LE CANCER DU SEIN CHEZ L’HOMME A propos de 26 cas S. BERRADA*, B. ESSADKI*, K. ABOULHASSAN*, N.O. ZEROUALI** RESUME MATERIEL D’ETUDE Les auteurs rapportent une série de 26 cas de cancer du sein chez l’homme colligés durant une période de 13 ans allant de 1976 à 1988. L’âge des patients variait de 30 à 85 ans avec une moyenne de 64 ans. Il s’agissait dans tous les cas d’un nodule rétro m a m e l o n n a i re, mobile dans 10 cas et modifications cutanées en regard dans 13 cas (50 %). Notre série concerne 26 patients colligés durant une période de 13 ans allant de 1976 à 1988. L’âge de nos patients était compris entre 30 et 85 ans, avec une moyenne de 64 ans. Le délai entre le premier signe clinique et la première consultation était de 12 mois en moyenne, et variait entre 3 mois et 36 mois. Dans tous les cas, il s’agissait d’un nodule rétromamelonnaire, isolé et mobile dans 10 cas, accompagné d’un aspect de peau d’orange dans 4 cas, d’ulcération cutanée dans 8 cas, et de nodules de perméation dans 1 cas. La taille de la tumeur était comprise entre 2 et 14 centimètres (cm), avec une moyenne de 6 cm : elle était de 2 cm dans 1 cas, entre 2 et 5 cm dans 16 cas, et supérieure à 5 cm dans 9 cas. Sur le plan ganglionnaire, 16 patients se sont présentés initialement avec des adénopathies cliniquement palpables. Elles étaient axillaires homolatérales mobiles dans 6 cas, fixées dans 8 cas, sus claviculaires dans 2 cas avec une adénopathie axillaire controlatérale suspecte dans 1 cas (voir Tableau I). Le bilan d’extension initial comprenait systématiquement une radiographie pulmonaire, une échographie hépatique, et une radiographie du squelette osseux en fonction des signes cliniques. Il a permis de déceler deux cas de métastases pulmonaires, et un cas de métastase osseuse rachidienne au niveau de la cinquième vertèbre lombaire. Chez tous nos malades, il s’agissait d’un adénocarcinome mammaire infiltrant. Le type galactophorique était retrouvé 20 fois (77 %) (Voir Tableau II). L’étude histologique des ganglions était pratiqué chez 15 malades ayant subi une mastectomie radicale. L’ e n v a hissement ganglionnaire métastatique était retrouvé dans 7 cas (46 %). La taille de la tumeur était comprise entre 2 et 14 centimètres avec une moyenne de 6 centimètres. Seize patients avaient présenté initialement des adénopathies cliniquement palpables. Le bilan d’extension initial avait permis de mettre en évidence deux métastases pulmonaires, et une métastase osseuse. Un patient était classé en stade I, 9 patients en stade II, 3 patients en stade III, et 13 patients en stade IV. L’adén o c a rc i n o m e galactopharique était re t rouvé dans 20 cas (77 %). La chirurgie radicale était pratiquée 15 fois (11 Patey, 4 Halsted), suivie d’une radiothérapie post opératoire. L’hormonothérapie était pratiquée dans 6 cas. 18 malades ont été suivis pendant une durée allant de 8 mois à 6 ans. Sur 5 ans, 7 patients étaient encore en vie (27 %), dont 1 patient stade I, 5 patients stade II, et 1 patient stade III. La présence de récepteurs hormonaux au niveau de la tumeur du sein chez l’homme suscite l’intérêt du traitement hormonal. INTRODUCTION Le sein de l’homme est un organe vestigial, il est rarement le siège de lésions malignes. Le cancer du sein chez l’homme représente seulement 1 % des cancers masculins, et 1 à 2 % de tous les cancers du sein (2, 3). A travers ce travail rétrospectif, nous rapportons notre expérience concernant 26 cas de cancers du sein masculin. Vingt trois patients avaient bénéficié d’un traitement chirurgical dont 15 mastectomies radicales (11 Patey et 4 Halsted) et 8 mastectomies simples de “propreté”. Trois * Service de chirurgie générale, Aile I. ** Service des Urgences Viscérales - C.H.U. Ibn-Rochd, Casablanca, Maroc Tirés à part : S. BERRADA, 34 Bd. Zerktouni, Appt. 20, Casablanca, Maroc. RESULTATS Médecine du Maghreb 1992 n°33 S. BERRADA, B. ESSADKI, K. ABOULHASSAN, N.O. ZEROUALI 10 patients n’étaient pas opérés du fait de l’existence de métastases et du mauvais état général. La radiothérapie post opératoire sur la paroi thoracique et les gîtes ganglionnaires a été pratiquée dans 16 cas pour les tumeurs envahissant la peau ou les muscles, et pour les envahissements ganglionnaires. Six patients avaient bénéficié d’une hormonothérapie type tamoxifène, comme traitement adjuvant après mastectomie de “propreté” dans 3 cas, pour des métastases pulmonaires dans 2 cas, et pour des métastases osseuses dans 1 cas. Sur 18 patients suivis régulièrement pendant une durée allant de 8 mois à 6 ans, la survie globale était en moyenne de 27 mois. Sur 8 ans, 7 patients était encore en vie (27 %), dont 1 cas stade I, 5 cas stade II et 1 cas stade III. naux au niveau de la tumeur, ce qui parait être constant chez l’homme (6). Cette hormonothérapie peut être associée au traitement locorégional, même aux stades précoces (1). Quant à la chimiothérapie, elle n’a pas connue le même succès que chez la femme (4). Le pronostic du cancer du sein chez l’homme avait acquis une réputation de plus grande gravité. En effet il voisine celui de la femme en position centrale (1). Cette localisation permet une dissémination lymphatique dans toutes les directions et surtout vers la chaîne mammaire interne. La survie à 5 ans est évalué à 80 % pour le stade I, 67 % pour le stade II, 25 % pour le stade III, et 0 % pour le stade IV (5). Tableau I : Répartition des patients selon les stades et selon la classification T.N.M. DISCUSSION Le cancer du sein chez l’homme survient plus tardivement que celui de la femme, avec une moyenne de 66 ans (5). Le délai entre le premier signe clinique et la première consultation est souvent plus long. Du fait de la petite taille du tissu mammaire, il s’agit souvent d’un nodule rétromamelonnaire, avec fréquemment une atteinte cutanée sous forme de peau d’orange ou d’ulcérations (5), ce qui était le cas pour notre série (50 %). Les adénopathies satellites sont présentes dans environ 50 % des cas (3). Le carcinome galactophorique infiltrant constitue 75 à 85 % des cas (2). Pour notre part nous l’avions trouvé dans 20 cas (77 %). Le traitement du cancer du sein chez l’homme a bénéficié du progrès réalisé dans le domaine du traitement du cancer du sein chez la femme. Il est avant tout chirurgical (2), et vise l’ablation complète de la tumeur avec curage ganglionnaire axillaire (Patey, Halsted), suivi d’une radiothérapie post-opératoire (axillaire, sus claviculaire, chaîne mammaire interne et paroi thoracique). Le traitement systémique fait appel surtout à l’hormonothérapie qui est administrée après la mise en évidence des récepteurs hormo- Stade T.N.M. Nombre de cas % I TI No Mo 01 3,9 II T2 No Mo 09 34,6 III T3 N1 Mo T3 N2 Mo T4 N1 Mo T4 N2 M0 02 01 04 05 11,5 IV T4 N2 M1 T4 N3 M1 02 02 50 Tableau II : Répartition en fonction du type histologique Type histologique Carcinome infiltrant . Galactophorique . Trabéculaire . Papillaire . Colloïde Nombre de cas % 26 20 03 02 01 100 77 11,5 7,6 3,8 BIBLIOGRAPHIE 1 - ABBES M.-NAMER M.-FENICHEL P.-ALFONSI J.P. A propos de 32 cancers du sein chez l’homme. Rev. Franc. Gynéc., 1980, 75, 6 : 297-300. 2 - ALLAIN Y.M.-MERMOD B.-MALKANI K. Breast cancer in men. J. Eur. Radiother., 1988, 9, 3 : 115-120. 3 - JUNG F.-PREVOST P.-SIBILLY A. Le cancer du sein chez l’homme. J. Méd. Strasbourg, 1982, 13 (2) : 113116. Médecine du Maghreb 1992 n°33 4 - HUDSON M.J.K.-SMART C.J. Carcinoma of the male breast. Brit. J. Surg., 1974, 61, 6 : 440-444. 5 - QURIEL K.-LOTZE M.T.-HINSHAW J.R. Prognostic factors of carcinoma of the male breast. Surg. Gynecol. Obstet, 1984, 159 : 373-376. 6 - PATEL J.K.-NEMOTO T.-DAO T.L. Metastatic breast cancer in males. Assessement of endocrine therapy. Cancer 1984, 53 : 1344-1346.