs cerbB2 (2) [par un mécanisme complexe de rétro- et/ou de controrégulation]. L’efficacité des antiaromatases semble au contraire indépendante de ce statut et le létrozole a démontré, dans une étude de phase III (2001), sa supériorité dans cette indication (55 versus 36 % de réponse clinique, un taux plus important de régressions évaluées par mammographie ou par échographie, et des taux de conservation mammaire également plus importants, 45 versus 35 %, p = 0,022) [2]. Des résultats similaires dans des études de phase II ont été rapportés avec l’anastrozole (74 % de réponse clinique objective) [3], et l’exémestane (85,5 %) [4]. Il est d’ailleurs intéressant de noter que ces études, en situation néoadjuvante, ont été débutées et réalisées avant même l’obtention d’une AMM pour ces molécules en situation adjuvante. D’autres études de phase III sont actuellement en cours pour la monothérapie, mais des résultats préliminaires intéressants ont été également rapportés (études de faisabilité) en association exémestane/épirubicine et exémestane/docétaxel, entre autres (5). Finalement, l’hormonothérapie néoadjuvante, qui n’est pour l’heure pas un standard, bien que couramment utilisée, représente une voie prometteuse offrant de nouvelles possibilités thérapeutiques efficaces dans des situations ciblées : patientes âgées, tumeurs de bas grade (I, voire II) ou d’évolution lente, lobulaires (classiquement moins chimiosensibles). Plusieurs * Centre régional de lutte contre le cancer Paul-Papin, 3, rue Moll, 49100 Angers. 12 questions restent néanmoins en suspend : un index de prolifération élevé est-il une contre-indication au traitement ? Quelle est la durée optimale : 3 mois ou plus ? Les réponses observées au-delà semblent moins évidentes (< 15 %). Quelle classification histologique utilisée ? Les mécanismes d’action de l’hormonothérapie, “temps-dépendant”, obligent en effet à réévaluer les critères (notamment de nécrose) anatomopathologiques vers de nouvelles descriptions lésionnelles plus adaptées. Enfin, quelle hormonothérapie poursuivre en situation adjuvante ? Contrairement aux chimiothérapies néoadjuvantes, il manque encore à l’hormonothérapie de faire la preuve scientifique du non-effet délétère – induit probablement par le retard au traitement locorégional – sur la survie globale des patientes. Des résultats préliminaires tendent à le prouver, mais le recul reste insuffisant. C’est à ce prix que cette thérapie aura sa place reconnue (et avec les AMM) dans cette indication. Dans l’attente, la participation aux essais cliniques évaluant cette problématique est à encourager. Conclusion L’hormonothérapie est une possibilité de traitement qui apparaît tout à fait séduisante, notamment chez des patientes sélectionnées (RH surexprimés, faible grade, postménopause), mais qui doit encore faire la preuve scientifique de la non perte de chance liée au retard à la réalisation de la chirurgie, n pour devenir un standard dans cette indication. Références bibliographiques 1. Horobin JM, Preece PE, Dewar JA et al. Long-term follow-up of elderly patients with locoregional breast cancer treated with tamoxifen only. Br J Surg 1991;78:213-7. 2. Ellis MJ, Coop A, Singh B et al. Letrozole is more effective neoadjuvant endocrine therapy than tamoxifen for ErbB-1 and/or ErbB-2 positive, estrogen receptor-positive primary breast cancer: evidence from a phase III randomized trial. J Clin Oncol 2001;19:3808-16. 3. Milla-Santos A, Milla L, Rallo L et al. Anastrozole as neoadjuvant therapy for hormone-dependent locally advanced breast cancer in postmenopausal patients. ProASCO 2002:abst.156. 4. Dixon JM, Anderson T et al. Phase 2 study of neoadjuvant exemestane in locally breast cancer. Proc Am Soc Clin Oncol 2001: abst.1908. 5. Lichtenegger W, Hackl W, Huettner C et al. Exemestane combined with weekly docetaxel as pre-operative treatment for breast cancer. Proc Am Soc Clin Oncol 2001:abst.1832. La Lettre du Sénologue - n ° 39 - janvier-février-mars 2008