32 | La Lettre du Sénologue • n° 48 - avril-mai-juin 2010
San Antonio Breast Cancer Symposium 2009
DOSSIER THÉMaTIQUE
L’observance de l’hormonothérapie
est-elle si mauvaise
chez les Françaises ?
Is hormonotherapy compliance so bad among French women?
E. Brain*
Fréquemment retrouvé dans la littérature mais
souvent oublié dans l’interprétation de nos
grandes études cliniques, le taux de non-obser-
vance de l’hormonothérapie est de l’ordre de 20 %
et peut aller jusqu’à 40 % après 1 à 3 ans de suivi. Il
dépend de sa définition (interruption, prise irrégulière,
etc.) et du seuil de prise en compte.
Chan et al. ont rapporté l’étude de 5 000 patientes
canadiennes traitées en Colombie-Britannique par
hormonothérapie adjuvante entre 2005 et 2008
et pour 50% desquelles les données de contrôle de
prescription étaient disponibles. Pour parler d’ob-
servance imparfaite ou satisfaisante, les auteurs ont
considéré un seuil de séparation à 80 % du traite-
ment planifié. Les résultats de cette étude diffèrent
peu de ce qui est déjà connu, avec un taux global de
non-observance de 40 %. Le distinguo entre tamoxi-
fène et antiaromatase n’est pas patent (42 % et 37 %
respectivement) et rejoint les données variables qui
jalonnent les publications, sans nuance par rapport
au prescripteur (oncologue médical ou radiothéra-
peute). Par ailleurs, les interruptions de traitement
sont plus fréquentes chez les patients plus âgés ayant
des petites tumeurs au profil volontiers “luminal”. Ces
résultats rappellent au médecin que la vigilance dans
le choix de sa prescription est indispensable et que le
traitement doit être en adéquation avec un pronostic
favorable et optimal. Ils permettent de souligner aussi
l’importance de l’écoute en ce qui concerne les effets
indésirables, pour un traitement jugé , en “raccourci”,
simple et quasi anodin comparé à la chimiothérapie
et aux autres traitements systémiques.
Cela doit nous rendre plus attentifs aux différents
spectres des effets indésirables, bien souvent à
peine évoqués lors de nos consultations dites “de
surveillance”. Le manque de temps nous rend moins
réceptifs et lorsque nous ne ménageons pas un espace
d’échange suffisant, les patientes n’abordent pas le
problème des effets indésirables. Puisque l’enjeu n’est
pas celui de la survie globale, on devrait savoir plus faci-
lement modifier le traitement (switch) en s’adaptant
à la qualité de vie des patientes, lorsque les mesures
symptomatiques sont insuffisantes pour contrôler les
effets indésirables, et ce d’autant plus que ces effets
indésirables ne sont pas confirmés comme un élément
pharmacodynamique positif d’efficacité.
Il faut le rappeler, la qualité de vie passe par une
bonne relation médecin-patient. Et une meilleure
qualité de vie est un enjeu majeur pour améliorer
l’observance d’un traitement. En cela, les patientes
françaises ne sont certainement pas plus silencieuses
que celles d’outre-Atlantique, francophones ou non.
Les antiangiogéniques :
des oscillations du bévacizumab
aux inhibiteurs de tyrosine kinase
L’anticorps monoclonal bévacizumab poursuit sa trace
de la première ligne métastatique (étude AVADO) à la
seconde ligne métastatique (étude RIBBON 2), avec un
bénéfice absolu de 2 à 3 mois sur la médiane de survie
sans progression, mais toujours aussi peu d’impact sur
la survie globale. Par ailleurs, les effets indésirables
(diarrhées, syndrome mains/pieds, etc.) sont difficiles
à gérer ou à justifier avec les différents inhibiteurs de
la tyrosine kinase proposés en alternative, malgré un
point modeste significatif acquis pour le sorafénib.
Tout cela souligne surtout notre méconnaissance des
facteurs prédictifs de réponse à cette approche “ciblée”
associée à la chimiothérapie classique. La poursuite des
travaux permettra de mieux sélectionner les situations
cliniques et les phénotypes idoines, plutôt que de céder
à une utilisation large, sans nuance et un peu para-
doxale dans un élan moderne annoncé et ambitieux
de la médecine personnalisée. ■
* Institut Curie (hôpital René-
Huguenin), Saint-Cloud.