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2001-2003
Quoi de neuf
en chirurgie ?
● S. Giard (Département de sénologie, centre Oscar-Lambret, Lille)
D’abord et toujours, le ganglion sentinelle (GS)
La révolution (oui, oui, certains disent que c’est un pas aussi
grand que l’arrivée de la chirurgie conservatrice), la révolution,
donc, instaurée par Giuliano au début des années 90 est en marche.
Le grand problème, actuellement, est celui de la diffusion de la
technique. À partir de quand va-t-on reconnaître comme standard
une technique ? Entre les partisans du curage-geste thérapeutique,
qui veulent attendre les résultats des essais en cours (2005 pour
les optimistes…), et les autres, qui pensent que la possibilité de
limiter la morbidité aux femmes N– ne doit pas attendre, la
bataille fait rage. Les consensus, recommandations et autres guidelines commencent donc à fleurir.
En 2001, des experts de toutes nationalités se sont réunis à
Philadelphie pour une “conférence de consensus”, en fait l’avis
d’un panel d’experts (Schwartz et al. Cancer 2002 ; 94 : 254251). Ils ont conclu à la faisabilité de la technique du ganglion
sentinelle pour la classification et le diagnostic de métastases
ganglionnaires axillaires dans les cancers du sein T1, T2, N0.
Ils ont recommandé la pratique de la technique de détection
combinée (isotope + colorant), mais n’ont pu proposer de
standard pour les modalités techniques (sites d’injection…). Ils
ont souligné la necessité d’un apprentissage de l’ensemble de
l’équipe (chirurgiens, médecins nucléaires, pathologistes), matérialisé par la réalisation d’une phase initiale de procédures GS
systématiquement suivies d’un curage axillaire avec enregistrement des données pour obtenir un taux de détection d’au
moins 95 % et un taux de faux négatifs inférieur à 5 % ; le
nombre de procédures est donné à titre indicatif : 20 à 30, avec
un nombre suffisant (mais non précisé) de N+ pour calculer le
taux de faux négatifs. Ils ont également insisté sur la nécessité
d’un entretien par la pratique “fréquente” (là encore non chiffrée)
de ce type de chirurgie. Ils ont rappelé les contre-indications de
la procédure GS : N1, chimiothérapie préopératoire, allergie au
bleu ou aux colloïdes, grossesse, chirurgie axillaire antérieure.
Ne sont pas des contre-indications : une chirurgie récente sur le
sein, un cancer multifocal mais limité à un quadrant. L’utilité du
GS dans les cancers du sein in situ, notamment de grande taille,
reste à préciser. Enfin, pour l’examen anatomopathologique du
GS, l’étude immunohistochimique n’est pas recommandée en
routine. La définition des micrométastases entre 2 et 0,2 mm est,
à ce propos, reprécisée (cf. nouvelle classification UICC).
La Lettre du Sénologue - n° 19 - janvier/février/mars 2003
Aux États-Unis sont parues les recommandations de l’American Society of Breast Surgeons (Laurel. ASBS 2001) :
– nécessité d’un niveau d’expérience suffisant pour valider la
technique (10 procédures pour un taux de détection supérieur
à 85 %, au moins 20 procédures GS + curage pour un taux de
faux négatifs inférieur à 5 %) ;
– contre-indications à la technique : N1, tumeur multifocale,
chimiothérapie ou irradiation antérieure pour cancer du sein,
traitement chirurgical antérieur du sein ou de l’aisselle ;
– recommandation d’un suivi des patientes qui auront eu un
ganglion sentinelle sans curage.
Au Canada sont parues les recommandations du Steering Committee on Clinical Practice Guidelines for the Care and Treatment of Breast Cancer (Can Med Assoc J 2001 ; 165 : 166-73) :
– toujours l’apprentissage avec 30 procédures GS systématiquement suivies de curage pour un taux de détection au moins
égal à 85 % et un taux de faux négatifs au plus égal à 5 %, 10 de
ces cas devant être N+ ;
– toujours une technique réservée aux chirurgiens pratiquant
fréquemment la chirurgie du sein ;
– les contre-indications sont : N1, cancer localement évolué,
cancer multifocal, chirurgie ou irradiation antérieure du sein ;
– nécessité d’une information précise des patientes sur les bénéfices, risques et inconnues actuelles de la technique, le nombre
de procédures effectuées par le chirurgien, son taux de détection
et son taux de faux négatifs ;
– le traitement adjuvant est toujours défini en fonction de l’étude
histologique standard des ganglions (et non de l’immunohistochimie).
En France, rappelons d’abord que les Standards Options
Recommandations sur le cancer du sein non métastatique “ne
recommandaient pas la technique du GS en pratique courante”
dans leur édition de 2001.
L’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé a
fait paraître, en janvier 2003 (www.anaes.fr), un “rapport d’étape
sur la technique du GS dans le cancer du sein” qui a pour objectif
un état des lieux (avis d’experts et revue de la bibliographie),
mais qui ne se veut pas un ensemble de recommandations.
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Les auteurs soulignent l’absence de standardisation de la technique (caractéristiques du traceur, site d’injection, délai injection-intervention, nécessité ou non d’une lymphoscintigraphie),
mais poussent à l’utilisation de la technique combinée, isotope
et colorant, pour un meilleur confort et une plus grande facilité
dans la réalisation du geste.
L’apprentissage (20 cas non selectionnés) apparaît, encore et
toujours, comme incontournable ; l’arrêt du curage systématique
ne pouvant (ne pourrait ?) s’envisager qu’après une période de
validation permettant d’obtenir un taux de détection (on dit
maintenant taux d’identification) au moins égal à 85-90 %, avec
un taux de faux négatifs au plus égal à 5 % (avec un nombre de
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cas N+ suffisant pour calculer le taux de faux négatifs : 30 à
40 cas ?), et une pratique suffisante de la chirurgie du sein.
Alors, quid, actuellement, de la technique du ganglion sentinelle ? Ce n’est certes pas encore le standard pour la prise en
charge de l’évaluation ganglionnaire du cancer du sein. Cette
technique, si elle est faite, doit l’être après un apprentissage
documenté, par des mains expertes, rompues à ce type de chirurgie, dans le respect des contre-indications… notions révolutionnaires en chirurgie, non ? Voire même dans toute pratique
thérapeutique ! La grande nouveauté est surtout, pour cette procédure, la facilité de l’évaluation de l’apprentissage.
Vingt ans après…
Dans l0e New England Journal of Medicine d’octobre 2002, Veronesi et Fisher publient les résultats à 20 ans de leurs essais randomisés comparant traitement conservateur et mastectomie totale.
Ouf, les résultats restent comparables en termes de survie : pour
Veronesi (mastectomie de type Halstedt versus quadrantectomie
+ radiothérapie), pas de différence significative pour la survie
globale (58,8 % versus 58,3 %), la survie spécifique (décès par
cancer du sein 24,3 % versus 26,1 %), le taux de métastases à
distance, le risque de cancer controlatéral ou de 2e cancer, mais
un taux significativement plus élevé de récidives locales dans le
bras conservateur (8,8 % versus 2,3 %). Chez Fisher (essai
NSABP B06), la mastectomie était comparée à la chirurgie
conservatrice seule (lumpectomy) et au traitement conservateur
radiochirurgical. Là aussi, pas de différence significative sur la
survie globale, la survie sans récidive, la survie sans métastase.
Entre chirurgie conservatrice seule et chirurgie conservatrice
avec radiothérapie, une différence significative est observée sur
le taux de récidives locales : 39,2 % versus 14,3 %.
Rien de bien neuf, peut-être, mais cela rassure toujours, et il
n’est pas inutile de rappeler de grands principes de temps en
temps (N Engl J Med 2002 ; 347 : 1227-41).
La chirurgie du sein du troisième millénaire
J.Y. Petit l’a inventée, Audretsch lui a donné un nom,
K.B. Clough la théorise : c’est l’oncoplastie mammaire. Rappelons qu’il s’agit de l’utilisation de techniques empruntées à la chirurgie plastique pour élargir les indications du traitement
conservateur au cas où la chirurgie conservatrice “simple” serait
responsable de mauvais résultats esthétiques. Ces techniques
concernent, bien sûr, les “mauvaises” localisations, centrales et
inférieures, mais peuvent également s’adresser à des tumeurs de
taille importante (rappelons que 3 essais randomisés – essai
danois, EORTC et NCI –, ont validé, en termes de survie, le traitement conservateur par rapport à la mastectomie totale pour des
tumeurs allant jusqu’à 5 cm). À lire : les derniers articles parus
sur ces techniques avec des résultats rassurants, y compris et
surtout sur le plan carcinologique (Clough KB. Ann Surg 2003 ;
10
237 : 26-34 ; Petit JY. Tumori 2002 ; 88 : 41-7). Rançon du succès, le terme d’oncoplastie mammaire tend maintenant à recouvrir l’ensemble de la chirurgie du sein, depuis la chirurgie
conservatrice simple et son souci d’incisions esthétiques jusqu’à
la reconstruction mammaire immédiate, dont les indications
s’élargissent. Cet usage un peu galvaudé a au moins le mérite de
souligner le souci esthétique que doit comporter un “bon” traitement chirurgical du sein, sans, bien sûr, négliger les principes
cancérologiques. La chirurgie du sein s’individualise de plus en
plus et fera à plus ou moins long terme poser le problème de la
formation : oncologue chirurgical à compétence plastique ou
plasticien à compétence oncologique, deux spécialités en une ou
un individu à double casquette ? Le débat s’ouvrira tôt ou tard
avec l’évolution de l’hyperspécialisation chirurgicale.
La Lettre du Sénologue - n° 19 - janvier/février/mars 2003
Chirurgiens du sein, ne nous jetons plus
sur toute boule dans le sein !
Les stratégies diagnostiques et thérapeutiques changent, le chirurgien n’est plus toujours le premier acteur de la prise en charge
du cancer du sein. En effet, sur le plan diagnostique, les techniques biopsiques percutanées permettent, sous contrôle mammographique ou échographique, de donner un nom aux anomalies mammaires, ce qui va permettre de réduire les interventions
pour lésions bénignes et d’informer les patientes en planifiant les
interventions pour les malignes ou frontières. Sur le plan théra-
peutique, la chimiothérapie première à visée de réduction doit
être proposée aux patientes comme alternative à la mastectomie
totale quand ce geste paraît être le seul techniquement possible
sur le plan local et qu’il est raisonnable d’espérer un résultat.
Alors, chirurgiens, réfléchissons avant d’agir, et vive la multidisciplinarité, tant avec les “imageurs” qu’avec les autres thérapeutes !
À lire absolument avant toute chirurgie
d’une lésion mammaire
L’ANAES fait paraître un guide sur la prise en charge chirurgicale des lésions mammaires (www.anaes.fr). Extrêmement complet, précis et bien documenté, il raconte, minute par minute, la
check-list d’une prise en charge de qualité, depuis le premier
coup de téléphone de la (future) patiente. À méditer pour notre
pratique, même si ces recommandations paraissent parfois un
peu trop “pompées” des guidelines britanniques et si certains
principes apparaissent un peu “ex abrupto” (ah, les délais !).
Les articles publiés dans “La Lettre du Sénologue”
le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés réservés pour tous pays.
© juin 1998 - ALJAC S.A. Locataire gérant de EDIMARK S.A. - Imprimé en France - JOUVE
Dépôt légal : à parution
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